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COURRIERE Henri [1] - Les communes et l’Etat dans l’arrière-pays niçois sous le Consulat et l’Empire. L’arrondissement de Puget-Théniers et le sous-préfet Jean Dominique Blanqui

 

Les périodes révolutionnaire et napoléonienne constituent, pour le pouvoir local, un moment de rupture et de mutation fondamental, caractérisé par un fort accroissement de la tutelle de l’Etat sur les communautés rurales et leurs notables [2]. Cette rupture est d’autant plus forte et plus visible dans le Comté de Nice qui, en 1792, change à la fois de souveraineté et de système politico-administratif. L’étude de la mise en place de l’administration napoléonienne et des réactions des communes de l’arrière-pays niçois à celle-ci permet alors de saisir la nature des relations entre les communes et l’Etat, ainsi que les stratégies déployées par les communautés rurales et par l’administration. Il s’agira par-là de mieux comprendre comment s’est déroulée l’expérience napoléonienne du Comté de Nice.

L’arrondissement de Puget-Théniers, sur lequel est centrée cette étude est composé de 41 communes, regroupées en sept cantons [3]. La commune de Puget-Théniers elle-même compte un peu plus d’un millier d’habitants. L’Etat napoléonien y est représenté par Jean Dominique BLANQUI, sous-préfet de l’an VIII jusqu’en 1814, date à laquelle le Comté de Nice retourne au royaume de Piémont-Sardaigne [4].

L’installation de BLANQUI à la sous-préfecture intervient dans un contexte difficile, dans la mesure où la période directoriale fut marquée, dans les Alpes-Maritimes, par une grave crise de l’administration qui permit aux communautés d’affirmer leur autonomie [5]. Ainsi, aux cas d’appel à l’Etat et de coopération avec l’administration, s’opposent les différentes formes de résistances développées par les communes et leurs notables. C’est face à ces diverse attitudes que l’administration, par la voix de Jean Dominique BLANQUI s’est efforcé de développer ses propres stratégies.

 


 

1. Appel à l’Etat et coopération avec l’administration

Les communes ne font appel à l’Etat que pour servir d’arbitre lors de conflits entre villages ou pour fournir une aide financière. Elles n’acceptent par ailleurs de coopérer avec l’administration que lorsque leurs intérêts concordent avec celle-ci.

 

A. L’Etat arbitre

La fonction d’arbitrage de l’Etat est d’abord sollicitée pour les problèmes de délimitation des territoires communaux. Ainsi, en 1807, la commune du Puget-Rostang s’adresse au sous-préfet pour réclamer le quartier Audier, que Puget-Théniers revendique également [6]. Le conflit est ancien, puisqu’en 1769, il avait déjà été fait appel à l’intendant, qui n’avait pris alors aucune décision. Pour appuyer ses prétentions, le maire de Puget-Rostang présente, selon le rapport du directeur des contributions, « un extrait informe, sans signature, d’un acte de reconnaissance des limites, qui aurait été fait en l’an 1462 par les deux respectives communes, rédigé en langue du pays à l’exception des premières lignes qui sont en latin ». Pour sa part, le maire de Puget-Théniers présente un acte d’encadastrement du territoire, daté de 1702. Le directeur des contributions donne raison à Puget-Théniers. Comme s’est souvent le cas [7], la commune Puget-Rostang essaie de tirer profit d’un changement de régime afin de remettre en cause une délimitation qui lui est défavorable. Il convient de noter que, pour sa part, l’administration préfère choisir une solution de continuité.

L’Etat est également sollicité pour trancher des affaires plus importantes, engageant plusieurs communes. Au cours de l’an IX, le sous-préfet doit ainsi arbitrer un conflit opposant Puget-Théniers à douze autres communes de la vallée [8], à propos du pont sur le Var de Puget-Théniers. Selon un « Mémoire pour les communes de Guillaumes, Entraunes, Saint-Martin, Villeneuve, Le Sauze et Daluis contre la commune de Puget-Théniers », daté du 5 Thermidor an IX, la querelle durerait depuis 150 ans, mais elle semble avant tout entrer dans le cadre de la vieille rivalité entre Puget-Théniers et Guillaumes. Selon ce mémoire, Puget-Théniers chercherait par tous les moyens à « faire contribuer les communes supérieures [c’est-à-dire en aval de Puget-Théniers] à la réparation et entretien d’un pont de bois construit sur le Var auprès du dit lieu ».

Dans sa « Réponse au mémoire des communes de Guillaume, Entraunes, Saint-Martin, Villeneuve, Chateauneuf, Sauze et Daluis », Puget-Théniers, pour sa part, se retranche derrière la décision de l’autorité supérieure : « L’affaire a été portée en temps et lieu devant un tribunal compétent et jugée d’après les principes de la justice, et les lois de l’Etat et renvoyée ensuite à la commune du dit Puget, pour la faire exécuter ». Cet argument semble avoir porté ses fruits, puisque c’est celui-ci que BLANQUI évoque lorsqu’il donne son avis au préfet.

Ces deux affaires, prises parmi d’autres, nous montrent tout d’abord la force de l’identité communale, cause et conséquence de ces conflits interminables caractéristiques des communes rurales jusqu’à la fin du XIXème siècle. Henri COSTAMAGNA a d’ailleurs souligné l’importance de l’« esprit de chicane » des communautés niçoises [9], qui cherchent ici à tirer profit des bouleversements de la Révolution pour remettre en cause des jugements passés qui leurs étaient défavorables. La seconde affaire est cependant plus originale, dans la mesure où elle oppose Puget-Théniers à une sorte de coalition de communes adverses, certainement dirigées par Guillaumes, rivale de Puget-Théniers pour le contrôle de la vallée du Var. La défense des intérêts communaux pousse ainsi certaines communes à faire alliance et à développer une stratégie commune pour être plus puissantes face à un même adversaire.

Ces deux exemples montrent également que le mode de résolution des conflits inter-communautaires n’a pas subi de mutation majeure, malgré le changement de régime politique. Lorsqu’elles ne parviennent pas à résoudre elles-mêmes le différend qui les oppose, les communes cherchent l’arbitrage du sous-préfet comme elles recherchaient auparavant celui de l’intendant. L’administration, pour sa part, choisit en général des solutions de continuité et confirme les jugements effectués auparavant par les autorités piémontaises.

 

B. L’Etat bailleur de fonds

Les communes font également appel à l’Etat lorsque leurs finances se révèlent insuffisantes pour assurer certains frais ou certains travaux.

Le 15 Prairial an XI, le maire de Bonson, AUDOLY, signale ainsi au préfet le début d’une épidémie dans sa commune [10]. Trois ou quatre personnes en sont déjà mortes, « ce qui commence à mettre l’alarme ou pour ainsi dire l’épouvante dans la commune ». Aussi a-t-il fait appel à Antoine RIBOTTY, médecin de Thiery, et à Pierre Joseph GUIGUES, officier de santé de la commune de Gillette. Mais le maire ajoute aussitôt : « il est à présumer que ces messieurs voudront être payés de leurs travaux et peines, ce qui me paraît très difficile attendu que je suis placé auprès d'une commune sans moyen et sans ressource [...] ». L'affaire traîne en longueur, puisque AUDOLY écrit à nouveau au préfet le 12 Messidor an XIII :

« RIBOTTY et GUIGUES, médecin et chirurgien qui ont suivi l'épidémie qui a ravagé malheureusement cette commune l'année dernière, m’ont fait de nouvelles demandes, et même avec instance, du payement de leur vacation [...] en me disant que puisque le gouvernement ne paye pas leur vacation, prétendent être payés par moi [...] attendu qu’ils se sont rendu à Bonson sur mon invitation. Je ne crois pas être tenu de payer en particulier les honoraires de messieurs RIBOTTY et GUIGUES, tandis que je les ai réclamés pour le bien des habitants de la commune ensuite de votre approbation du 16 Prairial an XI. Il serait cependant très juste que ces messieurs fussent satisfaits de leurs soins et peines ».

L’argumentation du maire de Bonson est ici particulièrement révélatrice de l’aptitude des notabilités villageoise à se réapproprier les pratiques discursives de l’autorité supérieure. C’est en effet l’incapacité de la commune à assurer les frais, mais surtout le « bien des habitants de la commune » qui justifie que ce soit à l’Etat de prendre en charge ces frais. La démarche du maire tend à revendiquer pour lui le fait d’avoir fait appeler les médecins dans sa commune, mais rejette la responsabilité de leur non-paiement sur l’administration, ce qui lui permet de sauvegarder sa légitimité.

Les communes font également appel à l’Etat en vue d’obtenir des fonds pour le financement de ponts. En l’an VIII, c’est le maire du canton de Puget-Théniers qui envoie au sous-préfet une pétition demandant des aides pour réparer une partie du pont en bois sur le Var, qui menace ruine [11]. Par précaution, un devis estimatif des dépenses est même joint à la pétition. En 1810, le maire de Toüet-de-Beuil écrit au préfet pour la même raison [12], le pont sur le Var ayant été emporté par une « crue d’eau ». Mais les choses peuvent parfois traîner en longueur : en 1808, DURANDY, de Guillaumes, notaire et membre du conseil général du département, écrit au préfet pour lui signaler que, depuis l’an III, un rocher rend le pont sur le Var inutilisable [13]. Les travaux à effectuer étant trop considérables pour la commune, il réclame également une aide du gouvernement. La municipalité de Guillaume est en tout cas déterminée à ne pas débourser un sou, et préfère attendre douze ans plutôt que de financer elle-même les travaux.

Les maires n’hésitent donc pas à faire appel à l’administration pour réclamer une aide financière, démarche a priori dangereuse pour des notables soucieux de tenir l’Etat loin de la gestion des affaires communales. Aussi les cas que nous venons de voir rentrent-elles dans une logique précise : soit il s’agit de se défausser d’une injustice sur l’administration, soit de rejeter sur elle la responsabilité du mauvais état des infrastructures. Dans les deux cas, la légitimité du pouvoir du notable à l’intérieur de la commune n’est pas remis en cause.

