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Céline TRITZ [1] - La Côte d’Azur de 1952 à nos jours, la mutation d'un espace touristique et de son image

 

La Côte d'Azur doit sa renommée à l'image qui s'est forgée autour de ses rivages, ses promenades, son ciel d'azur. Tout d'abord espace de villégiature et de tourisme pour les plus privilégiés, cette riviera a connu comme d'autres de profondes transformations et des problèmes de saturation relatifs à son envahissement. Divers formes de tourisme se sont développées en arrière de son littoral, au sein d'espaces jusqu'alors moins convoités et qui en constitue l'arrière-pays. Stations de sports d'hiver, villages touristiques en sont les principales composantes. Avec ces évolutions spatiales et fonctionnelles, l'image touristique de la région s'est elle aussi transformée. Le guide de voyage, témoin de l'espace à visiter est le support de l'étude. Son analyse présente plusieurs intérêts. Par son contenu, il permet de poser des mots, un vocabulaire sur l'identité touristique de la région, puis par la liste des sites qu'il conseille, il établit une géographie des hauts-lieux du tourisme et de l'espace de la découverte. En confrontant les contenus de documents anciens et des supports actuels, il est alors possible de déterminer comment la géographie de ces représentations a évolué dans le temps ainsi que l'image touristique qui lui est associée. Ici, le document-support est le guide de voyages Michelin. Nous avons choisi délibérément deux dates, 1952 et 1996, les années cinquante qui représentent l'avènement du tourisme de masse et le milieu des années 90  pour les formes de tourisme actuelles.

 

1) Dans la réalité, des mutations fonctionnelles et spatiales fortes

Avant d’aborder l’évolution de la médiatisation, plus particulièrement de son contenu et de sa géographie, rappelons brièvement quelle a été l’évolution du contexte touristique sur la Côte d’Azur. Car, ce littoral, constitué d'un ensemble de cités balnéaires concurrentes, est devenu au cours des dernières années un foyer de métropolisation.

 

1.1) De la cité balnéaire à la métropolisation

Après la seconde guerre mondiale, la Côte d’Azur a déjà un long passé résidentiel et touristique, mais l'activité va bénéficier d’un essor extraordinaire. Les lois sociales d’avant-guerre couplées au développement économique permettent à une population toujours plus nombreuse de bénéficier de vacances. La saison d’hiver, construite sur le succès de l’économie résidentielle laisse le premier rang à la saison d’été et au tourisme de bord de mer. Une clientèle de classe moyenne déferle sur cet espace, même si des hôtes de prestige fréquentent toujours les palaces de Cannes et de Monte Carlo.

 

1.1.1) La toute puissance du tourisme balnéaire

Le tourisme de masse est en fait sur la Côte d‘Azur un phénomène récent. Il y a un siècle, en 1901, la Côte d’Azur recevait à peine 21 000 touristes, le cap du demi-million est atteint en 1956. Et en 1970, le flux global représente une fréquentation de plus de 3 millions d’individus. En 2001, ce sont plus de 9 millions de touristes qui se pressent sur ce littoral. L’intérieur reçoit plus de 500 000 visiteurs, ce que le littoral recevait en 1956, à l’époque où triomphait le modèle du tourisme balnéaire. Il y a donc eu une massification très importante du phénomène touristique, une croissance exceptionnelle, malgré quelques années moins fastes.

 

Ces flux s’inscrivaient à l’origine dans un espace décrit sous le terme de modèle de la cité balnéaire [2]. La cité balnéaire comprend presque toujours quatre éléments. Le premier est une marine, petit port de pêche ou petite ville. La cité balnéaire se développe presque toujours à proximité d'un noyau ancien où vit une population autochtone, souvent mal perçue par les nouveaux arrivants. Dans une première phase, ce vieux centre n'est pas fréquenté ; seuls quelques curieux s'y aventurent. Les touristes s'installent à l'extérieur. Ce n'est que dans une seconde phase que la vieille cité se transforme pour attirer des étrangers devenus moins méfiants. Le vieux centre est alors l'objet d'une politique de rénovation. Des commerces de luxe, des restaurants « typiques » se diffusent dans les vieilles ruelles où se pressent les touristes à la recherche d'exotisme. Cette dynamique est plus ou moins lente et plus ou moins achevée, mais partout elle s'observe : le mur invisible entre le noyau ancien et la nouvelle cité s'effrite, puis disparaît.

 

En marge de ce vieux noyau s'édifient les trois autres composantes. La première est constituée par la promenade en front de mer. Elle comprend un espace piétonnier, au contact même de la mer, un axe de communication dont la fréquentation est variable et une façade d'hôtels, de restaurants et de quelques immeubles.

 

En retrait du front de mer, mais parallèlement à lui, s'étire un second axe, qui est le lieu d'accueil des commerces. Aux commerces banaux sont associés d'autres formules plus spécifiques pour répondre aux besoins des touristes, agences bancaires, immobilières, magasins d'articles touristiques, presse, cafés-bars, etc…  Animé partiellement en cours de matinée, ce second axe est le véritable centre de la vie nocturne. Souvent, cet axe se transforme en zone piétonne définitive, et plus généralement temporaire, chaque soir, pendant la saison balnéaire.

 

Le troisième élément du nouveau quartier est un ensemble de résidences. En règle générale, elles déferlent en vague successive vers l'intérieur. Dans les petites et moyennes cités balnéaires, les formes basses de villas et de petits immeubles sont dominantes tandis que dans les grandes cités se produit un phénomène de densification en bordure même de l'axe commerçant. Ainsi, l'espace s'ordonne par rapport au front de mer.

 

Cette dualité de la cité balnéaire varie dans l'espace et tend à s'estomper dans le temps, mais elle constitue la charpente du modèle. Le vieux noyau correspond aux activités traditionnelles d'une petite ville animée par des fonctions urbaines et de pêche. Le nouveau noyau répond aux trois besoins essentiels des touristes, la détente sur les plages et les promenades, l'hébergement, et l'achat de produits plus ou moins nécessaires. Au cours du dernier siècle, quelques transformations ont eu lieu : les promenades ont été souvent enrichies par une circulation automobile intense, mais le schéma général d'organisation de l'espace persiste.

