Géologie
Tous les minerais intéressants se trouvant dans les mines et ayant été expertisés se trouvent dans une zone géologique exceptionnelle, affleurant au niveau du vallon (sur les deux rives).
En effet, dans toute cette zone, comprenant le vallon de Salèses sur toute sa longeur, le granite noble et pur de l’Argentera - Mercantour rencontre les roches cristallophyliennes formées par le gneiss. Le soulèvement alpin et la puissante tectonique qui l’a accompagné voit se développer ici même un écrasement important, entre le gneiss et le granite. Cette friction des masses cristallines a provoqué une intense fission, de parts et d’autres, arrangeant la structure atomique des minéraux, créant une recristallisation des roches, ayant pour résultat final la formation de migmatites (fusion et mélange partiel de gneiss et de granite) et d’anatexies (fission totale du granite et recomposition de ce dernier).
Ces transformations dues à la fusion des roches ont donné une structure minéralogique particulière de ces dernières, et la présence dans le vallon de Salèses de minerais rares recherchés ici dès l’Antiquité la plus lointaine.
Inventaire des minéraux
I°) BLENDE
La blende est légèrement argentifère. Mot Allemand, la blende présente dans les minerais de cuivre, était sans doute recherchée à Salèses.
La blende (synonyme sphalérite) est un sulfure de zinc, présent dans le réseau cristallin (qui représente une répétition dans l’espace de l’arrangement des atomes de manière régulière, selon une disposition fondamentale). Elle est présente dans le réseau de fer (jusqu’à 25 %), de manganèse (jusqu’à 5 %). Traces de cadmnium et de gaelium. Cristaux en minces lames, à clivages parfaits. Eclat résineux, souvent translucide, avec reflets rouges. La blende a servi à fabriquer un laiton particulier, riche en zinc. Cet alliage était connu par les Romains sous le nom d’Airain.
II°) GALENE
Du Grec Galêne, plomb. Sulfure de plomb (PbS). On la trouve surtout dans des filons, associée à l’autres minerais, notamment la blende, la pyrite. C’est le plus important des minerais de plomb.
III°) MOLYBDENITE
Du Grec Molubdos, plomb. On extrait le molybdène de la molybdénite. C’est un sulfure de molybdène. Métal blanc, dur, chalcolitique (du Grec Khalkos : cuivre).
IV°) CASSITERITE
Du Grec Kassiteros, étain. La minéralisation de Salèses contient des traces de cassitérites. Cet oxyde d’étain (SNO2) n’est connu dans les Alpes françaises qu’un un seul autre point, au site des Clochettes, massif du Combeynot (Hautes Alpes). L’étain à l’état natif est extrêmement rare.
La cassitérite est un minéral dur (indice 6-7), de densité 7, inaltérable. C’est le seul minerai d’étain pouvant être exploité dans les alluvions des torrents. Mis en place à de très hautes températures.
V°) HEMATITE
Du Grec Haimatos, sang. Oxyde FE2O3 du système Rhomboédrique (formation en losanges des cristaux). On la trouve dans les auréoles métamorphiques des massifs granitiques, donc correspond bien au métamorphisme bien marqué qui a subi le secteur des mines de Salèses.
De couleur noire à gris acier, avec des variétés écailleuses à relfets violacés et d’autres grises ou rouges (d’où son nom d’Hématite, sang). C’est le principal minerai de fer (il n’est sans doute que peu présent à Salèses. On y recherchait surtout le cuivre et le plomb).
Salèses - Blend, galène, cosalite, cassitérite, covellite, hématite, molybdénite, pyrite, pyrrhotite, mispickel (arsénopyrite).
Les Sagnes - Chalcopyrite, cobaltite, cuivre gris, graphite, malachite.
Galerie EDF de la Madone - Malachite.
