1. La
Classe
La Classe est formée des jeunes gens nés la même année. Ses membres ont
conscience d’appartenir à un même groupe. Il s’agit d’un sous-ensemble
d’un ensemble plus important, formé par la Jeunesse (le giouve),
nous dirions « les célibataires ». Certains sont destinés à quitter
cette dernière pour se marier. Ce n’est donc pas le même destin qui
attend nos jeunes gens de la Classe. Avant de penser à convoler, il
s’agit donc de remplir ses obligations militaires, puis, à l’issue de
la période, revenir au Pays et s’installer. Enfin, on pourra prendre
épouse et fonder une famille. Ce n’est pourtant pas le lot commun avant
notre siècle.
A° ) La Conscription
2.
Origines de la Conscription
L’armée a toujours été une affaire de
spécialistes. Sous l’ancien régime, elle se recrutait en principe par
l’enrôlement volontaire. On faisait appel aux milices communales pour
la compléter, à la suite d’un tirage au sort, représentant dans
l’armée de la monarchie l’élément rural. Les enrôlements militaires
suffisaient en temps de paix. Mais l’esprit est ambiguë. Certes, les
officiers, comme leur nom l’indique, achètent un office, parcelle du
pouvoir royal que le souverain vend. Cette “ propriété ” donne des
droits. Ainsi, les colonels ont pour charge de constituer leurs
compagnies, qu’ils louent ensuite au souverain qui les gage. Mais le
mode de recrutement ne cesse de surprendre, trouvant les futurs
“ professionnels ” dans les tavernes et autres gargotes. Les
enrôlements volontaires effectués par les sergents recruteurs
appelaient en général sous les drapeaux l’élément turbulent des villes.
C’est seulement par la suite que les “ recrues ” devenaient de
véritables professionnels, soumis à une discipline allant se
renforçant. Ce furent pourtant les progrès de l’Intendance qui
permirent aux militaires de se consacrer uniquement à leur “ art ”,
sans se préoccuper des pillages et autres exactions commises
jusqu’alors contre la population pour survivre. Aussi, la désertion
était-elle la plaie des armées d’Ancien Régime. Un progrès sensible
dans la valeur morale et dans le niveau intellectuel des engagés se
produisit à l’époque de la guerre d’Amérique (1778-1783). La plupart
des généraux futurs de la République s’enrôlèrent alors.
3. Première Conscription
La Conscription apparaît pendant l’épisode de la
Révolution Française. Le 23 août 1793, devant la menace
Coalisée, il fallut décréter la levée en masse de tous les hommes
valides “ jusqu’au moment où les ennemis auraient été chassés du
territoire de la République ”. Après l’effondrement de la Coalition, et
malgré la menace anglaise permanente, le gouvernement directorial vota,
sur le rapport du général JOURDAN (le vainqueur de Fleurus), la loi du
19 fructidor an VI “ relative au mode de formation de l’armée de
terre ” :
Art. 1
– Tout Français est soldat et se doit à la défense de la Patrie.
Art. 2
– Lorsque la Patrie est déclarée en danger, tous les Français sont
appelés à sa défense, suivant le mode que la loi détermine ; ne sont
pas même dispensés ceux qui auraient déjà obtenu des congés.
Art. 3 – Hors le cas de danger de la Patrie, l’armée de terre se
forme par enrôlement volontaire et par la voie de la conscription
militaire.
Les débuts de la 1ère République sont
difficiles, et nécessitent de déclarer “ la Nation en Danger ”. Il faut
lutter contre l’agression extérieure (essentiellement Autrichienne),
mais aussi assurer le succès du nouveau régime, qui plus est
régicide, ce qui donne le prétexte attendu. Le mot de
Conscription avait été adopté en souvenir de la République romaine.
Tous les citoyens en état de porter les armes étaient inscrits (conscripti)
sur un rôle général, d’après lequel se faisaient les levées, excepté
dans le cas de danger public, où s’appliquait la levée en masse (tumultus).