 

1.1.2) Tourisme et métropolisation

Aujourd'hui, l’économie touristique est fort différente. Le tourisme balnéaire n’a pas disparu. Il est encore très actif, avec une clientèle avide d’un soleil qu’elle n’est pas certaine d’avoir dans d’autres contrées. Le tourisme nautique complète et transforme le tourisme balnéaire classique. Le littoral azuréen et varois concentre le quart de la flotte française de bateaux de plaisance.

 

Mais d’autres formes de tourisme se sont diffusées au cours des vingt dernières années. Le tourisme « événement », construit sur l’exploitation d’un fait internationalement médiatisé, prend une ampleur considérable. Au mois de mai, par exemple, le festival de Cannes, le grand prix automobile de Monte-Carlo, le tournoi de tennis de Monaco, et quelques salons et fêtes illustres, attirent d’importantes cohortes de touristes. Ces touristes, qui procurent des revenus estimés à sept fois ceux qu’apporte un touriste balnéaire classique, n’ont pas les mêmes besoins. Ce tourisme est renforcé par un potentiel culturel peu apprécié à l’échelle de la France, mais internationalement reconnu. Les musées Picasso, Chagall et la fondation Maeght sont célèbres, et attirent des touristes étrangers aisés. Au total, la Côte d’Azur compte 150 sites de visite qui sont fréquentés par plus de 7 millions de personnes.

 

N'oublions pas l’imposante clientèle italienne qui déferle depuis quelques années sur la Côte d’Azur, et redonne vie à une saison d’hiver qui redevient très active. Les Italiens envahissent les grandes villes pour les fêtes de fin d’année et lors de nombreuses fins de semaines. Ils ont fait grimper la part des touristes étrangers qui représentent environ 50 % des flux en 2001. Un quart d’entre eux sont des Italiens. Une fois encore l’effet distance agit : les grandes métropoles italiennes étant à moins de trois heures de la Côte d’Azur.

 

Enfin, la Côte d’Azur n’est pas restée à l’écart de la mode du tourisme vert. À proximité des villes littorales, des espaces autrefois cultivés, mais abandonnés par leurs habitants, espèrent revivre en développant cette forme d’accueil. Mais cette forme de tourisme, malgré des campagnes publicitaires répétées, a un succès mitigé. Cela redonne vie à certains espaces, mais toutes les enquêtes montrent que son apport économique reste marginal. Il représente cependant 6 % des séjours.

 

Au total, les touristes constituent un flux de plus de 9 millions de personnes et même 10, si on prend en compte ceux qui ne font que passer. Ce tourisme n’est plus constitué d’un seul produit dominant, les activités balnéaires. Il est excessivement diversifié. La moitié des touristes séjourne hors de la saison estivale et aucun jour ne se passe sans que les Alpes-Maritimes ne reçoivent moins de 50 000 personnes.

 

Plus à l’ouest, dans le Var, des tendances similaires sont observées. Mais le tourisme balnéaire estival occupe des positions relativement plus fortes. Les hébergements en camping d’une population moins aisée et d’origine nationale donne un autre visage au littoral varois.

 

En même temps, l’économie de la Côte d’Azur s’est fortement diversifiée. Elle a bénéficié des grandes tendances qui ont accompagné la globalisation. Beaucoup d’auteurs insistent sur le rôle de Sophia-Antipolis, première technopole européenne qui fait vivre directement plus de 20 000 personnes, mais qui donne aussi indirectement du travail à environ 25 000 autres personnes. En fait, la Côte d’Azur possède d’autres aires industrialo-tertiaires importantes. Citons, la zone de Fontvieille à Monaco, qui offre plus de 7 000 emplois dans les nouvelles technologies, les zones industrielles de Carros et de Saint-Laurent-du-Var qui accueillent plus de 18 000 salariés dans des secteurs commerciaux et industriels plus traditionnels.

 

Ce développement économique rapide et diversifié submerge le modèle de la cité balnéaire. La Côte d’Azur n’est plus un chapelet de petites villes qui sommeillent en hiver et qui explosent en été. C’est un espace diversifié, soumis à un intense processus de métropolisation. Ce mécanisme de métropolisation s’explique par l’attrait des littoraux, la croissance des espaces frontaliers dans une Europe ouverte, et enfin la revanche des Suds qui caractérise l’ensemble des Midis français.

 

Cette métropolisation, qui tend à réunir des cités autrefois concurrentes, déborde les franges littorales et gagne l’intérieur le long des vallées principales du Var et de la Siagne. Si des différences économiques sont encore très perceptibles, la société azuréenne forme un tout qui déborde largement le cadre ancien des cités balnéaires gagnées par une urbanisation accélérée.

 

Face à ce développement généralisé du tourisme et les problèmes qu’il engendre, notamment ceux nés de la concurrence entre activités, il est utile de savoir comment les guides ont modifié leur contenu. Ont-ils pris en compte toutes les dimensions de ce développement ou focalisés leur attention sur quelques points particuliers ? Et dans ce cas, lesquels ?

 

1.2. De nouveaux acteurs prennent place sur la scène touristique et des techniques de communication qui évoluent

Tandis que l'espace azuréen se complexifie, les acteurs nationaux et régionaux prennent place dans la gestion des territoires touristiques de la Côte d’Azur. Absents jusque dans les années 70, ils deviennent de plus en plus présents et conscients de leur rôle de médiateur à partir des années 90. Les Comités Régionaux du Tourisme, il en existe deux en Provence-Alpes-Côte d’Azur, lancent des campagnes médiatiques qui visent à donner une image de marque plus globale du tourisme régional. Il est cependant difficile d’obtenir un résultat satisfaisant pour un territoire qui dispose d’au moins trois richesses : la mer, la montagne et les paysages provençaux et niçois célébrés par les peintres.

