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DIANA Pascal [1] - Moulinet, « la Suisse à deux pas du littoral »

« La Suisse à deux pas du littoral »[2], un slogan surprenant pour désigner un village du haut-pays niçois. A la fin du XIXème siècle, face au déclin de l’économie rurale, le tourisme apparaît comme un moyen de dynamiser le haut-pays et d’apporter une certaine prospérité aux habitants. Après le rattachement du Comté, la plupart des villages vont rivaliser d’efforts pour attirer une clientèle estivale synonyme de revenus. Valdeblore, la « Suisse maritime »[3], l’Escarène, le « canton helvétique »[4], Saint-Martin-Vésubie, la « capitale de la Suisse niçoise »[5]. La comparaison avec la Suisse et la Savoie, berceaux du tourisme de montagne, valorise le haut-pays.

L’évolution de Moulinet dans la vallée de la Bévéra est caractéristique de ce développement touristique du haut-pays. Comme bon nombre de villages, la promotion de Moulinet en tant que station estivale repose sur le slogan de la « Suisse niçoise »[6].  L’abondance des forêts, des cours d’eau et la fraîcheur du climat sont autant d’atouts pour attirer une clientèle indisposée par la chaleur estivale du littoral. Les références à la Suisse sont omniprésentes.  Guides et brochures décrivent Moulinet comme une oasis entourée par les montagnes, « un nid de verdure »[7] qui justifie sa réputation de « la Suisse à deux pas du littoral ». Moulinet est un site qui « vaut toutes les grâces des paysages de Suisse et de Savoie »[8]. Les alpages de l’Authion appartiennent à « la Suisse méditerranéenne » et constituent « un nouvel éden devant lequel les montagnes de Suisse pâlissent »[9]. Les cartes postales témoignent de cette situation en désignant la commune par l’appellation de « Paysage suisse » ou par le slogan « Mieux que la Suisse »[10]. Les cartes postales participent à la promotion du caractère bucolique et champêtre de Moulinet. L’illustration est accompagnée de la légende « station estivale », « station d’été » ou « centre d’excursion ». L’altitude et la distance kilométrique par rapport à Nice sont soigneusement précisées. La quantité et la diversité des cartes éditées témoignent du succès touristique de la commune[11].

 

Animer le pays

Les différentes publications touristiques décrivent Moulinet comme une destination familiale. Provenant essentiellement du littoral proche (Menton, Monaco, Nice…), les estivants viennent y chercher repos et fraîcheur. Les châtaigneraies ombragées situées à proximité du village, les cascades et les gouffres formés par la Bévéra sont des promenades fort appréciées. Sur un piton rocheux à trois kilomètres du village, la chapelle de Notre-Dame La Menour est l’une des curiosités les plus spectaculaires. Classé monument historique en décembre 1937, cet édifice figure sur de nombreux itinéraires touristiques.

Les amateurs d’excursions ne sont pas en reste et s’aventurent vers la forêt de Turini et les montagnes de l’Authion. Pour faciliter leurs déplacements, ces estivants peuvent louer, auprès des Moulinois, des ânes et des mulets[12]. En 1929, la construction par l’Armée d’un téléphérique entre la route de Moulinet et le camp de Cabanes Vieilles suscite beaucoup d’espoir. Ce projet frappe l’imagination car il constituerait, de fait, une attraction unique dans la région : « Cette ligne serait en petit une imitation de celle qui relie Chamonix à l’Aiguille du Midi. »[13] En fin de compte, cette installation est exclusivement réservée à l’usage des militaires.

Le soir, les estivants apprécient de se retrouver dans les salons de lecture des hôtels pour lire les journaux et commenter les nouvelles. Parfois, « on organise de charmantes petites sauteries, des concerts, des fêtes qui sont une adaptation heureuse des plaisirs de la ville dans ce site alpestre »[14]. Notables et officiers des troupes en manœuvres sont conviés à des réceptions privées dans les villas.

