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Belvédère

 

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La vallée de St Colomban
Belvédère
Mais où est donc
Le patrimoine religieux


pendant la Révolution

REZIO Lionel [1]

 

                Le thème de recherche proposé, « Belvédère pendant la Révolution », n’a rien d’exhaustif, et n’atteint, par les réalités de la recherche historique, menée essentiellement dans les archives municipales de la commune, qu’une profondeur relative d’analyse, un degré de vérité qu’il faut savoir apprécier. Il reste donc surtout une incitation à approfondir le relevé documentaire et élargir les ressources qu’il peut offrir. C’est à ce prix seulement que se dévoilera peut être un jour la vraie nature de cette Communauté si particulière de Belvédère.

 

Une structure économique et sociale de la fin du XVIIIème siècle.

                La vie communautaire, c’est d’abord l’organisation communale. En ce sens, Belvédère est une communauté exemplaire.

A Belvédère, il est plus difficile de reconstituer une chronologie des seigneurs. Quelques coups de sondes, effectués dans des documents partiels permettent cependant de faire quelques affirmations : au XVIème siècle, le village fut un temps inféodé à la famille Del Pozzo. En 1590, c’est Andrea Del Pozzo Brucheta, puis, en 1598, est investi Antonio Del Pozzo di feudi di luoghi di Bayone e Belvedere [2]. Le 20 juin 1615, profitant sans doute d’une erreur commise par Del Pozzo, la communauté obtient l’affranchissement de son patrimoine, confirmé le 9 septembre 1700, contre 50 £ versés chaque saint Michel [3]. Mais, selon P.R. Garino [4], les Boschetti di Chieri, habitant Modène, conservent leurs titres de châtelains perpétuellement. Le village donne aussi le titre comtal à la famille Raynardi. Jean François Raynardi est ainsi investi le 15 octobre 1785 ; tandis que l’on connaît le destin militaire glorieux de Joseph François Félix Raynardi, son petit-fils, qui fut un des premiers officiers à recevoir la croix de la Légion d’Honneur.

Tandis qu’à Belvédère, on peut reconstituer la liste de ceux qui possèdent de tels biens, témoignage d’un passé judiciaire tumultueux. Ainsi, en 1771, outre ceux de la Parrochia et de la Capelle, apparaîssent aussi des biens du Baron Grimaldi, d’un certain feu Sig. Giacobi, du Comte Emeric, et enfin d’un certain Gio Franco Giacobi (peu de choses). La cavalcate est aussi plus importante, soit 89 £ [5] . Plus important que ces preuves matérielles, le Comte à Belvédère semble jouir d’un certain prestige. Le mouvement de désacralisation des pouvoirs traditionnels ne semble que très peu avoir joué ici. D’ailleurs, bien plus que le niçois Ribotti, le Comte et sa famille montent, chaque année, passer l’été à la fraîcheur de la montagne. Il n’empêche que l’essentiel du pouvoir communautaire, dans ces trois villages, est détenu par les clans oligarchiques des officiers municipaux.

On compte jusqu’en 1771 : deux syndics, un baile, et plus de neuf conseillers. Ce chiffre redescend à six en 1775. En 1750, les officiers sont le Secrétaire archiviste, le Père Prédicateur, Senatori delle campagne in occazioni di cativi tempi, l’Auditeur des comptes, des avocats, un Procurateur, un Servant Juré, un Maître d’école et un Prieur per le messe campestri e altre, soit dix officiers jusqu’en 1771.

Ainsi, à Belvédère, à la fin du XVIIIème siècle, le Comte de Savoie n’a plus qu’un pouvoir économique : lui appartiennent des fours, des moulins, des droits de chasse et de pêche, et des terres qu’il met en location. Le pouvoir quotidien appartient donc à un clan de notables, et se transmet par cooptation, c’est-à-dire par connivences et connaissances de père en fils ou en petit-fils en neveu, ou même en beau-fils.

Entre 1765 et 1788, le clan oligarchique se compose de 51 personnes (avec la lacune de 1777). Cela peut paraître beaucoup, mais il ne faut pas oublier qu’il y a là neuf conseillers en plus des deux syndics, au total, près d’une trentaine d’officiers. Durant ces 23 ans, on perçoit un faible renouvellement de générations, par exemple, avec l’apparition dans le conseil de Ludovic Rainardi, qui n’était pas visible entre 1765 et 1773. La particularité entre ces deux dates est que les deux syndics d’une année sont directement conseillers l’année suivante. Ce système assure une continuité politique en même temps qu’il permet aux syndics de ne pas échapper à leurs responsabilités.

Un regard un peu plus attentif encore nous permet de constater, ce qui n’est que peu visible dans les autres villages, la fréquence de certains noms aux postes de syndics ; comme ceux de Francesco GIACOBI (1768 et 1771), Pietro Francesco MILLO (1765 et 1769), Giacomo GIAUTARDO (1766 et 1773) ou Bartolomeo CASTELLI (1773 et 1775). La persistance de certains noms est assez surprenante. Suivons la carrière de Dioniggio GIACOMO (son nom caractéristique est pour nous une aubaine) pour nous en convaincre. Comme la plupart des noms, Dioniggio semble prendre le relais de Gio Batta, certainement un proche parent. Dioniggio est conseiller en 1765, syndic en 1766, conseiller de nouveau en 1767, 1768, 1771, 1775, 1787 et 1788, et syndic de nouveau en 1771. On pourrait multiplier ainsi les exemples. GIACOBI, GIORDANO, EUSEBI, GAUDINO, MILLO, ROBINI, DRAGO, CASTELLI, CARLONE, RAINARD sont les principaux noms identifiables du clan oligarchique, avec un canard noir en 1770, un certain Giuseppe HANTIER.

Cette cooptation entraîne parfois des déconvenues. Le 20 janvier 1769, Antonio DRAGO est nommé Conseiller, mais on s’aperçoit bien vite qu’il est au second degré de consanguinité (cousin germain) avec le syndic de 1768, Gio Francesco GIACOBI. On nomme donc Gio Batta GUIGO. Même type de problème, le 25 novembre 1774, où les conseillers veulent obtenir de l’Intendance l’irrenouvelabilité du mandat du Percepteur, pour empêcher les abus dus à la rétention du reliquat.

Globalement, un savoir minime est requis, quoi qu’on en dise. Lire et écrire sont utiles, presque indispensables, mais pas éliminatoires. Très peu nombreux sont les conseillers et encore moins les syndics qui ne savent pas lire et écrire. Nous en avons pourtant identifié un à Belvédère. Il s’agit de Ludovico GIACOBI, meunier de son état, en 1774. D’ailleurs, comme le montrent nos documents, l’Intendant y veille. Ainsi, en 1764, il écrit à Belvédère que li soggetti a quale puonno conferische li publici uffici di cadesta Comta devono tanto che sia possibile essere letterati, capaci e di migliori registranti [6]. De toute façon, il est clair que ce critère n’est pas essentiel pour obtenir l’influence dans nos villages. Le bel exemple est celui des veuves borghese, souvent illettrées, qui n’en restent pas moins très considérées au sein du village, par leur argent, leurs crédits, leur charisme hérité de leur mari ou de leurs ancêtres. Toujours à Belvédère, nous possédons un témoignage extraordinaire, dans le budget de 1764, concernant le pouvoir : « In conformità del disposto delli annuali manifesti dell’Uffizio, prohibiano apressamente alla Comta di più deputare in avvenir per la presentazione del causato e conti al detto Uffizio altra personna che il di lui segretario qual sia il più informati del publico mesaggio, e degli altri affari di conti quande che le altre pesonne idioti e rurali non hanno capacità sufficienti per eseguire a dovere una tal incombenza ... in caso d’inosservanza a quanto soura si rispediranno li deputati »

Ces hommes usent plus ou moins consciemment de la notion de népotisme éclairé pour justifier leur omnipotence. Et cela, il faut le dire, bien souvent de manière justifiée, car ce sont eux qui organisent la vie villageoise autour du système des adjudications, c’est-à-dire un système de mise aux enchères des biens communaux, d’autant plus important que l’on est dans une économie sylvo-pastorale. Ce sont, par exemple les bandites de Ferrisson (pâturages d’été), d’Autès (d’hiver) ou les pâturages du « Cluo di l’Eva » et Vignuols (l’hiver), ou encore ceux d’été à proximité du village : Graviérés, Lagautier, Verain, Véséou, Adret, Saranova, Tuor, Traverse, Maïris, La Foux [7]