 

C. Les infrastructures

Les infrastructures constituent un domaine dans lequel les communes de l’arrondissement sont souvent prêtes à coopérer avec l’administration. Les maires soutiennent ainsi massivement le projet de route entre Nice et Puget-Théniers et, sur 31 communes sollicitées par l’administration en 1810, 23 offrent en tout 4 907 journées de travail. Le sous-préfet signale même que « les maires m’ont assuré qu’ils ne s’en tiendraient pas là si le besoin l’exigeait », et qu’il est ainsi possible de compter sur 6 000 journées de travail.

Les maires voient en effet dans les infrastructures un moyen de favoriser les relations commerciales avec Nice. Ainsi, pour le maire de Bairols, « les habitants se trouveraient avoir alors par l’établissement de cette grande route un débouché pour la vente de leurs denrées et ne se trouveraient pas forcé à s’aller annuellement pour quelques mois en Provence pour y travailler et s’épargner pendant ce temps quelques sommes pour faire face à l’acquittement de leurs contributions foncières » [14]. Si la dénonciation de la lourdeur des impôts est classique, le maire de Thiery, pour sa part, pense que grâce à cette route, « les monopoles et complots de certains marchands seront empêchés et rompus », ce qui dénote une conscience de l’enjeu économique et politique que constituent les infrastructures.

 

Les maires font donc parfois appel à l’administration ou acceptent de coopérer avec elle, mais uniquement dans certains cas précis : faire appel à l’Etat comme arbitre suprême des conflits entre communes, réclamer de l’argent ou participer à la construction de nouvelles infrastructures. Dans tous les cas, ces appels ou coopérations ne remettent pas en cause le pouvoir des notables au sein de la commune, et l’administration est tenu à l’écart des affaires internes à la communauté. Si les maires acceptent de coopérer avec l’Etat, il refusent l’ingérence de celui-ci. Aussi, lorsque c’est le cas, les maires développent-ils des stratégies de résistances.

 

2. Les formes de résistance

Ces résistances des communes à l’Etat peuvent prendre plusieurs formes : le silence et la négligence, le « court-circuit » et la cabale.

 

A. Le silence et la négligence.

Face aux tentatives d’ingérence de l’administration, les communes adoptent tout d’abord une attitude de repli sur soi. Il s’agit alors de ne pas tenir l’administration au courant des affaires internes à la commune, ou de ne pas appliquer, ou mal, les arrêtés préfectoraux.

La stratégie du silence vise tout d’abord à cacher ses ressources dans le but de payer moins d’impôts. Ainsi, en 1813, lorsque BLANQUI établit un rapport sur l’industrie dans son arrondissement, il signale sept filatures pour la soie [15], mais précise également que « les maires à qui je me suis adressé m’ont tous donné des réponses évasives, je présume qu’ils craignent qu’on veuille imposer ces ateliers ». Dans un supplément à ce rapport, il précise que « la plupart de ces réponses sont mêmes inexactes et évasives de propos délibéré ; il m’a fallu puiser ailleurs les documents ».

Le mutisme des maires concerne également des domaines où l’enjeu pécuniaire est moins évident, voire tout à fait absent. Ainsi, un questionnaire envoyé aux maires et aux notables du département sur un projet de code rural ne recueillit que quatre réponses, dont une de BLANQUI [16], alors qu’il ne s’agissait que d’une démarche consultative. De même, certaines communes refusent avec obstination de fournir le dénombrement de leur population que le préfet leur demande en l’an IX. Ces documents sont finalement envoyés au ministère de l’Intérieur avec plus de six mois de retard. Il nous semble que c’est ici le refus de se laisser contrôler par l’autorité supérieure qui explique, au delà de l’aspect purement fiscal, le refus de se laisser compter et mettre en statistique par l’administration.

La justice constitue un domaine dans lequel les maires sont particulièrement avares d’informations vis-à-vis de l’administration. Ainsi, dans un rapport daté du Ier Ventôse an XI [17], BLANQUI note :

« Aucun événement ne s’est passé qui mérite l’attention du gouvernement ; mais je dois me plaindre du relâchement des maires dans la rédaction de leurs rapports, la plupart n’en envoie aucun, et le petit nombre de ceux qui en envoient ont tout dit avec le mot néant […]. Cependant, on traduit de temps en temps en police correctionnelle quelques individus prévenus de vols ou autres délits. Il en est de même qui sont traduits par devant le Tribunal Criminel pour des crimes plus conséquents, et les maires dans leurs rapports gardent le silence ».

Ainsi, si la justice semble parvenir à remplacer peu à peu l’infrajudiciaire, puisqu’il y a procès, les maires préfèrent néanmoins ne pas en informer l’administration, tant il est vrai qu’il s’agit là d’un domaine particulièrement sensible pour les habitants des communautés, toujours réticentes à ce que les conflits soient réglés hors de celles-ci.

Les maires sont parfois rétifs à signaler les épidémies qui frappent leurs communes. Ainsi, en l’an XI, une grave épidémie se déclare dans la commune de Beuil [18], mais le maire n’avertit pas BLANQUI, qui est finalement mis au courant par le juge de paix du canton. Le 25 Frimaire, le maire vient à Puget-Théniers chercher des médicaments et informe le sous-préfet « que la maladie paraissait n’être plus si meurtrière ; que les malades n’étaient plus qu’au nombre de cinq ou six, parmi lesquels le curé et un sien parent qui avaient assisté les malades étaient en danger ». Le danger semble donc être passé. Mais le 29, BLANQUI apprend, toujours indirectement, « que la maladie fait des progrès et devient meurtrière », et que deux personnes, le curé de Beuil et le chirurgien SALICIS, en sont mortes.

En fait, il semble que ces épidémies soient souvent dues à la non-application des règlements d’hygiène. Dans son rapport au préfet, BLANQUI rappelle en effet qu’il a essayé de faire appliquer ces mesures, interdisant notamment de faire son fumier dans la rue, mais qu’il s’est aussitôt heurté à une vive résistance : « cette mesure, au lieu d’être reçue avec reconnaissance a rencontré la plus grande résistance non seulement de la part des habitants, mais jusque de quelques maires, et il est tel qui l’a taxé d’infraction des usages et coutumes locales, aussi elle est restée partout sans exécution », et il ajoute : « On remarque que depuis la révolution il n’y a presque pas eu d’année où quelque maladie épidémique n’ait affligé quelques communes de mon arrondissement. La raison en est simple, avant la révolution, les mesures de police concernant la propreté et salubrité des communes étaient exécutées partout, au moins en été, aujourd’hui elles ne le sont plus nulle part, ni en hiver, ni en été ».

Les maires, se sachant ainsi dans leur tort vis-à-vis de l’administration quant à l’application de ces règlements, préfèrent donc ensuite essayer de gérer au mieux les épidémies qui en sont la conséquence, mais sans en informer l’autorité supérieure. La stratégie du silence permet par conséquent de rester entre soi et de se prémunir de l’intrusion de l’administration.

 

La « mauvaise volonté » ou la « négligence » des maires est une autre attitude fréquemment dénoncée par BLANQUI dans ses rapports et sa correspondance avec le préfet. Les maires refusent alors d’appliquer les règlements, ou font traîner les choses en longueur en invoquant les raisons les plus diverses. Ce refus d’appliquer les règlements qui émanent de l’autorité supérieure concerne généralement des domaines essentiels de la vie rurale.

C’est notamment le cas pour cette source de conflit très importante que constitue la police des chèvres, domaine dans lequel règne manifestement la plus grande anarchie. Ainsi, le 26 mars 1807, BLANQUI signale au préfet que sa circulaire du 12 Pluviôse an XII concernant les chèvres n’est pas appliquée [19] : « Ces animaux ne sont points tenus rassemblés, les maux sont incalculables, ils se passent sous les yeux des maires et ces derniers les favorisent par leur silence, ils se défendent en disant qu’ils ne reçoivent point de dénonciation, tandis qu’ils sont témoins oculaires ».

Les règlements sur les bois et forêts sont également mis entre parenthèses par un grand nombre de communes. BLANQUI fait des rapports alarmants sur l’ampleur des exploitations sauvages qui provoquent le ravinement. Dans un rapport daté du 7 Prairial an X [20], le sous-préfet écrit ainsi que « comme il n’existe aucune surveillance réelle pour la conservation de ces forêts, partout on les dégrade et on les détruit malgré les ordres les plus rigoureux que j’ai pu donner pour leur conservation ». Là encore les maires, selon ce rapport, font semblant de ne rien voir.

Le domaine où la « négligence » des maires est plus criante et plus systématique que partout ailleurs est celui de la comptabilité communale. Le 15 Germinal an X, BLANQUI écrit ainsi au préfet [21] :

« Je me suis aperçu que presque aucun de ces fonctionnaires [les maires] ne suit dans les dépenses l’ordre établi dans les états arrêtés par l’administration supérieure, mais chacun établit des dépenses à sa volonté et en surpasse même la quotité fixée par le préfet [...]. En surpassant les dépenses arrêtées par l’autorité, les maires deviennent par le fait les maîtres d’établir des dettes communales, opération que la loi réserve aux seuls législateurs. En changeant la nature des dépenses arrêtées par l’administration supérieure, les maires deviennent les arbitres de ces mêmes dépenses et rendent illusoires les attributions de l’autorité supérieure. Il est vrai que dans l’examen des comptes je rejette tous les articles qui sont ainsi vicieux, mais les maires recourent ordinairement à l’autorité supérieure pour les faire autoriser : l’affaire est renvoyée au conseil municipal pour vérifier la légitimité de la dépense : celui-ci ne manque jamais de l’admettre, n’importe pour quel motif, et en dernier résultat les conseils municipaux se trouvent nantis des attributions réservées par la loi aux autorités supérieures ».