 

En outre, la globalisation n’épargne pas le secteur touristique. De nombreuses structures, notamment hôtelières sont insérées dans de grandes chaînes internationales. Certes, il existe encore une hôtellerie familiale, et quelques palaces tenus par des personnalités locales, comme le montre l’exemple du Négresco. Mais, de nombreuses formes de tourisme dépendent, non seulement d’une clientèle exogène, mais aussi de décideurs qui ne sont plus localisés sur la Côte d’Azur.

 

Ces nouveaux décideurs ont des sensibilités différentes, et ils ne craignent pas de modifier l’image traditionnelle de la French Riviera. Il est probable que les guides prennent indirectement en compte toutes ces transformations du secteur décisionnel.

 

En même temps que se transforme l’espace azuréen, les médias subissent eux aussi de profonds changements. De nouvelles techniques sont apparues, progressivement. Au début du siècle dernier, la photographie est inventée. Elle se généralise à partir des années 1870 et se diffuse progressivement dans les ouvrages. Les techniques cinématographiques se développent à leur tour et donnent vie aux paysages balnéaires.

 

Les guides ne peuvent pas ignorer cette part grandissante de l’image. Les textes sont quelquefois plus brefs, et ils sont rendus plus lisibles par l’addition d’images couleur. Cette transformation est accélérée par le fait qu’ils s’adressent à une classe moyenne, moins soucieuse d’anecdotes culturelles et plus demandeuse de conseils pratiques. Au sein du Guide Vert, par exemple, hier la simple gravure illustrait le guide, aujourd’hui la photographie couleur lui succède. Alors que les gravures étaient rares et la part de l’image faible dans les années 50, l’image est aujourd’hui des plus présente, puisqu’en moyenne toutes les deux pages, une photographie illustre l’ouvrage.

 

La médiatisation a donc évolué, ainsi que son contenu et cela de différentes manières.

 

2) La transformation du message médiatique

2.1) Dans le texte, une évolution notoire des  descriptions

2.1.1) En 1952, un vocabulaire adapté au tourisme balnéaire

L'ensemble des textes écrits pour présenter le paysage touristique de la Côte d'Azur en 1952 ont été numérisés et soumis à un logiciel d'analyse textuel, Hyperbase. Le calcul simple d'occurrence des termes nous présente les termes les plus couramment cités (Tab.1).

 

Il apparaît qu'en 1952 une très grande partie du vocabulaire se rapporte au registre de la mer à travers les termes côte, port, cap, plage, baie, mer, île, rade. Il est suivi d’un vocabulaire relatif au cadre de vie par les mots station, ville, villages, puis des adjectifs comme pittoresque, fréquentée, l’opposition ancienne/moderne, mais aussi des termes concernant le cadre naturel et saisonnier, à savoir colline, fleurs, estival, ou hiver. Une autre série de termes se rapporte à l’intérieur des terres, les vallées, les gorges, les routes, les cols.

 

Le mot côte nomme le plus souvent la Côte d’Azur, qui constitue le cœur de l’attention du média. Puis, par exemple à Bandol, l’esplanade du château est conseillée pour la vue qu’elle donne sur la côte, alors que Saint-Tropez, sur la rive sud, présente un des plus beaux golfes de la côte. Puis, Le Lavandou raconte l’histoire d’un navire échoué sur un récif de la côte. Dans les Maures, les côtes sont très découpées. Puis encore, les jarres de Biot décorent les villes de la Côte. Se présente alors l’opposition entre la vie grouillante de la côte avec la complète solitude des routes, comme par exemple la route d’Allos. À Juan-les-Pins, on trouve le point de la côte où le spectacle des baigneurs et baigneuses allongés à peu près nus en rang pressés dans le sable brûlant est le plus typique. Antibes offre un beau panorama sur la côte. Nice en est la capitale. À l’est des Alpes-Maritimes, Beaulieu est l’endroit le plus chaud de la côte, tandis que La Turbie, ce village célèbre pour son trophée, offre un des plus beaux panoramas de la côte.

Tab. 1 :  Les termes les plus fréquents en 1952

Vocabulaire

Nombre de citations

Station

25

Ville

21

Côte

16

Route

14

Vallée

14

Gorges

14

Port

13

Cap

13

Col

12

Villages

11

Collines

11

Plage

11

Eté

10

Azur

10

Site

10

Nice

9

Baie

9

Pittoresque

8

Mer

8

Hiver

8

Fréquentée

8

Estival

8

Sud

8

Château

8

Ancienne

8

Moderne

7

Antibes

7

Nice

7

Rade

6

Île

6

Hyères

6

Fleurs

6

Puis le mot port revient plusieurs fois, Antibes fait face à Nice, elle est une station et possède un port. À Bandol, le quai du port est ombragé de platanes. Le Lavandou possède un charmant petit port de pêche, simple grève sur laquelle on tire les bateaux…

 

Les caps sont aussi cités, le charme de la promenade, en mer et dans les îles, un beau panorama sur la côte, du cap Roux au cap d'Antibes sont le fait des îles de Lérins. D’ailleurs, le cap d'Antibes est le but d'intéressantes promenades, il forme l'extrême pointe d'une presqu'île dont le tour constitue une des plus jolies promenades de la Côte d'Azur. À Villefranche-sur-Mer, la baie, profonde, s'étend entre la presqu'île du Cap Ferrat et les hauteurs du Mont Boron. Puis à Roquebrune-Cap Martin, la ville moderne se développe sur le Cap Martin. Dans le Var, du sommet du pic des oiseaux, on découvre un très beau panorama, de gauche à droite sur les Maures, et la côte dont le cap Bénat, le cap Sicié.

 

La plage apparaît tout aussi régulièrement : elle est au centre des activités à Fréjus-Plage, tandis qu’à proximité de Fréjus, jusqu'à l'embouchure de l'Argens s'étend une plage longue de 4 km où les américains se heurtèrent, le 15 août 1944, à une violente résistance des troupes allemandes. Elle est la moins fréquentée. À Golfe Juan, la magnifique plage s'étend au fond d'un golfe mollement arrondi, tandis que, Hyères-Plage, au bord de la mer, a souffert de la guerre. À Juan-les-Pins, une pinède descend jusqu'à la plage de sable fin qui est en pente douce et abritée des vents. Le Lavandou présente aussi une belle plage de sable fin. De Nice à Menton, les plages sont immédiatement dominées par les hauteurs sur lesquelles s'étagent les trois routes célèbres, connues sous les noms de Grande Corniche, Moyenne Corniche et Corniche Inférieure. Enfin, Bandol propose ses deux plages de sable.

