(Saint-Colomban,
Gorblaou, Camari)
Territoire de Lantosque
Eléments d’histoire d’une communauté oubliée
SZYS Solenne
Après les gorges, une communauté
isolée.
Sur la
commune de Lantosque, il existe de nombreux écarts, des hameaux où vivent
encore de nombreuses personnes. Une petite vallée se jette dans la
Vésubie, le long du vallon de Saint-Colomban. En la remontant, nous
découvrons, après les gorges, entre les crêtes de Martourins et de
Gaudissart, un versant plus agréable que les hommes ont colonisé depuis
longtemps. On y trouve quelques hameaux, autour d’une église dédiée à
Saint-Colomban.
Un espace éclaté, un centre :
Saint-Colomban est le centre principal de la vallée, où se trouve l’église
et le cimetière. Tout autour se sont installées les maisons du hameau,
sans pour autant enserrer complètement l’édifice. Il s’étend tout au long
du versant, en partant de la rive droite de la rivière jusqu’au quartier
de la Gleya.
Sur la rive gauche, en
remontant le vallon sur environ 300 m, se trouve Gorblaou. Il s’agit d’un
hameau aux maisons agglutinées, surplombant de vastes champs cultivés
encore aujourd’hui. On le trouve à l’écart des deux autres hameaux, en
contrebas de la route.
Continuant la route, nous
rencontrons Camari, s’allongeant sur le vallon. C’est le quartier le plus
cultivé de la vallée. On y retrouve les plus belles faïsses, sur
des versants doux et ensoleillés. L’habitat y est relativement lâche, et
seuls le four, la fontaine et l’abreuvoir semblent le concentrer quelque
peu. Ces pièces sont encore entretenues, rappelant leur rôle primordial
dans les temps anciens.
Prolongeant le chemin,
nous pouvons arriver au quartier de la Maïris, où se trouvent d’important
pâturages, et, au bord de la rivière, quelques prés, qui servaient à
l’accueil des troupeaux.
Béasse est un village où
plus personne ne vit à l’année. L’habitat reste encore entretenu, mais
n’accueille qu’une population estivale et saisonnière.
La Coala est un
quartier agricole. Il s’y trouve quelques granges, qui permettent à leurs
propriétaires de passer quelques jours l’été. Les planches de cultures
sont laissées en friche. Il n’y a plus de production agricole de nos
jours.
Le mythe de fondation
Lieu d’origine : La
communauté vivant dans cette vallée fermée se souvient encore d’une
origine mythique. Les anciens du quartier rappellent ces légendes
fondatrices. Il n’est pas possible de dater les événements relatés. De
plus, des périodes différentes de l’histoire locale s’interpénètrent.
Pourtant, l’origine des habitants est précisée. Mr. Henri (Philippe) et
Mme. Félicie (Juliette) GASTAUD nous les ont raconté : « Les premiers
habitants sont venus vers 1670
,
après que le premier village, au Villar, ait été emporté par le
glissement de terrain. Ils ont découvert cette vallée bien agréable, et y
ont installé leurs maisons ».
Un quartier lignager :
Mais bien plus loin transparaît un phénomène historiquement
reconnaissable. M. .... continue : « Il y avait une même famille, une
seule, qui s’y est installé, et a créé cette maison. C’était des
bergers ». Il s’agit bien alors d’un quartier lignager, mais il est
étonnant que celui-ci n’est pas laissé son nom. Les anthroponymes sont
pourtant présents dans le voisinage : Les Thaons, Raymondus... Le temps de
cet événements se perd dans les profondeurs de la mémoire : « Il y avait
une pierre écrite ‘en romain’. On dit que ce sont les Barbets qui l’on
gravé ». Une suite est proposée, rappelant les mouvements internes qui ont
agité notre vallée : « Les ‘Borins’ sont ensuite montés à Saint-Martin
Lantosque. Il y en a un là-haut qui nous a montré un livre, où c’était
marqué... Les vieilles familles ici, ce sont les ABEILLE, les
SALOMON... ». La mémoire a parfois de bien étranges manières de rappeler
les relations existant entre les différentes clairières de nos vallées.
