à Saint-Martin-Vésubie
L’usage du miel est
sans aucun doute très ancien dans la Haute Vésubie, remontant au moins au
Moyen Age. Nous en conservons les traces dans les écrits, par des mentions
éparses et laconiques. Les anciennes civilisations, ne connaissant pas le
sucre, s’en servaient avec parcimonie.
A la fin du siècle
dernier, lors de l’annexion française, il fut commandé par le représentant
de l’Empire à l’administration locale de consigner par écrit, et en
français, nouvelle langue officielle, les coutumes et usages locaux. Parmi
celles-ci, le huitième chapitre concerne les propriétaires de ruches :
1861
- « Si le propriétaire de l’essaim qui quitte une ruche ne le perd pas de
vue, il a le droit de le prendre à l’endroit où il va se reposer (Institutes
de Justinien, livre 11 titre 1 P.14). Sinon, les essaims deviennent la
propriété de celui qui les trouve » (A.D.A.-M., 1M 328).
Le document présenté est suffisamment
explicite pour démontrer la présence d’une production locale de miel. Le
propriétaire de la ruche peut conserver son essaim à condition de le
suivre au moment de l’envol. Il existe alors de véritables producteurs de
miel, possédant une technique certaine de cette activité. La ruche est
vraisemblablement constituée de planches de pin (cembro), comme il peut
encore s’en trouver dans le proche vallon de Mollières. Cette technique de
construction est confirmée par les enquêtes auprès des Anciens du village,
qui affirment ne connaître que ce mode d’établissement.
A Saint-Martin
même, au quartier des Cognès, se retrouve encore aujourd’hui un
long mur dont le parement est percé d’alcoves, désignées par l’archéologue
Jean Petrucci comme un « mur à abeilles », orienté à l’Ouest. Le site,
miné par les résurgences de sources, se situe à proximité de l’ancienne
poterie du village et de sa carrière d’argile, le long du chemin du
Puei.
La mention rappelée
du Code de Justinien, en pays de droit écrit, incite à penser que la
« coutume » rappelée en 1861 est en fait bien plus ancienne, comme faisant
partie d’une tradition fortement implantée.
Les investigations
que l’on peut mener dans la vallée permettent de retrouver la trace de
nombreux parallèles. Ainsi à Roquebillière où le Caïre del Mel est
décrit par l’histoire orale comme le « Rocher aux Abeilles » où l’on
allait chercher le miel au bout d’une corde descendant de son faîte. A
Lantosque même, une maison avait été transformée en apié. Dans le vallon
de Mollières, enfin, où se retrouvent encore de nombreux enclos (apiés)
élevés pour protéger les ruches, placées sur des gradins lithiques, des
incursions animales (ou humaines ?) par de puissants murs (quartier de la
Liume et de Li Pras…).