Mais ce sont surtout les provisions, car la Communauté n’est alors pas auto-suffisante. Il fut aller chercher le sel, le vin, l’huile et la viande jusqu’au Port Lympia, à Nice, à Aspremont, Massoins, Villars, Malaussène, Tournefort, La Rochette (près de Levens)

Les manœuvres sont bien huilées. On les a étudiés pour notre village. La commune se charge en effet annuellement des provisions de vin (piccolo et grosso), de l’huile, du sel, du pain et de la viande, qu’elle met en adjudication. D’abord, il y a l’incanti deux ou trois jours avant la mise en adjudication ; ensuite, au son du tambour ou de la cloche, les principales personnes intéressées se rassemblent au Porche du Tribunal, où le baile, le secrétaire et éventuellement les syndics ou les conseillers mènent les enchères. Ils allument trois bougies, l’une après l’autre, tentant ainsi d’obtenir le meilleur prix possible. Il n’est pas nécessaire d’une longue analyse, pour voir que ces adjudications tombent pour les plus importantes, c’est à dire celles des provisions, des pâturages et de la Taille, dans les mains des notables [8]. Les batailles sont parfois rudes, comme en témoigne cet exemple, de l’adjudication de la Taille en l’an VII. Le 7 pluviose, en effet, Giuseppe EUSEBI, ennemi juré de Paul François LAURENTI, engage une lutte d’honneur pour obtenir le poste de Percepteur, pourtant si peu apprécié en ces temps difficiles. Voici les différentes propositions. Il s’agit du pourcentage perçu sur les 100 £ d’imposition :

Giuseppe EUSEBI - 4 £ 15 s, 3 £ 19 s, 3 £ 17 s, 2 £ 19 s, 2 £ 9 s, 2 £ 7 s, 2 £ 5 s ;

Paul François LAURENTI - 4 £ 18 s, 4 £ 14 s, 3 £ 18 s, 3 £, 2 £ 10 s, 2 £ 8 s, 2 £ 6 s.

A 2 £ 5 sous s’éteint la troisième chandelle. On voit le bénéfice dont peut tirer la communauté de tout cela [9].

Ainsi le pouvoir, la gestion du patrimoine communautaire, le marché de l’argent, du crédit, du travail même, par le biais des adjudications et plus largement de la gestion du patrimoine communautaire ; tout demeure entre les mains d’un groupe plus ou moins éclairé, plus ou moins jaloux de ses prérogatives, plus ou moins nombreux »

Le pouvoir ne se conçoit donc pas hors de la notion de territoire.

Sorti de la maison, l’espace le plus proche, auquel étaient confrontés ces hommes était l’espace rassurant du village emmantelé. La place, la maison commune, le cimetière, l’église, les murailles et les portes, les chapelles et autres édifices religieux, à la périphérie du village sont les repères rassurants ou sacrés d’un espace codifié par des coutumes ab memorabili comme se plaisent souvent à le répéter les Administrateurs, en guise de justification. On pourrait ainsi ajouter toutes les boulangeries, boucheries, fours et moulins communaux qui sont autant de centres nerveux du village et lieux de rassemblement et de subsistance. Notre village possède un certain nombre de ces espaces publiques codifiés, dont la mémoire persiste jusqu’à nos jours, et qui sont bien identifiables : la place de la Frairie (où se situe la maison commune), le porche du Tribunal où se déroulaient les actes de la vie communautaire, le cimetière, sont les plus évidents. Ces lieux symboliques sont très ancrés dans les mentalités. On sait que la Révolution voulut surtout au moment où l’on planta les fameux Arbres de la Liberté (1792-1793) rompre ces liens. Elle y réussit parfois, comme pour le porche traditionnel de Belvédère. Ce dernier événement est bien daté : le 29 fructidor an XIII, les adjudications se font à l’abri du bureau du Maire. La plupart du temps, la Révolution n’a fait qu’accélérer des mouvements bien avancés. C’est le cas pour la translation des cimetières, qui passent au cours du XVIIIème siècle, du lieu traditionnel, dans ou à côté de l’église, à la périphéries des villages. A Belvédère, les destructions ont, par la force des choses, obligé cette translation. Le cimetière passe au quartier Saint-Roch, en son emplacement actuel.

La Population à l’intérieur de nos villages est peu nombreuse, bien qu’en croissance de 1750 à 1793. En 1754, nous comptons 200 feu à Belvédère, soit environ 850 âmes, 830 en 1800, 841 en 1804, et 961 en 1820. Cette population n’est pas répartie uniformément dans le village, d’un point de vue social. Nous possédons un document intéressant pour le démontrer [10]: une consigne des bêtes effectuée par quartier. Certes, le nombre et la qualité des bêtes par personne ne sont certainement pas strictement proportionnels aux richesses de chacun ; un médecin, dont la notabilité est évidente, la bourse conséquente et les propriétés bien grandes, peut vivre en rentier et ne posséder qu’une chèvre ou une brebis. Globalement, cependant, en grossissant les traits, les deux indicateurs se superposent. Sept quartiers ou rues sont représentés : contrada del Tuort (ancienne forme du Fort ?), alla plazetta, contrada Dritta, contrada della Bancheta, contrada delle Erbe, contrada Colet, contrada Gorga. Au total, 206 familles sont représentées. Le plus populeux est incontestablement le quartier du Tuort, tandis que la Plazetta ne regroupe que 9 familles. La richesse des bêtes, exprimée en lires, rapportée au nombre d’habitants, donne le résultat suivant :

Bancheta              2,41         Colet                     4,5           Dritta                    3,41

Plazetta                4,77         Tuort                     3,65         Erbe                       5,5

Gorga                    4,1

Si l’on surimpose sur ces indices les personnes bénéficiant d’un dégrèvement du cappage de 1800, il s’avère que la majorité d’entre eux a pu être identifiée au Tuort. Dans l’espace, cette étude mène à une conclusion à peu près certaine : la partie supérieure droite du village, Erbe et Collet semble la partie la plus opulente, elle s’organise autour de la place de la Frairie; tandis que le quartier du Tuort et globalement la partie inférieur du village, est plus populeuse et moins riche. Trop peu d’indices ont été pris en compte pour être plus précis. Que dire, par exemple, de la Banchetta, incontestablement partie la plus misérable du village, au cœur du quartier des Erbe ? Le plus important est de sentir au sein même du village un semblant de répartition sociale.

Après le terroir immédiat et les marges, on l’a vu, plus ou moins bien définis, vient le « grand extérieur » et d’abord le premier cercle de villages : c’est encore un espace de vie quotidienne, où tout le monde y a un accès fréquent dans les limites des conditions topographiques. Pour Belvédère, il s’agit de La Bollène, Roquebillière, Saint-Martin et peut être Lantosque et Utelle. La circulation intra-villageoise s’effectue aussi par les cols. Ce sont de véritables voies de communication très fréquentées. Ainsi, le 24 juin 1744, le bail, le syndic et le chirurgien du village se transportent au col de Fenestres pour la reconnaissance d’un uomo di Ribion ritrovato morto ; le malheureux avait tenté de passer le col, malgré le mauvais temps [11]. Comme pour toute la communauté, les cols sont pour les notables des portes ouvertes vers des communications extérieures qu’ils conditionnent. Ainsi, les conditions topographiques entraînent des contraintes fortes dans cet espace, dont la toute première conséquence est l’isolation relative des villages par rapport à l’extérieur. Un témoin contemporain,  Louis RAVET, nous en donne une image précise. Le 6 Brumaire an XIII, il met, de Belvédère à Nice, quatorze heures, par la route de l’Escarène dont jusqu’à cette dernière localité neuf heures trente, à Levens sept heures trente, à Lantosque deux heures, et même à Roquebillière trois quart d’heure [12]. Ces chiffres, incompréhensibles de nos jours, ne sont évidemment pas un facteur de retrait complet de la civilisation. Depuis longtemps, on y est habitué. D’ailleurs, le Haut Pays Niçois tout entier est légendaire pour ses mauvaises routes dont se plaignent tous les voyageurs, dans leurs récits, même jusqu’au début du XXème siècle. L’espace est long, dur, mais en même temps source de richesse, et réservé dans sa gestion quotidienne et sa maîtrise, à un petit nombre d’individus pour les distances, au-delà du premier cercle du village. L’espace est un privilège, que les plus pauvres et les « classes moyennes » ont depuis longtemps tenté de s’approprier, par exemple par la contrebande traditionnelle.

