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1793, Gilette

 

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1793, Gilette


porte de la Vésubie 

TORRIN Alain [1] -

Il reste peu de traces des combats qui opposèrent les Niçois sous l'autorité des Sardes et des Autrichiens aux Français de la révolution de 1792 à 1800. Ces évènements d'une importance certaine pour nos ancêtres du Comté de Nice se déroulèrent dans un cadre géographique différent de celui d'aujourd'hui. Les gorges de la Mescla, de la Vésubie, de Daluis et du Cians étaient infranchissables. Les chemins muletiers qui suivaient les traces des anciennes voies romaines passaient de préférence par les lignes de crête. Les Austro-Sardes sont passés par Utelle, Massoins, le col du Mont-Vial et Gilette pour venir fermer la porte de la Vésubie et du Piémont. Gilette devient la porte de la Vésubie

L'affrontement qui eut lieu à Gilette en 1793 opposant les Austro-Sardes aux Français fut l'objet d'un tableau exposé dans la galerie des batailles du château de Versailles. Ce dernier célèbre cette bataille remportée par les troupes françaises de la révolution commandées par le général DUGOMMIER contre les armées Austro-Sardes commandées par le vieux général DE WINS. Ce tableau fut commandé par Louis-Philippe en 1835 au peintre Adolphe Roehn (1799-1864) [2]. Le décor représente le château de l'Aiguille et un colombier qui existe toujours en contrebas ainsi que diverses maisons du village. Leurs représentations suggèrent que l'artiste soit venu sur place « faire un repérage » ou plus vraisemblablement qu'il a envoyé sur place un membre de son atelier. Les montagnes à l'arrière plan sont les pentes du mont Vial et son col par lequel les Autrichiens arriveront et par lequel ils fuiront après la bataille. C'est une lumière de fin de journée qui règne sur le tableau ; nous sommes le 19 octobre en fin de journée lorsque la bataille est jouée. Le drapeau français est anachronique car l'ordonnancement vertical des bandes bleu, blanc, rouge date de février 1812. En 1793, le drapeau français utilisait la cocarde bleu blanc rouge avec des géométries différentes suivant les régiments.

L'artiste a représenté plusieurs scènes non concomitantes tel que cela se fait dans ce genre d’œuvre. Au premier plan à gauche, l'artiste a figuré Gaspard EBERLE qui revient du lieu de ses exploits après avoir pris un drapeau à l'ennemi autrichien. Le Sergent EBERLE porte l'uniforme blanc qu'il a pris à un autrichien après l'avoir tué et qui lui a permis de tromper la vigilance des ennemis en même temps que ses propos germaniques : il était alsacien [3]. La scène est située au bord d'un cours d'eau avec des traces de la bataille : une victime et une charrette détruite. Ce cours d'eau n'a rien de ressemblant avec le vallon de Lunel où s'est déroulé l'épisode. Le groupe emmené par le Sergent EBERLE avance en chantant, fier de l'exploit de son chef.

Au premier plan à droite, cette scène est complétée par l'image de deux victimes des combats qui, de toute évidence, laissent indifférent le groupe du Sergent EBERLE. Au deuxième plan à droite, le général DUGOMMIER monté sur le cheval blanc de circonstance montre à ceux qui le suivent et tout particulièrement à un officier à cheval. Les Austro-Sardes qui fuient vers la montagne poursuivis par les troupes françaises ; un jeune tambour marche à côté d'eux et bat la charge pour une troupe en arme qui arrive sur les lieux. Le petit détachement avec le drapeau français dont nous avons déjà parlé est entraîné par un officier à la poursuite des Austro-Sardes.

Sur la gauche, un groupe austro-sarde fuit lui aussi vers les hauteurs de Revest, Toudon et le col de Vial où sont leurs camps et leur voie de repli. Le peintre a figuré tous les soldats en tenue de parade, comme cela se fait de nos jours dans la plupart des publicités. On sait que leur tenue était misérable ! [4]

Autre commémoration de la bataille, une plaque a été scellée sur les murs en ruine du château de Gilette en mai 1986. Sur cette plaque, on évoque le 28ème de Ligne du Sergent EBERLE qui s'était déjà illustré à Linieras (Bevera) le 8 juin 1793 en tuant 5 hommes et en en blessant 55 du 2ème bataillon du régiment de Nice (les milices niçoises). Le Commandant corse GIUSEPPI honoré par cette plaque s'était déjà illustré dans la vallée de la Roya fin 1792, début 1793 où ses hommes tuèrent Niçois et Barbets. S'il a été cité avec ses hommes à l'ordre de la Convention pour son action à Gilette c'est que leur score y fut encore meilleur !

