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Les gypsiers et plâtriers

 

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de la Vésubie

MERCADIER Daniel

 

                Un peu d’histoire :

                Le plâtre est, dans notre région, un des plus ancien matériau utilisé dans la construction . Le gypse comme nous l'appelons ici, a été utilisé depuis bien longtemps déjà dans la fabrication  de l'habitat et toute autre construction locale.

 

                Il est difficile de dater l’utilisation par l’homme de ce matériau dans la Vésubie, mais, lors de recherches sur de très vieux édifices ou ruines dans la vallée, l’omniprésence du plâtre transparaît à toutes les étapes des constructions. En prenant l’exemple de Roquebillière, sur l'emplacement du lieu-dit le Caïre del Mel, qui fut construit, dit-on au temps des Ligures Vesubianii[1], on peut s’apercevoir que diverses pièces de maçonnerie témoignent de la présence du plâtre à la base des fondations. L’existence fréquente de gypse dans la vallée, sa mise en oeuvre aisée en faisait la matière idéale pour l’aménagement des constructions. Les plus humbles demeures furent progressivement recouvertes d’un enduit d’origine locale. Les paysans eux mêmes, furent les premiers à fabriquer le plâtre.

 

                Très abondant sur le site de Lantosque, il est très facile de l'extraire, avant de le faire cuire et de le rendre, après broyage, concassage manuel et tamisage, prêt à l'emploi. Sa couleur pour l'époque n'est pas celle que nous connaissons. Le plâtre de fabrication rustique était même, quelquefois, mélangé aux cendres. Sa couleur est alors rosée gris. Pour le broyage, il était utilisé de grosses masses carrées en bois. La chance voulait qu'une énergie raisonnable soit utilisée pour ce genre de travail.

 

                La roche de gypse est la plus tendre que nous connaissions. C’est une roche d’origine sédimentaire, secondaire (Trias ou Jurassique Supérieur à Lantosque). Elle se présente sous forme de couches, ayant un aspect de sucre, blanc, incolore ou de miel. Elle peut également être rosée ou rouge, ce qui indique la présence de fer (Fe2O3), ou encore gris. Les carrières sont exploitées à ciel ouvert. Son critère de dureté est de 2, rayable à l’ongle (crt. 2,5). C’est une roche qui se forme par évaporation, après un dépôt dans des eaux peu profondes, lagunes ou lacs. On obtient le plâtre en la chauffant, entre 110 et 160 °. Sa composition chimique explique sa transformation : CaSO4, 2H2O, sulfate de calcium hydraté, qui perd les ¾ de l’eau qu’elle contient lors de cette opération pour former cette nouvelle matière aux multiples usages. En y rajoutant de l’eau, on obtient de nouveau du gypse, que l’on peu modeler. Une de ses particularité principale, hors sa plasticité propre, est qu’il résiste aux incendies. Il a pu servir également, dans des régions d’accès et de transformation facile, à amender les terres (le « chaulage »), mais cela assez tardivement. Ce n’était pas alors la roche qui faisait défaut, mais le bois nécessaire à la chauffer. C’est justement en portant ces mêmes températures au-delà de 1.250 ° que l’on pouvait transformer cette même matière en chaux (CaO). La différence entre ces deux degrés explique que le plâtre pouvait être préparé par ou pour l’usage d’un seul individu. La chaux nécessitait une organisation toute particulière, et la participation d’un grand nombre d’individus, donnant même lieu à des manifestations festives communes[2]. L’on comprend alors qu’on ne la fabriquait que rarement dans l’année, parfois même une seule fois, mais que les quantités produites n’avaient aucune commune mesure d’avec celles du plâtre. Celui-ci était un produit suffisamment simple pour être fabriqué à la demande, et en quantité désirée. Point s’en fallait d’en produire trop.

 

                Le témoignage d’Armand :              

                Ce qui nous intéresse, nous, « farfouilleurs », ou ficanas comme on dit ici dans la Vésubie, c'est de pouvoir, par nos recherches et notre curiosité, comprendre les raisons et les méthodes. Pour nous aider, il y existe souvent des personnes disponibles, comme notre ami Armand Palayer, ancien chef de chantier de la plâtrière de Lantosque, aujourd'hui à la retraite. Il connaît la façon la plus moderne pour fabriquer cette matière. Mais aussi, de par son âge, il a connu les méthodes, quelques peu rustiques, voir archaïques, qui étaient employées au début de l’exploitation de l'usine. Par la curiosité de son jeune âge, il a appris les méthodes de fabrication de nos ancêtres.

Et il nous raconte : «  Petit, si tu veux faire du plâtre comme avant, la recette est très simple, et nos anciens faisaient ainsi :

- Le plus facile pour eux étaient de choisir des endroits où ils pouvaient trouver en abondance la pierre qui leur servira pour la matière finie, mais aussi le bois pour la cuisson.