Le citoyen pouvait ainsi servire jusqu’à 25 ans sa Cité. Le titre III
de la loi de l’an VI réglait le mode de conscription :
Tous les Français âgés de 20 à 25 ans étaient à
la disposition de l’Etat, qui fixait chaque année, par une loi, le
nombre de ceux qui devaient être appelés à l’activité en commençant par
la classe la plus jeune, et, dans chaque classe, par les moins âgés.
Le remplacement était interdit (Art. 19), mais il
fut autorisé dès l’an VIII (loi du 28 germinal). L’essentiel de cette
loi resta la base de la législation militaire sous le Consulat et
l’Empire. L’appel aux jeunes volontaires connaît peu de succès, mais
une habile propagande en transforme l’aspect historique. Il n’est qu’à
se souvenir de la mythologie qui en née : l’exemple des volontaires
Marseillais suffit à l’illustrer. Ce n’est pourtant que quatre ans
plus tard qu’elle devient une obligation civique, par nécessité une
nouvelle fois, alors que la guerre se pérennise contre les autres
nations européennes. Sans plus de succès pour le recrutement.
4. Le Premier XIXème siècle
Avec le règne de Napoléon, et l’état de guerre permanent, l’armée
devint le principal symbole de la Nation. Plusieurs millions de
Français y servirent durant cette décennie, et gardèrent, pour les
survivants, un
fort sentiment
d’appartenance
à des temps héroïques (la Grande Armée compta jusqu’à 700 000 hommes
lors de la Campagne de Russie).
En Allemagne, ce sont les revers essuyés par la Prusse à Iéna qui
établirent le service personnel. Napoléon ayant interdit aux vaincus
d’entretenir une armée supérieure à 40 000 hommes, ils s’ingénièrent à
trouver le moyen d’éluder cette condition et réduisirent au strict
minimum la durée du service actif, de manière à instruire le plus grand
nombre d’hommes possible. En même temps fut décrétée l’obligation pour
tout Prussien de servir personnellement dans l’armée :
“ tous les habitants de l’Etat en sont les défenseurs de naissance ”.
La Constitution de l’Empire allemand du
16 avril 1871
a étendu ce principe à toute l’Allemagne : “ … et ne peut se faire
remplacer dans l’accomplissement de ce devoir ”.
La Restauration monarchique en France supprima, temporairement, la
Conscription et licencia l’essentiel des troupes Napoléoniennes, ce qui
en forgea
la légende.
Dès 1818, le Maréchal Gouvion-Saint-Cyr mettait en place le “ tirage au
sort ”. Il était désormais procédé, en plus des enrôlements, un tirage
au sort entre les jeunes gens ayant atteint l’âge de 20 ans révolus et
l’on prenait parmi ceux qui avaient obtenu les numéros les plus
faibles, le nombre d’hommes nécessaire pour compléter l’effectif. Les
numéros les plus faibles tirés obligeaient le titulaire à
servir pendant 6
ans
la Nation Les autres étaient définitivement libérés de toute obligation
militaire.
Le service était étendu,
à partir de
1824, à 8 ans.
La substitution était autorisée, au bénéfice des plus aisés des
“ conscrits ” qui
s’achetaient un
remplaçant.
C’est ce système qui est resté la base des institutions militaires
jusqu’en
1870.
Il s’agissait essentiellement d’une armée de métier.
5.
Réponse au “ danger ” des Unifications
En 1832, le Service Militaire était
réduit à 7 ans, puis, en 1855 (Second Empire), les
rengagements sollicités (par des primes) permirent de transformer
pour la majorité des Conscrits le Service en un simple impôt. Mais
devant l’apparition du danger potentiel prussien, la Garde Nationale
mobile était créée (1868), le Service réduit à 5 ans était complété par
une Réserve de quatre années de service, soit 9 ans au total. Mais le
manque de pratique et d’instruction la rendit obsolète lors du
déclenchement des hostilités de 1870. Enfin, le principe du service
personnel, obligatoire pour tous les Français, fut adopté en
1872, puis complété par la loi de 1889, qui pourtant ne
portait pas encore la durée effective de l’activité militaire à plus
d’un an effectif.