Pas de Préfouns
Mine du Pisset - Galerie argentifère (très disséminée et peu abondante) et chalcopyrite
Les mines de Salèses (I)
Le long des entrées, la paroi verticale est creusée en « V » pour faciliter la descente du minerai qui était transporté à dos de mulet par l’actuel GR.52.
Une première tradition, qu’il nous est impossible de vérifier, attribue aux Romains les premiers travaux aux mines de Salèses.
Une seconde légende rappelle que par la suite, les Sarrasins, aux IXème et Xème siècles, les auraient de nouveau exploité. Un document datant du XVIème siècle (reproduit sur ce tableau) en rappelle la présence. Mais son caractère « spirituel » laisse planer un sérieux doute sur leur présence effective. Les études historiques nous apprennent que leur présence est assurée sur la côte dès la fin du IXème siècle, au Fraxinetum (aujourd’hui près de la Garde Frenet, dans le Var). Ils se sont rendus alors coupable, pendant une période bien définie n’excédant pas la soixantaine d’années, de raids meurtriers certes, de pillages en direction de la proche région, mais bien plus des cols et grands axes de passages des Alpes, propices aux embuscades. La thèse de Jean Pierre POLY sur la Provence « féodale » fait d’ailleurs autorité en la matière. Aux temps de leurs exactions, le village de Saint-Martin n’existait pas, comme en témoigne le cartulaire de l’ancienne cathédrale de Nice, qui nous propose ses premiers écrits au XIème siècle. Le danger sarrasin était alors depuis longtemps écarté, sous l’action des « grands féodaux ». Si le village n’apparaît pas dans le cartulaire, il est alors probable que quelques « clairières de défrichements » existaient, composées de quelques familles d’exploitants, utilisant de faibles espaces productifs. Cette population, numériquement peut nombreuse, même soumise par ces « barbares », n’était pas suffisante pour exploiter les mines que l’on attribue aux Sarrasins. De plus, il paraît peu probable qu’une fois le minerai extrait, il ait été traité dans un endroit aussi éloigné du vallon de Salèse où se trouvent encore ces mines que Saint-Nicolas. Pierre BODARD devait témoigner de l’inconsistance de ce « fait » historique dans un dernier article parut il y a quelques années dans Le Mesclun.
Les mines de Salèses (II)
La « légende », rappelée par Lazare RAIBERTI, doit sans doute contenir quelques vérités. Notre historien du siècle dernier rappelait que le duc de Savoie désirait ré-exploiter ces mines. Pour cela, il dut faire appel au Pape pour excommunier les démons « laissés par les Sarrasins » qui les hantaient (voir annexe 1). Cette Bulle pontificale est conservée aux archivio di stato de Turin, mais ne concerne pas exclusivement les mines de Salèses, se référant plutôt à « l’ensemble des mines des montagnes du Comté de Nice ».
Mais l’ancien Comté de Nice était finalement bien pauvre en réserves de métaux précieux et semi-précieux, comme nous le laisse entendre la mise en adjudication de l’ensemble de ces mines au XVIIème siècle. La rudesse du relief, les multiples plissements alpins, et l’histoire mouvementée des épisodes érosifs, l’explique sûrement. Le métal existe, mais son exploitation est soumise à des contraintes que l’économie, même la moins « capitaliste », ne peut assurer.
Quelle que soit l’origine de l’exploitation des mines de Salèses, toute activité a cessé en 1860. Le site était trop pauvre en chalcopyrite (minerai de cuivre), seul minerai qui intéressait les Anciens.
Bibliographie :
P. BODARD « Du village ouvert d’époque romaine au village perché fortifié d’après l’an Mil », in Lou Mesclun, pp. 32-35
J.-P. POLY La Provence et la Société Féodale. 879-1166. Contribution à l’étude des structures dites féodales dans le Midi, Bordas, 1976
L. RAIBERTI Saint-Martin et la Madone de Fenestre, Serre Ed., rééd. 1983
Bulle de Pie IV. Exorcisation des mines « de Saint-Martin Lantosque »