 

En ce qui concerne les baies, Antibes fait face à Nice, de l’autre côté de la baie des Anges, puis, Bandol, au bord de sa jolie baie, a reçu le surnom de « Lugano de la Côte d'Azur ». Pour le touriste, le charme de Beaulieu se concentre autour de la baie des Fourmis, bordée par un joli jardin. Nice, située au fond de la baie des Anges, est parfaitement abritée par un amphithéâtre de collines. Enfin, la baie de Sanary est protégée du mistral par les collines boisées que domine au loin le  Gros Cerveau.

 

Puis viennent les références à la mer. À Toulon, les faubourgs, occupés par une colonie hivernante, s'étagent au bord de la mer ou sur les pentes environnantes. À Saint-Tropez, les pentes des Maures arrivent très adoucies à la mer. Hyères-Plage profite de sa place au bord de la mer. Puis, proche de la mer, accroché au flanc d'un versant abrupt, à l'entrée de la forêt du Dom, Bormes est un attrayant séjour d'hiver. Fréjus est bâtie sur un plateau rocheux dont les pentes descendent doucement vers la mer éloignée de 1 500 m. Puis, le massif boisé des Maures s'étend d'Hyères à Saint-Raphaël, entre la mer et le couloir du Gapeau et de l'Argens. Aux îles de Lérins, le charme de la promenade, en mer et dans les îles est révélé. Enfin, au pays des roses, des oeillets et des violettes, des oliviers et des orangers, Vence, à 10 km de la mer entre Nice et Antibes, est une charmante station hivernale et estivale. Sans oublier que de Nice à Menton, la montagne plonge brusquement dans la mer. Toutefois, la mer est plus associée au tourisme varois qu’à celui de la Côte d’Azur définie au sens étroit du terme.

 

Les îles sont tout aussi valorisées. Tout d’abord la presqu’île de Giens, cette curieuse découpure du littoral varois est formée par une ancienne île reliée au continent par deux langues de sable, puis aussi l'île de Bandol. Quant aux îles d'Hyères, aussi appelées îles d’Or, ces îles célèbres, détachées de la chaîne des Maures à une époque géologique relativement récente, ferment au Sud de la rade d'Hyères. Les souvenirs que laissent la petite traversée et les promenades dans les îles comptent parmi ceux qui illuminent un voyage sur la Côte d'Azur. Puis, on découvre le village de Giens qui se trouve au milieu de l'ancienne île. Après Golfe Juan, la rade, bien abritée par les collines de Vallauris, le cap d'Antibes et les îles de Lérins, forme un excellent mouillage. Sans oublier les îles de Lérins, pour le charme de la promenade en mer mais aussi sur les îles.

 

Pour les rades, on découvre par exemple au bord du golfe de La Napoule, la rade magnifique derrière laquelle se profile l'Estérel, et Cannes bien abritée par un écran de collines. Puis, à Saint-Raphaël, petit port de commerce, la rade, profonde, permet l'accès des navires de guerre. À Toulon, au fond de sa rade, une des plus belles et des plus sûres de la Méditerranée, entouré de hautes collines que couronnent des forts, s'abrite le premier port de guerre français. A Golf Juan, la rade, bien abritée par les collines de Vallauris, le cap d'Antibes et les îles de Lérins, forme un excellent mouillage. Enfin, Villefranche est bâtie sur les pentes boisées qui encadrent une des plus belles rades de la Méditerranée.

 

Les stations surgissent de manière forte. Menton est une station hivernale, Giens est une modeste station balnéaire, tandis que la notoriété de la station de Hyères a commencé au XVIII e siècle. Ramatuelle, Saint-Tropez sont des stations balnéaires, Port Grimaud une station climatique, Juan-les-Pins est une station très fréquentée, Le Lavandou doit sa renommée de station au compositeur Ernest REYER. Nice est quant à elle une magnifique station hivernale et estivale, Cannes est aussi une jolie station estivale très fréquentée. Villefranche-sur-Mer est un port de pêche et une station balnéaire. Mais, ce terme est aussi fréquent pour désigner les sites intérieurs.

 

À 70 km au nord, Saint-Martin-Vésubie est une station qui devient un grand centre d’alpinisme l’été. Puis, Beuil est une station de sport d’hiver, alors que Valberg est une station de ski, Peïra Cava centre de sport d’hiver est aussi une jolie station estivale très fréquentée par les touristes. Sospel est une fraîche station alpestre, Vence est une station hivernale et estivale. Ainsi quelques hauts lieux surgissent déjà dans les terres, pour les sports d’hiver ou le simple repos. Ils sont cependant peu nombreux.

 

La ville s’insère dans le décor marin. À Brignoles, par exemple, la ville nouvelle se développe dans la plaine, le Haut-de-Cagnes constitue une vieille ville dominée par le château. À Draguignan, un cimetière situé à l’est de la ville rappelle les combats qui se déroulèrent en août 1944 dans la région. Puis Grasse se décompose en une vieille ville provençale, on la parcourt des terrasses de la ville moderne aux jardins étagés, ainsi elle n’est pas seulement la ville des parfums. Hyères affiche sa ville moderne, ville moderne remarquable pour ses larges voies aux magnifiques palmiers. À Menton, la vieille ville élève ses ruelles voûtées et accidentées, tandis que la ville moderne se développe librement à l’ouest dans la plaine jusqu’au cap Martin.

 

Puis ce sont les villages, sur le littoral comme dans les terres. Le village de Beuil bâti aux abords des gorges du Cians, puis Biot présenté comme un village pittoresque, tandis que Cogolin est un village commerçant et industriel. Le village de Giens est à découvrir, comme Grimaud. Le village de Lucéram occupe un site pittoresque, Roquebrune est un village couronné par son donjon, Tournefort est un village accroché à un piton rocheux, tandis que le village de La Turbie s’élève au passage d’un col.

