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MAZZANI Sara

« Une symbolique oubliée? Les interprétations du carnaval de Saint-Martin-Vésubie »

 

Le carnaval de Saint-Martin-Vésubie peut susciter un certain nombre de questions, qui tiennent toutes à la volonté d'inscrire le rite carnavalesque et l'apparition de son personnage central, le Biffou, dans une logique symbolique cohérente. Plusieurs thèses sont en présence et chacune développe une conception particulière du Carnaval qui propose, pour le lecteur du XXIème siècle, autant de clefs de lectures symboliques de ce rite alpin contemporain.

 

Pourquoi le Biffou frappe-t-il les spectateurs à l'aide d'une massette ? Quel est le rôle des clochettes qui agrémentent son costume? Pourquoi le personnage du Biffou est-il double ? Des symboliques aujourd'hui incompréhensibles par les acteurs se cachent-elles derrière les gestes pratiqués lors du Carnaval ? La reproduction annuelle des mêmes gestes est réalisée par imitation des parents et grands-parents qui les ont fait avant eux, « nous faisons comme ça, parce qu'on a toujours fait comme ça »[1]. En effet, si les traditions ne semblent pas oubliées, les symboliques, elles, le sont. La mémoire collective garde le souvenir de pratiques ancestrales tout en oubliant le sens, et ne garde que l'aspect esthétique de la fête[2].

 

Lutte contre les mauvais esprits

Lutte contre les mauvais esprits et rite de fertilité représentent deux premières interprétations de la gestuelle du Biffou. Elles se retrouvent notamment dans les travaux de Marcel Mourgues[3], mais aussi dans l'étude de César Poppi concernant le Carnaval de Moena[4], qui peut être rapproché de celui de Saint-Martin.

 

Dans l'interprétation de Marcelle Mourgues, le Carnaval était la période choisie pour « engager une lutte contre les génies néfastes qui s'étaient manifestés durant l'année et les expulser du territoire »[5]. En effet, la saison froide est vue comme une période favorable aux échanges entre le monde des vivants et des morts. Les rites carnavalesques sont alors perçus comme des moyens de renvoyer les âmes là d'où elles venaient[6]. La musique, le bruit, notamment celui des clochettes ou de la massette, sont là pour faire peur aux mauvais esprits, pour écarter les âmes des morts[7]. Ce combat contre les mauvais esprits s'incarnait dans la lutte qu'opposaient les enfants au Biffou pendant sa tournée du village. En effet, les enfants représentaient les forces du mal[8]. Le mannequin qui est incinéré à la fin du Carnaval peut être vu aussi comme le bouc-émissaire chargé d'évacuer le mal[9]. Parallèlement à cette symbolique de la lutte contre les mauvais esprits peut se développer aussi l'interprétation du réveil de la nature et des rites de fertilité.

 

Réveil de la nature endormie et rites de fertilité

Le Carnaval peut être perçu comme un rite de passage. Il marque la transition d'un temps à un autre, notamment celui de la mauvaise saison aux prémices du printemps. J. Poirier appelle cela la fonction de « réversion »[10] de la fête. Dans ce passage à un autre temps, l'incinération du mannequin peut être vu comme un rite à fonction cathartique. C'est la mise à mort de l'hiver. Le bruit, la musique sont alors là pour réveiller la nature endormie. Les rires provoqués par les gesticulations du Biffou, quant à eux, seraient porteurs de la pluie si bénéfique à la nature et surtout aux récoltes. Nous sommes, en effet, en milieu rural, et le cadre agricole est de première importance dans la compréhension de ces rites. Pour J. Poirier, cette dynamique de réversion des saisons est toujours accompagnée de pratiques de magie « bénéfiques, visant à lutter contre les esprits du mal sous leurs diverses formes »[11], ce qui, là encore, nous rappelle les interprétations liées à la lutte contre les mauvais esprits.

 

Au réveil de la nature s'ajoute des rites de fertilité, qui sont suggérés par les coups prodigués par le Biffou. Ces coups devaient « répandre des forces capables de favoriser la végétation »[12]. César Poppi rapproche ces coups des violences

[1] Entretien BAUSOLA Georges et GASIGLIA Louis, 8 décembre 2002.

[2] KOCHTCHOUK O. Carnaval, rites, fêtes et traditions, ed. Cabédita, 2001, p. 33.

[3] MOURGUES M. « Le renouveau du Biffou » in Mesclun, culture et tradition dans les Alpes-Maritimes, 1989, n° 13, pp. 17-18; « Le Carnaval et l'expulsion des mauvais esprits » in Le Carnaval, la fête et la communication, Actes des rencontres internationales de Nice, du 8 au 10 mars 1984, Nice, ed. Serre, pp. 487-490; « Vieilles coutumes du pays niçois. Les fêtes traditionnelles de Saint-Martin-Vésubie » in Annales de la Société Scientifique et Littéraire de Cannes, 1975-1976, T. XXVII, pp. 114-117.

[4] POPPI C. « Sous le secret des masques » in L'Alpe, 2001, n°10, pp. 25-28.

[5] MOURGUES M. « Le Carnaval et l'expulsion des mauvais esprits » in Le Carnaval, la fête et la communication, Actes des rencontres internationales de Nice, du 8 au 10 mars 1984, Nice, ed. Serre, pp. 487-490.

[6] KOCHTCHOUK O. op. cit., p. 34.

[7] KOCHTCHOUK O. op. cit., p. 51.

[8] MOURGUES M. « Le renouveau du Biffou » in Mesclun, culture et tradition dans les Alpes-Maritimes, 1989, n° 13, p. 17.

[9] POIRIER J. « Sens et fonction de la fête » in Le Carnaval, la fête et la communication, Actes des rencontres internationales de Nice, du 8 au 10 mars 1984, Nice, ed. Serre, p. 351.

