«Belvédère est un vieux village…»
En partant de ce constat oral, il nous a semblé
important de s’interroger sur ce caractère «ancien» tellement évident.
Les archives du village nous présentent encore
aujourd’hui des documents datant du XIVème siècle (des parchemins,
comme ont pu vous le présenter nos élèves la semaine dernière). Nous
n’avons malheureusement que peu de documents pouvant nous « parler » de
l’histoire de Belvédère avant cette époque, ce qui est un phénomène
comparable aux autres villages alentours.
Regardons et essayons d’imaginer la Vésubie au
début de l’époque Médiévale.
Que connaissons nous ?
La première mention connue de la vallée apparaît
au XIème siècle. Nous ne possédons que quelques documents, qui
permettent de replacer notre région dans un ensemble plus vaste, celui
de la Provence au temps de la Réforme Grégorienne. Le mouvement connaît
une certaine ampleur, secoué par la reconquête de l’autorité
épiscopale, officiellement « spoliée » par les seigneurs locaux qui se
seraient approprié les terres que détenait l’Eglise auparavant,
profitant de l’époque de « troubles » consécutifs à la fin de l’Empire
Romain. Encore faut-il largement revenir sur cette notion de
« troubles », lors des temps que nous appelons traditionnellement les
« Invasions Barbares ». En fait de spoliation de la part des seigneurs,
on sait aujourd’hui qu’il s’agit avant tout de créer un nouveau cadre à
la société, celui imposé par les évêques, préparant l’avènement d’un
Etat fort, à travers le temps que l’on a appelé l’époque des
Principautés. Ces rappels historiographiques sont nécessaires pour
comprendre ce qu’a pu être la Vésubie au tournant de l’An Mil.
C’est donc l’évêque de Nice qui prend pied dans la
Vésubie, au détriment des anciennes familles seigneuriales, qui
tenaient le haut pays depuis plusieurs décennies. Nous sommes loin des
mythes « Sarrasins », qu’aucunes sources historiques critiquables ne
présentent. Cette histoire, peut être jugée comme une vaste opération
de propagande lancée par la nouvelle maison seigneuriale, celle des
Comtes issus de Guillaume, que l’on nomma alors « Le Libérateur ». Le
terme lui-même est une façon de légitimer, à posteriori, sa prise de
pouvoir dans l’ensemble de la Provence, et surtout dans cette partie
Orientale longtemps délaissée par le pouvoir.
Les Terres Neuves, le futur Comté de Nice, restent
des terres de Marche, véritables frontières vers le Piémont. Cette
notion de Marche est importante, car elle ne fixe aucune frontière
linéaire telle qu’on en imaginerai aujourd’hui. Il s’agit d’une zone
territoriale, d’une profondeur importante, servant d’espace tampon
entre deux territoires identifiés, et définis comme antagoniste.
Le Comte est loin de la Vésubie, vers la Provence
centrale, à Aix. C’est à l’évêque, ou à l’abbaye de
Saint-Pons-hors-les-murs, qu’échoie la reprise d’autorité. Ce sont les
deux seules institutions ayant conservé une structure forte et des
liens familiaux proches des pouvoirs de tutelle. Les familles
« féodales » sont obligées de céder à la pression d’un pouvoir
ecclésiastique capable de lancer excommunications et anathèmes contre
elles (en fermant les églises, refusant les sacrements…), mais aussi de
mobiliser des troupes « fidèles », plus sûrement intéressées par les
dépouilles des futurs vaincus, qui ne manqueraient pas de leur échoir
en guise de remerciements. Ces mêmes autorités ecclésiastiques
n’hésitent pas, après soumission, à remettre entre les mains des
anciens seigneurs une partie de leurs terres, contre la reconnaissance
de leur domination.
Nous ne sommes pas encore au temps des castrum.
Il s’agit plutôt d’une période de transition, dans une zone où la
majorité de la population n’est pas encore totalement christianisée et
où subsistent d’anciens cultes fortement imprégnés de paganisme. Dans
cet espace, l’habitat reste en partie isolée, prenant la forme
d’exploitations agricoles d’importance, héritières du mode d’occupation
antique. Plusieurs lieux peuvent encore être identifiées dans la
vallée. Mais en négatif. (il s’agit d’un axe de recherche du C.E.V.).
Ce sont les documents du XIIIème siècle qui nous donnent ces
informations.