B° ) Le Conseil de Révision
6.
Etre vraiment citoyen ?
Le Service Militaire instauré par la
loi de 1905,
mettant enfin en place une
véritable
égalité de service entre tous les Français,
faisait pourtant du jeune soldat de la République un citoyen
“ secondaire ” (Art.
9)
en lui
interdisant toute activité politique
pendant son temps
sous les drapeaux. Il n’avait en effet aucun droit au vote durant son
temps sous les drapeaux, ni ne pouvait être éligible, de peur que leur
participation à un scrutin puisse nuire à la discipline. Seuls le
peuvent ceux qui sont, au moment du vote, en résidence libre, en
non-activité ou en possession d’un congé, car il n’y a pas à craindre
que leur participation à un scrutin puisse nuire à la discipline. Cette
disposition ne s’applique que dans la commune sur les listes de
laquelle ils sont régulièrement inscrits. Les officiers passant
l’essentiel de leur temps de vie sous les drapeaux. Les militaires en
activité de service, même en résidence libre et en congé, ne peuvent
faire partie des conseils municipaux (Loi du 5 avril 1884, art. 31),
des conseils généraux et d’arrondissement (loi du 23 juillet 1891), de
la Chambre des Députés, sauf quelques exceptions (loi du 30 novembre
1875), du Sénat sauf les maréchaux de France, amiraux et officiers
généraux dans le même cadre que les députés (loi du 9 décembre 1884).
Les militaires de réserve et de l’armée territoriale ne sont pas
concernés par cette loi. Seuls les militaires d’active sont concernés
par ces restrictions, issues de la République naissante et fragile.
A cette époque, la nationalité française
s’acquière :
- par la filiation : jus origini
- par la naissance sur le territoire : jus soli
- par naturalisation
S’est ainsi posé le cas de la nationalité des
« Italiens » après la cession de la Savoie et du Comté de Nice à la
France en 1860 (traité du 24 mars). La nationalité a été conférée de
plein droit, par le fait même de l’annexion aux majeurs domiciliés
dans les pays cédés et aux originaires (ceux qui y étaient nés). Mais
les uns et les autres pouvaient conserver la nationalité italienne à la
condition d’opter dans un délai de un an et de porter leur
domicile en Italie.
La
jurisprudence
concernant les mineurs suit la nationalité des parents (à Aix et à
Chambéry), alors qu’à Nice, un mineur né à Nice avant l’Annexion alors
que son père restait italien, est devenu français, en estimant que le
délais d’un an pour se prononcer était
reporté au
moment de la majorité
de l’enfant. Une entente diplomatique avec l’Italie, en 1874, fait une
exception pour les enfants dans ce cas. La dernière classe qui pouvait
contenir des mineurs au moment de l’annexion est
celle de 1860.
En 1905, ces difficultés sont caduques. Pourtant, la question de la
nationalité peut être soulevée pendant toute la durée de l’obligation
militaire, au cas où des jeunes gens se prétendraient fils d’étrangers,
bien que nés dans le Comté de Nice, ou encore quand le père était
mineur lors de l’annexion de 1860.
La loi a aussi prévu la
naturalisation
de faveur,
pour les
descendants des familles proscrites lors de la révocation de l’Edit de
Nantes
(1685), qui avait eu pour conséquence d’obliger un grand nombre de
protestants à abandonner leur pays, ce qui les avait déchus de leur
nationalité. La loi du 15 décembre 1790 a eu pour objet de réparer
cette iniquité, portant sur “ toutes les personnes qui, nées en pays
étranger, descendent à quelque degré que ce soit d’un Français ou d’une
Française expatriés pour cause de religion, déclarés naturels Français
et pourront jouir des droits attachés à cette qualité si elles
reviennent en France, y fixent leur domicile et prêtent le serment
civique. Les fils de familles ne pourront jouir de ce droit sans le
consentement de leur père, mère, aïeul ou aïeule qu’autant qu’ils
seront majeurs et maîtres de leurs droits ”. La loi du 26 juin 1889 l’a
maintenu, sous condition d’un décret spécial pour chaque demandeur. Il
fut, pour invoquer le bénéfice de cet article, produire la généalogie
complète de l’intéressé depuis 1685, établissant sa descendance d’un
père ou d’une mère Français à cette époque et expatriés pour cause de
religion.