L’administration eut beaucoup de mal à empêcher les municipalités de gérer leur comptabilité comme bon leur semblait, malgré ses efforts pour établir une stricte surveillance. Cette « négligence » permet surtout d’empêcher l’administration de vérifier la gestion municipale, et notamment de connaître le montant réel des revenus communaux, que les maires déclarent très souvent inférieurs à ce qu’ils sont. Le sous-préfet en est ainsi réduit à examiner les causati [22] des communes afin de découvrir les revenus communaux que les maires « oublient » de déclarer.

 

Ces deux attitudes, silence et négligence, sont donc à la fois caractéristiques de la volonté des maires de préserver leurs communes de l’intrusion de l’administration, et de l’impuissance de cette dernière, qui ne parvient pas à surveiller suffisamment les communes, par manque de moyens et de légitimité.

 

B. Le « court-circuit »

Faire appel à une autorité supérieure sans passer par le sous-préfet ou la voie hiérarchique ordinaire est une tactique fréquemment utilisée par les différents acteurs de la vie politique communale.

Ainsi, en septembre 1810, SAUVAN, membre du Conseil municipal de Puget-Théniers, écrit au Ministre de l’Intérieur pour se plaindre d’avoir été écarté de ses fonctions [23]. Il est en effet parent de plusieurs autres membres du Conseil municipal et maire d’une autre commune, située dans le canton d’Entrevaux. SAUVAN se défend en faisant remarquer au Ministre qu’il n’est pas le seul dans cette situation et accuse BLANQUI d’acharnement.

De la même manière, le curé de Puget-Théniers écrit au préfet, le 30 août 1810, pour se plaindre de l’attitude du sous-préfet à son égard [24] et au Ministre des Cultes en janvier de la même année pour réclamer un vicaire [25].

En avril 1810, c’est le Conseil Municipal de Puget-Théniers qui adresse une pétition au préfet pour se plaindre de l’utilisation de l’octroi [26], et en octobre de la même année, des pères de familles écrivent au recteur pour réclamer le départ de l’instituteur communal [27].

L’administration est ainsi parfois obligée de rappeler les maires à l’ordre. Ainsi, dans une lettre du 19 Vendémiaire an XII, le préfet rappel au maire de Puget-Théniers, CAYLA, que « les maires ne peuvent correspondre qu’avec le sous-préfet, sous la surveillance duquel ils sont spécialement placés. Ce n’est que lorsque les maires croient que les décisions du sous-préfet renferment des erreurs de droit ou de principe qu’ils peuvent les soumettre directement à l’examen du préfet » [28]. Or ce n’était pas le cas, puisque le maire avait écrit au préfet afin de demander des éclaircissements au sujet d’un « bruit public » affirmant que BLANQUI voulait faire remplacer un des conseillers municipaux.

Toutes ces protestations sont révélatrices des difficultés rencontrées par l’administration pour canaliser la vie politique locale, réfréner l’habitude des acteurs locaux à la contestation et y substituer une démarche conforme au nouveau cadre politique et administratif. Les acteurs politiques locaux conservent en effet leur culture politique traditionnelle, consistant à pétitionner le plus possible à la recherche de soutiens hauts-placés susceptibles de servir leurs intérêts. L’Etat, pour sa part, s’efforce d’instaurer un système politico-administratif ordonné, hiérarchisé et rationnel, c’est-à-dire finalement moderne.

 

C. Un exemple de cabale : l’affaire COTTIER

Les municipalités ne parviennent cependant pas toujours à empêcher l’autorité supérieure d’intervenir dans leurs affaires internes. Il arrive alors que les notables adoptent une politique offensive, qui vise à rejeter une ingérence de l'administration et à conserver la mainmise sur tel ou tel aspect de la vie communale. On voit alors apparaître des intrigues complexes, accompagnées de rumeurs et dirigées contre un ou plusieurs individus. Le but d’une cabale, pour reprendre le terme utilisé par BLANQUI, dépasse cependant, en général, le niveau des simples conflits de personnes. Dans la mesure où l’individu visé est quelqu’un de soutenu ou d’imposé par l’autorité supérieure, il s’agit bien d’un acte politique, si l’on adopte la définition de la politique donnée par Jacques JULLIARD [29] d’« intervention consciente et volontaire des hommes dans le domaine où se jouent leurs destinées ».

L’affaire COTTIER fournit ainsi un exemple significatif de ce type d’action. Les premiers signes de tensions apparaissent en l’an XII. La commune de Puget-Théniers se trouvant alors sans instituteur, le préfet DUBOUCHAGE écrit à BLANQUI pour lui proposer un certain Jean-François COUPRY qui souhaite occuper ce poste [30]. Les pères de famille semblent enthousiastes, se mettent d’accord sur un traitement de 700 francs [31], et déclarent que COUPRY « peut venir quand bon lui semblera ». Le 30 Pluviôse, le nouvel instituteur s’installe.

Le lendemain, dans une lettre qu’il écrit au préfet, BLANQUI est pourtant réservé : « Je ne puis encore vous annoncer qu’il soit instituteur public, attendu les obstacles considérables que je rencontre tous les jours pour obtenir ce résultat […] : en cédant momentanément aux circonstances, j’espère pouvoir vaincre toutes les difficultés ; peut-être qu’en tenant ferme, je n’aurai eu ni instituteur public, ni instituteur particulier ». Il existe donc déjà autour de l’enseignement des tensions encore latentes mais suffisamment importantes pour que BLANQUI soit obligé de faire des concessions face à des « obstacles » dont, pour l’instant, on discerne mal la nature.

Le problème est de toute façon résolu assez rapidement. Le 19 Germinal, BLANQUI écrit au préfet : COUPRY est parti pour Nice dans le courant de la Semaine Sainte et n’a pas reparu depuis, bien qu’il ait assuré qu’il reviendrait. Manifestement, en l’espace de seulement un mois et demi, la situation s’est envenimée. Les pères de famille accusent COUPRY d’enseigner mal, notamment le latin, et d’être sujet à la boisson, « au point de se griser presque régulièrement ». A son tour, l’instituteur reproche aux pères de famille d’être trop exigeants et de vouloir s’occuper du mode et du contenu de l’enseignement. Il affirme aussi qu’il ne peut pas vivre avec le traitement de 700 francs qui lui est alloué. Il convient de noter que si les principales raisons invoquées sont l’alcoolisme de l’un et l’avarice des autres, COUPRY semble surtout avoir mal supporté les observations que devaient lui faire les pères de famille sur sa façon d’enseigner, notamment le latin. BLANQUI, pour sa part, conclut prudemment : « Je crois qu’il y avait des raisons et des torts de part et d’autre, qu’il est inutile de relever ».

L’affaire ressurgit, du moins dans nos sources, en 1809 [32]. Le collège de Puget-Théniers est alors tenu par l’abbé Dominique COTTIER, dont la « maison d’éducation » a été érigée en école secondaire particulière par un décret impérial du 25 octobre 1806, avant d’être réunie à l’école communale de Puget-Théniers le 23 avril 1807, par arrêté de BLANQUI. Il est prévu que l’école fonctionne grâce aux rétributions des élèves. Vers la fin de l’année scolaire 1808‑1809, COTTIER reçoit l’ordre du recteur de l’Académie d’Aix de faire payer la rétribution due à l’Etat par les élèves. En août, le directeur du collège décide de donner sa démission de membre enseignant, pour ne s’occuper que de son ministère de prêtre. Le bureau d’administration du collège, de son côté, écrit au recteur pour demander un nouveau directeur et un professeur, qu’il obtient peu après. Les deux nouveaux enseignants se nomment LEVAMIS et DECORMIS.

Pendant ce temps, deux événements se produisent qui alarment BLANQUI. D’une part, COTTIER part pour Entrevaux et y ouvre une école particulière avec pensionnat, et se fait suivre par une douzaine d’élève du collège de Puget-Théniers. Par ailleurs, des « bruits sourds » commencent à circuler dans le public sur la « non-stabilité » du collège de Puget-Théniers.

La situation semble s’être stabilisée quand, en novembre, le nouveau directeur du collège réclame le payement du trimestre dû à l’Etat. Cette demande fut, selon BLANQUI, « le signal de la dissolution du collège ». En effet, le nombre d’élèves descend à seize, contre cinquante-six l’année précédente. Les enfants des magistrats et des personnes « les plus influentes » font partie des déserteurs. Les professeurs, quant à eux, sont victimes de pressions : « Un magistrat a été leur dire chez eux qu’on craignait d’être encore friponné comme d’autres fois, en faisant allusion au sieur COUPRY qu’on chassa à force de vexations ».

Ce qui aurait pu tout d’abord apparaître comme un petit conflit causé par un instituteur indélicat se révèle alors être quelque chose de beaucoup plus important. L’année précédente, afin de diminuer le montant de la contribution qu’il fallait payer à l’Etat, COTTIER avait en effet déclaré vingt-six élèves au lieu de cinquante-six, et s’était ainsi formé un parti puissant parmi les pères de famille. BLANQUI, pour sa part, fulmine : « M. COTTIER est l’homme qu’il leur faut : ils ne veulent point de bureau d’administration et pour cela point de collège. Le gouvernement, disent-­ils, n’a point le droit d’administrer la poche des pères de famille. Ils veulent contracter directement avec un instituteur de leur choix sans l’intermédiaire d’un recteur ; ils veulent qu’il soit prêtre pour seconder M. le curé dans la paroisse. Ils veulent limiter le nombre des élèves parce que on n’aime point que l’instruction soit générale. Ils veulent régler l’enseignement à leur goût et non pas à celui du gouvernement ; ils n’ont que faire des mathématiques, ils ne veulent que du latin : toute autre connaissance leur est superflue ». De plus, il semble que COTTIER soit de connivence avec le maire de Puget-Théniers, Jean-Baptiste RIBOTY, qui est en mauvais termes avec BLANQUI.

