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Réformés de Lantosque
Etat des recherches

(Recherches archives menées sur les indications de M. Alain BOTTARO des A.D.A.-M.)

GILI Eric

 

Il existe, sur la commune de Lantosque, les ruines d’un ancien monastère, aujourd’hui totalement envahies par une végétation exubérante.

 

Il n’en fut pas de même de tout temps. L’époque de son installation reste pour nous un mystère, même si certains auteurs n’hésitent pas à la faire remonter au XVème siècle [1]. Nous savons par ailleurs que les ordres Mendiants abordèrent tôt notre région. Les premières fondations en Italie datent du XIIIème siècle, et du XIVème siècle à Nice. Il est pourtant plus sûr de dater le monastère de Lantosque (début ?) du XVIIème siècle, sans prendre trop de risques [2], et ce, jusqu’à ce qu’une étude des reliques architecturales soit menée. Un procès de 1732 [3] nous apprend que le desservant, Pierre FIGHIERA, est mis en cause par le prieur de Lantosque. Le recueil Visage des Alpes-Maritimes [4] affirme qu’il fut « fondé dans les dernières années du XVIème siècle par le Père Paul BREA, gardien du couvent de Cimiez ». Lantosque a donné à l’Ordre des Mineurs Réformés l’un de ses plus brillant canoniste, en la personne du Père Ange AUDA (+ 1680) [5]. L’implantation du monastère, longeant le grand chemin muletier, appelé avant l’invasion française strada ducale, montre clairement le rôle qu’entendaient jouer les moines de Lantosque. Il peut être rapprocher de celui d’autres monastères « ruraux » de cet ordre, ceux de Saorge et de Sospel, également sur le tracé d’axes principaux des communications entre Méditerranée et Piémont, accédant aux cols (dans la Vésubie principalement celui de Fenestre, dans la Roya, le col de Tende).

 

                Les documents que nous possédons décrivent principalement son histoire au siècle dernier. Sans doute les pertes dues au passage des troupes, dès 1792, peuvent expliquer le peu d’ampleur de ce fond. Peut être les moines ont-ils finalement rapatrié les documents vers d’autres dépôts, hors de notre diocèse, comme certains ordres religieux l’ont fait alors et depuis. Nous savons pourtant que notre monastère fut effectivement détruit lors de l’invasion française qui débuta à la fin de l’année 1792. Un acte de vente comme bien national, dressé peu après, le 28 ventose an V [6] (le ../../1797), nous le présente dans un état de ruines :

 

« le Citoyen Joseph André THAON, de La Bollène, achète un petit terrain non cultivé sis à Lantosque, provenant des ci-devant Pères de Saint-François dudit lieu, en friche, clos de murs de 3 côtés et le mur du côté du Nord de pierre à sec, où il se trouve le bâtiment qui servait de couvent aux dits pères composé d’un rez-de-chaussée et un étage, le tout dégradé, manquant de couvert, de portes et fenêtres et réduit d’aucun produit.

De la capacité, compris l’emplacement du susdit bâtiment d’1 setier et 6 mottureaux [7] (environ 2.150 m²) borné le tout, au couchant et nord le Citoyen Jean Baptiste OTTO, au couchant la rue commune qui va à Utelle, et le vallon, et au midi le Citoyen Jean BRUN.

PV d’estimation du 14 nivose dernier, par Louis UBERT expert nommé par l’acquéreur, et par soumission du 6 thermidor dernier, et Barthélémy LAURENTY expert du département, pour un revenu net de 14 frs, et en capital estimé à 308 frs.

A la charge de l’acquéreur de laisser jouir le fermier actuel pendant le temps qu’il en a le droit, conformément à son bail. Le fermage de l’année IVème appartiendront jusqu’au dit jour 8 thermidor à la République venderesse et le surplus audit acquéreur. »

 

C’est la première image du monastère que nous possédons. Le bâtiment proprement dit confronte immédiatement à l’église des Pères. Il semble avoir été l’objet d’un incendie, et ce, dans les années qui ont précédé sa mise en vente. Le toit a disparut. Portes et fenêtres également, soit qu’elles aient été brûlées lors de la destruction du monastère, soit qu’elles aient été « récupérées » à ce moment. Le monastère est alors devenu propriété privée.