Le Commandant ALZIARI ROQUEFORT cité lui aussi sur la plaque à la tête de la garde nationale fut tué d'une balle par un homme de sa troupe, (traître à la patrie, niçois ... ?) alors que leur groupe d'environ 400 hommes escaladait les pentes de la rive gauche de l'Estéron qui vient à Gilette [5].

Très peu de livres citent le niçois de Tourrette Levens Joseph TORDO (1774-1846) [6]. Sergent dans le corps des chasseurs Sardes, le 19 octobre 1793, il a combattu les Français et a lui aussi pris un drapeau à l'ennemi. Il reçut un méchant coup de sabre à la tête mais poursuivit sa carrière militaire dans les rangs sardes jusqu'en 1796, dans les rangs français ensuite. Considéré comme Barbet, il eut de grandes difficultés à s'imposer dans l'armée impériale. On ne sait qui la ville a honoré en donnant son nom à une de ses rues. Le barbet ou l'officier (général) de l'armée française ? il n'est pas honoré sur cette plaque !

L'occupation de la vallée de la Vésubie - Octobre 1792

Lors de leur invasion du Comté de Nice, le plan militaire des Français était simple et logique : occuper l'agglomération niçoise, repousser les armées Austro-Sardes vers le Piémont d'où ils venaient. Il existait alors deux axes principaux l'un par la Roya : la route royale (la route du Sel), l'autre par la Vésubie. La vallée de la Tinée pas plus que celle du Haut-Var n'offrait d'accès vers le Piémont ; elles intéressaient par suite beaucoup moins les Français et les Austro-Sardes.

Les Français du général D’ANSELME s'emparent de Nice dès le 29 septembre 1792 sans avoir à combattre ; les Austro-Sardes commandés par le Suisse DE COURTEN ont fui. Après avoir occupé Nice, dans le même temps, l'armée française lance depuis Nice deux attaques l'une vers la Roya avec le général de Division BRUNET ; l'autre avec la Brigade BARRAL s'avance dans la vallée de la Vésubie pour ouvrir la route du Piémont, l'une par le col des Fenestres, l'autre par le col de Tende. La brigade du général BARRAL, forte de 1 500 hommes remonte guidée par François MASSENA, cousin germain d'André, vers la vallée de la Vésubie ; le 17 octobre, elle atteint Levens. Le 20, deux bataillons et une compagnie marchent sur Lantosque par Duranus, Saint-Jean-la-Rivière, le Figaret, localités qui sont occupées sans résistance et dont toutes les ressources sont expédiées sur Nice. Les habitants s'étaient enfuis à l'approche des Français et s’étaient rassemblés sur les hauteurs de la Bollène et de Belvédère. Les Français gagnent peu à peu Gaudissart et la Cerisière, sur la rive droite de la Vésubie, Roccasparviera et le Férion sur la rive gauche, que BARRAL avait négligé de faire garder.

La tête de la colonne arrive à Roquebillière le 22 octobre 1792 bientôt suivie par le général BARRAL et le Commissaire de Guerre FERRUS. Mais dès le 24 octobre, les Français doivent se replier sur Utelle et le 27 octobre sur Levens sous la pression des milices et des paysans ; la résistance Barbet était née.

Le 2 novembre, BARRAL reçoit l'ordre d'avancer dans la vallée de la Vésubie et de reprendre Lantosque, il passe de nouveau par Duranus. Mais la colonne est arrêtée par une soixantaine de miliciens, embusqués dans les maisons et derrière les rochers du Pical ; BARRAL retourne à Utelle. Ce mouvement était appuyé par un bataillon, dirigé de Lucéram sur Loda par le col Saint Roch. Vingt paysans l'empêchent d'arriver à ce village, en faisant rouler des rochers du haut de la montagne escarpée qui domine le chemin. BARRAL quitte Utelle et marche sur Levens. Il reçoit l'ordre de conserver Utelle ; il fait demi-tour, mais une de ses compagnies qui passe au pont du Cros à la nuit tombante, reçoit-elle aussi des pierres que les paysans faisaient rouler depuis les hauteurs, et se débande en abandonnant armes et bagages. BARRAL se replie sur Levens.