7. La réunion du
Conseil de Révision
Chaque année, à pareille date, le Préfet fait parvenir dans les
communes le rôle de ses tournées. En général, il est consacré un jour
par canton. Le Conseil se tient à la mairie du chef-lieu. L’ensemble de
l’opération se déroule sur 8 à 10 semaines. Doivent alors se présenter
tous les jeunes gens recensés de l’année (opération d’office), et ceux
qui ont été ajournés les années précédentes, dans la limite de 40
hommes par heure, hors du temps réservé aux examens particuliers. S’ils
sont absents, ni représentés et sans excuse, ils sont considérés comme
aptes au service armé, sans autre forme de procès. Seuls les jeunes
gens malades peuvent être visités à domicile par le médecin, accompagné
d’un officier de gendarmerie.
8. Composition
du Conseil de Révision
Pour souligner l’importance de ses actes, le Conseil est présidé par le
Préfet lui-même, accompagné de l’un de ses conseillers, d’un membre du
Conseil Général (jamais celui du canton visité), d’un membre du Conseil
d’Arrondissement (idem), d’un officier général ou supérieur,
d’un sous-intendant militaire, du commandant de recrutement, d’un
médecin militaire… Il était alloué une indemnité de 16 fr pour les
officiers généraux, de 12 fr pour les officiers supérieurs et les
fonctionnaires civils, et de 10 fr pour les officiers subalternes. Elle
se décompose en 4 fr par repas et 4 fr par coucher. Les membres civils
étaient remboursés de leurs déplacements par voies ferrées au plein
tarif 1ère classe, ou de 5 fr par journée de voyage en
voiture, indemnité qui se cumule avec l’indemnité kilométrique sur les
voies ferrées lorsque dans la même journée il était fait usage des deux
moyens de locomotion. Ces personnes n’avaient pas le droit aux frais de
route pour les journées d’opérations au lieu de leur résidence.
L’indemnité fixe de 3 fr pour déplacement temporaire était due pour les
voyages extrêmes d’aller et retour mais non pour les séjours en cours
de route. Les membres des assemblées électives n’avaient droit à aucune
indemnité soit de transport soit de séjour. Il était alloué au médecin
civil appelé exceptionnellement à remplacer les médecins militaires une
indemnité de 15 fr par jour, quand ils se déplaçait du lieu de leur
résidence. Dans celle-ci, ils étaient payés à la vacation, soit 10 fr
par jour d’examen et 3 fr par séance d’une heure ou d’une durée
moindre ; descendue à 2 fr en cas de dépassement du temps. Cette belle
ordonnance n’est pas toujours respectée. Le personnage du Préfet est
pourtant essentiel, comme l’est le médecin, sans qui le Conseil ne peut
statuer. Même réduit à quatre membres, le Conseil peut valablement
rendre acte. Ses décisions sont irrévocables. Malheur à celui qui est
déclaré inapte, soumis alors à l’opprobre et à la moquerie populaire.
Mais peu enviable est la situation du jeune homme qui part pour les
Colonies. Une véritable aventure, dont les marques (la chéchia sur nos
photos) sont finalement adoptées par les Conscrits, comme un acte
propitiatoire, afin de l’éviter..
9.
Des interventions locales
Le sous-préfet de
l’arrondissement et les maires des communes visitées assistent aux
séances, et peuvent présenter des observations. Les séances sont
publiques et sont l’occasion d’exprimer la liesse populaire. Seules les
consultations du médecin obligent à réduire l’assistance aux seules
personnes autorisées, dont les membres du Conseil Municipal concerné
(la mémoire locale –AM- rappelle la présence, dans les années 1960, de
ces dames du Conseil, qui acceptaient de rester en présence de tous ces
jeunes gens.. nus…) et celles des parents du jeune homme.