Revenons aux alentours de l’An Mil. Au XIème
siècle, je propose d’identifier deux espaces différenciés par leur
domination politique :
au nord, la haute vallée, possession de la famille
Rostaing, qui tiennent aussi le Valdeblore ainsi que de vastes
territoires dans la Tinée. Ce lignage est apparenté à la seule famille
Vicomtale de Nice, dont nous connaissons surtout la Comtesse Odile, au
Xème siècle.
au sud, ce sont vraisemblablement les seigneurs de
la famille de Vintimille qui dominent.
La zone de contact passe aux alentours de
Berthemont – Fenestres.
Ces deux familles sont vraisemblablement
apparentées, puisqu’elles luttent ensemble contre les prétentions
Gênoises sur la vallée, et nous pouvons les suivre conjointement
jusqu’au début du XIVème siècle. Les Vintimille tiennent encore
quelques biens ou revenus jusqu’au début du XVème siècle sur les
villages de la Vésubie, comme le montrent nos archives, alors que les
premiers ont sans doute déjà perdu l’essentiel de leurs possessions au
profit des Communautés d’habitants « libres » ? Celles-ci deviennent
une véritable particularité de notre vallée dès le XIIIème siècle, très
rapidement après la période d’établissement des villages.
Car le Comte de Provence joue de ces Communautés
récemment constituées comme de véritables interlocuteurs contre le
pouvoir seigneurial local, trop souvent enclin à rechercher l’autonomie
contre leur suzerain. D’où également l’octroie de nombreuses
« libertés », ce que nous appelons généralement les Statuts, véritables
lois locales qui régissent nos villages. C’est au Parlement Général des
chefs de famille que revient alors l’autorité législative, accordé par
le Comte de Provence contre la reconnaissance de leur domination. C’est
à ce moment que se rattache la place de la Frairie, ou du Saint-Esprit,
modèle commun à tous les villages de la vallée.
De ces époques, il ne nous reste sur le terrain
que peu d’informations. Période de transitions rapides, l’installation
des seigneurs « féodaux » a nécessité de pouvoir dominer la population.
Dans un premier temps, celle-ci s’effectue en relation avec la
structure d’autorité : la motte féodale castrale.
Puis vient l’autorité ecclésiastique concurrente,
puis la nécessité de regrouper les populations dans des structures où
la domination pourrait être plus efficace, afin de diriger l’espace
productif. C’est du moins la conception communément reconnue du
phénomène : c’est le temps du castrum, pour nous entre la fin du
XIIème et le début du XIIIème siècle.
Mais en créant ces nouveaux centres de pouvoir,
les seigneurs se trouvent en confrontation directe avec les habitants
qu’ils ont contribué à regrouper, et qui forment ainsi une nouvelle
puissance. Les tentatives autonomistes du Val de Lantosque furent
durement punies par les troupes du sénéchal de Provence, dans le
premier tiers du XIIIème siècle. Romée de Villeneuve, de mauvaise
mémoire, détruisit de nombreux castrum (Saint-Colomban,
Manoinas, pour ne citer que les plus connus), comme en témoignent
les mentions de dirupta (détuits) reportées dans la grande
enquête du premier Comte Angevin de Provence, Charles Ier, en 1252. Sur
les 17 localités connues au début du siècle, seules 8 sont encore
habitées. Les autres sont citées comme abandonnées. Il n’y a plus,
après ce terrible épisode, qu’un seul château dans la Vésubie, à
Belvédère même.
La toponymie « féodale », la terminologie locale,
nous restent comme des signaux indicatifs de ces anciens lieux : une
série de quartiers appelés villar et ses dérivés, castel,
condamine, des lieux aux saints oubliés (vous nous avez parlé de
Saint-Sauveur la semaine dernière), sont autant d’indicateurs. Mais ils
ne suffisent pas à eux seuls, et nécessitent de croiser une série de
sources. Ici encore, s’agit-il d’une de nos recherches en cours.
Pour Belvédère, le modèle est le même.
Il faut consulter les archives des Comtes de
Provence pour pouvoir remonter au-delà du XIVème siècle. La première
mention d’un castrum apparaît vers 1232 (on parle alors de
Belvezer).
Cette présence nous est confirmée en 1247, 1252 et
1263, dans les grandes enquêtes que lancent les premiers souverains
provençaux de la maison d’Anjou. On parle alors de plusieurs membres
d’une même famille du lieu.
Dans la grande enquête de 1252, le Comte de
Provence possède à Belvédère l’albergue sur la tour et dans le
château du lieu (albergum sive turnum, et castrum est suum). Il
est intéressant de noter la présence de ces deux structures
identifiées. Nous proposons comme thèse d’étude, que l’une, la tour,
aurait pu être élevée après la victoire du Comte, pour imposer sa
présence au castrum, comme le laisse supposer le modèle
similaire de Gréolières.