L'aile droite de l'armée française reprend son avance en direction du col de Raus, se dirige par le vallon de Cayros vers Saorge et le col de Tende et va échouer après de grandes pertes (la bataille de l'Authion de 1793).

- La brigade BARRAL, désignée pour occuper Roquebillière, fin 1792, se mit en marche avec ordre formel de réquisitionner partout, et d'évacuer sur Nice le butin qui devait servir à alimenter l'armée, laquelle manquait de tout. Lantosque, la Bollène, Roquebillière, Belvédère et Levens, furent saccagées par ses soldats. La contrée fut entièrement ruinée et les troupeaux emportés. Les excès de l'armée française ont été dénoncés, en leur temps, à la Convention, par le Député GOUPILLEAU, le 18 novembre 1792 : « Les vols, les pillages, les viols, les concussions arbitraires, la violation des droits de l'hospitalité, la bonne foi trahie, la chaumière du pauvre insultée, l'impunité de tous ces crimes se continuent, voilà les fléaux qui affligent une région que vous avez rendue à la liberté et où vous avez voulu que les personnes et les propriétés fussent placées sous l'égide de la République Française... ».

Le général D’ANSELME a été remplacé pour ces raisons [7]. L'Abbé GREGOIRE le 1er juillet 1793 reprendra le même thème dénonçant les horreurs « qui ont conduit au désespoir et provoqué des vengeances : beaucoup de ces malheureux, voyant leurs familles traîner dans la misère, sont allés dans l'armée ennemie chercher du pain ou la mort ». Le Commissaire BERTRAND le 5 septembre 1798 : « Les Français entrés dans le Comté de Nice purent parcourir avec des guides les communes du département, sans trouver aucune résistance. Ils étaient partout bien reçus, mais la conduite qu'ils tinrent à Utelle, Lantosque, la Bollène, Belvédère et Roquebillière fut cause que les habitants de ces communes et autres voisines prirent les armes pour défendre leurs biens, leurs femmes et leurs propriétés, les en chassèrent et les poursuivirent jusqu'à Utelle. Depuis cette époque s'est formée l'armée des Barbets qui ont tant inquiété les troupes françaises par leur brigandage... ».

En ce début d'automne 1792, Nice est abandonnée par le Suisse DE COURTEN au général D’ANSELME sous les pluies de la saint Michel, qui ont duré une semaine ; le Var en cru a empêché le passage de l'ensemble des troupes françaises ; aucun port n'existait à l'époque. Les Français n'ont pu poursuivre les Austro-Sardes en fuite par la Roya ; ils ont par contre occupé  l'Ouest du Comté sans coup férir avec le général DUMERBION. Il était à Puget le 18 octobre, malgré la présence des troupes piémontaises au confluent de la Vésubie, de la Tinée et du Var et était passé par l'Estéron. Vers la même date, Gilette et l'Estéron tombèrent ; l'on abattit sur les ponts de Sigale et de Roquestéron les poteaux-frontières aux armes des deux rois ; l'on planta au milieu des clameurs d'une joie obligée un arbre de la liberté sur la place du village. Les hommes ont été dépouillés de leurs fusils avant de prêter avec un bel ensemble serment de fidélité à la République.

L'Intendant MATTONE DI BENEVELLO, replié à Tende, signalait à sa cour, en janvier 1793, parmi les communes qui ont montré un certain penchant pour le régime français, Gilette [8]. En février, il parlait d'une attaque prévue sur le village. La lutte continuait de l'autre côté du Vial, Villars et Puget passant alternativement des Sardes aux Français et à la fin février le général ROSSI avait repoussé les Piémontais de Revest et d'Ascros ; 500  Français occupaient Gilette.