 

                Lors de la Restauration, en 1814, le sort du monastère évolua de nouveau. L’inventaire dressé au moment de la loi d’incamération dans les Etats Sardes, en 1855, nous apporte d’autres précisions [8]. Le 13 juin 1818, le propriétaire, Giuseppe THAON, de La Bollène, décide de rétrocéder aux religieux le monastère. Mais il s’agit en fait d’une simple jouissance accordée aux Pères Franciscains, le temps qu’il leur sera agréable. Sorte de compromis, pour ne pas causer de perte financière trop importante à l’acquéreur des biens nationaux de 1797. Mais qui s’explique sans doute par l’état piteux dans lequel se trouvent les bâtiments. De fait, la même loi d’incamération [9] nous apprend qu’en 1820 et 1825, deux actes font foi de la propriété d’Alexandre THAON. L’inventaire de la saisie de 1855 nous décrit une nouvelle fois les lieux :

 

« * une maison d’habitation inservente de couvent aux Mineurs Réformés, situé sur les limites (fini) de la commune de Lantosque, région de Saint-Pancrace, lequel est déclaré ne pas être propriété de corps, mais propriété du sieur THAON Félix, médecin à La Bollène, de droit annuel pour 52,50 £, suivant l’extrait de matricule de fabbricato (imposata sui fabbricato - 12,93 £ à déduire).

* le jardin attenant au couvent, d’une capacité d’environ 16 ares, tenu et cultivé en faire valoir direct (ad economia diretta), d’un droit annuel de 48 £. Pour moitié propriété du feu médecin THAON, et l’autre aux héritiers du sieur Carlo Antonio OTTO.

* le mobilier consiste en ustensiles variés de cuisine, armoires, lits et tables à manger, le tout de peu de valeur, non susceptible d’être décrit comme cause prévue.

* les objets sacrés et mobiliers de l’église sont 2 calices d’argent et 2 de matière composite (composmione), 1 ostensoir en cuivre, 6 sous-tasses (pianete), 4 ordinaires et 2 pour le dimanche, quelques chandeliers de peu de valeur, et 4 de peu d’entité (di poco entità). Le délégué est d’avis que ce mobiliers du couvent, présent ou consumé, et qui servait à leur quotidien, ne sont même pas de valeur de 500 £.

                OTTO Giuseppe, syndic de Lantosque

                GASTALDI Angelo Francesco, secrétaire

                de la communauté

                PASSERON Giomi, conseiller délégué de

                Lantosque »

 

Le couvent accueil alors quelques moines, et ce, depuis la Restauration. Mais leurs conditions d’existence semblent avoir été bien plus frugales qu’elles ne l’étaient avant le passage des troupes révolutionnaires françaises. Et cela même pour des Mendiants, si on compare l’état présenté à celui que l’on connaît des autres monastères du même ordre, Cimiez ou Saorge.

 

                Un bien des plus précieux fut sans doute celui provenant d’un don de Dom. PASSERON, effectué en 1839, pour redonner vie au monastère. Le Père offrit des reliques de saint Pancrace [10], qu’il tenait de l’évêque de Porphyre. Un trésor authentifié en 1422. Ce don attirant sans doute à lui de nouveau la ferveur populaire, toujours proche des Franciscains. Leur influence est même rappelée dans le tableau ornant l’autel des Ames du Purgatoire de l’église paroissiale de Saint-Martin Vésubie, où l’on retrouve un membre de cet ordre déversant par le moyen d’une jarre l’eau apaisante sur les pauvres suppliant cherchant à gagner la miséricorde divine. Tout naturellement, le monastère accueillait les sépultures de nombreux fidèles. Ainsi possédons nous un registre de catholicité les concernant pour les années 1838 à 1841 [11]. Ce serait là un excellent indicateur de l’époque d’érection du monastère, puisqu’il est de coutume de trouver dans les vœux testamentaires le désir d’une inhumation dans ce type de sanctuaire, et cela pour des périodes fort reculées [12]. Cela nécessiterait que l’on s’attarde sur les nombreux registres notariés de Lantosque qui nous sont parvenus.

