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DIMANCHE 11 MAI 2008 Nous étions 40 à Lantosque, 50 à Roquebillière, un peu plus de 60 à Saint-Martin ! Mais jusqu'où allons nous aller ? Il se dit qu'à Isola, ils commencent les travaux pour agrandir les rues, dans la perspective de notre visite du 28 juin, dernière du programme ! Trêve de plaisanterie, nous étions bien 60, rassemblés à 10 heures sur la place de la Mairie, mêlés aux cartophiles qui chinaient au Salon du Collectionneur, aux touristes et aux Saint-Martinois qui faisaient leurs courses ou se prélassaient aux terrasses de La Maverine ou de l'Hôtel des Alpes. Un peu impressionnée au début par une telle foule, Betty TARDEGL, pilier de l'AMONT et qui conduit habituellement les visites du village, retrouvait rapidement ses marques, et nous indiquait le sens de cette visite, où de la place de la Mairie jusqu'à l'église, nous allions tout à la fois descendre la rue Cagnoli et remonter le temps ! Quel programme !
Les bâtiments publics et les routes sont les premiers signes par lesquels un pouvoir politique entend imposer sa marque. Ici, comme nous l'avions déjà vu à Moulinet, le bâtiment majestueux de la mairie répond au désir de la République de s'affirmer dans ces territoires récemment annexés ; comme à Moulinet, et pour mieux en montrer sans doute l'importance, la mairie nouvelle est construite hors du village, comptant en devenir le nouvel épicentre ; comme à Moulinet enfin, ce bâtiment surdimensionné s'empresse d'accueillir l'école, certes pour utiliser les locaux mais aussi pour bien ancrer dans les esprits l'image indissociable de la République et de l'école !
Betty renforce cette entrée dans la deuxième partie du XIXème siècle de quelques considérations sur la fin du siècle et le XXème, avec plusieurs réalisations architecturales du temps de la Villégiature visibles de là où nous sommes (hôtel des Alpes, hôtel Régina, Promenade des Platanes, etc.). Puis le groupe se dirige résolument vers la rue Cagnoli, non sans avoir une pensée au passage devant l'hôtel des Alpes aussi bien pour Félix Faure que pour Victor de Cessole !
Le premier arrêt, et le premier embouteillage de la rue, est pour la chapelle des Pénitents Blancs, hors les murs (de la ville de l'époque) avec sa superbe façade Baroque ; et que dire de l'intérieur ! Les colonnes torses, les ors, les rouges, les tableaux, le décor, tout est fait pour transporter l'âme et affirmer les ambitions de la Contre-Réforme. L'étape suivante est sur la Place du Marché, avec ses deux pôles d'attraction : l'ancienne Maison commune, dont on admire notamment le décor et le séchoir à claire-voie depuis longtemps transformé en loggia, comme dans tant de villages du Haut-Pays, et la plaque, à l'opposé, rappelant l'aventure scientifico-commerciale de Joseph Mottet, génial inventeur et gestionnaire avisé, qui permit à Saint-Martin Vésubie d'être la seconde commune de France à disposer de l'électricité, après La Roche-sous-Foron ! Et à Mottet de faire fortune…
On admire au passage les façades des maisons patriciennes et après les Pénitents Blancs, c'est au tour des Noirs, chapelle au décor plus pur et plus austère. Arrêt incontournable devant la "maison du coiffeur", belle maison médiévale aux murs surplombants, et l'on bifurque vers l'église. J'ai oublié, dans ma narration, de parler du "béal", ce ruisseau central si caractéristique de Saint-Martin (et de Briançon) ; Betty nous le présente comme un canal d'irrigation, empierré depuis le XIXème siècle seulement, et qui contournait la basse ville des XIII-XIVème siècles pour apporter l'eau aux jardinets périurbains ; inutile de dire que ce n'est pas là sa fonction légendaire, que rappelle Dominique Durandy dans Mon Pays : "[on trouvait à Saint-Martin] une grande rue tortueuse au milieu de laquelle coulait en avalanche, comme à Briançon, un canal servant d'égout…", et il insiste plus loin en parlant du "ruisselet aux fonctions d'un utilitarisme inquiétant" ! Bref, on arrive à l'église, beau mélange de clocher roman et de porche baroque, qui a entre autres mérites ceux d'abriter à l'année deux splendides Bréa, ainsi que la statue de la Madone des Fenestres lorsque celle-ci ne gagne pas en pèlerinage ses alpages et ses rochers. Puisque je parlais de Durandy, comment résister au plaisir de vous citer ce passage iconoclaste, toujours dans le même opuscule à la gloire de la Riviera et de ses environs : "[on trouve à Saint-Martin] une église avec un clocher roman abritant une Madone noire, attribuée par la tradition à saint Luc, artiste légendaire, également médiocre dans la sculpture et la peinture, qu'on porte processionnellement au seuil de l'été jusqu'au sanctuaire éloigné des Fenêtres…" L'honnêteté m'oblige à dire que je n'ai pas retrouvé cet œil acerbe chez les participants à la visite ! Le temps passe, vite, trop vite, l'heure avance… On squeeze la place de la Frairie, on fait halte rapide devant l'hôtel de la famille Gubernatis, qui présida aux destinées du Sénat de Nice, et l'on se retrouve, longeant la muraille du XIVème siècle, à la Porte Sainte-Anne, immortalisée par tant de cartes postales anciennes ; occasion pour Betty de rappeler aussi qu'habitaient dans ces rues nombre de familles qui, fin 1943 et en 1944, ont abrité là des familles juives, parmi celles qui n'avaient pas tenté la funeste aventure de la fuite vers les cols de Cerise et de Fenestres ; séquence émotion, bien venue et appréciée dans le silence du groupe. Avant le Musée, dernière étape, une partie du groupe regagne sa voiture ou sa maison ; il faut respecter le choix de chacun, mais c'est dommage : ils auront raté trois grands moments :
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