Les pères de famille qui avaient retiré leurs enfants ne voulant payer ni la rétribution due à l’Etat, ni celle pour l’enseignement du premier trimestre commencé, le recteur décide, en janvier 1810, de faire accepter pour comptant des « certificats d’impossibilité » pour ce qui est dû à l’Etat. Le but de l’opération est de calmer le mécontentement en renonçant à ce qui l’avait provoqué, la fameuse rétribution, mais le maire refuse de signer ces certificats. BLANQUI décide alors de les signer lui-même, mais aussitôt, le bruit se met à courir que cette mesure n’est qu’un piège, et qu’on ferait payer la rétribution malgré le certificat. Finalement, deux élèves seulement rejoignent le collège.

Pendant ce temps, la situation continue de se détériorer : les élèves du collège se font insulter dans la rue par les élèves « déserteurs » et l’épouse du directeur est assaillie à coup de boules de neige par un ex-élève, fils d’un magistrat, tandis que les deux professeurs sont « abreuvés d’amertume ». Des rumeurs courent disant que COTTIER va revenir bientôt et que « tout le peuple le voulait ». Le maire et l’adjoint, qui ont eux-mêmes retiré leurs enfants du collège, refusent d’intervenir, au plus grand mécontentement de BLANQUI. L’ordre donné par le recteur de fermer l’établissement de COTTIER à Entrevaux n’est pas exécuté. A Puget­-Théniers, le sous-préfet fait fermer des écoles « que des jeunes gens s’étaient permis d’ouvrir à la suite du désordre, sans autorisation, sans certificat de capacité et de moralité, et que le maire souffrait avec une grande complaisance » [33] ; il faut dire que le fils de l’adjoint, qui est aussi le neveu du maire, donne des cours dans une de ces écoles.

Ce sont manifestement les notables de Puget-Théniers, des « magistrats » et des « employés du gouvernement », qui sont à la tête de cette affaire. Selon BLANQUI, la question de la rétribution due à l’Université impériale n’est qu’un prétexte, choisi parce que « plus puissant pour remuer la multitude ». Et le stratagème a réussi car « la multitude se règle toujours par l’influence des chefs ».

L’enjeu réel du conflit, pour les notables, semble en effet avoir été le contrôle de l’enseignement : « De tout cela je conclus qu’il existe un concert entre M. COTTIER et quelques individus marquants de cette ville, tendant à dissoudre le collège y établi : à y substituer une école indépendante et de contrebande, si l’on peut s’exprimer ainsi, avec intention de la soustraire à la surveillance du gouvernement, de frustrer l’Université de la rétribution que la loi lui attribue : de laisser l’enseignement à la discrétion, soit de l’instituteur, soit des pères de famille, d’après le principe mis en avant qu’en payant on se fait servir à sa manière ; enfin de rendre odieuse l’autorité qui s’aviserait de faire exécuter la loi ».

BLANQUI est alors devenu extrêmement impopulaire. Dans une lettre au préfet, le recteur dit ainsi de lui : « Je crois entrevoir qu’il n’est pas aimé dans cette contrée et que c’est peut-être en haine de lui et à raison de la protection qu’il a accordé aux nouveaux professeurs que ceux-ci éprouvent autant de désagréments ».

 

Parallèlement à cela, un différend opposant le Conseil Municipal de Puget-Théniers au sous-préfet procure à ce denier de nouveaux éclaircissements sur l’affaire COTTIER. Le 17 décembre 1809, le Conseil Municipal a en effet décidé d’établir un octroi sur les vins, afin d’augmenter les revenus communaux. Pour sa part, BLANQUI pense qu’il s’agit surtout de faire monter le prix du vin, au profit des propriétaires de vignobles. Le sous-préfet demande donc au maire de réunir le conseil municipal, afin de rappeler à l’un et aux autres le règlement impérial sur les octrois. Le conseil municipal, invoquant la misère de la commune, refuse de renoncer à la mise en place de cette taxe. BLANQUI remarque alors qu’un certain nombre des conseillers municipaux ont joué un rôle important lors de l’affaire COTTIER. En examinant de près la composition du conseil, il s’aperçoit en outre que, par les liens de parenté, toute l’administration communale est en fait aux mains d’une famille, qui rassemble à elle seule huit des dix voix du conseil municipal. En effet, le maire Jean-Baptiste RIBOTY, Joachim PRIORIS et Charles LEOTARDI sont parents ; Charles LEOTARDI est parent de Gaétan RIBOTI ; enfin, SAUVAN, LAUTARD, Antoine BONNETY (l’adjoint) et ROUS sont également parents, les trois derniers étant les neveux du premier. BLANQUI pense alors avoir découvert un des principaux meneurs de la cabale de l’année précédente :

« De plus il est notoire jusqu’aux enfants que le sieur SAUVAN est l’âme, le conseil, et le mentor du maire ; ainsi on peut dire que ces huit voix n’en font qu’une. Enfin, par une monstruosité inconcevable, le même sieur SAUVAN qui est le pivot de toute l’administration de Puget­-Théniers est en même temps maire de la commune des Plans, département des Basses Alpes, qui a des intérêts à démêler avec celle de Puget-Théniers, et par dessus tout il est émigré amnistié, d’un caractère turbulent, vexateur, insoumis, dominateur, et très peu porté pour les lois actuelles. »

Le rôle joué par Jean Joseph SAUVAN semble en effet avoir été primordial. En septembre 1810, il écrit au ministre de l’Intérieur pour se plaindre d’avoir été exclu du conseil municipal à cause de ses liens de parenté avec les autres conseillers. Le 11 octobre, DUBOUCHAGE donne son avis au ministre quant à la personnalité de SAUVAN [34] : « Employé dans les bureaux de la sous-préfecture de Puget-Théniers, il s’éleva dans le Conseil Municipal de cette commune, qui était ouvertement dirigé contre le sous-préfet et contre ses actes administratifs. Le sieur SAUVAN fomentait ces divisions et parvenait à réunir toujours huit voix qui se trouvaient en opposition aux vues de l’autorité supérieure locale, principalement lorsqu’il s’agit de la nouvelle organisation de l’instruction publique ». Et c’est pour cette raison que BLANQUI a décidé de l’exclure du conseil municipal. Par ailleurs, DUBOUCHAGE l’accuse d’exercer une mauvaise influence dans l’arrondissement de Puget-Théniers, où « les désordres, les discussions, les discordes, l’oubli des devoirs et des règles de hiérarchies se succèdent journellement. Toutes ses propriétés sont situées dans la commune des Plans où il est maire, et il ne figure au rôle de la contribution foncière de Puget-Théniers que pour la faible cote de 11 francs, encore croit-on que la propriété d’où elle dérive appartient à un de ses neveux qui s’est prêté à cette cotisation pour ménager à son oncle l’entrée au Conseil Municipal ».

Jean Joseph SAUVAN a donc joué un rôle très actif dans la vie politique de Puget-Théniers durant cette période. Face à une nouvelle administration et à un nouveau régime, il adopte un comportement actif visant à influencer, autant qu’il le peut, le cours des événements. Son action, lors de l’affaire COTTIER, tend à restituer à la communauté et surtout aux notables le contrôle de l’enseignement, domaine que ceux-ci considèrent comme relevant de leur autorité. Sous l’Ancien Régime, en effet, c’étaient les autorités municipales qui choisissaient leur instituteur, l’Etat ne faisant que confirmer leur choix [35]. Cependant, SAUVAN n’est pas un simple conseiller municipal. Dans une lettre au préfet [36], il rappelle en effet que, avant la Révolution, il a été pendant plusieurs année premier consul de Puget-Théniers. SAUVAN est donc un personnage caractéristique de la notabilité villageoise : il a une forte personnalité [37], de nombreuses relations [38], enfin il parle et écrit très bien le français [39]. On peut donc penser que, notable important sous l’Ancien Régime, il a été écarté du pouvoir pendant la Révolution (il est un émigré amnistié et « très peu porté pour les lois actuelles »), et cherche maintenant à retrouver un rôle important dans la commune. Par ailleurs, il est probable que le prestige dont il devait jouir en tant que notable l’a l’aidé à constituer ou à réactiver le réseau sur lequel la cabale s’est appuyée.

 

Le 28 mai 1810, BLANQUI écrit au préfet : il a essayé en vain de faire payer les pères de famille pour le premier trimestre. Parmi ceux qui ont refusé, tous, sauf trois, sont des fonctionnaires publics. C’est notamment le cas de LAUTARD, procureur impérial, membre du bureau d’administration, qui a pourtant participé à la fixation de la rétribution des élèves lors de la séance du 24 novembre 1809. « Je ne puis comprendre, remarque BLANQUI, comment quelques jours après il a pu retirer ses enfants si ce n’est par l’effet d’une cabale ».

Malgré la démission du maire RIBOTY, le 22 mars 1810, et son remplacement par Auguste SAURIN, la tension ne diminue pas. Le conseil municipal se réunit le 17 avril 1810 et décide d’adresser une remontrance au préfet : BLANQUI voudrait que l’octroi serve à payer les enseignants de l’école secondaire, ce que la municipalité refuse, en avançant que « S. M. l’Empereur n’a pu mettre l’entretien du personnel de l’école à la charge de la commune sans consulter le conseil municipal ». Par ailleurs, le conseil municipal accuse le bureau d’administration de l’école de n’avoir pas adopté la proposition d’un de ses membres de convoquer une assemblée des pères de famille au sein même du bureau. C’est BLANQUI lui-même qui a rejeté cette proposition, avançant que « le bureau n’est point autorisé à faire une pareille convocation ; qu’il n’est point de sa dignité de le faire attendu qu’il avait été institué pour administrer d’après les lois et sa conscience, et non pas par des impulsions étrangères ; qu’une assemblée générale était une assemblée démocratique, qu’une assemblée des plus marquants était une assemblée aristocratique, et que soit l’une soit l’autre était contraire aux lois, inutile et sans but ». Enfin, le conseil municipal accuse les professeurs d’incapacité et affirme que les pères de famille ont retiré leurs enfants parce qu’ils progressaient trop peu. C’est donc à présent toute la municipalité qui s’oppose frontalement à l'administration.