 

                Nous atteignons pourtant les derniers temps de l’existence du monastère. Les derniers moines quittèrent Saint-Pancrace de Lantosque avec la loi d’incamération (1855), abandonnant le couvent ruiné en 1858. Le Père théologal en dresse le constat, et donne la dernière destination des frères franciscains [13]. Les Frères essaimaient, depuis la Restauration, en France, ouvrant de nouvelles voies aux vocations. Le monastère de Lantosque a alors définitivement perdu sa vocation. Pourtant, un acte du 25 novembre 1859 nous présente encore la supplique de la population locale. Le monastère fut l’objet d’une importante dévotion, comme peuvent en témoigner les vœux testamentaires désireux d’offrir une dernière sépulture dans ce lieu sacré [14]. Les Lantosquois restaient désireux d’en conserver la présence, mais aussi d’en restaurer les édifices, alors fortement détériorés :

 

« Observant qu’il existe un ardent désir et un véritable besoin de la part de la population unanime pour la conservation de l’Oeuvre antique et utile établissement qui se trouve dans cette localité et pour le sacerdoce des communes voisines ... en regard de la situation de l’état dans lequel il se trouve, déclare le besoin de multiples réparations urgentes ... sans détailler les travaux et les plus indispensables et le prix relatif  [15] »

 

Comme semble le rappeler cet acte, les nombreux prédicateurs qui parcoururent nos village, pour répondre aux préceptes du Concile de Trente, vinrent souvent de Saint-Pancrace de Lantosque. Mais, dans la seconde moitié du XIXème siècle, la nécessité n’était plus aussi forte. La seule volonté de la communauté ne suffisait pas à conserver cette fondation dans la vallée. Ses seules revenus non plus. Car là est sûrement la cause de son abandon. Avec le rattachement du Comté de Nice à la France, le monastère perdait son rôle d’étape sur la route encore pratiquée des cols de la Vésubie. Même si celle-ci était devenue secondaire. Le prix élevé des réparations nécessaires à la restauration des édifices semblait alors prohibitif.

 

                Aujourd’hui propriété privée, l’ancien monastère des Pères Franciscains Réformés de Lantosque, sous le vocable de saint Pancrace, n’est plus qu’une ruine abandonnée. En perdant sa vocation religieuse, le site s’est dénaturé. Il est vrai que de nombreux événements extérieurs ont provoqué cet abandon : passage des troupes françaises, loi d’incamération de l’état Sarde (à rapprocher de notre loi de séparation des églises et de l’Etat, du moins dans ses résultats sur le patrimoine de l’Eglise), ouverture de nouvelles voies de communication avec le Piémont (la route du col de Tende, puis, avec l’acquisition de Gênes par le roi de Sardaigne, ouverture de l’arrière-pays Ligure), rattachement à l’empire français, mais aussi évolution certaine des mentalités et des besoins religieux de nos régions. Le monastère de Lantosque reste le témoin d’une époque totalement révolue, mais prend place dans notre histoire locale si riche et pourtant oubliée. Il est à espérer que les injures du temps et des hommes [16] ne le fasse pas entièrement disparaître.

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[1] - PASSERON Lantosque, notre village. A remarquer de J.-P. BOYER, dans sa thèse sur la Vésubie médiévale, n’en parle pas.

[2] - C’est du moins ce qu’il ressort de notre consultation des Pères Franciscains de Cimiez, qui ne possèdent pas plus de renseignements que nous sur ce monastère.

[3] - A.H.D.N., série paroissiale, Lantosque

[4] - Collectif Visages des Alpes-Maritimes, Serre, 1979, p. 21

[5] - L. de KERVAL Le couvent des Frères Mineurs et le sanctuaire de ND de Cimiez, 1901, p. 64

Père Achille Léon Histoire de l’Ordre des Frères Mineurs. Saint-François d’Assise et son oeuvre, Ed. Franciscaines, 1950, p. 140

[6] - A.D.A.-M., Série 1Q 69, vol° 16, f° 143-146 v°

[7] - Mesures locales de superficies. La starate, équivalant au setier français, comprend 16 motturali. La première pour environ 1.600 m², la seconde pour environ 97 m² de nos mesures.

[8] - A.D.A.-M., archives non classées, n° 936 (429 - 1 à 3), communiqué par M. BOTARO

[9] - Ibidem

[10] - A.H.D.N., dossier paroissial

[11] - A.D.A.-M., Série 2E 5 Mi 75/R8

[12] - E. GILI Fondateurs et propriétaires de chapelles à Nice (XIIIème-XVIIIème siècles)

[13] - A.D.A.-M., archives non classées, op. cit. (voir liste en pièces justificatives)

[14] - A.D.A.-M., série 2E, 5 Mi 75/R8 - Couvent des Mineurs Réformés de Saint-François de Lantosque : Sépultures 1838-1841

[15] - Ibidem

[16] - L’intérieur de la chapelle a été l’objet de « pillages » ces dernières années, comme semble le prouver les quelques excavations qui s’y trouvent (voir photo n° 2)

 


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