Les détachements militaires amènent une certaine animation. Pendant la durée du cantonnement, Moulinet vit au rythme des soldats[15]. Revues, exercices et concerts de musique bouleversent le quotidien. Le samedi soir, un bal réunit toute la population sur la place Saint-Joseph.

La municipalité prend des initiatives pour distraire la population : subventions allouées au Comité des fêtes et aux sociétés musicales, acquisition d’un appareil cinématographique en juin 1929. La fête patronale de la saint Bernard est le point d’orgue de la saison. Pendant le festin, le village connaît une grande effervescence. Durant quatre jours, jeux, concours et cérémonies solennelles se succèdent. Le festin et les bals qui ponctuent le séjour des troupes sont des moments de rencontre privilégiés entre la « colonie étrangère » et la population locale. Le reste du temps, lieux de vie et activités distinguent ces deux communautés réunies le temps d’un été.

 

Désenclaver le village

La mise en place d’infrastructures modernes permet l’accueil des touristes désireux d’apprécier la beauté du site et son caractère pittoresque. A partir des années 1890, les municipalités successives vont s’employer à faire de Moulinet une station estivale renommée. Les défis sont nombreux. De formidables travaux sont engagés pour répondre aux exigences des estivants.

Le désenclavement routier est alors un problème fondamental. Le développement d’un réseau de communication demeure la condition sine qua non de l’essor des stations estivales et de la fréquentation touristique du haut-pays. A l’écart des principaux axes routiers, la situation de Moulinet est délicate. La route qui relie Sospel à Moulinet depuis 1883 est l’unique accès au village. Taillée à flanc de montagne, cette voie étroite et sinueuse impressionne les visiteurs : « la route au sortir des vertes campagnes de Sospel se faufile en lacets dans une gorge sauvage aux à pics impressionnants, parmi des monts d’aspect sévère. Elle semble se diriger vers quelques Bouts du Monde lorsque apparaît Moulinet »[16]. La traversée des gorges de la Bévéra constitue une curiosité touristique. De Piaon au promontoire de La Menour, la route serpente entre les falaises qui surplombent la rivière. Fernand NOETINGER, de passage à Sospel, fait un détour par Moulinet pour admirer ce site dont on lui a vanté les mérites. Le contraste entre le fertile bassin de Sospel et ce défilé rocheux est saisissant : « Peu de temps après qu’on a quitté Sospel et passé les vallons qui descendent du Braus, le vallée de la Bévéra se resserre sensiblement. On continue à s’élever et elle s’étrangle. Bientôt, il n’y a plus de vallée dans le sens qu’on attache à ce mot, mais un immense et profond couloir dont la route suit les sinuosités, et dont les parois sont formées par des pans de montagnes souvent verticaux. Au dessus de la route, des rochers escarpés, que la barre à mine et la pioche ont déchaussé, suspendus à pic, semblent près à s’abattre sur la chaussée. Sur l’autre versant, la côte a été affouillée, découpée par l’érosion (…). Au fond du précipice, on entend gronder le torrent. Devant soi, on voit s’allonger la route comme un mince ruban posé le long des flancs puissants de la montagne »[17].

L’entretien de cette route escarpée nécessite d’incessants travaux. Les chutes de pierres et les éboulements perturbent régulièrement la circulation. Les incidents sont suffisamment fréquents pour que le guide touristique de Moulinet estime nécessaire de préciser aux lecteurs que la route est « accidentée mais sûre »[18].

L’interruption de la circulation représente un préjudice important pour l’économie du village. Le 3 avril 1930, un gigantesque glissement de terrain emporte dans les gorges la chaussée sur 50 mètres. Les communications téléphoniques et télégraphiques sont coupées. Le col de Turini n’étant pas déneigé, Moulinet se trouve totalement isolé. Par miracle, la catastrophe ne fait pas de victimes. Le car de la ligne Sospel-Moulinet venait de franchir les gorges lorsque l’éboulement survint. Les jours suivants, une passerelle en bois fut aménagée pour permettre aux piétons de franchir l’amoncellement de rochers. Un câble est installé pour assurer le transbordement des marchandises. Face à l’ampleur des dégâts, une déviation du tracé de la route par les pentes du Pénas est envisagée. Cependant, cette éventualité, jugée trop coûteuse, prolongerait l’isolement du village. Les Ponts et Chaussées entreprennent la remise en état de la route afin de ne pas compromettre la vente des productions locales et la saison estivale. Des travaux considérables sont effectués pour rendre à Moulinet son artère vitale. Le 8 mai 1930, la circulation est rétablie.