10. La
procédure
L’ouverture du Conseil se déroule par
la lecture des tableaux de recensement. Devait y être inscrit le niveau
d’instruction : 0 pour ceux qui ne savent ni lire ni écrire ; 1 pour
ceux qui savent seulement lire ; 2 pour ceux qui savent lire et
écrire ; 3 pour ceux qui savent en plus compter ; 4 les titulaires du
brevet d’enseignement primaire ; 5 les bacheliers et les titulaires de
diplômes universitaires ; X ceux dont on n’a pu vérifier l’instruction.
C’est le moment où les remarques et réclamations peuvent être formulées
par les intéressés ou leurs représentants (il peut même s’agir d’un
avocat, qui devra intervenir “ en robe, faire acte de profession… ”),
concernant principalement les demandes d’exemptions. Les incapacités
physiques seront prononcées par les Conseils de Révision ; ils
décideront si les jeunes gens sont aptes au service armé, ou peuvent
être classés dans le service auxiliaire, ou doivent être définitivement
exemptés. Le Conseil statue immédiatement sur le sort des jeunes
gens. Les condamnés “ légers ” étaient envoyés dans des corps spéciaux,
ceux des bataillons d’infanterie légère d’Afrique. Les condamnés
politiques n’y sont pas soumis. Ils suivront le sort de la première
classe appelée après l’expiration de leur peine. Les condamnés de la
Commune, après l’amnistie du 3 mars 1879, furent portés d’office sur
une liste spéciale qui a été soumise au Conseil de Révision. Ceux qui
ont été reconnus propres au service ont été portés par les commandants
des bureaux de recrutement sur le registre matricule de la classe à
laquelle ils appartenaient par leur âge, et dont ils ont désormais
suivi le sort. Les omis par
négligences sont généralement condamnés à être incorporés dans les
troupes coloniales, ce qui représente une sanction redoutée. Puis, l’on
passe à l’examen des présents. Un gendarme appel généralement les
jeunes gens, prend leur taille et leur poids et donne ces indications
au sous-officier de recrutement.
Les gardes forestiers sont organisés en
compagnies ou sections de Chasseurs forestiers par le décret du
22 septembre 1882 (six ans avant la création des Chasseurs Alpins), et
font partie intégrante e l’armée à partir du jour de leur appel à
l’activité.
11.
Formalisme du Conseil de Révision
Tous les membres présents doivent
porter leurs insignes distinctifs. Les fonctionnaires doivent assister
au Conseil en uniforme. A la première place, comme il va de soit, le
Président. A sa droite le Général, puis le Conseiller Général. A sa
gauche le Conseiller de Préfecture, puis le Conseiller
d’Arrondissement. A une place spéciale, le Sous-intendant militaire,
qui ne fait pas partie du Conseil de Révision, mais se tient à la
droite du Conseil. Le Commandant de Recrutement peut se placer où bon
lui paraît. Le sous-préfet et le maire s’installent à l’endroit désigné
par le Président. Ce dernier détient tous les pouvoirs de police dans
cette assemblée, et peut faire incarcérer tout perturbateur. Les votes
se déroulent dans l’ordre inverse de la préséance.
Quatre catégories sont précisées : 1. reconnus
bons pour le service armé ; 2. reconnus bons pour le service auxiliaire
car atteints d’une infirmité relative, sans que leur constitution
générale soit douteuse ; 3. ajournés pour un nouvel examen ceux qui
sont d’une constitution physique trop faible ; 4. exemptés de tout
service militaire, soit armé soit auxiliaire ceux reconnus d’une
constitution générale mauvaise ou ayant certaines infirmités
déterminant une impotence fonctionnelle, partielle ou totale.
Est délivré aux jeunes gens un certificat
précisant leur situation, qu’ils sont tenus de représenter à toute
réquisition des autorités militaires, judiciaires ou civiles.
Il n’existe plus de minimum de taille
depuis la loi de 1901 (9212 hommes ne dépassaient pas 154 cm en 1897 ;
8642 en 1898 ; 8540 en 1899). Les jeunes gens de moins de 154 cm ne
peuvent s’engager.