 

                La Révolution à Belvédère

                La Révolution est à Belvédère un anachronisme monstrueux, qui débouche sur le mécontentement. On peut ici comme partout ailleurs en France où se manifeste la contre-révolution, faire intervenir les notions suivantes :

- l’attachement des Belvédérois à l’Economie morale (ce sont les adjudications, les monopoles communaux, et tout ce qui tend à rendre la vie communale agréable du fait de l’assistanat communautaire, en quelque sorte un Etat Providence, ou plutôt une Communauté-Providnece, qui assure une sécurité sociale).

- Il y aurait donc bien une Conscience politique des Vésubiens, réactivée par la conflagration révolutionnaire et débouchant sur une Résistance culturelle : le Barbétisme.

J’insisterais ici sur deux points : les faits, les conséquences de la Révolution sur le pouvoir au sein du village de Belvédère

En septembre 1792, après le retrait de Monsieur de Courten, Commandant en Chef des troupes Sardes, le Lieutenant Général d’Anselme se dirige sur Nice à la tête des troupes françaises d’invasion. L’Escarène tombe le 1er octobre, Sospel le 12. Cette même année, la vallée de la Vésubie ne subit que des coups de mains : confusions des ordres, indiscipline des hommes, résistance de certains villageois alliés aux Milices, et l’escarpement des lieux sont surtout en cause :

« Ils firent halte à 10 heures au Figaret, où ils vidèrent, partie en le buvant, partie en le versant, le vin de pas mal de tonneaux ; ils arrivèrent à Lantosque, sans prendre aucunes précautions, comme par exemple, occuper le Gaudissart, La Cerisière et d’autres postes ; ils ne pensèrent qu’à exproprier ce lieu à d’autres, qui sont au long de la Vésubie, et leurs bestiaux, blé et effets de quelques importances, en les faisant diriger à Nice (...) Pendant que les Français accumulaient leurs butins, quelques hommes armés, qui à l’approche avaient abandonné leurs maisons, se montrèrent sur les hauteurs de Lantosque, Bollène, Belvédère, et pour faire croire qu’ils étaient nombreux, ils battaient jour et nuit du tambour. Les Français, soit par crainte, soit parce qu’ils ne se fussent rendus dans cette vallée que dans le but de tout dépouiller les habitants, l’abandonnaient, après 4 jours en se repliant sur Utelle . (...)  Ils expédiant pourtant une avant-garde commandée par un certain Masséna de Levens, qui était pour ainsi dire l’Aide de Camp susdit Général Barral. Il n’avait pourtant, à toutes qualités, que celles d’homme habitué à toutes exposés de délits, et terriblement contre le gouvernement du Roi de Sardaigne, espion qu’il avait été » [13].

Le 28 avril 1794, eu lieu l’offensive décisive du Général Garnier dans la Vésubie, depuis Calmette. La Bollène, Lantosque, la redoute de la Cerisière, celle de la Tête des Pins, et celle de Villars tombèrent. Le lendemain, toute la vallée est de nouveau entre les mains des Républicains, qui poussent, même dans la nuit du 30 au 1er mai, jusqu’au Col de Fenestres, dont le Général Garnier s’empare durant la fameuse bataille du 8 mai ; les Républicains étaient désormais maîtres de tous les passages conduisant en Piémont par les Alpes Occidentales. Le fait important pour la vallée est d’ors et déjà, on peut le constater, le flux et le reflux de 1793, avec 7 mois d’occupations Républicaines intégristes, et 7 mois de réoccupations Sardes, avant la prise de possession définitive d’avril 1793.

Des résistances se développèrent tout naturellement. Ce fut le cas de Belvédère. Le 2 mars 1793, le Général Brunet basait ses troupes à Saint-Julien, les rangeait en bataille, et leur faisait donner l’assaut au village : « les soldats escaladèrent rapidement les terrasses, complantées d’oliviers qui les mettent à l’abri du feu d’artillerie et de mousquèterie » [14].Ainsi Belvédère ne fut pas seulement victime de simples camisardes, mais d’une véritable prise d’assaut. Dagobert, qui a délogé les troupes de Flaut, menace aussi le village, et les troupes Sardes sont obligées de se replier précipitamment sur Saint-Blaise, Saint-Martin, le Col de Fenestres et même Entracque. Avec Belvédère, c’est toute la vallée de la Vésubie qui tombe entre les mains des Républicains. Le succès ne dure que 6 mois. En septembre 1793, le village subit de violentes attaques à partir du Col de Raus ; les redoutes de Saint-Julien, Del Vesca et du Caïre de Saint-Sauveur sont le théâtre de luttes acharnées. Le 8 septembre, Belvédère tombe à nouveau, et ce n’est qu’en avril 1794, qu’avec toute la Vésubie, le village est repris.

Le flux et le reflux du front a laissé à Belvédère, cas exceptionnel, une documentation originale : quelques actes de la première période française et les actes du conseil, entre le 31 octobre 1793 et le 25 mai 1794, c’est à dire pendant la période de réoccupation Sarde.

La première sorte de documentation est teintée avant tout des préoccupations intégristes, sur le plan religieux, essentiellement par le serment des Prêtres, mais surtout, sur le problème des Biens Nationaux. Voici comment un des administrateurs du district de Nice, qui affirme que cette dernière mesure est la plus importante della nostra rivoluzione face aux Belvédérois sceptiques sur la manœuvre : « perché e assai nota che possono ripatriarsi senza ostacolo atesa la facilità ch’hanno mentre fanno le patroglier, o che sono di guardi avansati, in questi tali invece di profitare dell’occasion che hanno di abbandonnare le bandiere del disposto, e venir rendersi utili alla Patria, all’mentro arrestano quivi nusiabili disertori che stanche di servire un tirano voglia venir sopra la terra della libertà per godere dei benefici ch’accordo la nazione francie a quelli che vogliano diffendere la causa dell’uquaglianza »[15]

Mais d’un autre côté, on se veut rassurant en promettant que tous les dommages subis seront payés. Le Commissaire du Directoire J. LOMBARD, le 27 mai 1793, le Commandant LASSAL le 1er juillet 1793, le Général SERRURIER le 10 vendémaire, tous proposent de faire à Belvédère l’estimation des dégâts, toutes ces intentions sont suivies effectivement d’estimations, mais aucunes d’entres-elles ne sont réellement suivies d’un remboursement [16].

Les dégâts semblent pourtant conséquents, comme ils se retrouvent dans les autres villages de la vallée. Il est difficile de faire la même analyse pour Belvédère où notre information est plus parcellaire. Sans doute, le village souffrit encore davantage des réquisitions, autant que du piétinement de sa glèbe. Le va-et-vient des troupes, tirant de lourds canons dans les champs semés et cultivé, principali susistanza dell’uomo, dévastant, abattant un grand nombre d’arbres fruitiers, mangiati i fieni di prati ad arbitrario di mulatieri, détruisant et incendiant les bastides de campagne (au nombre de 140) et ruinant les maisons d’habitation du village e anche per i danni subiti nella campagna a causa dei camini formati per le transporte dell’artiglieria alla ridotta di Flaut. A tout cela, on pourrait encore rajouter l’enlèvement de nombreuses caisses d’abeilles (180 au total, dont 108 à Jean BOIN, cultivateur). La perte de nombreux bestiaux entraîne là aussi des conséquences irrémédiables : i vasti campi arativi sitti in queste montagne saranno senza dubio per rendersi infruttisersi, salvo di pochi per non potersi lettamare secondo la consuetudine dagli truppatti avveraggio, tanto locali che da quelli soliti veni dalla volta della marina ad estivare per esser questi nella massima parte stati volti dai francesi e parti dai proprietari venduti poi terra di simil asportazione, onde verebbe questa publica a rissentersi pendanti 4 a 5 anni gravissimi prejudici per tal mancanza di granaglie [17]. Le bilan chiffré, pas plus qu’à Saint-Martin ou Valdeblore, n’est possible.

Les actes de la période suivante sont assez semblables à ceux énoncés précédemment : demande de remboursement, descriptions et comptabilisations des saccages .... On continue aussi comme si de rien n’était à nommer les conseillers, adjuger les Bandites ... [18].