Pour faciliter les déplacements des habitants du pays et la venue des estivants, une liaison quotidienne par autocar fonctionne entre Sospel et Moulinet. Ce service assure la correspondance avec la ligne de tramway qui depuis 1912 relie Sospel à Menton[19]. En 1923, un voyageur quittant Moulinet par le car de 6 heures, puis empruntant le tramway de Sospel à Menton et enfin le train, arrive à Nice à 9 h 47. L’essor des moyens de transport modernes rapprochent Moulinet du littoral et renforce sa vocation de station estivale. Les travaux menés depuis 1910 pour établir une ligne de chemin de fer entre Nice et Coni par Sospel laissent envisager de nouveaux progrès.

La construction de cette ligne suscite un vif espoir. La commune de Moulinet demande l’installation d’une gare à la sortie du tunnel du Braus pour permettre aux voyageurs d’emprunter directement la route de Moulinet sans se rendre à Sospel. De nouvelles démarches sont entreprises en 1928 pour que la gare de Sospel reçoive l’appellation de « gare de Sospel-Moulinet ». L’enjeu est important car cette dénomination ferait apparaître le nom de la commune sur les horaires et les prospectus de la compagnie du P.L.M.. En vain. Malgré ces échecs, la renommée de Moulinet va être renforcée par l’ouverture de la route de Turini. Envisagé dès l’origine, le prolongement de la route de Moulinet jusqu’au col de Turini se heurte aux impératifs de la défense nationale. Pour des raisons stratégiques, l’Armée s’oppose à l’ouverture de routes permettant de passer d’une vallée à l’autre. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, l’Armée lève son veto à l’établissement de routes inter-vallées. Le Conseil général adopte, en 1922, un programme de desserte des villages de montagne afin de créer des circuits touristiques. Le prolongement de la route de Moulinet est activement subventionné et en 1925, la jonction avec le col de Turini est réalisée. Toutefois, de nombreux aménagements sont nécessaires et il faut attendre l’été 1928 pour que la route soit ouverte à la circulation. Désormais, le village est en relation avec la vallée du Paillon par Peïra Cava et avec la vallée de la Vésubie par La Bollène. Moulinet cesse d’être un « cul de sac ». Cependant, l’étroitesse de la route pose de graves problèmes. En août, le Président de l’Automobile club de Nice réclame la mise en place d’un sens unique entre Moulinet et Turini[20]. Quelques années plus tard, une pétition est adressée au Préfet par un avocat marseillais pour réitérer cette demande. Face aux mécontentements des usagers, le Département entreprend d’élargir la chaussée et d’augmenter le nombre de garages pour faciliter le croisement des véhicules. En attendant l’achèvement des travaux, l’Armée se réserve parfois l’usage de la route. Le trafic civil est interdit lorsque d’importants convois militaires se rendent à l’Authion.

Malgré ces inconvénients, Turini devient une destination réputée. La route traverse la forêt de Turini et gagne les hauteurs de l’Authion d’où le panorama sur le littoral est exceptionnel. Plusieurs compagnies d’autocars proposent des excursions pour admirer « un grand paysage nordique à trois heures de Nice »[21]. L’entreprise Albin de Sospel organise trois fois par semaine de juillet à septembre une liaison Sospel-Turini avec halte à Moulinet. Ce service remporte un grand succès et devient quotidien à partir de 1933.

Au cœur d’un circuit routier qui relie les stations estivales de Moulinet, Peïra Cava et La Bollène-Vésubie, le col de Turini est très fréquenté. Des établissements saisonniers se développent pour profiter d’une clientèle de choix, adeptes du tourisme routier et militaires en manœuvres. Vacheries, baraquements militaires et Hôtel-restaurants forment un véritable hameau[22].