Le général Baron DE WINS était arrivé en avril 1793 avec quelques 8 000 soldats d'origines diverses sous les Généraux STRASSOLDO, PROVERA et COLLI. « Nous ferons une procession à Nice le 8 septembre et nous rapporterons à Turin les lauriers mêlés aux oliviers qui croissent dans ces pays... Nous les chasserons du Comté de Nice et nous irons à Toulon », disait le vieux roi. Rêve échoué deux fois par ses prédécesseurs durant le cours du siècle. Après les échecs des Républicains, le général DE WINS espérait reprendre Nice, par une attaque entre le Var et l'Estéron. Il pensait que l'occupation de Toulon par les Anglais et les Napolitains, obligerait la Convention à dégarnir l'armée d'Italie pour envoyer des renforts à Toulon, entraînant leur retrait du Comté. L'envoyé britannique à Turin s'était entendu avec le chef d'état-major austro-sarde, et des conférences à Gênes le mois suivant avaient confirmé ces bases : l'armée descendrait le Var et la Vésubie pour couper les lignes de retraite des Français. DE WINS dut céder à l'insistance du roi, au désir des princes et des Généraux piémontais. Ce baron autrichien d'origine lorraine quoiqu'il fût né en Croatie, ce vétéran brisé qui avait été jeune lors de la Guerre de Sept Ans, ce maréchal entêté, voulait n'avoir aucun contrôle et choisir ses officiers, ce qui portait ombrage au général niçois, le comte de Saint-André. Mis sous l'autorité au moins théorique de Son Altesse le Duc d'Aoste, second fils du roi, il ne commandait réellement que ses gardes et ne pouvait disposer d'un seul bataillon sans en référer. De tous côtés parvinrent au roi des réclamations sur la manière dont on perdait le petit nombre de jours encore disponibles avant que les neiges rendent toute opération impossible.

Pendant que le niçois Charles-François THAON comte de Revel et de Saint-André commandant d'un corps d'armée se plaignait au roi de la défiance que lui témoignait le général autrichien, celui-ci écrivait de son côté pour signaler l'absence de tout approvisionnement et , faute de bêtes de somme, de recevoir de la poudre et des munitions.

COLLI au centre, Saint-André sur la vallée de Lantosque, occuperaient les Républicains, cependant que DE WINS et le duc d'Aoste attaqueraient par Utelle, Gilette et l'Estéron. Le Français SERRURIER s'est installé à Utelle le 10 septembre 1793 avec un faible corps de troupe. Le 15, il laisse la direction des hommes à DUGOMMIER, pour aller prendre la tête de l'aile droite de l'armée, démoralisée par sa récente défaite dans la Roya.

250 hommes à la Roquette gardent sur la rive gauche du Var le passage vers Levens et Nice. Le cours de l'Estéron est défendu entre le Broc, les Ferres et Gilette. Le Major BELMOND et les Milices niçoises occupent Ascros, le col de Vial et les hauteurs et tous les jours il dirige des coups de main sur Revest et Gilette. Il tient les Français en haleine sur un front de plus de quinze kilomètres, mais il ne peut s'emparer de Roquestéron.

Le milicien TESTORIS se distingue : il a débusqué les Français de Gilette vers le milieu de septembre dans un coup de main nocturne en descendant du col du mont Vial. Mais une compagnie Corse l'en a chassé quelques jours après. DE WINS, toujours hésitant, laisse aux Français le temps d'apprendre ses plans, révélés par leurs éclaireurs, leurs espions et les déserteurs Autrichiens.

Première attaque sarde sur Gilette (30 septembre 1793)

Les Austro-Sardes ont établi leurs magasins de munitions à Clans et Malaussène, leur quartier général dans ce dernier village. Ils se portent avec le bataillon de Mondovi jusqu'à Toudon, 40 habitants ; ils tiennent la région jusqu'à Conségudes. Leurs troupes occupent Bonson, Revest et Tourette à gauche, Cuébris et Sigale de l'autre côté pour se rejoindre à Ascros et à Puget-Théniers. Le 30 septembre, DE WINS ordonne au Major BELMOND de s'emparer le lendemain de Gilette avec ses 400 Miliciens. Les Autrichiens auraient alors été tout près de Nice : de Nice à Gilette en traversant le Var au gué de Saint-Martin il faut six heures et demie de marche. De Gilette à Revest, il faut une heure et demie de marche. Gilette est sur une hauteur, le contrefort de Longia. A l'ouest, les ruines du vieux château de l'Aiguille surplombent des pentes abruptes plongeant jusqu'au fond du ravin de Latti où descend le sentier qui mène à Bouyon.