Ce même Comte possède alors les droits sur deux
fours, deux moulins et un paratore. Il tient encore des droits
sur les prés et les champs. Mais aussi sur deux jardins, dont un est
dit « sous le rempart » (barrium), et un autre au quartier de la
source (ad fontem) de Belvezer, ce qui paraît important,
puisque les jardins se trouvent en règle générale à proximité immédiate
du village. Cette mention nous permet une première tentative de
localisation. Une terre lui appartient au fossé (in Goutro) du
castrum, sans que nous puissions mieux identifier le lieu. Ces
quelques indications nous proposent déjà une image du site.
Au XIVème siècle, nous connaissons le nom du
châtelain de Belvédère : un certain Matthieu. Et lors de la dédition du
Val de Lantosque à la Savoie, en 1388, ce sont des seigneurs de la
famille de Vintimille qui possèdent le castrum et la villa
de Belvédère. Il est alors possible que les deux lieux soient désormais
distincts. Le premier restant l’installation dont nous venons de
parler, le second pouvant être désormais le village que nous
connaissons aujourd’hui.
La population du lieu nous est inconnue. L’enquête
de 1252 ne laissait apparaître que 58 feux (l’importance du feux est
discutable, mais généralement reconnue entre 4 et 5 personnes, ce qui
représente moins de 300 personnes). Il est vrai que la population
sortait d’une période militairement agitée, qui avait vu le comte de
Provence reprendre possession du Val de Lantosque par la force. En
1271, par contre, la population atteignait désormais 89 feux. Au mieux,
450 personnes, même si il nous est impossible d’assurer que le
« recensement » (affouagement – le comptage des feux) ait pris en
compte l’ensemble de la population. Il est possible que seuls les feux
imposables aient été relevés par ces enquêtes. Les feux exhonérés (trop
pauvres ou privilégiés) n’ayant pas été comptabilisés. On admet
généralement qu’ils représentent, au plus, 1/6ème du total.
Il n’en reste pas moins que la différence des chiffres (+ 50 % entre
les deux dates) semble un progrès démographique considérable en une
seule génération. Pour Belvédère, rien n’empêche de penser que ce
« rattrapage » puisse être la conséquence d’une transformation radicale
de l’habitat… Je propose d’y voir le seul exemple d’un véritable
déplacement du « premier » village, par un réel déperchement du site,
en contrebas de la butte originelle, me plaçant ainsi en contradiction,
infime bien sûr, de la thèse de Jean Paul Boyer.
A la fin XIVème siècle apparaît la famille des
Grimaldi, seigneurs de Beuil, qui obtiennent les châteaux de
Roquebillière et de Belvédère en échange de ceux qu’ils possédaient
dans des régions plus éloignées de leurs nouveaux souverains, les
comtes de Savoie. Il faut voir dans ce transfert une double nécessité,
de la part des Grimaldi, de dominer directement un centre névralgique
des nouvelles terres savoisiennes (j’entend par ce terme l’appartenance
à la maison de Savoie), au lendemain de la Dédition du Val, orquestrée
par cette famille de grands seigneurs, alors au plus haut de leur
ascension sociale, dans la proximité immédiate du souverain. Mais aussi
une volonté de celui-ci d’installer au cœur de ce même réseau une
présence forte, capable d’assurer ses nouvelles positions dans ces
terres nouvellement acquises.
J’aimerai faire une petite digression à ce moment
de l’exposé :
L’enquête orale lancée par les élèves du Club
Patrimoine a rappelé, selon les dires d’un habitant interrogé, que le
château appartenait aux Grimaldi, identifiés selon notre époque, à la
famille régnante de Monaco. Ce qui n’est qu’en partie juste, puisque
les Beuil et les Monaco n’ont pas de liens directs à l’époque féodale.
Mais l’intérêt de cette enquête apparaît, je pense, à chacun de nous.
Elle rappelle un fait historique qui nous vient
d’une époque éloignée, et qui est transmis, par l’oralité. Il s’agit
ici d’un élément essentiel dans la recherche. La « Mémoire Orale », qui
ouvre des voies de recherches, même si le fondement historique n’est
pas totalement avéré. Il en est de même des légendes, qui forment un
fond culturel important, et absolument nécessaire dans les anciennes
civilisations, où l’écrit reste marginal.
Plus encore quand elle s’appuie sur un écrit.
Rappelez-vous de la fameuse borne que nos élèves ont rencontré en
suivant M. Bois. Le fameux Napoléon, resté dans l’imaginaire et
transcrit par les élèves. Même si M. Bois n’a pas attribué la paternité
de cette pierre à l’Empereur, les élèves ont joué le rôle du médium
transmettant une légende, en la renforçant, en lui donnant une réalité.