Moderniser les équipements

Victimes de préjugés, les villages du haut-pays doivent convaincre les touristes qu’ils sont au cœur de la modernité. L’aménagement d’un boulevard, l’installation du téléphone et de l’électricité sont utilisés comme des arguments publicitaires pour convaincre les estivants de la qualité des prestations offertes[23].

L’électrification du village est une priorité. L’éclairage au pétrole place Moulinet « en infériorité marquée vis à vis des pays environnants, tous éclairés à l’électricité »[24]. Afin de doter Moulinet d’un éclairage moderne, la municipalité contacte les différents entrepreneurs susceptibles de réaliser l’installation. La concession est finalement accordée en 1907 à Joseph MOTTET qui exploite déjà l’usine électrique de Saint-Martin-Vésubie. En 1922, la commune rachète les équipements et transforme l’usine en régie communale.

La situation sanitaire préoccupe les élus car les estivants se plaignent souvent du manque d’hygiène. Les touristes espèrent disposer, pendant leur séjour, d’un mode de vie comparable à celui dont ils bénéficient le reste du temps. Pour satisfaire ces attentes, le Conseil municipal décide, en 1922, la construction d’un égout collecteur et d’une fosse sceptique pour évacuer et traiter les eaux usées. De même, des bains douches et des toilettes publiques sont installés à proximité de la place Saint-Joseph. Au cours de l’été 1926, le ramassage des ordures est instauré à titre expérimental. Le succès remporté par cette initiative amène la municipalité à maintenir ce service tout au long de l’année. La présence de cette colonie étrangère contribue à diffuser de nouvelles notions d’hygiène et de confort dans le village.

Le quartier du boulevard symbolise le tournant engagé par le village vers la modernité. L’étroitesse des rues ne permet pas aux véhicules de traverser Moulinet. En 1899, une voie de contournement est établie à l’Est pour relier la route de Sospel au chemin de Turini. Elargie, dotée de murs de soutènement et de parapets, cette voie prend, « avec la plantation d’arbres rapidement développés, l’aspect d’une avenue »[25]. Surnommée le « boulevard du Progrès »[26], cette promenade ombragée de 336 mètres devient le principal lieu de détente et de rencontres. Elle relie la place Saint-Joseph au parc public Faiscetto, aménagé pour que les estivants disposent d’un « endroit propice aux heures de repos et de délassement »[27]. Le 28 août 1907, un décret présidentiel baptise le boulevard qui vient d’être achevé « Avenue Borriglione », en hommage au sénateur qui à maintes fois défendu les intérêts de la commune.

Le boulevard est un élément de prestige pour le village. En quelques années, les constructions se multiplient de part et d’autre de cet axe, là où il n’y avait que des campagnes. Cette voie dessert les principaux lieux de résidence des estivants (Hôtel de la Poste, Hôtel de Paris, les pensions des Tilleuls et du Beau Site) et de nombreuses villas. Le boulevard reçoit une attention particulière. En 1928, un plan d’alignement est mis à l’étude pour réglementer les constructions le long de la route. La municipalité accepte de prendre en charge une partie des frais de goudronnage du boulevard car bien que ce revêtement rende le sol glissant pour le bétail, il apporte une « protection contre la poussière soulevée par les automobilistes sur ce lieu de promenade »[28]. L’agrément des estivants l’emporte sur celui des éleveurs.