Au Nord, le vallon d'où partent les chemins de Roquestéron et de Revest. Le site commandait la région en 1793 ; il n'y avait pas de route le long du Var dans le défilé du Chaudan. C'est ainsi que passait par Gilette le chemin de Nice à Puget-Théniers. Les Français ont eu le temps de se mettre en position de défense, mais ils étaient peu nombreux, 260 hommes, réduits en fait à 200 par la maladie et les absences. Ils étaient trop peu pour occuper toute la Longia, mais ils l'avaient fortifié de redoutes protégeant le Nord du village le rocher escarpé du Cucuglia, gardé par 20 hommes, et l'avaient relié par des retranchements à la chapelle Saint-Pancrace (20 hommes également). La maison du Comte GILETTA, qui regardait les chemins d'accès des assaillants, était occupée militairement. Une tranchée creusée le long du Pré du Seigneur la reliait au colombier situé au-dessous du château qui servait de réduit à 8 hommes et surveillait les vallons voisins de Latti et de Téron. Un quatrième poste de 12 hommes était dans Gilette même. BELMOND, Major des Milices, avait rassemblé 400 hommes à Revest, organisés en quatre colonnes dirigées, deux directement sur le Colombier et sur Saint-Pancrace, les deux autres par Bonson sur le Cucuglia et Saint-Roch.

Les soldats Français se laissent surprendre dans la nuit du 30 septembre à quatre heures du matin. Les sans-culottes de garde à Saint-Pancrace ont lâché pied sans avoir tiré une seule salve ; bien sûr, il faut longtemps pour recharger le fusil réglementaire modèle 1777... ils se réfugient dans le village. Les défenseurs du Cucuglia sont presque tous pris, ainsi que le Commandant de Gilette. La place n'est pas prise, il reste le château de l'Aiguille ; à la sommation de se rendre, les Corses cantonnés dans le château répondent par des quolibets et une fusillade bien nourrie.

 

Les Gardes Nationaux du Broc et des Ferres l'entendant, accourent. Les Compagnies françaises se ressaisissent et reprennent l'offensive : dans la nuit le feu du château éclaire la place du village comme en plein jour et la rend intenable ; les Corses font une brusque sortie et repoussent Milices et Sardes. BELMOND tombe, grièvement blessé (il mourra quelques semaines plus tard à Vence), il est aux mains des Corses avec une cinquantaine des siens, tandis que les autres s'égaient de toutes parts : ils avaient perdu 4 tués, 6 blessés, 50 prisonniers dont 5 officiers parmi lesquels 2 Capitaines des Milices. La victoire française est complète quand le jour se lève.

Cet échec révélait au Baron DE WINS qu'il faudrait plus que des combats d'avant-poste pour obliger les Français à quitter le Comté. Ce qui lui fit appeler des renforts dans les vallées du Var, de la Vésubie et de la Tinée. Il avait des postes depuis Daluis et Puget jusqu'à Clans et La Tour, mais il concentrait surtout près de 5 000 hommes vers le 15 octobre, aux alentours de Malaussène. Cependant, COLLI lançait des attaques répétées sur la droite française, la Roya, afin d'éviter qu'on n'envoie des renforts sur l'Estéron ; RADICATTI et l'émigré BONNEAU à la tête de son corps franc agissait de même au centre, remportant des succès partiels trahissant la faiblesse des Français.