 

Dès lors certains lieux présentent un caractère pittoresque, tandis que d’autres sont déjà fréquentés. Les oppositions ancienne/moderne se dessinent. Ainsi sont pittoresques Biot, Draguignan, mais aussi le site d’Entrevaux, puis Grasse dont l’urbanisme constitue un ensemble pittoresque. Saint-Paul par son pittoresque attire de nombreux peintres, enfin une des routes conseillées, la route de Tournefort, sinueuse n’en est pas moins pittoresque. Puis Antibes est fréquentée, comme Cagnes-sur-Mer, mais aussi Cannes, Golf Juan, ou encore Peïra-Cava au nord de Nice, mais aussi dans le Var, Saint-Raphaël et Sanary. Sont modernes les villes nouvelles, à Cannes, Hyères, Menton ou Nice, où les processus d’urbanisation sont en cours, mais aussi le monastère moderne de Saint-Honorat. L’ancien, trace du passé, se retrouve à Draguignan, à travers l’ancienne enceinte, à Entrevaux avec l’ancienne petite place forte, à Giens pour l’ancienne île, pour Hyères qui est la plus ancienne des stations climatiques, à Sospel avec l’ancienne tour à péage.

 

Pour le cadre naturel, les collines, les fleurs, la saison estivale puis l’hiver occupent le devant de la scène. Ainsi, une ceinture de collines entoure Beaulieu-sur-Mer, Cagnes-sur-Mer est bâtie dans un paysage de collines que couvrent les vignobles, Cannes est abritée par un écran de collines, Golf Juan par les collines de Vallauris, Nice se trouve au sein d’un amphithéâtre de collines. Puis Sainte-Maxime est protégée du mistral par les collines boisées, comme l’Abbaye du Thoronet, située dans un décor de collines boisées. Enfin, Toulon est entourée de collines que couronnent les forts. Les fleurs complètent ce décor. À Antibes, l’œillet tient la première place, puis la rose et les divers autres fleurs, Grasse est renommée pour ses fleurs cristallisées. À Hyères, la fleur est cultivée, la violette surtout. À Menton, les fleurs trouvent un climat exceptionnel, Nice a plusieurs industries, la fleur et la parfumerie. Enfin, deux saisons, l’été et l’hiver, prédominent. Le guide conseille le séjour d’été à Beuil, Antibes est aussi bien une station d’hiver que d’été, Saint-Martin-Vésubie devient un centre d’alpinisme en été, Saint Raphaël permet, elle aussi, les séjours d’hiver et d’été.

 

Restent alors les références au paysage de l’intérieur, à travers les vallées, les cols, les gorges et les routes qu’il est conseillé d’emprunter. Ainsi, la vallée du Caramy, la vallée du Loup, vallée taillée en gorges, puis la haute vallée de la Roya, la vallée de la Tinée, longue vallée alpestre, la très belle vallée du Var, mais aussi la vallée de la Bévéra aux gorges profondes et sinueuses et la vallée du Paillon. Les gorges attirent l’attention, les gorges du Cians, les plus belles des Alpes et les gorges du Daluis, toutes deux au départ de Beuil, puis dans la vallée du Loup, les gorges qui comptent parmi les plus belles curiosités, et encore les gorges de Saorge, mais aussi la Tinée qui se resserre en gorges. Enfin, du haut des cols, les très belles vues sont à saisir, les routes sont à parcourir. La route du col de Valberg, du col de Braus, du col de Bruis, du col de Castillon, mais aussi les routes de la corniche.

 

Ainsi, l’image d’une Côte d’Azur très proche de son littoral prédomine à la fois par la terminologie relative aux activités balnéaires, ainsi que par le vocabulaire relatif au paysage, qui est ici celui de la bande littorale. Sur les 32 termes les plus utilisés du vocabulaire, la moitié très exactement, sont des concepts relatifs au modèle balnéaire et le nombre de citations s’élève à 162 sur un total de 332. Par ailleurs, certains termes comme route, village, fréquentée sont aussi parfois employés dans le cadre de ce modèle balnéaire.  En 1952, le Guide Michelin traduit bien la réalité matérielle du tourisme.

 

La région propose toutefois déjà des incursions dans l’intérieur des terres, vers les stations de l’arrière-pays niçois mais aussi par des itinéraires routiers particuliers. L'attention du visiteur reste cependant essentiellement portée sur les potentialités que la région doit à sa position maritime et méditerranéenne et au développement de ses différentes stations balnéaires.

 

2.1.2) Les nouveaux sites décrits en 1996 sont plus diversifiés

Le second corpus de textes soumis à Hyperbase, qui concerne les sites apparus en 1996, révèle une image différente (Tab.2). D’abord, le vocabulaire est plus riche car les textes sont plus longs et décrivent de nouvelles formes touristiques en marge du monde des cités balnéaires.

 

Certes, le registre du littoral et de la station est toujours présent, mais il est désormais rattrapé par un registre relatif à la ville, aux villages, mais aussi à des activités culturelles. Quelques termes totalement nouveaux, témoins et reflets des transformations de la région, apparaissent. Ils montrent de fait aussi comment les centres d’intérêt se sont déplacés en cinquante ans, conformément aux transformations de l’espace matériel.

 

Tab. 2 : Les termes les plus fréquents en 1996

Vocabulaire

Nombre de citations

Vocabulaire

Nombre de citations

Village

74

Ruines

19

Musée

64

Plage

19

Ville

57

Maures

19

Voir

54

Jardin

19

Port

51

Rade

18

Château

49

Alpes

17

Église

46

Collines

16

Place

45

Parc

15

Mer

41

Centre

15

Siècle

40

Bourg

15

Site

39

Art

15

Cap

38

Antibes

15

Vieux

37

Golfe

14

Vue

35

Vésubie

13

Île

33

Sable

13

Tour

32

Remparts

13

Chapelle

32

Pins

13

Vallée

30

Boisées

13

Maisons

30

Baie

13

Côte

30

Pêche

12

Rues

29

Oliviers

12

Ancien

27

Mont

12

Route

24

Menton

12

Provence

24

Médiéval

12

Plaisance

24

Fontaines

12

Nice

24

Terrasses

11

Porte

23

Plages

11

Station

22

Jardins

11

Quartier

22

Grasse

11

Promenade

22

Fleurs

11

 

Le registre marin s’étoffe. On retrouve la mer, avec 41 occurrences contre 6 en 1952, mais aussi les ports, avec 51 apparitions contre 30, les caps, avec 38 citations contre 13, les îles avec 33 références contre 10, les plages et la plage, mais aussi les rades (18 contre 6), les golfes.  Le mot station toujours présent est pour sa part moins employé qu’en 1952, en passant de 25 à 22 références. Les dénominations vont à plusieurs sites, dans le Var et les Alpes-Maritimes.