[10] POIRIER J. op. cit.

[11] POIRIER J. op. cit.

[12] MOURGUES M. « Vieilles coutumes du pays niçois. Les fêtes traditionnelles de Saint-Martin-Vésubie » in Annales de la Société Scientifique et Littéraire de Cannes, 1975-1976, T. XXVII, pp. 114-117.

 

rituelles, notamment celles des lupercalia latines, au cours desquelles les coups de fouets étaient considérés comme source de fécondité pour l'année à venir. Bien sûr, César Poppi étudie surtout les carnavals italiens, mais la conjonction de l'aire culturelle et de la région alpine suffisent sans doute pour en accepter, au moins en partie, les conclusions. Les rapprochements culturels sont tout à fait probables. Cette interprétation pourrait donc vouloir dire que les coups de massette portent bonheur[1]. Ces interprétations de lutte contre les mauvais esprits et de réveil de la nature sont tout à fait envisageables si l'on considère que le Carnaval est un rite de passage, mais aussi par ce que nous restons dans une société consciente de son passé agricole.

 

La marque d'une transcendance ou la symbolique du Trevelin ?

Cette théorie est avant tout celle de Paul Philippe, développée dans son article concernant le Trevelin et sa symbolique[2]. Le personnage du trevelin est synonyme de celui du Biffou.

Paul Philippe qualifie le Biffou « d’indifférencié, libre et inspiré et originellement hors jeu ». Il est la synthèse de trois personnages : l'arlequin, le fou du roi et le « Mat » du tarot. Au delà des ressemblances physiques qui nous viennent immédiatement à l'esprit, il donne au Biffou un trait de caractère propre à chacun de ces trois personnages. Il tire de l'arlequin son image indéterminée... on ne sait pas qui il est. Cette idée s'accorde assez bien avec la fonction du masque que portait pendant un temps le Biffou. Eric Gili nous informe que l'on ne sait pas s'il s'agit « d'un homme ou d'une représentation[3] ». Comme le fou du roi, il est la dualité de chaque personne, l'autre face de la réalité, ce qui, peut-être, explique la double représentation du personnage, deux visages d'une même personne. Le Mat, quant à lui, fait du Biffou un être hors jeu, en dehors de la réalité quotidienne. Ces différentes caractéristiques font de lui un être « mythique et symbolique »[4], qui a pour mission de porter la loi carnavalesque, remise en cause de la loi officielle. Cette nouvelle loi dont parle Paul Philippe peut être rapprochée de la « fonction d'inversion »[5] du Carnaval. Paul Philippe va jusqu'à affirmer que tous les éléments, mêmes opposés, font partie d'un même ensemble, d'un même tout, qu'il n'y a plus de distinction[6]. On peut alors penser que s'il n'y a plus de distinction, il n'y a donc plus de frontière, ni d'interdit. Le carnaval accentue alors le penchant aux excès et aux débordements. L'idée d'outrepasser la loi officielle, de braver les interdits se retrouve aussi dans les thèses d'Oleg Kochtchouk[7]. Mais pour lui le carnaval est aussi le moment de remettre en place l'ordre normal qui s'est déréglé avec le temps, après avoir bravé les valeurs établies. On les affirme mieux ensuite.

 

Pour transmettre ce message, le Biffou dispose de deux armes : les clochettes de son costume, et sa massette. Pour Paul Philippe, les clochettes sont là pour mettre en place une communication entre les mondes terrestre et spirituel, non pour chasser les mauvais esprits, mais plutôt pour réveiller les consciences endormies. La massette, elle, est un insigne de pouvoir. Grâce à elle, le Biffou tente de convertir les profanes, il frappe pour réveiller les consciences endormies. S'il frappe plus particulièrement ceux qui ne participent pas à la fête, c'est parce qu'il tente dans un dernier effort de les convertir aux joies de la loi carnavalesque.

 

Le Biffou est enfin perçu comme un miroir qui reflète ce que l'on a pour habitude de considérer comme notre côté sombre. C'est un être transcendantal, parce qu'il est composé de toutes les parties intimes, inconscientes, des membres du village. Il peut donc s'adresser aux consciences intérieures des autres. C'est pour cela que son costume est composé de mille pièces de cou1eur, qui sont autant d'hommes différents qu'il représente. « Il est l'incarnation magique et magnifique de nos rêves secrets, de nos tendances enfouies, de nos peurs inavouées »[8].

 

Toutes ces interprétations ne sont pas antinomiques. Elles peuvent s'associer, s'additionner les unes aux autres, mais elles restent des interprétations, et peut-être qu'à trop vouloir expliquer les choses, à trop vouloir chercher leur sens caché, en oublie-t-on le principal. « En cherchant à trop classifier, [on] court le risque de passer à coté de cette fête »[9]. Peut-être y-a-t-il une volonté de fêter la fin proche de la mauvaise saison, mais peut-être tout simplement est-ce une envie d'être ensemble.

[1] Entretien RAMIN Bernard.

[2] PHILIPPE P. « Le symbolisme du Trevelin », in Pays Vésubien, juillet 2003, n° 4, pp. 157-167.

[3] GILI E. « Les Trevelins, Biffou et Hommes sauvages, fonds culturels païens de la Vésubie », Pays Vésubien, n° 2, 2001, pp. 79-91.

[4] PHILLIPE P. op. cit., p. 114.

[5] POIRIER J. op. cit., p. 349.

[6] PHILIPPE P. op. cit., p. 114.

[7] KOCHTCHOUK O. op. cit., p. 35.

[8] PHILIPPE P., op. cit., p. 119.

[9] KOCHTCHOUK O. Carnaval, rites, fêtes et tradition, ed. Cébédita, 2001, p. 25.

 


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