 La bataille de Gilette : 18-19 octobre 1793

DE WINS avait avancé une partie de ses troupes sur le Mont Vial, transporté son quartier général à Revest les roches et celui du Prince d'Aoste sur Tourette du Château. Après s'être mis de nouveau en marche, le 14 octobre, de Clans, et traversant la Tinée, il occupe Villars avec le régiment des gardes. Le même jour avec tout le corps autrichien, il couche à Massoins. Le lendemain, 15, il passe le Var, se porte au col de Vial où après avoir laissé un fort détachement à Malaussène le rejoignirent, le 16, les gardes et le régiment de Piémont. Dans la nuit suivante ils prirent position : à Revest, à Tourette et à Cuébris. Pendant que ces divers corps menaçaient les Français de front, d'autres détachements devaient aller inquiéter les garnisons d'Utelle et de Levens et les empêcher d'envoyer du renfort du côté de Gilette. Sur la gauche des Français, 400 hommes sous les ordres des chevaliers de Sainte-Marguerite et de Saint-Antoine, devaient déboucher à l'aube du mont Cheiron où ils bivouaquaient, et assaillir le poste de Conségudes sur la rive droite de l'Estéron, et se mettre en mesure, soit de couper la retraite à la garnison de Gilette, au cas où cette dernière tacherait de rejoindre au Broc la ligne française, soit d'intercepter les secours qui pourraient venir du village de Bézaudun.

BONNEAU, auquel on réservait toujours les coups de main les plus vigoureux, devait en même temps assaillir le poste nouvellement établi par les Français à Valle Lunga, l'enlever à la baïonnette, faire la garnison prisonnière et se maintenir sur ce point jusqu'à l'aube du 17, où la colonne autrichienne venant du col de Vial devait le rejoindre pour enlever Gilette coûte que coûte. Les Chasseurs, de leur côté, avaient ordre de se porter de Revest sur Gilette et d'attendre au pied de la position pour attaquer que les Autrichiens eussent engagé le combat. Une autre compagnie de Piémontais devaient menacer le château du côté droit, pendant que deux compagnies de Gardes se portaient à Bonson. Le reste des Gardes était en réserve à Tourette du Château. L'honneur de monter à l'assaut était réservé aux grenadiers autrichiens ; aussitôt la prise du château, ils devaient travailler à s'y établir solidement.

Plusieurs milliers d'hommes sont montés sur l'Ubac du mont Vial depuis Villars et Malaussène et jusqu'au col, prêts à fondre sur la garnison de Gilette. L'armée austro-sarde s'organise en quatre colonnes :

- A droite, une centurie du régiment de Piémont, 200 hommes avec le capitaine DUVACHE ;

- Au centre, descendant du Revest, 100 volontaires de PIAN viennent à la Moulière, la compagnie franche de BONNEAU et le corps franc de GIULAY, 100 hommes, gagnent la Longia ;

- A gauche, une division de CAPRARA, 300 soldats, pour surveiller les chemins qui montent du Var, s'établit entre Bonson et le sommet de la Moulière à Saint-Hospice.

- Derrière ces 600 hommes, une forte colonne de 300 hommes descend de Revest avec le maréchal DE WINS.

L'émigré BONNEAU appuie sur sa droite à la tête des ravins de Lunel et de Téron, où il se trouve alors renforcé par les grenadiers de WOLLUST : il relie ainsi son corps à celui des volontaires de Pian soutenus par une division de 300 hommes venus d'Ascros. La réserve est formée par le régiment piémontais des Gardes. Une compagnie est à Bonson dont les murs des maisons surplombent le confluent du Var avec la Vésubie. Des batteries de 2 pièces sont installées à moins de 400 mètres au nord de Gilette sur le versant méridional en avant de la Moulière, ainsi qu'à la Longia : en tout, 6 pièces, que l'on arme pendant la nuit. Les dispositions de DE WINS étaient critiquables : pendant qu'il concentrait des forces importantes sur sa droite, c'était à de faibles détachements qu'était confiée la défense de Bonson et des Ferres par où pouvaient arriver les secours réclamés par la garnison de Gilette.