Enfin un terme neuf apparaît, le mot plaisance, ignoré en 1952. Sanary, Saint-Maximin, les Îles des Embiez, Port Grimaud, le Lavandou, mais aussi Fréjus, Cavalaire ou Cogolin médiatisent leur port de plaisance. Il en est de même dans les Alpes-Maritimes à La Napoule, à Golf Juan, à Cannes, à Juan-les-Pins, à Antibes, à Monaco et à Menton. Ainsi, le décor maritime est toujours présent, mais le modèle de station tend à s’atténuer. Le tourisme de plaisance prend donc une place nouvelle, qui n’existait pas 40 ans plus tôt.

 

Le guide en évoluant devient beaucoup plus précis sur les objets qu’il décrit. Il insiste davantage sur le paysage intra-urbain des différents sites. Ainsi les rues, les quartiers, puis les maisons, s’animent sous la plume des rédacteurs. À Antibes, à Cannes, à Saint-Jean-Cap Ferrat, les rues commerçantes sont conseillées. Mais il faut aussi découvrir les vieilles rues, les rues restaurées, les rues étroites et cela dans les quartiers anciens des cités de la côte comme dans les villages de l’intérieur. À Cagnes-sur-Mer, à Eze, à Nice, le guide conseille les rues sinueuses ou fraîches, mais il y a aussi les rues d’Aups, de Bar-sur-Loup, de Bargemon, puis celles du vieux Brignoles ou de Cotignac, puis les rues de Bormes-les-Mimosas, ou de Saint-Tropez, celles de Biot, de Mougins, de Coaraze, de Breil-sur-Roya ou de Saint-Martin-Vésubie.

 

Les quartiers apparaissent aussi dans le paysage du guide. Par exemple, le quartier du Parage aux Arcs, ou encore le plus vieux quartier de Barjols, le quartier de la petite Afrique à Beaulieu, puis le quartier de la Californie à Cannes, mais aussi les quartiers neufs de Contes, le vieux quartier de Fayence, le quartier épiscopal de Fréjus. Garavan est un luxueux quartier de Menton, puis à Monaco se distinguent le quartier de la Condamine, ou le quartier de Fontvieille, mais aussi le quartier du jardin exotique. À Nice, on peut noter les distinctions entre le quartier aristocratique, Cimiez, le Vieux-Nice, devenu quartier populaire, où se tient le célèbre marché aux fleurs et les quartiers de l’ouest, où se trouvent les musées.

 

Enfin, l’attention est portée aux lieux d’habitation, récents ou anciens, mais réhabilités, ainsi sont décrites les maisons de schiste vert, mais aussi maisons à linteaux à la Brigue, maisons du XVème siècle à Cagnes-sur-Mer, vieilles maisons autour du port à Saint-Jean-Cap Ferrat, Draguignan qui invite à la flânerie au milieu de ses maisons dressées, à Eze, les maisons sont soigneusement restaurées, comme à Gourdon, à Grasse, ville provençale avec ses maisons de 4 ou 5 étages. Puis sur les îles d’Hyères, ce sont les maisons de pêcheurs. Enfin, il y a les maisons de Lorgues, et celles qui sont mises en valeur à Lucéram.

 

Sur les soixante termes plus de 10 fois cités, un tiers concerne toujours le modèle balnéaire, il reste donc au premier rang des guides, malgré un léger recul compensé par l’évocation du secteur plaisance. Vient ensuite le vocabulaire décrivant le tourisme culturel (13 termes), et enfin celui qui valorise l’intérieur (8 termes).

 

L’examen du total des citations ne modifie pas ce classement. Il apparaît tout au plus que les traits essentiels du modèle balnéaire sont souvent répétés, même si le terme musée, mot emblématique du tourisme culturel occupe le second rang avec 64 citations juste après le terme village. Les châteaux, églises et places, dans les 10 premiers rangs par le nombre de citations sont aussi le témoignage d’un changement de perception de la Côte d’Azur. Ce n’est plus un littoral voué aux seuls « 3 S » (Sea, Sand, Sunshine).

 

Tab. 3 : Les termes qualifiant les nouveaux sites

Vocabulaire

Nombre de citations

Village

44

Voir

29

Eglise

29

Siècle

27

Place

19

Château

18

Saint

17

Vue

16

Chapelle

16

Musée

14

Vieux

13

Site

13

Maison

13

Ruines

12

Provence

12

Ville

11

Bourg

11

Ancien

11

Rue

10

Ancienne

10

Vallée

9

Etend

9

Fontaines

8

Domine

8

Région

7

Porte

7

Pays

7

Panorama

7

Médiéval

7

 


 

Fig. 1 : L’analyse des correspondances sur les textes relatifs aux nouveaux sites

 

Incontestablement, si l’image du littoral s’est transformée et étoffée, elle est par ailleurs complétée par l’image des sites de l’intérieur des terres. Pour mieux apprécier les transformations du vocabulaire employé, il est alors possible d’analyser celui utilisé pour les seuls sites nouvellement décrits, et qui n’étaient pas médiatisés en 1952. (Tab.3). Sur les nouveaux sites apparus, la terminologie dominante est celle d’un paysage plus particulier.