Eut égard à la période précédente, l’on a des mots violents et l’on traite les Français en ennemis universels. On se rappelle aussi que l’on a un Roi. Même si l’on ne peut parler du réveil d’une conscience nationale, qui n’existe pas, les notables savent où sont leurs intérêts, du moins ils croient le savoir, puisqu’on l’a vu, depuis cent ans au moins, ils se battent pour la conservation des statuts et le respects des règles communautaires qui les favorisent. On parle donc de pernici Francesi, du joug (saggionggato) de la Truppa Nazionale, des nemici nazionali, et au contraire on se complaît d’essere ritornato sotto il dominio di S.M. nostro legitimo e Buon Padrone, affirmant fièrement que le peuple a tout tenté pour retourner sotto il felicissimo dominio di S.M. nostro Benignissimo Padrone [19]. On oublie que, comme ils le diront six ans plus tard, voyant charger « 3.000 hommes [20]» rangés en bataille : i locali preferano la fuga per timore della vita nelle campagne e foresti montagne, onde veruna sostenza di viveri, mobili, robbe effetti e bestiami d’ogni generi furono inlevati ed importati dalla truppa che mese un tal spettacolo non mai udita questi abitanti a piangere e la grimore [21].

C’est un fait, que, seule une minorité semble avoir combattu les Français au côté de la Milice. Lors de l’assaut que subit Belvédère en tout cas, tous se réfugièrent au sein de la forêt, décidément grande protectrice.

Que dire des administrateurs ? Il est difficile parfois de pouvoir dresser les mêmes listes que pour les période antérieures, souvent par manque de documentation. On s’y ait quand même essayé. Les années 1792-1793 ne sont évidemment pas les meilleures pour être Conseillers ou Syndics. Dès le 22 octobre 1792, à Belvédère, ils subissent humiliations et violences :

... in un angolo di questa piazza publicca arestare tutti gli amministratori, baile, secretarie, con fali custanine da suoi soldati tenando il sciabba nuda in mana, indi per arrepire dinari andavano essator con un esatore di questa com.ta in casa, e da ici lo condussero con un soldatto strittamenti legati al colla informo di lascia nella sudetta piazza [22]

On les menaça de les lanternare in sudetta piazza... Le syndic lui-même fut arrêté et incarcéré à Lantosque où, « à défaut de lanterne », il dut assure les réquisitions suivantes : 300 Francs pour la subsistance des troupes, 100 septiers de grain, 400 quintaux de foin, 100 vaches et bœufs et 1.000 moutons ; tout cela à conduire à Lantosque. La communauté donne alors 15 £ et le négociant Onorato CASTELLANO 3 £ 1.000 deniers (!). En décembre 1804, le maire en est encore à implorer un remboursement « qui li S.M. l’Empereur par effet de clémence et bénignité nous faira sentir part de la bienfaisance à tel égard leur en faire alors la répartition à mesure des articles fournis [23] ».

 

Pourtant, le phénomène de continuité est tout aussi frappant. Malgré le va-et-vient du front, entre le 2 mai 1793 et avril 1794, il n’existe aucune forme d’épuration massive des anciens notables (mais l’on n’a pas les listes des Administrateurs de 1792). D’abord ce ne sont pas des nobles ; ensuite, parce que l’Armée Républicaine a durant cette période bien d’autres choses à faire que de pratiquer de semblables épurations.

Ainsi, la valse du front accentue même la persistance des notables dans leurs fonctions. Contre l’adversité et l’incertitude, on resserre les rangs. De fait, ce fait, le 20 mars 1793, on retrouve Ludovico GUIGO, Antonio Francesco FRANCO, conseillers en 1791, Carlo Batta LAURENTI syndic en 1779, conseiller en 1781 et 1785, Ludovico GIACOBI syndic en 1774, et enfin Ludovico RAVETTO conseiller en 1783, 1786-1787. Ce même 20 mars, la séance est suffisamment importante (il s’agit de faire le résumé des préjudices commis par l’Armée Française durant les années 1792 et 1793 et de l’envoyer à Nice) pour que l’on y rappelle à siéger Antonio Francesco GIACOBI (conseiller en 1781 entre autres), Antonio CERVELLO (conseiller en 1791), Pietro CASTELLI (conseiller en 1786 et syndic en 1787), Giacomo CASTELLI (conseiller en 1775, 1784 et syndic en 1785) et Giovanni CERVELLO (conseiller en 1788) ; bref, la vieille garde des notables.

Sous la période Sarde, à partir du 5 septembre, les hommes au pouvoir restent les mêmes. Cependant, Ludovico GUIGO prend la place de FRANCO au syndicat. Peut-être cette élection a-t-elle été accélérée par le retour des Sardes. En tout cas, l’équipe municipale ne varie pas d’un iota. FRANCO se retrouve simplement conseiller. Le 12 décembre a lieu l’élection de trois nouveau conseillers seulement. Parmi eux, seul Ludovico PROSA n’a pu être identifié. Giovanni CERVELLO remplace GUIGO au syndicat. En avril 1794, au retour définitif des Français, le même procédé qu’en septembre 1793 est utilisé : Ludovico GIACOBI remplace Giovani CERVELLO qui n’est plus que conseiller. Nul ne peut dire si ces changements sont plus ou moins forcés. De toute manière, ce sont les notables au pouvoir qui y gagnent, puisque, par exemple, Ludovico RAVETTO demeure sans cesse au pouvoir de 1793 jusqu’en août 1799. On le retrouve même marie en l’an IV, en compagnie de tris conseillers au moins, ce qui est d’ailleurs contre toute logique vis à vis de la Constitution de l’An III, établie depuis un mois. Qu’importe ! le 29 fructidor an VII on retrouve RAVETTO comme Agent Municipal. Seul le vocabulaire change. Un certain ROBINI, Adjoint de son état, n’a pu être reconnu.

La liste du 20 vendémiaire an IX nous donne les noms de huit conseillers. Il y a d’abord le Médecin Gio Andrea EUSEBI fils de Giambattista. Son père fut peut-être syndic en 1758 et en 1767, sans qu’on puis l’affirmer avec certitude. Charles GIACOBI est le beau-fils de Louis RAVETTO, déjà cité. Antoine RAINART, conseiller en 1768, 1773, 11787 et syndic en 1788. André LAURENTI est le fils de Bartolomeo LAURENTI trois fois baile de 1784 à 1786. Louis CORNILLIONS, André GUIGONIS et Francesco ROBINI n’ont pu être identifiés.

Enfin, le 11 brumaire an IX, a lieu le serment des conseillers nommés sous le régime de la Constitution de l’An IX. On retrouve le notaire Antonio Francesco CASTELLI, conseiller en 1775 et 1776 ; Francesco CARLON, cinq fois conseiller (1779, 1786, 1787, 1788) et syndic en 1788 ; enfin, Giambattista GIORDANE, conseiller en 1766, 1767, 1769, 1772, 1773, 1775, 1784 et 1785, syndic en 1768 et 1786. Ce dernier, conseiller encore en l’An XIII, « démissionne, à rapport de sa vieillesse et de son infirmité ». Tous les autres font partie d’une nouvelle génération de notables (c’est ce que Jessene appelle la « continuité élargie »), fils, petit-fils, neveux, beau-fils des notables des années 1770-1780. C’est le cas d’Antoine RAINART, fils de Ludovic RAINART, conseiller en 1768, 1773, 1787 et syndic en 1788. C’est encore le cas de Jean André EUSEBI, Ludovico PROSA, déjà cité, Louis MATTEUDI (maréchal ferrant) et Joseph FERRIER. Les nominations d’avril 1813 confirment cette tendance.

La tendance, jusqu’à la Constitution de l’An VIII, et surtout sous le régime de celle de l’An XIII, semble être à un relatif renouvellement. Cela tient aussi à l’application stricte de l’article concernant les parentés des personnes au pouvoir. Des personnes jusqu’alors cantonnées à des offices mineurs, se retrouvent Agents ou Adjoints. Après la Constitution de l’An VIII, on voit le retour de grands notables du clan oligarchique des années 1770-1780 ; ou de leurs descendants. Pourtant, globalement, c’est la continuité qui prévaut. Les nouvelles institutions permettent une extraordinaire persistance de certaines personnes au pouvoir.