Répartition du contingent s’effectuait selon
certains critères. La taille minima à exiger, sauf pour les hommes
exerçant des professions ou ayant des aptitudes spéciales :
Cavalerie – cuirassiers 170 ; dragons 164 ;
chasseurs d’Afrique 159 ; chasseurs de France et hussards 159
Artillerie – pour 5/10ème du contingent
166 ; pour 3/10ème
du contingent 164 ; pour 2/10ème du contingent 160 ;
bataillons d’artillerie de forteresse 166 ; Génie 166
Equipages militaires – escadrons du train des
équipages militaires - pour 5/10ème du contingent 165 ; pour
3/10ème du contingent 163 ; pour 2/10ème du
contingent 160
Il convenait de constituer fortement les
contingents affectés aux corps d’infanterie. L’aptitude à cette arme
doit être caractérisée par la vigueur musculaire, la poitrine large et
bombée, l’apparence vivace et intelligente, la souplesse des membres,
et par des pieds parfaitement sains… Les jeunes soldats à affecter aux
bataillons de chasseurs alpins seront choisis de préférence, même s’ils
sont d’une taille élevée, parmi les hommes d’une forte constitution et
habitués à la marche ne montagne…
Les batteries de montagne… qui
reçoivent directement leur contingent, devaient être recrutées en
totalité par des hommes ayant au moins la taille de 170 cm, … sauf la
tolérance de 160 pour les jeunes soldats exerçant des professions
spéciales.
Tout Français reconnu propre au service militaire fait partie
successivement : de l’armée active pendant 2 ans ; de la réserve de
l’armée active pendant 11 ans ; de l’armée territoriale pendant 6 ans ;
de la réserve de l’armée territoriale pendant 6 ans.
C° ) Le Service
12. Le Service
Militaire moderne
Les modifications événementielles du Service Militaire furent
nombreuses lors de son histoire. La loi de 1905 l’étendit finalement à
2 ans, obligatoire “ pour tous ”. Puis, les tensions renouvelées, à la
veille de la Grande Guerre, le porta à 3 ans, avant de revenir, après
ces années terribles, à 12 mois en 1920. Ce n’est qu’après la Seconde
guerre mondiale, en 1950, que le Service fut amené à 18 mois, puis de
nouveau 16 mois après les événements dramatiques de l’indépendance
algérienne (1950). Le Service Militaire se transformait alors en
Service National, incorporant pour la première fois des formes civiles
à ces obligations citoyennes. De nouveau 12 mois en 1970. Cette même
année voyait l’apparition du volontariat féminin. Enfin, en 1992, les
jeunes conscrits n’étaient plus soumis qu’à un Service de 10 mois. Il y
a quatre ans, était faite l’annonce de la suspension de la
Conscription, programmée pour le 1er janvier 2002.
13. Le Service
Militaire Universel
Le Service National est désormais universel en France. Tout comme le
Suffrage du même nom, il concerne tout citoyen, hommes et femmes, mais
fait obligation de participer à son déroulement. Cette préparation fait
partie intégrante du programme d’Education Civique de 3ème
et de 1ère du cursus scolaire. Deux obligations sont faites
aux jeunes gens, créant un “ parcours de citoyenneté ” : se faire
recenser à la Mairie de leur lieu d’habitation à 16 ans (réception
d’une attestation et inscription sur les listes électorales) ;
participer à la Journée d’Appel de Préparation à la Défense (deuxième
attestation permettant l’inscription aux concours et examens), qui
sensibilise l’ensemble d’une classe d’âge au rôle de la Défense
Nationale. La mobilisation des citoyens reste pourtant possible à tout
moment, si les nécessités le réclament. Une véritable armée de métier
se met en place en France, comme dans de nombreuses nations européennes
(comme en Italie).
D°) La fête des Conscrits
14.