Les mariages exogamiques étaient tout de même possibles.
L’ancien site : Quartier de
l’église
L’ancienne
église de Saint-Colomban s’élevait sans doute dans le quartier dit de
La Gleya. Il s’agit peut être d’un site plus ancien, protégé des vents
dominants, et beaucoup plus ensoleillé, orienté à l’Est.
Le nouveau Saint-Colomban
L’organisation ‘préindustrielle’ : Autrefois, la vie locale obligeait à
entretenir de nombreux équipements
,
nécessaires à des activités basées essentiellement sur les productions
agricoles. Un important élevage complétait les activités locales. Les
vaches partaient en estive l’été. Les chèvres étaient conservées au
village. Pour transformer ces produits, les habitants avaient construit
des fours, un moulin, des fontaines, lavoirs et abreuvoirs.
Les fours : Seuls deux hameaux possèdent le leur.
Le four de Camari date de
1896. Il a été restauré dernièrement. Gorblaou n’en possède pas. Celui de
Saint-Colomban date du XVIIIème siècle (1715 ou 1719).
Le moulin : Une
particularité de cette vallée est de posséder un moulin à roue verticale,
au-dessous de Gorblaou, dans le fond du vallon. Il servait à moudre le blé
(seigle ou froment) mais aussi à écraser les olives. Mais il ne
fonctionnait pas toute l’année, à cause du manque d’eau. Il a été mis en
régie au début du XXème siècle, comme la fabrication du vin et de
l’alcool.
Les habitants de la vallée
produisaient pratiquement tout ce qui leur était nécessaire : céréales,
légumes, fromages, vin, viande... Ils achetaient seulement un peu de café,
du sucre et du sel. Celui-ci était acheminé par la Route Ducale traversant
la vallée de la Vésubie, et servait surtout à la conservation des
aliments. A Saint-Colomban, il y avait, au début du siècle, une école, 3
bistrots, 1 épicerie.
Les
aménagements modernes : Avec l’époque contemporaine et les débuts de notre
siècle, la vie locale s’est lentement transformée. Les désirs d’une
nouvelle forme de confort se sont matérialisés dans l’aménagements d’un
système d’adduction d’eau courante publique. Des fontaines ont été créées
à différents points des hameaux, en captant des eaux de source. Il leur
était couplé un système de bassins pour ne pas gaspiller cette eau si
précieuse dans une vallée où la sécheresse estivale pouvait être
problématique. Des abreuvoirs et lavoirs complétaient cette organisation.
En 1900, il y avait à Saint-Colomban une fontaine et 2 abreuvoirs-lavoirs.
La nouvelle église
Après
quelques événements que l’histoire locale a oublié ou mythifié, un nouveau
site fut choisit pour élever l’église. C’est à cet endroit qu’on la trouve
aujourd’hui. Sa dédicace est destinée à saint Etienne. Il est
vraisemblable que le premier édifice (peut être celui du quartier de la
Gleya, où une chapelle aurait suffit) était dédié à saint Colomban.
Son culte a donné son nom à cette vallée. Et on peut le retrouver dans une
chapelle latérale de l’édifice contemporain. Celui-ci fut terminé en 1844.
Le clocher est un peu plus tardif, datant de 1888.
Elle est restée dans la
mémoire collective comme étant un agrandissement d’une ancienne chapelle.
On en retrouverait la trace dans le renforcement à gauche du maître-autel,
d’où l’on accède au clocher.