BLANQUI évoque également le rôle joué par le curé de Puget-Théniers. Celui-ci aurait participé à la cabale parce que les nouveaux professeurs ne sont pas des ecclésiastiques (rappelons que COTIER est prêtre). Il aurait convaincu les pères de famille que l’octroi ne devait pas servir à l’école secondaire tant que celle-ci serait tenue par des laïcs. Par ailleurs, l’auteur de la proposition d’écrire une remontrance au préfet est le propre frère du curé.

Le 24 juillet 1810, le conseil municipal déclare que l’école de Puget-Théniers n’est pas communale, « attendu qu’elle a été érigée sans que le conseil ait été consulté ». BLANQUI écrit alors au préfet que « tout ceci est plus que de l’anarchie », prenant ainsi conscience qu’il ne s’agit pas d’un simple désordre dû à la négligence ou à l’incompétence des notables, mais bien d’une stratégie construite et organisée, dotée d’une finalité précise.

Le 25 octobre 1810, le recteur écrit au préfet pour l’informer qu’il refuse d’envoyer de nouveaux professeurs : il vient de recevoir une pétition d’une douzaine de pères de famille, parmi lesquels beaucoup de magistrats, et notamment le président du tribunal civil de Puget-Théniers, demandant le départ du directeur de l’école, LEVAMIS, pour incapacité. Les pères de famille se placent ainsi au-dessus du jury d’instruction, seul organe à avoir le droit de se prononcer sur la capacité des enseignants.

Entre temps, en effet, les pères de famille se sont réunis pour proposer au recteur un candidat pour la place de directeur. La démarche est doublement irrégulière. En effet, seul le bureau d’administration a le droit de désigner un candidat et, de plus, LEVAMIS est toujours en place. Dix des treize pères de famille sont « de l’ordre judiciaire ou attaché à cet ordre ». On retrouve en effet le procureur impérial LAUTARD, le premier juge, le greffier, son commis assermenté, des huissiers, des gendarmes et le président du tribunal civil RAYBAUD. Deux de ces pères de famille sont d’ailleurs des personnalités de premier rang [40]. Selon Louis CAPPATTI [41], c’est RAYBAUD qui aurait regroupé les pères de famille. BLANQUI, qui a le sens de la formule, écrit au préfet que « le temple de la justice a été transformé en un club d’anarchie ».

La victoire des pères de famille est totale. Sans que l’on parvienne très bien à savoir pourquoi, ils ont abandonné COTTIER et choisi un certain PASCALIS, originaire de Draguignan, ex-curé de Olières, près de Saint-Maximin, défroqué pendant la Révolution. Quand le nouvel instituteur arrive à Puget-Théniers avec femme et enfants, il va d’abord voir ses employeurs avant de rendre visite à BLANQUI. Les pères de famille indiquent à PASCALIS le temps et le mode de l’enseignement, et lui assurent un traitement de 1 200 francs pour un nombre déterminé d'enfants. De plus, sur l’invitation des pères de famille, PASCALIS ouvre également une école particulière, sans autorisation.

Face à tant d’obstination, le recteur préfère faire preuve de souplesse, et accepte la nomination de PASCALIS. BLANQUI, pour sa part, demande à être muté dans un autre arrondissement, ce qu’il n’obtient d’ailleurs pas.

 

Cette affaire nous paraît riche d’enseignements à plusieurs égards. Elle montre tout d’abord à quel point l’enseignement est un enjeu de pouvoir central, très disputé entre les notables et l’Etat. Comme lieu de production et de reproduction sociale et culturelle, il est en effet capital pour les deux camps de s’en assurer le contrôle.

Cette affaire souligne également une certaine continuité du comportement des municipalités et des notables. Au XVIIIème siècle, en effet, l’instituteur est totalement dépendant de la communauté puisque c’est elle qui l’engage et le rétribue [42]. Les notables attachent d’ailleurs beaucoup d’importance à l’éducation : les communautés du Comté de Nice sont en effet alors toutes endettées, mais le maître d’école est cependant le fonctionnaire municipal qui reçoit le plus gros salaire. Les édiles municipaux attachent donc le plus haut prix à l’instruction, même si celle-ci reste par ailleurs très modeste [43]. Enfin, les communautés sont très jalouses du privilège qu’elles ont de pouvoir nommer leur maître d’écoles [44].

Le désir de contrôler l’enseignement est donc une caractéristique de ces communautés, au XVIIIème comme au début du XIXème siècle. L’affaire que nous venons de voir englobe la quasi-totalité des notables de la commune, y compris le curé, et dirige ses actions dans toutes les directions. Les professeurs indésirables sont accusés d’incompétence et le conseil municipal n’hésite pas à contester ouvertement la légitimité des décisions impériales.

Il nous paraît enfin nécessaire de souligner le rôle très important joué par certains « meneurs » comme LAUTARD, RAYBAUD et surtout SAUVAN, qui forment une sorte de réseau. La cohésion de la commune en cette circonstance est redoutable, car il semble que personne, hormis BLANQUI, n’ait soutenu LEVAMIS et DECORMIS. Surtout, il convient de noter que cette démarche s’est finalement soldée par un succès pour les notables : malgré l’administration, la commune a pu choisir son instituteur, en lui fixant ses propres conditions.

Face à ces résistances protéiformes, l’administration se devait elle aussi de développer un certain nombre de stratégies.

 

3. Les stratégies de l’administration.

A. Le contrôle des municipalités.

Le contrôle des communes, et notamment des maires, constitue tout d’abord un enjeu fondamental pour l’administration napoléonienne. BLANQUI s’efforce donc de mettre en place des maires coopératifs, malgré quelques difficultés.

Les nombreux liens de parenté entre les membres des conseils municipaux constituent un réel obstacle au bon fonctionnement de l’administration. Le fait n’est d’ailleurs pas spécifique aux Alpes-Maritimes et se retrouve dans la plupart des communes rurales à cette période. Pour le renouvellement des conseils municipaux en l’an XI, BLANQUI transmet ainsi au préfet une liste de 105 conseillers à remplacer et indique ce qui nécessite leur remplacement [45]. Pour 42 d’entre eux (soit 40 %), le motif invoqué est un lien de parenté avec un autre conseiller, l’adjoint, ou le maire. Il s’agit le plus souvent d’un lien de parenté par alliance, le conseiller à remplacer étant beau-frère d’un autre membre du conseil municipal. A titre de comparaison, les démissionnaires sont 18 (environ 17,14 %), les décédés sont 16 (15,24 %), et les conseillers cumulant une autre fonction sont 14 (environ 13,33 %). On note ensuite un certain nombre d’individus écartés pour leur incompétence, « octogénaire », « très avancé en âge », « dur d’oreille », « presque aveugle », « revenu dans l’enfance », « très vieux et presque imbécile », « faible d’esprit », ou « fort jeune et de peu d’intelligence ».

Le sous-préfet de Puget-Théniers s’efforce par ailleurs de faire nommer par le préfet des maires qui soient à la fois dociles et compétents, tâche difficile et compliquée par les très nombreuses démissions. Nous avons étudié cinq listes de noms : la première comprend les maires nommés le 24 Thermidor an VIII par le préfet, sur les conseils de BLANQUI [46]. La deuxième, faite par le sous-préfet juste avant le renouvellement de 1808, donne l’identité des maires en place, ainsi que l’avis du sous-préfet (« à conserver », « à remplacer ») [47]. La troisième correspond à l’arrêté de nomination du 18 janvier 1808 [48]. La quatrième indique l’avis de BLANQUI avant le renouvellement de 1813 [49]. Enfin la cinquième fournit les noms des maires nommés le 8 mars 1813 [50].

On remarque ainsi que, sur 41 maires nommés en l’an VIII, 12 seulement sont encore à leur poste juste avant le premier renouvellement. Pour sa part, BLANQUI conseille alors au préfet de remplacer 21 maires, dont 8 avait été nommés en l’an VIII. Ainsi, sur la liste datée du 18 janvier 1808, on ne retrouve que 4 maires qui sont en place depuis le début du Consulat.

La situation s’est cependant ensuite stabilisée. En effet, juste avant le renouvellement de 1813, on retrouve ainsi 26 maires qui ont été nommés en 1808, dont 2 sont en place depuis l’an VIII. Cette fois, BLANQUI ne demande le remplacement que de 8 fonctionnaires.

L’administration paraît donc être parvenue peu à peu à mettre en place, dans la plupart des communes de l’arrondissement, des fonctionnaires à peu près satisfaisants. Le nombre de démissions a baissé (de 29 à 15), de même que le nombre de remplacement demandé par BLANQUI (de 21 à 8), signe d’une certaine stabilisation du personnel municipal.

Lorsqu’il s’avère cependant impossible d’obtenir des maires obéissants, l’administration s’efforce d’augmenter la pression qu’elle exerce sur les municipalités. Ainsi en l’an IX, les communes de Saint-Étienne, Saint-Dalmas-le-Selvage, Tournefort et Tourette-Revest étant en retard pour rendre le tableau de leur population, le préfet autorise BLANQUI à menacer les communes « négligentes » de leur envoyer des commissaires accompagnés d’une escorte, à la charge des maires des communes [51].

Cette méthode se révèle être également un moyen de pression efficace en matière d’éducation. Par un arrêté préfectoral du 25 Thermidor an IX, la surveillance des écoles primaires et particulières est confiée aux maires, sous l’autorité du sous-préfet. Cependant, en l’an X, le préfet annonce aux maires que les instituteurs qui n’ont pas été nommés par lui ne recevront aucun salaire [52]. Par ailleurs, cette mesure entre également dans le cadre de la politique de propagation de la langue française : seuls les instituteurs qui l’enseignent sont salariés.