Le Drapeau des Conscrits
L’acte fondateur est l’achat de la bannière de
la Classe. Tous se cotisent. Le Drapeau des Conscrits est une propriété
commune. Une image orne la couleur blanche, qui se prête à ces
représentations. Elle est peinte par les Conscrits, et renouvelée
chaque année. Relevez la variété de ces emblèmes sur la collection de
photos proposées. Le Drapeau ne peut être cédé, ni abandonné. Il est
transmis de l’un à l’autre à la suite du décès du titulaire. C’est le
“ dernier de la classe ” qui le détient. L’étendant disparaît alors
avec lui. La collection du Musée des Traditions a été offerte par les
derniers titulaires ou leurs descendants (Mme MASSI-BAILE Josette nous
a remis celui de son grand-oncle, le pauvre M. ASTRI), reconnaissant
dans le M.T.V. un lieu de mémoire propre à conserver ces témoignages.
Nous possédons les Drapeaux des classes 1908 (classe née en 1888),
1911, 1914, 1926, 1931, 1946. M. RAIBERTI nous a prêté celui de 1921,
comportant en son centre, comme symbole iconographique, une semeuse.
15. La fête des Conscrits
C’est en fait
une semaine entière qui est consacrée à la préparation et à la
finalisation du Conseil de Révision. Les jeunes gens se réunissent
quelques jours avant “ l’épreuve ”. Ils passent dans les familles et
récoltent tout ce qui peut leur être utile à la fête : denrées, argent…
“ On était invité chez les filles… puis on mangeait tous ensemble, avec
elles ” (AM). Ces témoignages consacrent le caractère commun de la
fête, occasion de renouveler le sentiment d’appartenance au groupe. Le
modèle est celui des abbayes de Jeunesse, et se retrouve dans la forme
carnavalesque des fêtes de début de l’année. Avec le Drapeau, la Classe
possédait également la timbale, gros tambour vertical qu’il fallait
“ absolument ” crever avant la fin de la fête, sinon “ on n’était pas
un bon conscrit. Elle était refaite chaque année ” (AM).
16.
La farandole des Conscrits
A Saint-Martin,
les Conscrits faisaient souvent la fête avec ceux de Belvédère. Les
villages se rencontraient selon les affinités. Il arrivait que des
affrontements se déroulent entre ceux pour lesquels “ l’amitié ”
n’était pas la même. Arrivait enfin le jour du Conseil de Révision. Les
habitudes ont évolué au fil du temps, mais à une époque tardive, il
était “ de coutume ” de tenter de s’échapper symboliquement. Le
vainqueur du “ jeu ” était celui qui avait réussi à s’éloigner “ le
plus loin possible sur la route de Nice avant de se faire rattraper par
les gendarmes, lancés à leur poursuite ” (AM). Il fallait “ faire
attendre ” ces Messieurs, représentants de la plus haute autorité. Le
symbole est clair et démontre un véritable rite de passage vers l’âge
de raison avec le moment sigillaire du Service Militaire. En sortant du
Conseil pouvait débuter la farandole du Conscrit, au travers des rues
du Village, direction le (ou les) bars.
17.
Le Bar du Conscrit
Autre symbole, celui du Bar, qui concrétise le
“ Cercle ”.C’est l’endroit où se réunissent quotidiennement, et
plusieurs fois par jour, le groupe des nouveaux conscrits, accompagné
par certains de leurs aînés. La tradition se retrouve dans le brandi
des festivités. Les Conscrits passent de bar en bar, les écument, et se
paient de bonnes……. Le phénomène reste mémorable pour tous. Nos
villages possédaient plusieurs de ces établissements. Pour
Roquebillière, Lantosque ou Saint-Martin, on en comptait plus d’une
quinzaine chacun. Leur activité était fortement réglementée, mais
n’empêchait pas la mauvaise réputation de certains. On s’y battait
régulièrement, ils étaient objets de récriminations régulières. Mais ce
petit commerce se nourrissait également de la présence de la Troupe.