Cette église fut une
véritable oeuvre collective. Chacun y participa par son labeur. Le bois
qui servit à la construction de l’édifice viendrait de Béasse, le
village proche en partie abandonné. Toutes les personnes qui venaient à
l’église entendre le Sacrifice apportaient une pierre qui se rajoutait à
sa construction. La ferveur populaire fut telle que les surplus de
matériaux apportés servir à l’édification d’une maison voisine. C’est du
moins ce que rappelle la mémoire collective. De même, à la droite de
l’édifice, le cimetière ad Sanctos s’étendait sur une petite pièce.
Sa terre, servant aux inhumations, n’était pas sur le site. Les derniers
habitants racontent qu’elle fut menée à dos d’homme. Un seau formé par un
fond d’épicéa servait à transporter le sable et autres matériaux.
L’église fut incendiée
accidentellement en 1915.
L’édifice, dédié
Saint-Etienne, est relativement vaste pour le site. Il est composé d’une
nef unique en 3 travées en plein cintre. Deux chapelles latérales offrent
une vision des cultes locaux.
L’autel de droite, sans
doute dédiée à la Vierge, comprend une Pietà en son centre,
au-dessus de l’autel. Les ornements surajoutés concernent différentes
confréries implantées dans la vallée. Une preuve supplémentaire de la
vitalité passée de cette communauté. La Confrérie des Jeunes Filles de
Marie, dont la bannière est ornée d’une Vierge étoilée dominant un serpent
et des nuages. Le thème est présent dans la Vésubie (à Roquebillière,
Saint-Martin Vésubie) faisant référence à un passage de l’Apocalypse. A
gauche de la chapelle, la bannière d’une autre confrérie, ornée du mariage
de Marie et Joseph.
L’autel de gauche est
dédié à saint Colomban, héros éponyme de la vallée. Un tableau et une
statue rappelant ce culte central. La représentation picturale lui associe
saint Sébastien et un moine Franciscain, rappelant l’influence de ces
intercesseurs de proximité. Le monastère des Mineurs de Lantosque
bénéficiait d’une forte influence locale. L’Ange Gardien et saint Antoine
de Padoue complète la protection spirituelle du lieu. Dans cette chapelle,
deux croce de la Confrérie des Pénitents blancs sont appuyés contre
le mur. Deux confrères en priant sont dirigent leurs prières vers la
Sainte Croix.
Le maître-autel est
fortement séparé du fond de l’église. Son tableau représente une Vierge à
l’Enfant au centre de l’iconographie, entouré par saint Sébastien à sa
gauche, un martyre crucifié par un lien les bras au-dessus de la tête,
puis deux autres personnages aux pieds de la Madone, l’un lisant à sa
gauche, l’autre étant un évêque à droite.
Derrière se trouve le
presbytère. Celui-ci fut réparé en 1933. Au-dessus, le logement du
desservant.
Trois ouvertures fenêtres
permettent l’éclairage de la nef à droite, deux à gauche. Les fidèles
peuvent assister à la messe en prenant place sur des bans, qui ont
longtemps été propriétés familiales des Saint-Colombains. On raconte
encore que le bois qui servit à leur établissement, et celui de la
grande-porte, fut fournis par un menuisier du quartier Saint-Georges de
Lantosque.
La fin d’une communauté ! ?
Aujourd’hui, à Camari 4 familles (10 personnes) vivent à l’année, 4
familles à Saint-Colomban, et 4 autres à Gorblaou. Une population
d’origine locale revient toutes les fins de semaine occuper des anciennes
maisons de famille. En période des vacances scolaires et estivales, la
population est beaucoup plus importante. Les résidences secondaires
revivent. De nombreux touristes viennent passer quelques heures, voir
quelques jours, pour bénéficier du paysage et des nombreuses promenades
possibles sur le site. Il est a espérer que les quelques richesses de
l’histoire locale ne tombent pas en totale désuétude. C’est dans le but de
les raviver que cet article à vu le jour, en espérant qu’il soit à
l’origine d’un travail plus conséquent et complet, récompensant les
efforts des derniers habitants de la vallée de Saint-Colomban.