Maîtriser l’eau

L’été, l’alimentation en eau pose de graves problèmes car en cette période de sécheresse la population du village double. En 1907, le captage de la source de l’Andjouani et la construction d’un bassin au Castellet avaient permis d’améliorer l’alimentation en eau potable. Ces travaux répondaient aux attentes de la population car « les commodités du confort moderne étaient réclamées avec insistance par divers étrangers propriétaires de villas qui pour des raisons d’hygiène et de bien être désiraient avoir l’eau dans leurs maisons »[29]. Pour éviter une pénurie qui remettrait en cause la saison touristique, une nouvelle adduction est étudiée à partir de 1931. Les prospections menées sur les sources qui entourent le village révèlent que seule la source des Gourbelins a une qualité d’eau et un débit satisfaisants. Le captage est achevé pour l’été 1938. La maîtrise de l’eau est cruciale. L’éventualité d’un détournement des eaux de la Bévéra au profit de Peïra Cava déclenche une violente polémique. Ce projet, évoqué à maintes reprises pendant l’entre-deux-guerres, soulève un débat passionné dont la presse se fait l’écho. Une déviation, même partielle, de la rivière remettrait en cause les efforts réalisés pour garantir l’approvisionnement de Moulinet. La Bévéra alimente en eau potable le village mais permet également l’arrosage des cultures, le fonctionnement de l’usine électrique et du moulin à farine. L’émotion est grande. Pour les Moulinois, l’existence même du village est en jeu. Située en aval sur la Bévéra, Sospel est aussi menacée par ce projet. Les élus du canton s’unissent pour contrecarrer efficacement les démarches qui visent à « exproprier Moulinet du peu de bien que la nature a placé sur son versant »[30]. La « bataille de l’eau » met en évidence une certaine concurrence entre les stations estivales et fait ressurgir les rivalités valléennes.

La rénovation des équipements collectifs représente un effort financier considérable pour la commune. Les travaux ne sont possibles que grâce aux subventions accordées par l’Etat et le Département (à peu près 80 % du montant des dépenses). Les démarches entreprises par les élus pour faire de Moulinet un village moderne soulèvent certains sarcasmes : « des critiques malplaisantes émirent avec ironie que Moulinet aspirait à devenir le Versailles de Nice. Nous n’avons pas de si grandes prétentions mais nous voulons faire de Moulinet pour la Bévéra ce qu’est Saint-Martin pour la Vésubie »[31]. En effet, si Saint-Martin est incontestablement reconnue comme « la capitale de la Suisse niçoise », Moulinet est devenue dans l’entre-deux-guerres, une importante station estivale. Les articles de presse du Petit Niçois ou de L’Eclaireur relatent l’arrivée de personnalités et le déroulement de la saison d’été. Peu à peu, le village change de visage et évolue vers une économie de type résidentiel. Alors que l’hiver l’activité est réduite, à la belle saison Moulinet connaît une animation intense. De juin à septembre, la population double et la Poste voit ses opérations augmenter de 300 %. Les activités liées au tourisme se sont développées. En 1889, Moulinet compte un hôtel, cinq aubergistes-cafetiers et deux propriétaires proposent des logements meublés. En 1938, la capacité d’accueil s’est encore sensiblement accrue. Les touristes disposent de quatre hôtels, six aubergistes-cafetiers et onze loueurs de meublés. De même, si huit villas sont recensées en 1903, leur nombre est passé à dix neuf en 1938. Moulinet est un lieu de villégiature apprécié et reconnu. L’économie moulinoise a longtemps reposé sur l’agriculture, l’élevage et l’exploitation forestière. Le tourisme est venu suppléer ces activités traditionnelles qui souffrent d’un certain archaïsme et rencontrent de graves difficultés. Le secteur primaire reste majoritaire (66 % des actifs en 1939) mais le déclin du système agro-sylvo-pastoral semble inéluctable. Dans ce contexte, le tourisme apporte, dans le courant des années 1890, une nouvelle dynamique économique. La présence d’une colonie estivante représente pour bon nombre d’habitants un revenu d’appoint non négligeable.

La Deuxième Guerre mondiale va briser cet élan. La déportation de la population en Italie (septembre 1944), la mise à sac du village et les combats de l’Authion (avril 1945) ruinent en partie les efforts réalisés. Aujourd’hui, les traces de ce passé prestigieux se lisent dans le paysage architectural du village. Devantures d’anciens commerces et habitations rappellent cette époque prospère. Les cartes postales anciennes témoignent avec émotion de ces temps où Moulinet était un centre de villégiature au cœur de « la  Suisse niçoise ».