L’administration cherche également à restreindre l’autonomie de décision des maires. Ainsi, afin d’éviter les abus dans le domaine de la comptabilité, ceux-ci doivent demander l’autorisation du sous-préfet pour les dépenses imprévues et extraordinaires ; de plus, « il sera désormais refusé aux maires la faculté de faire reconnaître par le conseil municipal l’utilité ou la nécessité de ces sortes de dépenses » [53].

Il s’agit par ailleurs, pour l’administration, de connaître exactement le montant des revenus communaux. En l’an XI, le préfet décide ainsi de mettre aux enchères les propriétés communales donnant un produit variable, comme les biens fonciers et les moulins. Selon BLANQUI, « cette mesure était nécessaire pour que l’autorité supérieure puisse avoir sous les yeux les revenus réels des communes, à l’effet de les balancer avec les dépenses » [54].

En l’an XII, BLANQUI préconise au préfet d’envoyer sur place un commissaire aux frais des comptables retardataires, afin de forcer les communes à rendre leurs comptes [55]. Quelques années plus tard, en 1807, le sous-préfet suggère à nouveau cette mesure mais, cette fois, afin de forcer les maires à entretenir les chemins vicinaux. La volonté de surveiller et de contraindre les municipalités est ici très nette. Dans un rapport daté du 2 juillet 1807, BLANQUI dénonce l’état lamentable des routes de son arrondissement, dont les maires sont selon lui responsables [56]. En conséquence, le sous-préfet propose trois mesures : tout d’abord, les communes ne doivent plus décider de la dimension des routes, ensuite, l’entretien de celles-ci doit être confié à un préposé dans chaque commune ; enfin, un préposé supérieur, ou inspecteur d’arrondissement, doit être chargé de parcourir les routes et de surveiller les autres préposés. La centralisation semble donc être la seule voie possible au bon fonctionnement de l’administration. Les maires restent dotés de pouvoirs assez étendus [57], mais il n’est pas question pour autant de les laisser en abuser ou en mésuser.

Ce sont en effet bien les maires qui sont visés par cette politique de centralisation, et qu’il s’agit de mettre sous tutelle. Le 13 Vendémiaire an IX, BLANQUI prend ainsi un arrêté sur les bois et forêts [58] ; il y est spécifié que « nul habitant ne pourra faire aucune coupe dans les bois communaux d’aucune espèce et sous quelque prétexte que ce soit, sans avoir obtenu la permission par écrit du maire ; et les maires ne pourront accorder les permis sans en avoir obtenu l’autorisation du sous-préfet ». Par ailleurs, le commandant de la gendarmerie est chargé de faire une visite tous les six mois afin de constater les délits. Dans un rapport du 7 Prairial an X, au sujet des chèvres, BLANQUI se fait plus explicite [59] : « Les maires s’ils ne sont complices, pour le moins ils sont faibles, et les délits se commettent impunément ; il faut des surveillants plus fermes que les maires ». C’est pour cela que « la mesure doit partir du gouvernement. Les conseils municipaux sont ou intéressés en cause, ou trop faibles pour résister aux sollicitations et plaintes des habitants qui voient dans les chèvres un produit momentané, mais ne voient pas la destruction qui menace la génération future ».

 

B. Apaiser les tensions

A côté de cette politique de surveillance, BLANQUI cherche également à apaiser les affaires et les scandales susceptibles d’éveiller les conflits latents ou d’exacerber des tensions mal endormies. C’est ainsi qu’en 1812, à Puget-Théniers, trois individus, un avocat, un médecin et un ex-employé des hôpitaux militaires, se plaignent au sous-préfet d’une apostrophe que le curé, CORPORANDY, leur a adressée sur une place publique, lors de la procession de la fête-Dieu, en les sommant de se mettre à genoux [60]. Les plaignants accusent le curé de chercher à les dénigrer dans l’opinion de leurs concitoyens, « en les peignant comme des impies et des esprits pervers. » Dans une lettre au préfet, BLANQUI appréhende visiblement les suites de cette affaire : « Si de part et d'autre on avait usé d’un peu plus de prudence, on aurait évité cette espèce de scandale [...]. Comme cette division pourrait amener des inconvénients plus graves, je serais d’avis qu’elle fut étouffée dans sa naissance ». Cependant, étouffer ce genre de scandale n’est pas chose aisée, surtout si l’on tient compte de la forte personnalité du curé CORPORANDY. Aussi BLANQUI demande-t-il au préfet de faire appel à l’évêque afin de calmer les esprits : « Il faudrait que l’autorité ecclésiastique engageât M. le curé à être moins violent, car, en effet, il est dans l’habitude, toutes les fois qu’il porte le Saint Sacrement, d’ordonner à droite à gauche d’un ton trop impérieux de se mettre à genoux dans les rues ». Cette affaire est également révélatrice d’un conflit d’autorité entre le sous-préfet et le curé : « Il semble que sa police [celle du curé] renfermée dans le temple ne doit pas s’étendre sur les places publiques, d’autant qu’il en pourrait résulter trop d’inconvénients ». Il s’agit donc, pour l’administration, de ne pas rompre une cohabitation difficile entre deux autorités antagonistes, cohabitation que le moindre incident risque de faire basculer en affrontement ouvert et ce d’autant plus que BLANQUI, manifestement, est en mauvais termes avec le curé de Puget-­Théniers, à propos duquel il fait remarquer : « Enfin, s’il est vrai que M le curé dénigre les plaignants en les traitants d’impies, son acte m’apparaît contraire à la charité chrétienne en ce que ce n’est pas une véritable marque d’impiété que de refuser de crotter ses genoux dans les rues ».

BLANQUI est néanmoins obligé de tenir compte du poids politique des ecclésiastiques. Ici encore, on remarque une nette volonté de compromis de la part du sous-préfet. Ainsi, lors de l’organisation des établissements de charité de l’arrondissement, en l’an XII, il souligne la nécessité d’admettre le curé au sein du conseil d’administration [61] : « Il est utile sans doute d’admettre les curés et desservants au sein des commissions respectives, et de leur donner voix délibérative, mais cette mesure ne pouvait être générale sans de graves inconvénients ; elle ne pouvait être partielle non plus sans mettre en évidence des personnes dont l’exclusion aurait pu faire naître des sujets de mécontentement, et donner prise aux passions. J’ai donc pensé que la mesure de nommer les curés et desservants adjoints honoraires pouvait réunir tous les avantages et écarter tous les inconvénients, et je l’ai adoptée. »

Le préfet DUBOUCHAGE est également conscient des problèmes que peuvent causer les ecclésiastiques au sein de la vie communale en général et de ces bureaux de bienfaisance en particulier ; aussi recommande-t-il à BLANQUI « d’avoir égard à la réputation des curés et desservants sous le rapport des lumières, de la probité et du désintéressement, et surtout de leur manière d’être avec le maire de leur commune » [62]. Le risque est en effet grand de voir un curé se servir de ce bureau d’administration afin de retrouver le poids politique que la Révolution lui a ôté. Le fragile équilibre qui s’est parfois instauré entre la communauté et l’autorité supérieure risque alors d’être fortement compromis.

 

C. Tenir compte de l’opinion publique.

L’administration s’efforce également de tenir compte de l’opinion publique avant de prendre certaines décisions. La réputation des individus est ainsi prise en compte lorsqu’il s’agit de nommer un fonctionnaire. Le 16 juillet 1807, suite à la démission de CAYLA, Jean-Baptiste RIBOTY est nommé maire de Puget-Théniers ; BLANQUI l’a choisi et suggéré à DUBOUCHAGE après avoir écouté la « voix publique » [63].

L’enjeu, pour l’administration, est ici de toute première importance : il s’agit de nommer des individus dont la probité, la neutralité, les mœurs et la réputation, sont absolument irréprochables. L’autorité supérieure perdrait sinon toute crédibilité aux yeux de la population dont elle cherche justement à obtenir l’adhésion. C’est la légitimité du pouvoir qui est ici aussi enjeu. Ainsi, lors du renouvellement des conseils municipaux en l’an XI, BLANQUI propose de renouveler les cinq membres du conseil de Roquesteron, « attendu que tout le corps municipal se trouve en opposition d’intérêts avec la commune par la construction de trois moulins pendant la révolution, nonobstant l’indécision du droit de banalité » [64]. Il est ici nécessaire d’éviter un conflit concernant ces moulins : l’ensemble du village risque en effet de s’embraser et, surtout, d’accuser l’administration de favoriser les intérêts particuliers des membres du conseil municipal. De même, à Toudon, BLANQUI pense qu’« il est convenant qu’il soit renouvelé cinq membres attendu que dans le conseil il ne s’est trouvé aucun des propriétaires d’olivier, ce qui a été cause que les intérêts de ces derniers ont été sacrifiés d’une manière criante dans l’affaire des moulins communaux » [65].

Les mœurs comptent cependant autant que l’honnêteté, dans la mesure où elles déterminent l’opinion que la population a du fonctionnaire, donc de l’administration, et par-là même du gouvernement. A Auvare, le sous-préfet conseille ainsi de remplacer l’adjoint, Nicolas MARTIN, qui « mène une vie errante et vagabonde ». Il est en effet absent de la commune depuis huit mois et « sa conduite est d’ailleurs immorale à cause d’une femme qu’il entretient au préjudice de son épouse et de ses enfants ».

Il apparaît ainsi comme un enjeu capital, pour l’administration, de donner d’elle-même une bonne image auprès de la population. On se trouve en effet ici à ce qui nous est apparu comme l’enjeu et l’objectif principal du pouvoir supérieur : légitimer son autorité. Si le nouveau régime fonctionne mal et n’emporte pas une certaine adhésion de la part de la population, il sait que son autorité sera ressentie comme illégitime, et donc massivement rejetée.