Cela nous permet au moins de resituer un contexte. Même si il paraît
plus vraisemblable, selon les dires de M. Bois, que le « B » en
question s’apparente plus à Belvédère. Cela reste un élément de
l’oralité, et nous n’avons pas voulu y apporter de correctif, afin de
créer de nouvelles interrogations autour de sa création, se justifiant
pédagogiquement par l’analyse et le croisement des sources
d’information.
Revenons aux Grimaldi.
Les archives d’Etat conservées à Turin confirment
leur emprise sur le château de notre village au début du XIVème siècle,
où il est dit « menaçant ruines », ce qui permet à Jean François
Grimaldi, nipote et héritier universel de Cosme, d’être exonéré
de 600 florins de dépenses par le Patrimoine Royal (le Fisc), afin de
pourvoir à ses réparations (vers 1429 ?). Rien ne dit alors que le site
« haut » ait été abandonné au profit de l’installation actuelle, mais
cela devient probable par la tardiveté de la restauration, qui nous
rapproche des époques constatées dans le village.
Quelques années plus tard, Raymond Alegre, prieur
de Valdeblore, est également vice-gouverneur de ce même château.
Enfin, en 1495, ce sont des Patentes Ducales qui
installent Honoré Grimaldi, fils de Jacques, seigneur de Beuil, dans la
charge de châtelain du lieu de Belvédère. Ainsi y a-t-il eu continuité,
depuis l’époque des comtes de Provence, et Belvédère possédait encore,
à la veille de l’époque Moderne, le seul château « régalien » du Val de
Lantosque.
Mais posons
nous la question de l’implantation de ce château aujourd’hui disparu.
Il paraît certain, après l’étude menée sur le bâti du village actuel,
qu’il ne se trouvait pas implanté sur ce site. Les parties les plus
anciennes du village ne semblent pas être antérieures au XIVème siècle.
Il faut donc le chercher ailleurs. Et pour cela, quelques indices
peuvent nous y aider.
Rappelons nous du jardin cité précédemment pour le
localiser dans le quartier qui porte encore aujourd’hui le nom de
Fuont. La toponymie peut également nous aider dans ce repérage, en
nous permettant de localiser des quartiers dont l’origine peut nous
ramener à l’époque médiévale. Si il n’y a pas, à proximité du village,
de lieu-dit « le château », nous retrouvons un quartier dont le nom est
évocateur de ce temps : la condamine, qui rappelle le
con-dominium, autrement dit la « double seigneurie ». Le terme est
généralement formé quand il y a partage entre le pouvoir laïque et
ecclésiastique d’un espace réputé pour être « les meilleures terres ».
Il peut, dans ce cas, résulter d’un partage entre le seigneur du lieu,
de la famille des Vintimille, obligée de céder son « bien » au comte de
Provence, qui lui en aurait alors rétrocédé une part en fief (simple
hypothèse s’appuyant sur d’autres exemples connus dans notre vallée).
Bien orienté, fortement ensoleillé, l’endroit
paraît propice à une occupation médiévale. De plus, il surplombe
l’actuel village. Ce quartier représente encore un espace
«symboliquement approprié».
Nous y retrouvons, au nord, une butte dont le
caractère symétrique et la situation entre les deux vallées (de la
Vésubie et de la Gordolasque) est indicative d’un choix réfléchit. A
son sommet, les ruines que la carte topographique nomme « Saint-Jean »,
faisant penser à l’implantation d’une chapelle.
Et c’est bien ce que l’on trouve en s’y rendant.
Une carcasse s’ouvrant par une voûte massive, au parement très
irrégulier. Les murs sont essentiellement constitués de pierres roulées
(de galets), de dimensions relativement importantes (jusqu’à 60 cm de
long). Il y est difficile de découvrir des pierres taillées, qui se
nichent capricieusement sur un pan du mur nord. Les parements sont
assemblées sans assise apparente. Nous pouvons également imaginer le
départ d’une voûte intérieure, qu’il faut découvrir dans les angles les
mieux conservés de la bâtisse. Mais rien n’indique qu’elle fut en
pierres, et moins encore l’épaisseurs des murs, qui semble trop faible
pour soutenir une telle construction à pareille élévation. Le
couvrement de l’édifice que nous voyons aujourd’hui devait être une
simple charpente.
