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Eric PEGLION [1] – L’architecture « Belle Epoque » à Saint-Martin-Vésubie
En septembre 2001, le Centre d’Etudes Vésubiennes (C.E.V.) a eu l’initiative de lancer une étude architecturale sur la période de la « Belle Epoque » dans le haut pays. Cette période représente un thème important dans l’histoire de Saint-Martin-Vésubie, tout en étant l'un des épisodes les plus méconnus par la population saint-martinoise. Cette étude trouve son origine dans l’inventaire sur le terrain de tous les édifices de style « Belle Epoque » présents sur la commune, puis dans la collecte d’informations et de témoignages auprès d’anciens et de collectionneurs de cartes postales. C’est ainsi que le 23 juin 2002, dans le cadre de la journée du Patrimoine de Pays, le C.E.V. a lancé sa première exposition sur le sujet intitulée « la Suisse Niçoise ».
La commune de Saint-Martin-Vésubie possède aujourd’hui un riche patrimoine architectural de style « belle époque » qui fut au fil du temps en partie conservé : la villa du Chevalier Lazare RAIBERTI, quartier Deloutre, est l'une des premières réalisations pouvant être considérée comme un modèle pour les villas de villégiature ; la villa du docteur PASCHETTA située au Vernet et l’hôtel Régina situé sur la place du village en sont quelques exemples.
Cette profusion d’édifices de villégiature s’explique par l’excellente réputation que la commune de Saint-Martin-Vésubie avait acquis entre les années 1860 et 1945. Cette étude se limite à cette période, précédent l'expansion du modèle des ‘chalets’, à partir des années 1950, et l'urbanisation progressive du vallon du Boréon, répondant à d'autres préoccupations sociales. En effet, c’est à partir de 1860, après l’Annexion du Comté de Nice à la France, que la réputation de Saint-Martin-Vésubie a commencé à se faire. Ce sont des hommes comme le Chevalier Victor De CESSOLE, grand montagnard, qui à travers ses nombreuses photographies a contribué à cette réputation élogieuse dont on parle encore aujourd’hui et qui fut accentuée avec l’arrivée du tramway le 21 août 1909 et de l’autocar à partir de 1928, ainsi que l’apparition de l’électricité.
C’est ainsi qu’entre 1860 et 1914, le village enregistre une forte affluence de visiteurs, dont la plupart étaient anglais, ce qui s’est traduit par une appellation anglophone de certains bâtiments : l’hôtel Victoria au chemin des Colettes, l’hôtel Carlton Elisabeth, rue du docteur Alfred Rumpelmayer, ainsi que l’hôtel Régina cité plus haut. Saint-Martin-Vésubie est devenu le pendant montagnard et estival de Nice, urbaine et hivernale.
On distingue deux types d’habitat de villégiature : 1. la villa individuelle qui est le plus souvent située en pleine nature, excentrée du village qui est jugé mal aéré et sombre par les aristocrates. Ces villas servent le plus souvent de résidence d’été puisque la plupart d’entre elles ne possèdent pas de chauffage central.
On compte un nombre de villas important sur la commune :
Villa Miravalle, 35 promenade Vincent Paschetta Villa Paschetta, chemin du Vernet Villa « Mes désirs », 167 allées de Verdun Chalet Ugo, 37 avenue Henri-Verdeil Villa « Les tonnelles », 287 avenue Charles De Caqueray Villa Marie Anne, avenue Charles De Caqueray Ancien hôtel « Idéal Séjour », avenue Charles De Caqueray Villa « La maison du petit bois », 807 avenue Charles De Caqueray La villa rose et sa maison des gardiens, 59 avenue Charles De Caqueray Villa Rivoire, 257 avenue Charles De Caqueray Villa « Les Gentianes », 228 Avenue Henri-Verdeil Villa « la Sousta », 395 avenue Eugénie-Raiberti Villa « Les Tilleuls », 154 avenue Eugénie-Raiberti Villa « Les Chardons », 534 chemin du sentier vert Villa « Les Lucioles », route de Venanson Chalet Saint-Léger, 9 rue du docteur Alfred Rumpelmayer Villa « La Harouie », chemin du clos joli Le Clos Joli, chemin du clos joli Villa « La Ribambelle », chemin du clos joli Villa Gil JO, 534 chemin du sentier vert Villa du Chevalier Lazare Raiberti, quartier Deloutre
2. L’hôtel qui est la formule d’hébergement la plus utilisée à cette époque. Les hôtels sont situés dans la proximité du village, sur la place et les lieux de vie. Ils présentent un très grand confort et sont parfois la propriété d’ hôteliers de la Côte. La plupart de ces hôtels sont encore utilisés dans leur fonction initiale (La Bonne Auberge, la Châtaigneraie, l’Hôtel des Alpes) tous à proximité de la place du village.