Cet enjeu est explicité dans une lettre de BLANQUI au préfet, le 3 Pluviôse an XI :

« Tous les jours la sous-préfecture est obsédée par des individus qui ne cessent de réclamer la reddition des comptes de la part des comptables des revenus communaux qui n’ont point satisfait à l’obligation que la loi leur impose de rendre leurs comptes aux époques déterminées. Je n’ai à leur donner aucune raison satisfaisante. En effet, depuis mon entrée en fonction, il n’a été pris aucune mesure pour forcer les comptables à la reddition des comptes et tout a été laissé en quelque sorte à leur arbitraire. Je vois avec regret que le nombre des récalcitrants augmente au lieu de diminuer, et que les réclamations des citoyens se multiplient à n’y pouvoir résister. Dans un pays dépourvu de lumières, lorsqu’on voit l’autorité supérieure dans l’inaction on est pour l’ordinaire enclin à porter des jugements dont la probité et la délicatesse s’indignent, et l’autorité la plus immédiate est celle qui est la plus exposée à ces sortes de reproches flétrissant, quoique non mérités. Lorsqu’après deux ou trois plaintes réitérées les plaignants ne voient prendre aucune mesure, ils s’en vont dans la persuasion que l’autorité à laquelle ils se sont adressés ne leur rend point justice pour des motifs que l’honneur réprouve » [66].

Ce souci de l’image du gouvernement est également sensible lors d’une affaire, en l’an XI, qui oppose le tribunal de première instance de Puget-Théniers à un certain Honoré CONIL, menuisier, qui a effectué des travaux au tribunal, pour lesquels il n’a toujours pas été payé [67]. BLANQUI, après avoir remarqué que « tout cela fait du tort à des magistrats qui doivent être entourés de l’estime publique pour remplir dignement le ministère qui leur est confié d’administrer la justice » demande au préfet d’intervenir en personne afin de mettre fin à cette affaire, qui risque en effet de compromettre gravement la crédibilité du tribunal.

Ce souci de l’opinion publique ne se traduit cependant pas seulement dans la peur du scandale ou de l’impopularité. Il s’agit également de récompenser les bons citoyens, ceux qui se sont dévoués pour le bien public. Ainsi, en l’an XI, lorsqu’une épidémie meurtrière frappe la commune de Beuil [68], le médecin RIBOTTY et le chirurgien de Toüet-de-Beuil (qui, ne pouvant s’y rendre lui-même, n’hésite pas à envoyer son propre fils) se font remarquer par leur dévouement à lutter contre la maladie. Dans une lettre au préfet où il lui expose la situation, BLANQUI suggère trois mesures à prendre d’urgence, dont « donner au médecin et chirurgien [...] qui se dévouent pour le soin des malades attaqués de cette maladie des marques de la satisfaction du gouvernement et de la reconnaissance publique pour leur dévouement digne d’éloge. » L’administration poursuit ici un double but : se rallier des notables dont elle a besoin et montrer à la population que le bien public est son souci prioritaire.

 

L’administration s’est donc efforcée de répondre aux deux impératifs majeurs de la politique intérieure napoléonienne : assurer le maintien de l’ordre et chercher à obtenir l’adhésion populaire. Malgré des conditions difficiles, dues en partie aux excès du Directoire, à la pauvreté générale, ou aux liens de parenté dans les conseils municipaux, BLANQUI s’efforce de stabiliser la vie politique de son arrondissement, notamment par la recherche permanente de compromis. Il n’hésite pas, cependant, à lutter contre toute velléité d’autonomie de la part des municipalités quand il sent que cela s’avère nécessaire. Enfin, on remarque chez lui un réel souci de l’opinion publique : il cherche par tous les moyens à éviter le discrédit de l’autorité supérieure et se montre particulièrement attentif aux rumeurs. Face à une situation en constante évolution, le sous-préfet de Puget-Théniers sait faire preuve d’une grande faculté d’adaptation, sans pour autant perdre de vue les buts fixés par le gouvernement.

 

Que retenir, en définitive, des relations entre les communes et l’administration dans l’arrondissement de Puget-Théniers sous le Consulat et l’Empire ? Deux points nous paraissent importants.

La force du sentiment communautaire et l’aptitude des notables locaux à développer des stratégies et des pratiques discursives visant à repousser les ingérences de l’administration, nous semble d’abord devoir être soulignées. Loin d’adopter une attitude passive ou attentiste, les maires et les autres acteurs de la vie politiques locales, comme les curés, savent lutter avec les moyens dont ils disposent contre leur mise sous tutelle, parfois avec succès.

L’action de l’administration dans l’arrondissement se solde ainsi globalement par un échec, malgré la volonté de compromis de BLANQUI. Le pouvoir central n’est manifestement parvenu à se concilier ni les notables locaux, ni la population, dont les intérêts sont trop souvent contraire à ceux du gouvernement impérial. L’enseignement, la fiscalité communale et les différents règlements sur les chèvres et les bois ont constitué trop de pommes de discorde pour que les communes adhèrent à un Etat qui offrait peu en échange. L’administration napoléonienne, par la voix de BLANQUI, s’est montrée trop exigeante, trop rigide face aux communes et aux notables qui, se sentant agressées, ont adopté des attitudes de refus, voire de rejet, et sont retournées vraisemblablement sans regrets au royaume de Piémont-Sardaigne, en 1814.

 

Orientations bibliographiques

AGULHON M., GIRARD L., ROBERT J.-B., SERMAN W., et collaborateurs Les maires en France du Consulat à nos jours, Paris, Publications de la Sorbonne, 1986.

COLLOMP A. La maison du père. Famille et village en Haute-Provence aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, PUF, 1983.

GEORGE J. Histoire des maires, de 1789 à 1939, Paris, Plon, 1989.

JESSENNE J.-P. Pouvoir au village et Révolution. Artois, 1760-1848, Lille, Presses Universitaires de Lille, 1987.

LEBRUN F. & DUPUY R. (Dir.), Les résistances à la Révolution. Actes du colloque de Rennes (17-21 septembre 1985), Paris, Imago, 1987.

LYNCH E. Entre la commune et la nation. Identité communautaire et pratique politique en vallée de Campan (Hautes-Pyrénées) au XIXe siècle, Tarbes, 1992.

MENDRAS H. Sociétés paysannes. Eléments pour une théorie de la paysannerie, Paris, Armand Colin, 1976.

SHALINS P. Frontière et identités nationales. La France et l’Espagne dans les Pyrénées depuis le XVIIe siècle, Paris, Belin, 1996.

POURCHER Y. Les Maîtres de granit. Les notables de Lozère du XVIIIe siècle à nos jours, Paris, Olivier Orban, 1987.

 

ANNEXES

 

I :  Maires nommés le 24 Thermidor an VIII.

II :  Avis de Blanqui pour le premier renouvellement.

III : Premier renouvellement (19 janvier 1808).

IV : Avis de Blanqui pour le second renouvellement.

V : Second renouvellement (8 mars 1813).

Ascros

J. A. Gastaud

J. A. Gastaud

(à conserver)

J. A. Gastaud

J. A. Gastaud

 (à remplacer)

J. A. Gastaud

Auvare

A. Martin

A. Martin

(à remplacer)

H. Toche

H. Toche

 (à conserver)

H. Toche

Bairols

N. Ginesy

A.Buerch

(à conserver)

A. Buerch

J. M. Buerc

 (à conserver)

J. M. Buerc

Beuil

J. Bailon

A. Donadei

(à conserver)

A. Donadei

J. D. Donadei

 (à conserver)

J. D. Donadei

Bonson

J. B. Audoli

J. B. Colmars

(à conserver)

J. B. Colmars

J. B. Colmars

J. B. Colmars

Chateauneuf

D. Roubaud

P.D.Miquellis

(à remplacer)

P. Roubaud

H. Ginesy

(à conserver)

H. Ginesy

Clans

C. E. Regis

C.E. Regis

(à conserver)

C. E. Regis

C. E. Regis

(à remplacer)

T. Rasin

Cuébris

J. Maunier

J. Maunier

(à remplacer)

A. Pons

A. Pons

 (à conserver)

A. Pons

Daluis

J. Brun

J. Brun

F. Robert

F. Robert

 (à conserver)

F. Robert

Entraunes

V. Amici

P. Ginedi

(à remplacer)

F. Gautier

H. Lions

H. Lions

Gilette

E. Scoffier

J. Giausseran

 (à conserver)

J. Giausseran

J. Giausseran

 (à conserver)

J. Giausseran

Guillaume

F. Genesi

F. Genesi

(à remplacer)

J. T. Durandi

F. X. Durandi

 (à conserver)

F. X. Durandi

Ilonse

H. Matheodi

A. Chamossi

 (à conserver)

A. Chamossi

A. Chamossi

 (à remplacer)

J. L. Remusati

Isola

C. Agneli

C. Agneli

 (à remplacer)

C. Ramini

C. Ramini

(à conserver)

C. Ramini

La Croix

A.A. Raybaud

J.F.Corporandy

(à conserver)

J. F. Corporandy

J. F. Corporandy

 (à conserver)

J. F. Corporandy

La Penne

F. Authier

J. B. Lions

 (à conserver)

J. B. Lions

J. B. Lions

 (à conserver)

J. B. Lions

Lieuche

A. Leautard

L. Lambert

 (à remplacer)

S. Bailon

S. Bailon

 (à conserver)

S. Bailon

Malaussène

A. Massiere

E. Andoli

 (à remplacer)

A. Andoli

A. Andoli

 (à conserver)

A. Andoli

Massoins

J. Ugonis fils

E. Martin

 (à conserver)

E. Martin

J. B. Laurens

 (à conserver)

J. B. Laurens

 

I :  Maires nommés le 24 Thermidor an VIII.