Il en va de manière encore plus significative pour les maires. A Belvédère, tout commence avec la perception de Paul François LAURENTI, en 1792 [24]. Profitant apparemment des temps troublés, ce dernier se serait alors fourvoyé dans la concussion. De l’homme, on ne sait rien. Par exemple, quel est son niveau de parentage éventuel avec les notables prénommés LAURENTI identifiables jusque là ? Il ne paraît pas avoir occupé de places majeures dans la vie communautaire jusqu’en 1796, où on le retrouve conseiller pour la première fois. Le 5 messidor an VII, cependant, se monte contre lui une véritable coalition. L’Agent Municipal Ludovico RAVELLO en est le meneur. On l’accuse d’infideltà dans sa perception, et l’on rappelle la sentence verbale du baile CARLONE, le 12 mars 1792, qui avait remarqué une alterazione di 3 £ di taglia sotto la colonna di feu Gioanni GIAUTARDO feu Raffaël. De plus probabilmente non sarebbe dificile scoprire altre. Quarante personne se réunissent pour s’entendre de l’exclure des offices publics [25]. Pour rémonse, il ne serait pas douteux que LAURENTI soit à l’origine du début de la révolte de subsistance du 6 pluviose an VIII, mais l’on n’a encore pu retrouver aucune preuve [26]. D’autant que parmi les contestataires se trouve l’un des signataires de l’an VII.

Evidemment, le Préfet mis en place par la Constitution de l’An VIII n’entend rien à l’affaire (il voit surtout dans LAURENTI l’acquéreur des Biens Nationaux), et le 12 septembre 1800 (23 fructidor an VIII), LAURENTI, alors âgé de 55 ans, est nommé maire. Pour Ludovico RAVETTO et son clan, il va s’agir désormais de faire tomber ce maire si peu désiré. Le 5 vendémaire an X, on l’accuse au Préfet d’avoir déchiré l’affiche du percepteur, et de lui avoir retiré le rôle. Il se défend d’abord « à l’égard de la dénonce de l’enlèvement de l’affiche du percepteur non déchiré », puis il condamne les délais trop courts, qui risquent « d’étrangler les contribuables, pour vicieusement profiter en préjudice d’eux ». Ensuite, s’il a retir le rôle au percepteur, c’est, se défend-il, pour s’assurer de sa conformité avec les ordres donnés par le Commissaire VIDOR, passé à Belvédère il y a peu. Et de conclure : « ... je n’ai jamais voulu les retirer pour suspendre les versements, et je cris que les dénonces du percepteur, qui est un des chefs de la cabale contre moi, ne doivent avoir lieu, et mérite que me compatissez pour cette fois »[27].

Puis il promet de s’occuper de cette perception sous 3 jours. Il faut souligner que ce percepteur, à savoir Joseph CASTELLI, avait été nommé d’office le 27 vendémiaire an VIII, ce qui laisse, on le comprend, certaines rancœurs [28].Aussi, ce dernier dénonce de nouveau au Préfet le maire pour n’avoir pas encore reçu les comptes. Le maire se défend : c’est simplement par manque de temps que le conseil n’a pu délibérer. Au sein de l’équipe municipale, l’entente n’est pas non plus des plus cordiale [29].Il faut dire que la liste des conseillers du 20 vendémaire an IX, nous montre qui s’y trouvent Charles GIACOBI, le propre beau-fils de louis RAVETTO, et François ROBINI, un des signataire de l’an VII. Le 15 pluviose, les conseillers refusent encore de s’assembler sous prétexte des « frais horribles (comme est vrai) ». le 29 pluviose, LAURENTI se voit ainsi accablé « de beaucoup de reproches... » à propos des subsistances des Barbets, de la réparation des meules et des ponts..., « tels injures, reproches m’ont fait troubler l’esprit, motifs pour lesquels ont été suspendu le travail ». Puis le maire demande un assistant. Il propose le notaire AIRAUDI, secrétaire à Saint-Martin ou le notaire BARELLI de Saint-Martin également. Ceci pourrait prouver que LAURENTI n’a guère de soutien à Belvédère même [30].

Finalement, sous la pression, le Préfet destitue Paul François LAURENTI (le fait que se dernier fraye avec les Barbets n’est sans doute pas innocent à sa destitution), et nomme ... Louis RAVET. Son premier acte est de dénoncer LAURENTI comme débiteur de 2.407 francs : « ... le 10 compte, le même LAURENTI aurait dû vous envoyer à la demande de moi à désister ici enfermement pour ne pas faire connaître la dette, pour bâtir celle-ci, il faudrait avoir le jeu des Causat et des Comptes de 1792 que je ignore où soyent où perdus » [31].

Le 8 vendémaire an XIII, on réitère. Le 3 nivose an XIII, LAURENTI est ainsi accusé de « mauvaise foi ». Finalement, après de nombreuses lettres où LAURENTI est systématiquement mis en accusation, le 19 janvier 1806 il est déclaré reliquataire de 5.525 francs, en plus de sa dette de 2.400 francs. Le 16 mai 1806, on l’accuse même de ne se donner aucun mal pour payer. Il a même, dit-on, hypothéqué tous ses biens en faveur de sa femme « pour mettre à la commune sa dette en perte ». En l’an IX, il aurait acheté les créances envers la commune d’une certaine Marianne REBECQUI de Nice, d’une valeur de 1.500 francs, pour laquelle il n’aurait payé que 1.000 francs. Et RAVET conclut « vous voyez qu’il cherche à ruser à préjudice de la commune ». En février 1807, LAURENTI est toujours reliquataire de 5.587 francs. « Je vous prie, Monsieur le Préfet, de faire poursuivre le dit LAURENTI » s’époumone Charles GIOACOBI, installé maire le 10 octobre 1807 (RAVET avait demand son remplacement depuis le 3 août 1806, mais il ne fut donc remplacé que le 10 août 1807, malgré « la continuation de mon indisposition corporelle, l’âge de 74 ans, et ma petite mémoire » [32]).

Alors, que dire sur les nouveaux administrateurs ? Il est important de remarquer que tous ces conflits que nous venons d’étudier ne sont pas le fruit d’opposition entre Républicains et Traditonnalistes. Rien, ou peu de chose, ne doit être compris en termes d’idéologie, mais en termes de rapports de forces. En cela, les actes des conseils et bien d’avantage encore les échanges épistolaires maire-préfet sont une fantastique documentation partisane, et non plus simplement administrative. A les étudier sur le long terme, on voit s’y opposer les clans et les personnalités. Mais les notables se battent avant tout pour conserver leurs intérêts sous le prétexte souvent fondé de l’ordre public.

Pour évoquer cette absence d’idéologie et donc illustrer le localisme qui détermine les choix politiques de chacun, on peut revenir sur le phénomène Barbets. Iafelice rapporte que le 24 mai 1804, Barthélémy RAINARDI dit Salari, le célèbre Barbet sus-cité, est arrêté alors qu’il « s’amusait à boire avec le maire »[33], c’est-à-dire LAURENTI, il faut le souligner, acquéreur des Biens Nationaux de la Confrérie de la Miséricorde, le 17 frimaire an VII ! Cette action est-elle d’ailleurs la cause du fameux pacte du messidor an VII ? Il est peu probable. Aussi étrange que cela puisse paraître, dans une population de notables en apparence si religieuse, l’acquisition des Biens Nationaux ne semble donc pas influencer la politique des clans ! En tout cas, pour en revenir au Barbet de Belvédère, le clan de RAVETTE semble également contre ce dernier.

Ainsi, Giuseppe EUSEBI, adjudant de la Garde Nationale, est manifestement contre Paul François LAURENTI. Car ce Giuseppe EUSEBI serait le frère de Gio Andrea EUSEBI, le médecin qui est bien dans le clan et dans la famille de Ludovico RAVETTO. Il ne faut pas confondre ce dernier avec un autre Giuseppe EUSEBI, frère du Curé Paolo, le clerc héroïque, dont on reparlera et qui est aussi un adversaire de LAURENTI. On a vu la lutte qui s’était engagée entre les deux personnages, pour obtenir la perception de l’an VII. On voit combien le barbétisme est finalement inscrit dans les luttes internes du village.

On perçoit bien cette absence d’idéologie chez tous les villageois dans les fêtes de village ; pas un soupçon des grandes idées qui ont fait la Révolution n’a été pédagogiquement inculqué (on l’a bien vu, les Français se conduisent comme en pays conquis, ce qui est effectivement le cas du Comté de Nice).