 

Les types de lieux médiatisés à savoir village, bourg, vallée, mais aussi du cadre dans lequel ils s’inscrivent à savoir pays, région, et même Provence montrent bien la diffusion du tourisme dans l’intérieur. Et le tourisme de guides a lui aussi conquis de nouveaux territoires. L’opposition avec le registre de départ est forte. Ce nouvel espace se fonde désormais sur l'identité des sites qui le composent, ce qui, 40 ans plus tôt, transparaissait moins.

 

Le texte met en valeur les composantes architecturales des sites avec les mots places, maisons, rues, fontaines, insiste sur le patrimoine avec les termes église, château, chapelle, musée, ruines, et souligne les atouts liés à leur position panorama, domine, vue, étend. Mais surtout, les références au passé sont nombreuses : siècle, vieux, ancien, médiéval en témoignent.

 

Mais cette analyse reste globale et ne nous donne qu’une idée générale des caractéristiques de ces nouveaux sites. Qu’en est-il en effet des ressemblances, des dissemblances internes ? Existe-t-il des sites fondés sur le même modèle, quels sont ceux qui présentent les mêmes particularités, ceux qui s’opposent ?

Pour saisir ces oppositions, les 33 textes du corpus, ont été soumis à l’analyse des correspondances, en fonction des termes ou descripteurs choisis. La méthode associe aux lieux les formes qui les distinguent. L'étude du vocabulaire le plus caractéristique du corpus permet de scinder l'ensemble des termes en deux grands registres. L'un est relatif au patrimoine architectural et à l'identité des lieux, l'autre s'attache plus au cadre naturel dans lequel ils s'inscrivent. La liste des mots ou des formes a été créée de manière à déterminer comment les sites exploitent ces différents atouts. Toutefois, le vocabulaire relatif au patrimoine religieux (église, chapelle) a été éliminé de l’analyse des correspondances, car il apparaît comme une constante dans le paysage d'arrière-pays.

 

Les deux premiers axes factoriels constituent un bon résumé de l'information (Fig.1) puisqu’ils expliquent respectivement 24 et 12 % de l’information.

 

Plusieurs oppositions apparaissent. Certains sites valorisent essentiellement leur position ; les mots panorama, altitude, domine les caractérisent. Éze, Levens, Utelle, Fayence, Coaraze, Peillon représentent bien ces sites qui dominent de vastes espaces, marins comme à Éze, ou intérieur comme à Fayence.

 

À l'opposé, un second groupe de villages et de bourgs fondent leur image sur leur patrimoine. Les fontaines, château, vestiges, rues, porte et remparts deviennent essentiels. Il s'agit de Bargemon, de Cotignac, d’Aups, d’Entrecasteaux, de Breil-sur-Roya et de Notre-Dame-des-Fontaines. Ce sont des villages et des sites plus à l‘écart que les précédents, et qui sont synonymes d’authenticité.

 

Les autres lieux exploitent des éléments moins spécifiques. Pour les uns, il s'agit du site, des maisons ou d'un caractère naturel comme un ruisseau, ou un caractère rocheux. Pour Mougins, Le Luc, Le Bar-sur-Loup, c’est le caractère de petite ville qui apparaît, et à Vallauris, le facteur culturel.

 

En conclusion, la plupart des nouveaux sites médiatisés sont qualifiés par un riche patrimoine, un passé perçu comme un gage d’authenticité. Cependant, quelques-uns d’entre eux sont porteurs de valeurs paysagères, en cela leur médiatisation participe d’une même logique que celle prévalant dans le modèle balnéaire.

 

2.2. Dans l'espace, une diffusion de la médiatisation autour des sites plus anciens et le long des voies de communication

Comme le montrent les analyses précédentes, l’évolution du contenu textuel des guides a connu de profonds changements, souvent en adéquation avec les transformations de l’espace matériel. Il convient maintenant d’apprécier l’évolution dans un cadre spatial plus précis. Du point de vue spatial, l’évolution est tout aussi forte. Une simple cartographie des limites de la région touristique et des lieux médiatisés en 1952 puis en 1996 (Fig.2) montre à elle seule les transformations de l’espace médiatisé.

 

2.2.1) Les guides médiatisent des sites intérieurs

En effet, en 1952, la Côte d'Azur est associée à la Haute Provence, aussi ces limites sont repoussées au nord jusqu’à Sisteron et à l'Est jusqu’à Marseille. En 1996, seules les communes méridionales des Alpes-Maritimes et du Var sont prises en considération dans le guide Côte d’Azur. Deux autres guides décrivent désormais le reste de la région à savoir le guide Provence et le guide Alpes du Sud.

 

Le guide actuel de la Côte d’Azur nous promène donc au sein d’un espace moins vaste, mais toujours aussi attractif. En effet, le nombre de sites à découvrir à travers la région a plus que doublé. Des potentialités nouvelles sont donc nées, et avec elles, une densification de l’espace à voir. En cela, les guides suivent le même cheminement que les touristes et ils s’éloignent des cités littorales.

 

En 1952, les sites qui méritent l'intérêt sont indéniablement concentrés sur le littoral, et leur répartition est beaucoup plus lâche à l'intérieur des terres. Sur les 46 sites conseillés, 30 appartiennent à la bande littorale. Aussi, à cette date, la notoriété de la Côte d'Azur est fortement liée à la proximité de la mer alors que l'espace intérieur n'est pas encore reconnu pour ses sites. Déjà toutefois, les routes qui le traversent sont données à découvrir. En 1996, 45 nouveaux sites sont décrits, et seuls 12 d'entre eux renforcent l'image du littoral. Cinq d’entre eux concernent les Alpes-Maritimes et sept le département du Var. Les 33 autres sites se rapportent à l'espace intérieur. L’intérêt porté à l’arrière-pays est donc bien traduit par le guide.

 

Dans le Var, plusieurs zones se dessinent. Tout d'abord le Centre Var autour de Brignoles et de Draguignan. Les sites qui surgissent sont Le Luc, Cabasse, la Chapelle Sainte-Roseline, Les Arcs, Lorgues et plus au sud la Chartreuse de la Verne. Cet espace est désormais traversé par l'autoroute A8, qui en 1952 n’existait pas encore.

