SAUVAIGO
Jean-Luc
Les milices ne sont pas les seules troupes organisées
accompagnant l’armée Sarde. Il existait également des corps-francs. Ce
sont des unités auxiliaires, dont le recrutement diffère pourtant des
premières. Il est délocalisé et fait appel à des volontaires : hommes non
tenus au service obligatoire, expatriés, ainsi qu’à des étrangers. Le
corps-franc français était composé d’émigrés royalistes et de déserteurs.
Il était placé sous le commandement du Chevalier BONNEAU, époux de la
veuve de MIRABEAU. Le Chevalier fut tué lors de l’attaque de
Saint-Martin-Lantosque, en 1795.
Les troupes régulières
Mais l’essentiel des
troupes était composé de régiments réguliers. A partir de 1714, la levée
des régiments provinciaux des armées sardes dans le Comté de Nice se fait
par le recrutement d’hommes entre 18 et 40 ans, « qui restent dans leur
famille, reçoivent partie de la solde, un uniforme et l’armement qu’ils
doivent entretenir en bon état et présenter aux revues, assez fréquentes.
Ils doivent toujours être prêts à se rendre partout où le bien du service
l’exige, dans les limites comtales ». Leurs officiers sont issus de la
noblesse ou de la bourgeoisie niçoise et sont nommés par le roi.
« Au XVIIème siècle, une
série de réformes donna une armée régulière. Victor-Amédée II refondit
deux fois son programme militaire ; Victor-Amédée III et Charles Emmanuel
IV recommencèrent chacun au moins trois fois. La régente Christine de
France créa, en 1639, douze régiments de garnison. Charles Emmanuel II
institua, en 1669, douze régiments provinciaux d’infanterie dits
permanents, dont un à Nice. Le régiment comprenait huit compagnies ; la
compagnie, un nombre variant d’escouades de quatre hommes. L’escouade
devait faire la soupe en commun, sans qu’il fût permis aux sergents de
s’en dispenser. Les régiments portèrent le nom soit de leur premier
colonel, soit de la province ou de la principale ville de la province sur
laquelle ils étaient levés. La permanence fut d’abord théorique. Les
capitaines rassemblaient leur compagnie de quinze jours en quinze jours,
et les colonels devaient réunir le régiment de trois mois en trois mois.
Les soldats n’eurent d’abord pour devise qu’une écharpe, une cocarde, un
baudrier ou un ceinturon. L’on vit paraître pour la première fois des
uniformes dans l’armée piémontaise en 1671. Dans le régiment, il y avait
le drapeau du colonel qui était blanc, et plusieurs drapeaux d’ordonnance.
Il était admis qu’un souverain pouvait prêter, donner ou même vendre un
régiment à un autre prince : les ducs de Savoie usèrent de ce procédé. Ce
qui nous explique comment le titre de « Nice-Infanterie » fut porté, en
même temps, par des régiments piémontais et des régiments français.
Lorsque Charles Emmanuel II voulut purger le Piémont d’éléments
indésirables, il en forma un régiment qu’il céda à la France et qui alla
s’installer au Canada ; les débris incorporés à d’autres troupes,
formèrent un nouveau corps sous le nom du régiment du Perche.
Les anciens régiments
du Nice-Infanterie
Le régiment, formé en 1669 dans le Comté de Nice, porte
le nom de « Nice-Infanterie ». Ce titre appartint à plusieurs régiments
dans la suite. En 1714, le roi de Sardaigne leva dans le Comté de Nice et
sur la province de Cunéo un régiment qui s’appela « Nice-Infanterie ». Ce
régiment fit les campagnes de 1733 et 1742 en Italie, et se distingua au
siège de Modène. En 1744, il pénétra heureusement en Savoie et fit des
prisonniers. Dans la même année, il souffrit beaucoup à la journée de
Notre-Dame de l’Orme. En 1745, au combat de Bassignane, il fut très
éprouvé. Il participe à la délivrance d’Alexandrie et au siège de Gênes,
puis est chargé de la défense de la vallée de la Roya, en 1792. Après la
cession du Comté de Nice à la France, il fut réduit au bataillon
piémontais qui prit le nom de régiment « Coni-Infanterie ». Le bataillon
niçois fut licencié en 1796. Le Chevalier Ignace de REVEL, qui était
colonel du régiment « Nice-Infanterie » conserva le commandement du
nouveau régiment. En 1795, plusieurs niçois du régiment « Nice-Infanterie »
avaient été décorés pour des exploits exceptionnels, entre autres, les
sergents FRANCO et BONGUERRIER, les grenadiers GROS et BELGRADO.
Les régiments d’infanterie étaient dotés de troupes
légères dont le rôle prit vite une telle importance que l’on en forma des
corps particuliers ; légion des troupes légères de chasseurs-francs, corps
des chasseurs de Nice. En 1795, les « Chasseurs de Nice » constituaient un
régiment de huit compagnies, commandées par le lieutenant-colonel
CHEVILLARD. Aux combats du Col de Tende, se distinguèrent particulièrement
divers niçois ; le lieutenant BLANCHI, les sergents DELEUSE et BONSOLDAT,
le caporal SAINT-LAURENT, le chasseur SAINTE-HELENE. Les chasseurs de Nice
tombèrent dans la réforme de 1796 et furent incorporés dans les régiments
provinciaux d’infanterie : la compagnie LAROQUE….
La plupart des officiers niçois continuent la guerre en
Piémont où ils suivent l’armée austro-sarde après le traité de Paris de
mai 1796. A cette date, certains d’entre eux rallient même la République
et servirent encore sous l’Empire. Ce fut le cas du comte TONDUTTI de
l’Escarène, du général Annibal SALUZZO, fait baron par NAPOLEON, du Major
RAYNALDI de Belvédère, du général TORDO ou du colonel PEILLON
,
pour ne citer que ceux-ci, qui furent tous de véritables héros des deux
camps sans avoir pour autant trahi leurs convictions. Cette date de 1796
constitue la charnière de cette histoire et détermine le destin de la
plupart des protagonistes. Ceux qui refusent le dictat français et la
trahison du Roi se réfèrent plus ou moins consciemment à la Dédition de
1388, et représentent donc seuls, à partir d’avril 1796, la « légitimité
nationale nissarde ». Si le roi de Sardaigne renonce à ses prétentions sur
le Comté de Nice, cela ne signifie pas que les Nissards durent renoncer à
leur souveraineté, à leur identité ni à leurs franchises.