A Belvédère, sous l’Ancien Régime, la fête est d’abord une procession par Ordres. Le premier poste est réservé au Vassal, puis vient sa famille : frères puis enfants, enfin le Giudice, le Procurateur Fiscal, puis les conseillers. Si il y a des soldats du Régiment Provincial, ils peuvent prendre la deuxième position, après le Vassal. On porte aussi un étendard … rappresentante da una parte la Vergina Santissimo di Fenestre e dall’altra quella del Rosario Sant-Deomenica [34]. Or, le 29 messidor an X, on célèbre le premier 14 juillet à Belvédère. Cette fête, qui, selon les propres mots du maire « concerne la fondation de la liberté et de l’égalité », et que l’on veut considérer depuis le XIXème siècle jusqu’à nos jours comme une grande fête populaire, fondée sur un joyeux désordre, reste ici une fête traditionnelle au sens où l’entend Maurice Agulhon : « … annoncée par cloches et par salves, messes solennelles, défilés de la population en Corps, réjouissances, bienfaisances (distributions aux pauvres) »[35]. A Belvédère, la fête se déroule donc ainsi : « … du son du tambour, appelant le peuple à la réunion on a été solennellement chanté le Te Deum dans cette église paroissiale et successivement, avec le cortège de plusieurs personnes plus apparentes on a été fait le tour des rues accompagné des Directeurs de la Séance et du son du tambour et du flagiollant en défaut d’insuffisants musiciens. Ensuite, j’ai invité les citoyens au bal que j’ai destiné à faire ce soir environ de 7 heures en cette place publique, et pour rendre plus éclatante la fête leur faire genter la liqueur… » ; cependant, « je surveillerai afin qu’il n’arrive aucun défendu  (…) ayant mis en activité la Garde Nationale avec 20 hommes » [36].

 

Après le maire, la position des religieux est extrêmement difficile. Purement et simplement brimés et rejetés dans les premiers temps (et protégés autant que possible par les municipalités), peut à peu, tous les éléments de la vie religieuse sont entièrement réintégrés dans la gestion quotidienne du patrimoine communautaire. Lorsque les Belvédérois apprennent le rétablissement de la religion catholique, le 16 août 1806, tous se réunissent « en l’honneur du dit Napoléon », « avec le bon ordre et les somptueuses cérémonies ecclésiastiques ». On porte à travers le village l’image de Notre-Dame de l’Assomption, avec le bruit du mortarêts. Au retour, les villageois se réunissent pour chanter des incantations religieuses, et le desservant bénit le peuple « et pria pour la conservation de notre Empereur et bon maître », « de sorte que j’ai l’honneur de vous assurer que la fête a été remplie avec joie sans aucun trouble » conclut le maire [37]. Pourtant, tout n’avait pas été toujours aussi simple. Lors de la première invasion française, le 2 mars 1793, le prieur, Giuseppe ROSTAGNI (57 ans, natif de Breil), qui avait été employé comme Aumônier et Chapelain dans les troupes royales cantonnées dans le village, s’enfuit avec ces mêmes troupes. Ainsi, sous la première période française, il est signalé absent, au côté du Comte Gio Ludovico RAINART et d’Antoine François CRISTINI, Capitaine des Milices. On signale même que deux malles lui appartenant, et qui étaient dans la maisondu Comte, ont été pillées. Le syndic fait alors appel au curé de Roquebillière per assistere moribondi locali e loro interramenti. Mais cela ne suffit pas, et le Commandant français propose, après quelques jours, de faire venir un Chapelain National. Evidemment, personne ne veut de cette solution, pire que le mal qui est psychologiquement incompréhensible, puisqu'elle revient à se faire soigner par ses propres agresseurs. Le syndic décide alors de faire appel à une personne locali più apparentii : Dom Paolo EUSEBI [38].

Le 5 août, date du nouveau départ des Français, ROSTAGNI réapparaît. Il entend bien réintégrer et d’ailleurs également faire réparer sa maison claustrale. En effet, dans cette dernière, les Français s’y sont allogiare et l’ont détruite en allumant un feu de joie dans la cheminée. Ce dernier ne fut d’ailleurs éteint qu’avec diligenza da una quantità di soldati. Les dégâts sont évalués à 600 £ [39]. Les Conseillers ne l’entendent pas de cette oreille ; ils considèrent ROSTAGNI comme un renégat, qui n’est même pas fidèle à ses propres capucinades endiablées, dévoilant sa pagnoterie naturelle : Nonostanti che poco avanti della spaventosa venuta sudetta dall’altari maggiore della chiesa avesse predicato di efesse questo popolo constante alla sudetta fede e che lui piutosto che di abbandonare questa parochia avrebbe esposta la di lui propria vita [40].

Paolo EUSEBI, au contraire, est porté au pinacle pour son dévouement, que l’on prend pour du donquichottisme, senza quale assistenza gli defonti sarebbero passati ad altra megliora vitta senza sacramenti [41]. Cependant, peu à peu, ROSTAGNI est réintégré au sein de la vie villageoise, mais on lui en voudra toujours. Le 21 ventose an XII, le maire nomme les religieux au service de la communauté en soulignant leur « sincérité, … bons exemples,  … vie morale, … solitude claire »… , et au moindre dérapage, il assure : « je me ferai un devoir de vous faire un prompt rapport ». Il y a donc : le curé desservant Charles Joseph ROSTAGNI, deux prêtres assistants à la paroisse, CASTELLI Joseph et Paul François EUSEBI, et un diacre, Paul François GHINTRA [42].

Le 11 messidor an XII, ROSTAGNI n’en démord pas : il revendique les dîmes que lui auraient rapporté trois petites terres vendues comme tous les biens de l’Eglise à titre de Biens Nationaux, de l’an VI à l’an XI, date à laquelle ils furent restitués. « Il me semble ridicule la plainte de Monsieur ROSTAGNI » [43], déclare le maire LAURENTI. Peu de temps après, ROSTAGNI met ses menaces à exécution : « ROSTAGNI, ex-desservant de cette paroisse, est parti pour sa destination de La Brigue ; lequel il n’a pas laissé en son habitation un morceau de bois ni un petit clou, particulièrement les bois intérieurs d’une armoire, son équipage consiste en 25 charges …, en conséquence est indispensable de fournir les meubles et effets nécessaires à l’actuel desservant Mg. Jean Baptiste DRAGHO de Roquebillière, lequel le 17 de ce mois à 10 heures du matin a fait l’entrée convenable, le peuple en pleine connaissance de lui et en leur toute confiance » [44].

On voit donc que ce ROSTAGNI, pourtant prêtre assermenté, n’en garda pas moins des rancœurs. Par la suite, les choses se stabilisent, même si jusqu’au bout le paiement du curé et autres desservants resta un problème. Le 24 fructidor an XIII enfin, Belvédère reçut la visite de l’évêque. Cette visite consacra un presque retour à la normale, pour les hommes d’Eglise, jusqu’en 1814.

 

                3. Retour aux sources

Pour conclure cette présentation de Belvédère sous la Révolution, il semblait impensable de ne pas citer le document original très particulier dont il a déjà été fait mention : « Une histoire de Barbet ». Il s’agit d’un procès-verbal dont l’origine paraît incertaine, que nous retranscrivons in extenso.

« Nous soussignés Joseph EUSEBI, adjudant du bataillon de la Garde Nationale » (texte barré)