Au flanc d'une colline , d'un talus, ou d'un mur, ils creusaient un demi-cercle, de façon à enfoncer le plus possible le four qu'ils allaient construire. La forme de celui-ci était ronde, sa grandeur était variable suivant la quantité que l'on voulait fournir. D'une base très approximative, les dimensions étaient, pour le sol, un peu celle d'un four à pain communal : 1,50 à 2 mètres de circonférence. Pour le reste des opérations, il n'y a plus rien à voir avec celui-ci , car les murs sont montés droit sur une hauteur de 1 mètre. L'ouverture pour l'approvisionnement en bois est de la même hauteur, et la largeur de 30 centimètres environ. Ces mesures ne sont bien sûr que très approximatives, car toute la fabrication était a vista des nas, au pif quoi !

Une bonne quantité de bois devait bien sûr être  préparée. Il fallait un choix de bois très sec pour donner une grande chauffe. L'organisation de la matière à cuire se faisait de la manière suivante : Très minutieusement, on redouble les murs. Les pierres de gypse rondes et épaisses sont assemblées de cette façon, pour que le maximum d'étanchéité soit obtenu. Ainsi on gardera le plus possible toute la chaleur dans le four. Là, on peu comprendre pourquoi le four est ancré le plus près possible d’un talus, voir dans la terre. Tout cela pour apporter des calories en plus. Une fois que le doublage des murs arrivait au niveau de la margelle, on pouvait commencer la voûte. Pourquoi une margelle ?

 

Lors de la cuisson il y a dilatation et tassement de la matière, donc pour éviter l'effondrement de la voûte on avait recours à cette méthode. La voûte était, après cuisson, désolidarisée des murs de doublage cuit[3]. Quand les murs et la voûte étaient chargés et finis, on commence la cuisson. Celle-ci devra monter à une température d'environ 150° c.

Il faudra de 24 à 36 heures, suivant les saisons, pour clore la cuisson. Pour évaluer cette même cuisson, il y avait une petite astuce : cela consistait à positionner au-dessus de la voûte, de l'arrière à l'avant, des morceaux de bois dur très secs, que l'on enfonce de façon à ce qu ils tiennent droit dans le gypse avant cuisson. Quand la chaleur monte, l'arrière, qui est alors le plus protégé de l'ensemble, cuira le premier. C’est alors que nos petits morceaux de bois tombent en cendre, d'abord l'arrière, et progressivement vers l'avant du foyer, ce qui montre alors le stade de la cuisson. Quand tous ces petits morceaux de bois ont brûlé, on doit charger le maximum de bois dans le foyer, puis fermer avec d'autres pierres de gypse l'entrée.

Quand le bois est entièrement consumé, le gypse  est cuit. Après refroidissement, le gypse est broyé avec des masses en bois. Il est alors devenu du plâtre. Nous avons tous remarqué que les murs construits avec le plâtre des temps anciens, avaient quelques fois la particularité d'inclure dans la matière de la cendre, ou du charbon de bois. Ce charbon de bois ou cette cendre, bien sûr, provient de la cuisson, et du mélange pendant le broyage. A part peut-être de fausses idées à l'époque, qui aurait considéré que le mélange pouvait apporter une plus grande solidité a la matière ? Il semblerait que le mélange ne soit en fait qu'une tromperie, pour la revente du plâtre. Le vendeur pouvait gagner un ou deux sacs sur la quantité, ce qui, pour cette dure époque, pouvait être très appréciable ».

 

                Remercions Armand de son témoignage si précieux aujourd’hui, qui rappelle ces temps révolus où l’environnement immédiat des personnes fournissait l’essentiel de leurs besoins. De cette manière, les techniques et savoir-faire du temps passé ne disparaîtront pas. Mais si les exigences et nécessités de chacun étaient ainsi satisfaites, le plâtre a été plus généralement utilisé de manière massive pour les constructions « publiques », dans les édifices communs. C’est surtout le cas des bâtiments religieux, qui sont encore de nos jours des exemples uniques et fragiles de cet emploi. Revêtement, il pouvait également être à la base de la fabrication de ces faux stucages, véritables gypseries, qui couvrent nos chapelles et églises, et leurs donnent cet aspect trompeur et ostentatoire de richesse. Ce n’étaient plus les simples particuliers qui en décidaient la confection. Les municipalités ordonnaient sa fabrication[4] en quantité, en prévoyaient la rémunération de celui qui s’en chargerait, afin de répondre à la nécessité de travaux importants.

 

                Le plâtre, si commun fut donc un élément important de l’environnement de nos anciens. Sa facilité de fabrication, d’emploi, et son moindre coût ont fait sa célébrité, mais aussi l’ont rendu omniprésent dans les ouvrages des maçons d’autrefois. Ce témoignage se veut une trace de cette activité ancienne, qui tend aujourd’hui à disparaître de notre vallée.

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[1] - Nom qui transparaît sur le trophée d’Auguste à la Turbie

[2] - Voir J. CUCURULLO « Légendes et réalités du Valdeblore », extrait de Paroles d’un pays - La tradition orale dans les Alpes du Sud,  Ed. Serre, 1983

[3] - Voir croquis

[4] - Archives Départementales des Alpes-Maritimes,

     Série E dépôt 78 - Archives communales de Lantosque

     Série E dépôt 2 - Archives communales de Roquebillière

     Série E dépôt 3 - Archives communales de Saint-Martin Vésubie, BB2

 


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