Deux ouvertures, des fenêtres, semblaient être
présentes sur le mur sud, lui permettant un éclairement. La chapelle
n’est pas orientée, et ne paraît pas médiévale. Elle aura pu être
réédifiées à une époque tardive, et peut être s’appuyer en partie sur
un bâtiment antérieur. On décèle une porte, à partir d’un chaînage
grossier, à l’ouest du mur sud, ouvrant vraisemblablement sur la partie
postérieure du bâtiment, du temps de son élévation. On y accédait par
des marches.
Le liant employé est un mortier de chaux,
grossier, en joint larges, du fait de l’irrégularité des pierres. La
bibliothèque de Cessole nous a permis de retrouver une photographie que
le Chevalier avait prise à la fin du siècle dernier, nous montrant
encore l’édifice, sans couverture, mais dans son élévation principale.
Elle est présentée dans l’exposition. On découvre au-dessus de la voûte
d’entrée, la présence d’une fenêtre de façade, en deux ouvertures (il
ne s’agit visiblement pas de fenêtres jèmelées). Ce modèle se retrouve
sur la façade de l’église paroissiale actuelle. L’intérêt de ce
document est essentiel, car il nous montre la chapelle une trentaine
d’années avant les travaux qui y ont installé un fort « Maginot ».
Un autre document retrouvé par notre Centre
d’Etudes revêt une importance certaine. La paternité en revient à M.
Cyril Isnart, Chargé de la Conservation au M.T.V. Une note manuscrite
de Paul Canestrier, l’ancien folkloriste du Comté de Nice, retrouvée
également à la bibliothèque de Cessole, nous apprend que, je cite :
« les gens de Belvédère s’y rendaient en procession toutes les années,
et voulaient alors qu’elle soit mieux entretenue que l’église
paroissiale ». Sans doute rappelle-t-il une tradition remontant à une
époque antérieur à la Révolution, car il semble certain que les combats
et l’occupation française de la fin du XVIIIème siècle ont été la cause
de la ruine de l’édifice.
Cette indication de Paul Canestrier confirme, par
l’intermédiaire de la Tradition, l’importance symbolique que revêtait
l’édifice. Elle est corroborée par un témoignage oral (encore une fois
M. Bois) nous présentant quelque personne sacrifiant, il y a encore
quelques années, à ce rituel dont la signification avait totalement
disparue pour beaucoup de ses contemporains. La procession est un
phénomène social important, qui perdure souvent quand bien même son
origine et sa signification se sont perdues dans un temps disparut, où
l’objet de ce déplacement conservait un rôle fondamental dans
l’organisation politique et symbolique du site.
Il rappelle la présence d’un lieu de culte qui fut
essentiel pour la communauté des habitants. Je propose d’y voir un
« premier » site d’implantation de l’habitat, et pourquoi pas le
château que nous recherchons, sinon la tour, à proximité de cette
éminence.
La géologie, même si elle ne représente pas un
élément essentiel dans cette démonstration, nous précise que le site de
Saint-Jean se situe sur la roche (schiste), alors que la Condamine et
tout le versant de Belvédère est installé sur de la sédimentation et du
conglomérat glaciaire. Et l’on se rappelle que l’implantation d’un
édifice de défense reposait sur un choix réfléchi du site, puisqu’il
était fait, par nature, pour durer, voir résister.
Il nous paraît vraisemblable qu’un premier habitat
ait été installé à proximité de cette bute, à une époque indéterminée,
mais de toute façon antérieure au XIVème siècle. Sa physionomie peut
permettre l’implantation d’un château entre la fin du XIIème et le
début du XIIIème siècle, selon les informations offertes par Jean
Claude Poteur.
Le village aurait pu s’y agglutiner à l’époque de
l’incastellamento (vers le XIIème siècle) pour ensuite quitter
ce site et s’installer, vers la fin du Moyen Age (XIVème-XVème
siècles), sur son emplacement actuel. Ce qui permettrait de comprendre
l’absence relevée de toute trace antérieure à la cette époque dans le
village de Belvédère.
En 1932, l’armée française acquérait le site
pour y installer un fort, en continuité de la fameuse ligne
« Maginot », afin de surveiller le débouché de la vallée de la
Gordolasque, dont la partie amont restait italienne depuis le traité de
Paris de 1860. Poste avancé, merveilleusement camouflé (M. Bois
racontait à nos élèves que l’écurie des mulets était construite à
l’intérieur des ruines de la chapelle, ce qui la rendait invisible),
fort souterrain, il n’eut qu’une utilité réduite, et fut abandonné
rapidement dès les premiers efforts italiens, pour permettre de tenir
la ligne des ouvrages plus important… Il représentait un choix
similaire à celui qui avait été réalisé au lendemain de l’An Mil.
Nous remercions M. Jean Claude POTEUR qui nous a
fourni de très nombreuses informations pour composer cet article