Hôtel le Régina, place du village Hôtel la Chataigneraie, parc de la chataigneraie Hôtel la Bonne Auberge, allées de Verdun Hôtel des Alpes, place Félix Faure Hôtel Carlton Elisabeth, rue du docteur Alfred Rumpelmayer Hôtel de Ville, place Félix Faure Hôtel de Londres, allées de Verdun, aujourd’hui détruit Hôtel Victoria, chemin des Colettes
La plupart des villas sont situées à l’extérieur du village où l’on trouve air pur et senteurs. Il existe sur la commune des quartiers où l’on peut assister à un regroupement assez dense de villas de style « Belle Epoque ». Il s’agit du quartier du Vernet principalement, mais ce phénomène se retrouve aussi avenue Charles De Caqueray ou bien encore sur les allées de Verdun. En ces lieux on peut attester de la présence de styles très divers.
Cette présence concentrée de nombreux bâtiments dans certains quartiers donne naissance à des allées ou bien de longues promenades, où les femmes en ombrelles peuvent se promener tout en restant à l’extérieur du village, trop pauvre et misérable à cette époque pour elles. Les plus célèbres d’entre elles sont l’avenue Charles De Caqueray, les allées de Verdun mais aussi la route de Venanson.
Cependant des exceptions subsistent sur le plan de la situation, puisque certaines villas sont construites dans de grandes propriétés avec des champs à perte de vue, un jardin à la française et parfois même un plan d’eau où se prélassaient femmes et enfants dans des barques. L’exemple le plus flagrant en est la villa du Chevalier Lazare RAIBERTI, grand érudit de Saint-Martin-Vésubie, qui possède un plan d’eau aujourd’hui asséché, ainsi qu’un kiosque à musique dans le jardin.
Différences de styles Dans ce paysage de montagne qu’est le site de Saint-Martin-Vésubie, on peut aisément reconnaître les villas de style « Belle Epoque ».
L’architecture à Saint-Martin-Vésubie est très différente de celle du littoral, les villas arborent une élégance assez discrète, puisque l’exubérance n’est pas de mise dans le haut pays. Il s’agit donc de bâtiments à structure simple et pratique. Les édifices nous présentent un mélange de styles très différents.
La villa en pierres taillées, par exemple, ressemble beaucoup au bâti montagnard traditionnel et fait souvent l’objet d’un mélange avec le bois. En effet, des décors de type « frises en dentelle de mélèze » décorent balcons et avant toits de certaines villas. Cet usage est dû principalement à une époque où le bois était une économie locale.
Cependant, certains bâtiments se rapprochent des styles de la Côte, puisque l’on peut attester de la présence de villas peintes en trompe l’œil, mais il ne s’agit que de décors simples. En effet, la frise constitue l’essentiel du décor des villas avec certains ornements autour des fenêtres. On appelle cette pratique « une façade à la niçoise ». Les villas ornées de frises sont à façade lisse.
De plus, on peut retrouver des villas très simples de couleur uniforme, mais avec tout de même une influence italienne très forte. La plupart du temps, c’est le rouge ou le rose qui ressort le plus. Ce style de villa peut être couplé quelquefois avec la pratique de la pierre qui sert parfois de soubassement. Des pierres de taille de calcaire sont utilisées, et parfois du granit.
Les décors des maisons sont aussi métalliques. L’usage de ferronnerie pour les balcons est présent, notamment sur les bâtiments de la place du village (hôtel des Alpes, Le Régina). Les motifs les plus représentés sont les rinceaux.
Pour conclure, précisons que cet article ne présente qu'un état des lieux d'une recherche en cours. Il est pourtant indispensable de proposer un éclairage tout particulier sur une caractéristique du site. Il nous faut parler des kiosques qui accompagnent les villas. Il s’agit de petits kiosques à musique ombragés où l’on pouvait se prélasser. Plusieurs villas l’ont conservé dans d’excellents états (villa du Chevalier Lazare Raiberti, villa Les Lucioles). Ces petits bâtiments sont la plupart du temps construits en bois et couverts par un toit métallique ou en ardoises. Ils offrent encore à nos visiteurs l'image nostalgique d'une époque où le loisir n'appartenait finalement qu'à une élite sociale, le plus souvent étrangère à nos villages, mais qui ont donné toute leur noblesse à nos sites durant leur séjour estival. ----- [1] Eric PEGLION est étudiant en deuxième année de BTS Tourisme au Lycée Paul AUGIER de Nice (Lycée Hôtelier). C’est dans le cadre de son pré-projet professionnel qu’il a pu proposé l’inventaire des édifices de la Villégiature de la commune de Saint-Martin-Vésubie, accompagné d’une exposition de présentation et de la création d’un dépliant touristique : « Les promenades de la Villégiature ». (Article : « L’architecture ‘Belle Epoque’ à Saint-Martin-Vésubie », Pays Vésubien, 4-2003, pp. 34-37). |
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