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[1] Pascal DIANA, professeur d’Histoire-Géographie au Collège Louis Nucéra, est l’un des meilleurs spécialistes de la défense du Haut Pays Niçois aux époques Moderne et Contemporaine. Son site de prédilection est l’Authion. Il est Administrateur de l’A.MON.T.(Article : « Moulinet, ‘La Suisse à deux pas du littoral’ », Pays Vésubien, 4-2003, pp. 62-69).

[2] CASIMIR J.B., Moulinet, station estivale, vers 1911.

[3] BANAUDO - COLETTA - FARAUT, Sillons, les cartes postales anciennes racontent les Alpes du Sud, Serre, 1993.

[4] VALENTIN Peïra Cava, Thorenc, nouvelles villégiatures d’été, 1905.

[5] CESSOLE - NOETINGER, La Suisse niçoise, Sirius, 1982.

[6] La paternité du terme de « Suisse niçoise » est généralement attribuée au géographe Elisé Reclus (1864). Pourtant bien avant lui d’autres observateurs avaient mis en évidence les similitudes entre le haut-pays niçois, la Suisse et la Savoie. J.DESPRINE, en 1823, remarque à Roubion que « les bois de mélèzes qui sont en face, les nombreuses eaux qui coulent en ruisseaux et tombent en cascade donnent à ce pays l’air d’un paysage de Suisse ou de Maurienne ». Les peintres, tels A. CARLONE qui séjourne dans la Vésubie en 1841-1842 ou E. COSTA et P. COMBA qui représentent les chasseurs alpins en manœuvres, contribuent à faire prendre conscience du caractère alpin de la région niçoise.

[7] Annuaire des Alpes-Maritimes, commune de Moulinet, 1903.

[8] Carte postale éditée par le Comptoir général vers 1900, collection DIANA.

[9] VALENTIN, ibidem

[10] Collection DIANA.

[11] Sans être exhaustif, nous avons pu recenser pour la période 1890-1939, près de 500 cartes diffusées par une trentaine d’éditeurs. Ces prises de vue représentent une source iconographique exceptionnelle pour étudier l’évolution de la commune.

[12] Selon l’Annuaire des Alpes-Maritimes de 1901, Moulinet compte huit loueurs de mulets pour promenades et excursions.

[13] Eclaireur de Nice, 23 mars 1929.

[14] CASIMIR, ibidem.

[15] DIANA P. – GILI E. « Conscrits et chasseurs alpins dans le Haut Pays niçois », in Pays Vésubien, n°2, 2001, pp.4-49.

[16] Eclaireur de Nice, 14 mai 1933.

[17] CESSOLE - NOETINGER, ibidem.

[18] CASIMIR, ibidem.

[19] La ligne de tramway Menton-Sospel fonctionne de 1912 à 1931. Concurrencé par l’automobile, puis à partir de 1928 par le chemin de fer Nice-Coni, le tramway disparaît dans la vallée de Bévéra.

[20] A.M., Délibérations du Conseil municipal, 23 août 1928.

[21] L’Illustration, 1933, in PASTORELLI L., Le tourisme à Nice 1919-1939, DES.

[22] Touristes, militaires, bûcherons, bergers, personnel de Eaux et Forêts, ouvriers employés à la construction des fortifications de l’Authion, le col est fréquenté par une population très hétéroclite. L’Hôtel-restaurant tenu par la famille BARRAYA depuis 1892 et le café MASSIERA sont de véritables institutions. Il ne reste plus de trace de ces établissements brûlés par les Allemands pendant la guerre.

[23] Annuaire des Alpes-Maritimes, commune de Moulinet, 1901.

[24] GASPERINI Joseph, Huit années d’administration municipale, 1912.

[25] GASPERINI, ibidem.

[26] Annuaire des Alpes-Maritimes, commune de Moulinet, 1903.

[27] A.M., Délibération du Conseil municipal, 1er décembre 1923.

[28] A.M., Délibération du Conseil municipal, 28 mai 1928.

[29] GASPERINI, ibidem.

[30] Eclaireur de Nice, 27 mars 1929.

[31] A.M., Délibération du Conseil municipal, avril 1933.

 


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