II :  Avis de Blanqui pour le premier renouvellement.

III : Premier renouvellement (19 janvier 1808).

IV : Avis de Blanqui pour le second renouvellement.

V : Second renouvellement (8 mars 1813).

Peone

Salicis

T. Guerin

(à remplacer)

C. Baudin

C. Baudin

 (à conserver)

C. Baudin

Pierlas

A. Ribotty

D. Chandol

(à conserver)

D. Chandol

D. Chandol

 (à conserver)

D. Chandol

Pierrefeu

L.A. Chabert

J. B. Maurin

(à conserver)

J. B. Maurin

J. B. Maurin

 (à conserver)

J. B. Maurin

Puget-Rostang

S. Bonnetty

S. Bonnetty

(à conserver)

S. Bonnetty

J. Maurin

 (à remplacer)

H. Lombard

Puget-Théniers

H. Genier

J. B. Ribotty

(à conserver)

J. B. Ribotty

A. Saurin

 (à conserver)

A. Saurin

Rigaud

B. Feraud

J. B.Audibert

(à conserver)

J. B. Audibert

H. Gaimard

 (à conserver)

H. Gaimard

Roquesteron

L. Garrel

J. B. Alziary

(à remplacer)

J. J. Alziari

J. J. Alziari

 (à conserver)

J. J. Alziari

Roubion

J. A. Guerin

J. Beuil

 (à conserver)

J. Beuil

J. Beuil

 (à remplacer)

J. Blanqui

St-Antonin

L. Niel

C. Chier

 (à conserver)

C. Chier

C. Chier

 (à remplacer)

J. B. Augier

St-Dalmas

I. Biallet

J. A.Domenge

(à remplacer)

P. Dalmas

L. Dalmas

 (à conserver)

L. Dalmas

St-Etienne

J. Murris

J. Murris

 (à remplacer)

C. Cassarelli

C. Cassarelli

 (à remplacer)

S. Gente

St-Léger

J. Baret

J. Baret

 (à remplacer)

J. Dozol

J. Dozol

 (à conserver)

J. Dozol

St-Martin

P. C. Paulon

C. Payani

 (à conserver)

C. Payani

J. P. Payani

 (à remplacer)

C. Liautaud

Sause

J. N. Vicaire

J. D. Guibert

(à remplacer)

V. Trouche

J. J. Nicolas

 (à conserver)

J. J. Nicolas

Sigale

D. Barlet

J. Roustan

 (à remplacer)

A. Dalmassi

A. Dalmassi

 (à conserver)

A. Dalmassi

Thierry

A. Perdigon

A. Perdigon

 (à remplacer)

J. Leotardi

J. Leotardi

 (à conserver)

J. Leotardi

Touet-de-Beuil

T. Niel

T. Niel

 (à conserver)

T. Niel

B. Niel

 (à conserver)

B. Niel

Toudon

A. Alziary

L. Alziary

 (à remplacer)

J. Bruni

J. Bruni

 (à conserver)

J. Bruni

Tournefort

F. Audol

L. Pons

 (à remplacer)

F. Audol

J. Testoris

 (à conserver)

J. Testoris

Tourrette-Revest

J.B. Escoffier

J. B. Escoffier

(à remplacer)

J. B. Gastaud

J. B. Gastaud

 (à conserver)

J. B. Gastaud

Villars

A. Remusatty

D. Graglia

 (à conserver)

D. Graglia

D. Graglia

 (à conserver)

D. Graglia

Villeneuve

P.L. Trouche

A. D. Arnaud

(à remplacer)

J. B. Arnaud

J. B. Arnaud

 (à conserver)

J. B. Arnaud

 -----

[1] (Article : « Les communes et l’Etat dans l’arrière-pays niçois sous le Consulat et l’Empire. L’arrondissement de Puget-Théniers et le sous-préfet Jean Dominique Blanqui », Pays Vésubien, 4-2003, pp. 110-135).

[2] Voir orientations bibliographiques.

[3] Beuil, Gilette, Guillaumes, Puget-Théniers, Roquesteron, Saint-Etienne et Villars.

[4] Pour la vie de Jean Dominique BLANQUI avant son installation comme sous-préfet, nous nous permettons de renvoyer à notre mémoire de maîtrise : COURRIERE H. Administration, intégration, résistances. Un sous-préfet dans l’arrondissement de Puget-Théniers sous le Consulat et l’Empire, mémoire de maîtrise d’histoire, Université de Nice, 1998.

[5] GEOFFROY M. Recherches sur la mise en place des institutions françaises dans l’ancien Comté de Nice, thèse de doctorat de troisième cycle en histoire, Université de Nice, 1973, p. 181.

[6] A.D..A.-M., P 144.

[7] LYNCH Ed.

[8] Entraunes, Saint-Martin, Villeneuve, Chateauneuf, Daluis, Sauze, Saint-Antonin, Roquesteron, Cuebris, Ascros, Guillaume et Gilette.

[9] COSTAMAGNA H. Recherches sur les institutions communales dans le Comté de Nice au XVIIIe siècle (1699-1792), thèse de doctorat de troisième cycle, Université de Nice, 1971.

[10] A.D.A.-M., M 261.

[11] A.D.A.-M., S 49.

[12] Idem.

[13] Idem.

[14] A.D.A.-M., S 103.

[15] 4 à Villars, 2 à Massoins et 1 à Toüet-de-Beuil.

[16] A.D.A.-M., M 404.

[17] A.D.A.-M., M 286.

[18] A.D.A.-M., M 261.

[19] A.D.A.-M., O 6.

[20] A.D.A.-M., P 303.

[21] Idem.

[22] Les budgets que les communautés devaient communiquer à l’intendant sous l’Ancien Régime.

[23] A.D.A.M., M34.

[24] A.D.A.M., X67.

[25] A.D.A.M., V84.

[26] A.D.A.M., T24.

[27] Idem.

[28] A.D.A.M., M34.

[29] JULLIARD J. « La politique », in LE GOFF J & NORA P. (Dir.), Faire de l’histoire, Tome II, Nouvelles approches, Paris, Gallimard, 1974,  p. 310.

[30] A.D.A.M., T 19.

[31] Depuis la loi Daunou (Brumaire an IV), l’instituteur ne reçoit aucun traitement de l’Etat ; il n’est payé que par les parents d'élèves.

[32] A.D.A.M., T 24.

[33] BACZKO B., dans Une éducation pour la démocratie, p. 51, a souligné la vitalité de ces écoles particulières qui échappent au contrôle de l’administration. BACZKO B. Une éducation pour la démocratie. Textes et projets de l’époque révolutionnaire, Paris, Garnier, 1982.

[34] A.D.A.-M., M 34.

[35] BORDES M. « La réforme scolaire sarde de 1729 dans le Comté de Nice », Annales du Midi, 1979, t. 91, n° 144, p. 415-422 ; FELICIANGELI D. L’éducation dans le Comté de Nice, des environs de 1550 à 1792, thèse de troisième cycle, Université de Nice, 1973.

[36] A.D.A.-M., M 34.

[37] RINAUDO Y. « Notables, culture et association en Provence », Cahiers de la Méditerranée, 1993, n° 46/47, p. 97-110.

[38] TUDESQ A.-J.'« Le concept de ‘notable’ et les différentes dimensions de l’étude des notables », Cahiers de la Méditerranée, 1993, n° 46/47, p. 1-12.

[39] Idem., p. 8.

[40] Honoré Lautard, né le 28 juin 1758 à Puget-Théniers, est notaire et homme de loi. Après 1792, il est secrétaire de la justice de paix et défenseur officieux. Il devient par la suite notable départemental en l’an X, et procureur impérial près le tribunal de Puget-Théniers, électeur et conseiller d’arrondissement. André François Xavier Raybaud, né le 11 mai 1770 à La Croix, licencié en droit, est également notaire et homme de loi. Il est juge au tribunal de Puget-Théniers en 1793, administrateur du district, commissaire du Directoire auprès du même tribunal et conservateur des hypothèques. Après le 18 Brumaire, on le retrouve commissaire du gouvernement près le tribunal, notable national en l’an X, électeur du département en l’an XI, procureur impérial près le tribunal de première instance de Puget-Théniers, et enfin président du tribunal. Cf. BERGERON L. & CHAUSSINAND-NOGARET G. (Dir.), Grands notables du Premier Empire, Tome VI, Alpes-Maritimes, Corse, Paris, Editions du CNRS, 1980.

[41] CAPPATTI L. Un bon serviteur de la France, Jean Dominique Blanqui, Député de la nation niçoise, Conventionnel, Sous-Préfet de l’Empire, Nice, 1946, p. 50.

[42] FELICIANGELI D. L'éducation dans le Comté de Nice, des environ de 1550 à 1792, op. cit. p. 61.

[43] Idem., p. 67.

[44] Idem., p. 78.

[45] A.D.A.-M., M 17.

[46] A.D.A.-M., K 1.

[47] A.D.A.-M., M 20.

[48] A.D.A.-M., K 8.

[49] A.D.A.-M., M 22.

[50] A.D.A.-M., K 12. Ces cinq listes sont reproduites en annexe.

[51] A.D.A.-M., M 286.

[52] A.D.A.-M., T 2.

[53] A.D.A.-M., O 6.

[54] Idem.

[55] Idem.

[56] A.D.A.-M., O 39.

[57] GODECHOT J. Les institutions de la France sous la Révolution et l'Empire, Paris, PUF, 1951, p. 519.

[58] A.D.A.-M., P 303.

[59] Idem.

[60] A.D.A.-M., M 202.

[61] A.D.A.-M., X 2.

[62] Idem.

[63] A.D.A.-M., M 34.

[64] A.D.A.-M., M 17.

[65] Idem.

[66] A.D.A.-M., O 6.

[67] A.D.A.-M., U 8.

[68] A.D.A.-M., M 261.

 


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