Instruments
destinés à la visite médicale
Les instruments nécessaires à la visite médicale
des jeunes gens sont :
-
La boite d’instruments spéciaux affectée à
chaque bureau de recrutement et qui doit suivre le conseil de révision
dans toute sa tournée sous la responsabilité du commandant de
recrutement. Par les instruments qu’elle contient, (ruban métrique,
boîtes de verres ou disques optométriques, lunettes de verres colorés,
échelle typographique, ophtalmoscope mobile, spéculum de Politzer en
argent, stéthoscope en bois), cette boite permet de procéder à un
examen complet des organes de la vue et de l’ouie.
-
Le double mètre étalonné que les maires des
chefs-lieux de canton doivent toujours tenir à disposition du conseil
et qui doit le suivre si la visite est passée hors du chef-lieu de
canton. Chaque double mètre étalonné est gradué en centimètres et
millimètres depuis la hauteur de un mètre. Il est poinçonné par le
vérificateur des poids et mesures lors de sa tournée annuelle.
-
La bascule destinée à peser tous les jeunes gens
qui se présentent devant le conseil de révision. Les bascules sont
transportées dans la salle des séances par les soins des maires de la
commune où siège le conseil de révision.
Composition
du conseil
(page 845, le
recrutement de l’armée)
-
Présidence du Préfet ,
-
Conseiller de préfecture membre du conseil,
-
Désignation du conseiller général et du
conseiller d’arrondissement,
-
Membre militaire du conseil de révision,
-
Sous-intendant militaire,
-
Assistance au commandant du bureau de
recrutement,
-
Un sous-officier de recrutement assiste le
commandant,
-
Médecin militaire,
-
Présence du sous-préfet,
-
Présence des maires,
Archives Municipales de Saint-Martin-Vésubie
Délibérations Municipales
Séance du 14 février 1914
Monsieur le
Maire soumet au Conseil une nouvelle demande formulée par le Sieur
BROCART Raymond et dont le fils BROCARD Joseph Paulin fait partie du
contingent à incorporer cette année ;
Le Conseil
Connaissance prise des pièces du dossier et
après en avoir délibéré, émet l’avis que cette demande soit accueillie
favorablement ; cette famille qui se trouve dans la plus affreuse
misère a actuellement deux enfants sous les drapeaux, pour lesquels,
malheureusement, le père n’a pu obtenir l’allocation de 0,75 francs
déjà réclamée. Le père est infirme, atteint de cécité et ne peut
travailler ; son autre fils, l’aîné, est marié dans la commune de Clans
et ne lui est d’aucun secours.
Le Conseil attire particulièrement l’attention
de Monsieur le Préfet et de Messieurs les membres composant la
Commission cantonale, sur la situation très malheureuse de cette
famille.
Fait et délibéré les jour, mois et an que dessus.
Séance du 14 février 1914
Monsieur le Maire soumet au Conseil une nouvelle
demande formulée par le Sieur MARTIN Ambroise, dit Titela, et
dont le fils MARTIN Joseph Pierre fait partie du contingent à
incorporer….

La photographie « officielle » du
Conscrit – Gérald FERRIER, 1935
(fond C.E.V.)

Fiche de démobilisation – le retour à
la vie civile du conscrit
(fond C.E.V.)

Article Nice Matin du banquet des
Classes
(fond C.E.V.)

Salle du Conseil de Révision
Musée des Traditions Vésubiennes

Instruments de musique traditionnelle des aubades et réjouissances
Fifres et tambour – Vitrine Ely ROUBAUDI

Groupe des conscrits – La Bollène
(fond C.E.V.)

Le groupe des Conscrits
(fond C.E.V.)

Extrait du livret militaire d’Antoine MARSAL, classe 1904 (né en 1884)
(Fond – EM)

Extrait du livret militaire de Charles AIRAUDI, classe 1938 (né en
1918)
(Fond – EM)

Le groupe des Conscrits de Saint-Martin (1880 – 1900 ?), accompagnés de
leur musique, du drapeau de la Classe, en présence de M. le Curé et de
son bedeau (fond C.E.V.)

La musique des conscrit, 1912
(fond C.E.V.)

L’armée aujourd’hui : professionnels et hautes
technologies

L’armée aujourd’hui : force internationale et
interventions humanitaires