« Procès verbal

Aujourd’hui, 3 frimaire an VI de la République en Belvédère canton de Roccabillière, Département de Nice et en la maison Commune par devant nous Charles GIACOBI, Adjoint Municipal de cette Commune ; attendu la démission faite par le citoyen François CASTELLI Agent Municipal. Sont comparus le citoyen Joseph EUSEBI adjudant du bataillon de la Garde Nationale de ce canton, et Joseph CASTELLI capitaine de la Seconde Compagnie de la dite Garde, les quelle d’après le serment par eux prêtés, ont déclaré certifié, et dit que le 26 et le 29 du mois de germinal 1796( ?) ne se rapellent pas du précis jour, on eut notice que le Barthélémi RAINART surnommé Salari de cette commune Barbet renommé il se trouvé à environ de 11 h de nuit à l’entrée de ce village et au quartier du Serre et en la bastide de la citoyenne Angélique BATTIST, ont de suite commandé Louis DAVID, Antoine RAINARD, François RAINARD, André CORNILLON, Jean Baptiste CARENC, et Clément natif de France soldat en la … marié en cette commune soldat de la ditte Garde avec les quels ce sont cito avec les susnommés adjudant EUSEBI et capitaine CASTELLI portés au dit quartier du Serre pour procéder à l’arrestation du susdit Barbet RAINART Salari celui ci il s’est aperçu de la poursuite il a pris la fuite et tous ensemble se l’on poursuivi pour quelque tems, mai et dans l’instant qu’arrivons à l’intérieur de la Bastide le dit Barbet il est escapé et vu le courir inférieurement lui ont fait par ses armes, mais attendu la nuit très obscure n’ont pu pas le scaper ; et surveillant le susnommé citoyen EUSEBI et CASTELLI avec le susnommé Agent Municipal sur l’arrestation du dit Barbet ayant mis des espions pour savoir ou se trouvait le Barbet, le 29 du même mois on su par les espions qu’il se trouvait à l’endroit où il s’en allait en Piemont passant par la route de cette montagne de Gordalolasque vers Saint-Grat, et que allait dormir à la Bastide des frères GIACOBI sittuée au quartier dit de Cantront dans la Gordolasque. Disant de plus les dits adjudants du bataillon et capitaine CASTELLI se sont en la même nuit du 29 sur ordre du susnommé Agent Municipal CASTELLI de concert avec le Juge de Paix sont partis en patrouille escortés des susnommés Antoine RAINARD sergent, Louis DAZVID, Benjamin ROBINI, Jean DAIDERI, Louis RIS et Clément soldats choisis de la Garde ; avec une patrouille de la Garde Nationale de Roccabillière de dix hommes commandés par le capitaine Carlin GASTAUDI, et arrivés de nuit à la susdite Bastide des frères GIACOBI et faite la visite ne l’ont pas trouvé, ont ensuite délibéré de faire la perquisition par toutes les bastides existantes en la dite Gordolasque et arrivant de l’entour proche de la chapelle de Saint-Grat qui a servi de caserne à la Garde avancée se sont perçus à la première claireur du jour que le dit Barbet il monta pour le quartier appelé la Faisse de Prals, et quoique la terre fut couverte d’une grande quantité de neige les individus composant la patrouille ont déterminé de poursuivre le Barbet, et prenant sa trace, et chemin l’ont poursuivi quoique éloigné d’une heure et demi environ et arrivés sur la somité de la Faisse de Prals sont vus tirer le Barbet le chemin du col ont continué à suivre le chemin et trace du Barbet jusqu’à la rivière du col de Fenestres où est repoussé alors approchant la patrouille en la distance d’un tir de fusil leur lui cria arret là arret là et il s’est arrété il a le Barbet répondu je suis arrété et cito le dit adjudant du bataillon, Capitaine CASTELLI et soldas de Belvédère voulant passer la rivière quoique glacée pour l’arréter, en tel instant un des soldas qui tait des derniers de la patrouille de Roccabillière lui a fait feu de son fusil sans ordre et l’a manqué, allors le dit Barbet il a pris la fuite par les Bois descendant par la rivière ; l’on perdu de vue ne l’ayant pas pu poursuivre pour n’avoir pu trouver la trace et se voyant la patrouille pénible pour le froid la neige, la faim et la longue et forte marce du chemin se sont retournés descendant à Saint-Martin.

De plus les susnommés adjudants de Roccabillière et Capitaine CASTELLI ont déclaré et dit que Louis SCAUTARD habitant de ctte commune leur a dit en les derniers jours de may que venant de Bendéjun en arrivant par les colles et ( ?) chemins publics terroir de Lucéram fut attaqué par un nombre de Barbets parmi lesquels il était le prénommé ci dessus Barbet Salari en lui volant quelques peu d’argent que avoir le dit Barbet demande aussi dit SCAUTARD si l’Agent Municipal, l’adjudant EUSEBI, Capitaine CASTELLI, le sergent RAINARD, Louis DAVID, ROBINI, soldas et Joseph VASSERON soldat de Nice venant du Piémont avec son congé, et autres individus de cette commune était encore en selle et s’ils se portent bien car dit le dit Barbet il lui répondu prend garde de parler car autrement lui aurait levé la vie et que quelques jours il serait venu à revendiquer contre tous eux, savoir que en tel jour fut par les dits Barbets assassinés et tuées sur les colles cinq soldats de la République qui escortaient le citoyen Receveur Général.

Et successivement en ces derniers jours certifient les susnommés Commandant EUSEBI et Capitaine CASTELLI que le susdit Barbet Salari fut arrété en le terroir en ces jours derniers de Duranus où soit ( ?) par les éclaireurs et conduit en cette commune sans précaution et puis conduit à Roccabillière où il a escapé de nuit, et disant les susnommés citoyens EUSEBI et CASTELLI que le dit Barbet il a en vengeance de la poursuite faite comme ci dessus, il s’est parlé au citoyen ALBERTINI Commandant des éclaireurs les susnommés Agent CASTELLI, soldas Antoine RAINARD, Louis DAVID, ROBINI, et autres, et aussi du susdit PASSERON déjà soldat du Régiment de Nice pour des Barbets et qui tenayent la main aux Barbets ; en conséquence, et en défense d’une telle dénonciation fausse ici toujours pressons les susnommés Commandant EUSEBI et Capitaine CASTELLI au nom de la vérité et en décharge de leur place ils certifient et déclarent que les susmentionnés Agent Municipal Antoine RAINART, Louis DAVID, ROBINI, Joseph PASSERON, et autres mentionnés inscrits à la dénonce sont des honnetes hommes bons républicains incapables de faire aucun tort ayant toujours remplis son devoir en la Garde Nationale et dans les cas de patrouille n’ayant (comme il est notoire) rien à dire sur la conduite et confiance de leur courage et zèle pour contenir les Barbets, ont déclaré d’aller en cet instant les commander le susdit Sergent RAINARD, soldas Louis DAVID,ROBINI, PASSERON et autres injustement et faussement accusés pour citot alors battre et faire patrouille par tout ce terroir en lequel sont espéré retrouvé le susdit Barbet Salari ( ?) Avec des autres soldas marcher en patrouille par tout ce terroir et jusque que le cas exige pour arréter, vif ou mort le prénommé Salari un des Barbets suivant le bruit, et sont d’avis et conclusion de nommer dessus infame Barbet et scelerats ne se doivent pas quoique ce soit préter aucune fois, car sa mauvaise conduite est toujours ouverte à meurtres et maltraite quelconque de sa foi et son signé. »

 

                En conclusion, insistons sur l’originalité des sources à Belvédère, pour la période révolutionnaire, qui comprennent une suite intéressante de correspondances et d’ordonnances d’une grande richesse pour cette période troublée. L’intérêt du récit est naturellement lié à l’originalité des faits, quand le village se débat entre les différents belligérants, mais aussi avec la surimposition de l’administration française révolutionnaire puis impériale, à des pratiques anciennes existantes. Il s’agit selon toute vraisemblance d’une véritable situation charnière de la période pour le village (mutations des pratiques, conscription ...), qui retourne sous la domination Sarde en ayant subit d’importantes transformations structurelles. L’économie locale, dominée par l’ancienne notabilité, connu alors un véritable renouveau par l’intégration immédiate des nouvelles générations de dirigeants, dont la quasi-totalité est issue de l’ancienne oligarchie. La Révolution ne semble pas avoir bouleversé plus que cela le système de clan. La tourmente des guerres révolutionnaires et impériales est sans aucun doute le catalyseur de phénomènes plus profonds que l’on a regroupé sous le titre d’ouverture mentale, que l’étude des fonds Sarde devrait permettre de préciser. Ce n’est que plus tard, après la « réaction » de la Restauration, que l’évolution profonde des mentalités, touchées moins directement par les idées que par la nécessité de l’adaptation en milieu hostile, provoqua ces transformations de la société Belvédéroise qui lui permis d’entrer rapidement dans le « monde plein du XIXème siècle [45]».