 

Plus au nord, deux espaces situés de part et d'autre de Draguignan font leur apparition. C'est la découverte du Haut-Var. Il s'agit à l'est de la zone d’Aups, Villecroze, Cotignac, Entrecasteaux et Barjols, située sur la route du Parc Naturel du Verdon et à l'ouest de Bargemon, Fayence, Seillans et Mons, en position de carrefour entre Draguignan et Grasse. Cette médiatisation du Haut-Var est sans doute portée par l’intérêt accordé à la Provence, à sa rusticité.

 

Dans les Alpes-Maritimes, trois nouveaux pôles s’individualisent. Grasse s'entoure de Saint-Vallier-de-Thiey et de Cabris. Les gorges du Loup font la jonction avec la ville de Saint Paul. Mougins et Vallauris séduisent les touristes cannois. En arrière de Nice, la basse vallée du Var est remarquée avec Coaraze, Utelle et Levens ainsi que Contes dans la vallée du Paillon, et plus au nord Peille et Peillon. Enfin, on note l'émergence de la vallée de la Roya avec Tende, la Brigue, Notre-Dame-des-Fontaines, Saorge, et Breil-sur-Roya. Il faut là aussi noter la création du Parc National du Mercantour en 1979. Le village de Roquebillière apparaît aussi, à l'ouest du parc.

 

2.2.2) Une diffusion ordonnée par les sites anciens et les voies de communication

Ces nouvelles zones du tourisme situées en arrière du littoral se fixent donc autour d'éléments de différentes natures. Il semble s’agir de sites anciens comme les stations de Nice, Cannes, Grasse dans les Alpes-Maritimes, ou encore des voies de communication, comme les nationales et la route du Verdon dans le département du Var. Pour vérifier cette hypothèse il est possible de se servir de la morphologie mathématique [3]. Les algorithmes déjà utilisés pour vérifier l’influence de la route et la voie ferrée sont réutilisés.

 

Une image représentant la localisation des anciens sites et une image contenant les nouveaux sites sont supports des analyses. L’image des anciens sites est progressivement dilatée puis intersectée avec l’image des nouveaux sites (Fig. 3). Au fur et à mesure des intersections, le nombre de sites touchés est comptabilisé.

 

Comme le montrent les résultats obtenus, la proximité d’un site dont la notoriété est ancienne, joue un rôle très important sur la médiatisation de nouveaux sites. Mais pas la proximité immédiate. En effet, la plupart des sites qui ont été médiatisés depuis 1952 se situent entre 10 et 15 km d’un site ancien. Dans l’intérieur, il est exceptionnel que les sites se touchent et il est donc normal d’observer un écart de quelques kilomètres. En revanche, plus de la moitié des sites médiatisés sont bien dans l’aire d’influence d’un site déjà cité en 1952. Ceci signifie que la médiatisation des espaces touristiques obéit à une logique de diffusion par contiguïté.

 

En ce qui concerne l’influence du réseau, la présence d’un axe de circulation routière, est déterminante. En effet, sur l’ensemble des sites apparus, 10 d’entre eux sont directement traversés par une route nationale, deux autres sont situés à moins de 2 km, puis 10 autres sites sont situés sur une départementale à forte circulation.

 

Tab. 4 :  La distribution des nouveaux sites autour des sites anciens

Pas de dilatation

Nombre de sites

1

5

2

11

3

14

4

6

5

2

6

4

7

2

8

1

 

Cette observation signifie que la diffusion de la médiatisation est bien soumise à l’effet de contiguïté. Mais ce processus de diffusion est en même temps guidé par le réseau de communication. La carte 3 montre que ce rôle du réseau routier est plus conséquent dans les Alpes-Maritimes, notamment le long de la vallée de la Roya, que dans le département du Var.

 


 

Fig. 3 : Les procédures de morphologie mathématique

 

CONCLUSION 

Sur la région Côte d’Azur, le phénomène touristique a connu de nombreuses évolutions que le contenu des guides transcrit bien. Tous les indicateurs calculés sur les textes de 1952 et de 1996 attestent de la convergence entre l’évolution des espaces matériels et celle des espaces médiatisés. La Côte d’Azur s’est épaissie, a annexé des espaces intérieurs dans la réalité comme dans les guides.

Mais cette corrélation souffre d’une double imperfection. D’abord, certaines formes nouvelles de tourisme, comme par exemple le tourisme de croisière, le tourisme évènement et le tourisme dit « d’affaires », ne sont pas l’objet d’une médiatisation particulière. Comme ces nouveaux produits touristiques sont localisés à l’intérieur du modèle balnéaire dans les grandes villes de la Côte d’Azur, les guides ne les valorisent pas spécialement.

En outre, il est possible que cette co-évolution présente des décalages, que l’espace matériel soit en avance sur l’espace médiatisé. Pour les observer, il conviendrait de disposer de nombreuses éditions intermédiaires, mais aussi de mieux fixer les dates d’émergence des différentes formes de tourisme.

Au plan spatial, trois règles sont vérifiées. La première, déjà perçue par différents auteurs, indique qu’un tourisme intérieur se met lentement en place et déborde le modèle traditionnel des cités balnéaires.

Plus original est le fait que l'émergence d’un arrière-pays soit dépendante de l’importance du tourisme balnéaire. L’arrière-pays ne s’est pas créé de façon autonome. Et sa médiatisation est aussi bien corrélée à celle du littoral balnéaire.

Mais surtout, les analyses démontrent que la médiatisation se fait suivant un modèle de diffusion complexe, qui intègre deux processus simples : une diffusion par contiguïté et une diffusion guidée par le réseau routier.

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[1] Céline TRITZ est Docteur en Géographie de l’U.N.S.A. (Article : « La Côte d’Azur de 1952 à nos jours, la mutation d'un espace touristique et de son image », Pays Vésubien, 4-2003, pp. 75-95).

[2] DAUPHINÉ A. « Un modèle, la cité balnéaire méditerranéenne », in Revue de Géographie du Laboratoire d’Analyse Spatiale Raoul Blanchard, n°26, 1989, pp.5-11.

[3] Ch. VOIRON, 1996


Saint-Martin-Vésubie


Roquebillière


Parc National du Mercantour

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