 

Document :

Les administrateurs de Belvédère sous la Révolution et l’Empire

 

20 mars 1793

Maire : Antonio Francesco FRANCO

Conseillers :          Ludovico GUIGO

                               Ludovico GIACOBI

                               Carlo Batta LAURENTI

                               Ludovico RAVETTE

En présence des Concitoyens :        Francesco GIACOBI, Antonio CERVELLO, Pietro CASTELLI, Giacomo CASTELLI, Giacomo CERVELLO

31 octobre 1793

Sindico : Ludovico GUIGO

Conseillers :          Ludovico GIACOBI

                               Ludovico RAVETTO

                               FRANCO gia sindico

                               Antonio CERVELLO

5 mars 1794

remplacement de 3 conseillers le 12 décembre et serment des mêmes le 3 janvier 1794

Sindico : Ludovico GIACOBI

Conseillers :          Ludovico RAVETTO

                               Pietro CASTELLI

                               Ludovico PROSA

                               Giovanni CERVELLO

13 vendémaire an IV

Maire : Ludovico RAVETTE

Conseillers :          Pietro CASTELLI

                               Giuseppe EUSEBI

                               Ludovico PROSA

29 fructidor an VII

Maire : RAVETTE

Adjoint :                ROBINI

23 fructidor an VIII

Maire : Paulino LAURENTI

Adjoint :                RAVETTE, ex-Agent Municipal (Maire)

20 vendémiaire an IX

Conseillers :          Médecin Jean André EUSEBI

                               Charles GIACOBI

                               Antoine RAINART

                               Louis CORNILLION

                               André LAURENTI feu Bartolomeo

                               André GUIGONIS

                               Francesco ROBINI

11 brumaire an IX(idem le 25 germinal, le 18 frimaire an X et le 12 décembre 1810)

Maire : LAURENTI

Conseillers :          Baptiste GUIGO                   Francesco CARLON

                               Baptiste GIORDAN            Louis PROSA

                               Jean André EUSEBI            Louis GIAUTARD

                               Louis MATTEUDI              Joseph FERRERI

                               Antoine RAINART           

                               Antonio Francesco CASTELLI, Adjoint

10 fructidor an XII

Maire : Louis RAVET

10 août 1807

Maire : Charles GIACOBI

?

Maire : GILETTE

7 août 1811

Maire : Antonio Francesco CASTELLI (ex-adjoint)

Adjoint :                Antonio Francesco CARLON

et pour remplacer CARLON : Louis GIACOBI

1er avril 1812

Maire : Joseph CASTELLI

Conseillers :          Médecin EUSEBI Louis MATTEUDI

                               Chirurgien FERRERI           Louis GIAUTARD

                               Jean André ROBINI            Antoine RAINARD

                               Louis PROSA                      Pietro Louis CASTELLI

                               Louis GIACOBI

8 avril 1813

Nouveaux conseillers :       Baptiste GUIGO                   André LAURENTI

                                               Louis MATTEUDI              LAURENTI

                                               Antoine RAINARD            André GUIGONIS

                                               Louis GIAUTARD              Pierre GUIGO

                                               Jean André ROBINI            Louis CERVEL

1er mai 1813

Maire : Joseph CASTELLI

Conseillers :          Joseph FERRERI Louis GIACOBI

                               Dioniggio LAURENTI        Gio Andrea GUIGONIS

                               Pierre GHIGO                       CARLON

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[1]  - Lionel REZIO, titulaire d’une maîtrise d’Histoire, dont est extrait l’article, est étudiant à l’Université de Nice Sophia Antipolis, et se destine à l’enseignement. Cette recherche est un extraits du mémoire de maîtrise intitulé Notables e vie villageoise à Belvédère, Valdeblore et Saint-Martin-Vésubie (1770-1814), ayant donné lieu à une conférence le 22 mai 1999 en la Mairie de Belvédère

[2] - A.C.B, Dossier 13, côte provisoire DD 16 Biens communaux et subsistances au XVIIIème siècle

[3] - Ibidem

[4] - P.R. GARINO La Vallée de la Vésubie..., p. 33

[5] - A.C.B. Dossier 1, côte provisoire CC 12 Comptes communaux, XVIIIème siècle

[6] - A.C.B. Dossier 5, côte Provisoire II, recueill et actes de comptes de tous ordres

[7] - A.C.B. Dossier 3, côte provisoire DD 16 Bâtiments communaux

[8] - A.C.B. Dossier 3, côte provisoire DD 16 Bâtiments communaux

[9] - A.C.B. Dossier 4, côte provisioire D1, Délibérations

[10] - A.C.B. Dossier 9, côte provisoire N 15 Gestion des biens communaux en particulier Bandites

[11] - A.C.B. Dossier 1, Op. Cit.

[12] - A.C.B. Dossier 10, Op. Cit.

[13]  - A.D.A.-M., Série J 311, copie de L’Hitoire des guerres de 1792 à 1796 sur les deux versants des Alpes-Maritimes par le Major d’Infanterie Sarde Louis-Alzéar ALZIARI

[14]  - KREBS et MORIS Campagnes dans les Alpes... , Tome II, p. 19

[15] - A.C.B. Dossier 6, côte provisoire N 20, Biens Nationaux, 1793-An III. Traduction : « ... car il est assez clair qu’ils peuvent rentrer sans obstacles, malgré les patrouilles et les postes avancés, au lieu d’en profiter et d’abandonner le drapeau vaincu pour se rendre utile à la patrie, de cette manière ils arrêteraient leurs nuisibles désertions et au lieu de servir un tyran, ils viendraient sur la terre de la liberté jouir des bienfaits qu’accorde la Nation Française à ceux qui défendent la cause de l’égalité »

[16] - Ibidem

[17] - A.C.B. Dossier 4, côte provisoire D1, Délibérations, ordonnances, actes de conseil, 1793-1821 (21 nivose an IX et 31 mars 1793), sauf  l’allusion aux abeilles (A.C.B. côte provisoire N 20, Biens Nationaux 1793-an III, en brumaire an IV). Traduction : « Les vastes champs cultivables de cette montagne seront sans doute rendus inculte, à défaut de pouvoir les fumer conformément à l’habitude par les troupeaux de moutons tant locaux que venant selon la coutume de la partie maritime de la région, celle-ci se trouvant sous la domination française, aussi cette population risque de ressentir pendant 4 ou 5 ans de graves préjudices par défaut de grains »

[18] - A.C.B. Dossier 4, côte provisoire D1, Délibérations, ordonnances, actes de conseil 1793-1821

[19] - Ibidem, 31 octobre 1793, 17 novembre 1793, 31 mars 1794 et 25 novembre 1793

[20] - Ibidem, 21 nivose an IX

[21] - Ibidem : traduction : « ... le locaux préférèrent la fuite par peur de leurs vies dans les campagnes et les montagnes boisées, aussi vivres, mobiliers, vêtements et bêtes furent emportées par la troupe que jamais un tel spectacle n’avait ét évu par ces habitants qui pleurèrent et grimacèrent ... »

[22] - A.C.B. Dossier 6, Op. Cit. Biens Nationaux... Traduction « ... dans un angle de cette place publique tous les administrateurs, baile, syndic, furent gardés par des hommes portant l’épée à la main, puis pour obtenir de l’argent ils partirent chercher le percepteur et l’amenèrent sur la place étroitement surveille par un garde »

[23] - A.C.B. Dossier 10, côte provoire D24, Registre des correspondances, 2 nivose an XIII (Op. Cit.)

[24] - cf acte du 5 messidor an VII, entre autres : A.C.B. Dossier 4, côte provisoire D1, Délibérations, ordonnances, actes de conseil 1793-1821

[25] - Ibidem

[26] - Ibidem

[27] - A.C.B. Dossier 10, côte provisoire D 24, Registre de correspondance an IX-1814

[28] - A.C.B. Dossier 4, Op. Cit.

[29] - A.C.B. Dossier 10 Op. Cit.

[30] - Ibidem

[31] - Ibidem, 16 fructidor an XII

[32] - sur toutes ces accusations, voir A.C.B. Dossier 10 Op. Cit.

[33] - M. IAFDELICE Barbet !…, Op. Cit., p. 139

[34] - A.C.B. Dossier 4, côte provisoire II, Recueil et actes de comptes de tous ordres, cf les 12 janvier 1774 et 28 mai 1775

[35] - M. AGULHON La République au village, p. 152

[36] - A.C.B. Dossier 10, 29 messidor an X

[37] - A.C.B. Dossier 10, côte provisoire D 24, Registre de correspondance an X-1872

[38] - A.C.B. Dossier 4 côte provisoire 1D, Délibérations, ordonnances, actes de conseil 1793-1821, 31 octobre 1793

[39] - Ibidem

[40] Ibidem, 14 novembre 1793. Traduction : « Car peu avant l’épouvantable arrivée des Français, il avait prêché au grand autel de l’église que ce peuple devait rester fidèle dans sa Foi et que plutôt que d’abandonner cette paroisse, il aurait mis en péril sa propre vie »

[41] - Ibidem, 31 octobre 1793. Traduction « … sans l’assistance duquel les défunts serait passé à une meilleure vie sans sacrement »

[42] - A.C.B. Dossier 10, correspondance Op. Cit.

[43] - Ibidem

[44] - Ibidem, 20 thermidor an XII

[45] - citation tirée de la recherche doctorale d’E. GILI Familles et Patrimoines à Saint-Martin-Vésubie (XVIème-début XXème siècle)

 


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