Le 18 à l'aube, les pièces de montagne ont ouvert le feu sur les positions françaises, qui résistent sans mal à leurs boulets de faible calibre. Venant à marche forcée du Broc, les Gardes Nationaux avancent vers le site de la bataille : « Allons, que ceux qui ont peur s'en retournent chez eux ! » s'écrie le Commandant ALZIARI DE ROQUEFORT, remarquant un flottement parmi les siens, 400 décident de le suivre, franchissent le gué de l'Estéron avant d'escalader par des sentiers de chèvre, les crêtes occupées par les Austro-Sardes.[9] Un traître s'est glissé dans la phalange, et ALZIARI tombe raide mort, atteint d'une balle française. Les balles des Gardes Nationaux ne font guère plus d'effet sur les Austro-Sardes que les boulets de ceux-ci sur Gilette. La canonnade dure près de dix heures, consommant en vain les munitions, quand le Maréchal DE WINS vers quatre heures et demie donne l'ordre à tous ses hommes d'attaquer pour emporter la position. Le Capitaine PIAN descend le ravin de Latti puis remonte celui de Téron et se dirige vers la maison du Comte GILETTA ; mais la tranchée du colombier, par un feu bien dirigé, l'empêche de déboucher du ravin. BONNEAU se porte sur la chapelle Saint-Pancrace, il ne peut franchir le pont, mais derrière lui les grenadiers de WOLLUST obliquant à gauche attaquent le Cucuglia en même temps que le corps franc de GIAULAY accouru de la Longia. Les Républicains cèdent, les Austro-Sardes croient s'emparer du village sous les yeux du Prince d'Aoste qui les accompagne. « BONNEAU attaqua comme il était convenu le poste de Valle-Lunga, où les Républicains tinrent bon jusqu'au point du jour ; ayant aperçu alors la forte colonne autrichienne qui venait au secours des assaillants ils se replièrent sur le village de Gilette aux abords duquel s'engagea de nouveau un vif combat de mousqueterie, mais qui ne put arrêter l'élan des Austro-Sardes. Les grenadiers autrichiens tenaient à l'honneur de déloger les Républicains du village » [10]. En voyant l'acharnement de l'attaque, les Français jugèrent à propos de concentrer la défense dans le château, en attendant les renforts. Le capitaine ROSENAUER à l'Ouest s'empare de la redoute, tandis que le capitaine VILLA et ses quatre compagnies, en liaison avec lui, attaquent sous un feu violent. Mais l'ivresse de la victoire ne dure qu'une demi-heure. Le Commandant MADON charge avec sa réserve, baïonnette au canon, il chasse et poursuit les Austro-Sardes, n'ayant plus de cartouches il leur jette des pierres!

- Le Commandant MARTIN arrive à Gilette le 18, à la tombée de la nuit, et tombant sur les Autrichiens qui avaient passé toute cette journée à piller, il fait 80 prisonniers, reprend possession du village et dégage la garnison du château. 15 grenadiers désarment près de 100 hommes de CAPRARA qui marchent à l'extrême gauche de la ligne.

Le Baron DE WINS a commandé d'attaquer à la baïonnette, mais sur l'ordre suicidaire d'escalader le rocher de l'Aiguille, beaucoup reculent devant la perspective d'une mort certaine, certains obéissent, lorsque les Corses les voyant gravir le rocher presque vertical, tranchent les cordes soutenant contre le flanc de la montagne des structures de bois retenant des blocs de pierre. Repoussés à diverses reprises, ils revenaient à la charge avec acharnement, mais leurs efforts furent vains, et les 400 Français repoussèrent énergiquement toutes les attaques. Ce que voyant, DE WINS ordonna de faire avancer l'artillerie le plus près possible dans l'espoir de faire brèche au bout de quelques coups. Mais les faibles projectiles qu'il lançait ne purent pas plus entamer les épaisses maçonneries de ce vieux mur que les assauts répétés dans lesquels Sardes et Autrichiens rivalisaient d'ardeur et d'audace ne vinrent à bout d'ébranler les pans de roche et le courage des Français. Pendant ce temps la nuit arrivait et les Austro-Sardes affamés, harassés de fatigue et que poussait aussi la soif du pillage rentrèrent dans le village et s'abandonnèrent, notamment les Autrichiens, à toutes sortes d'excès, oubliant ce qu'exigeait pour leur sécurité le voisinage de l'armée ennemie et pour leur honneur, la pensée que le butin était enlevé à des sujets du roi de Sardaigne[11].

DUGOMMIER arriva au Broc dans la journée du 18 octobre avec 200 hommes. Il avait reçu des représentants du peuple le droit de se replier ; ainsi, sa responsabilité à couvert et sans craindre le spectre de la guillotine, il avait laissé le commandement d'Utelle à l'adjudant général DESPINOY. Comme DUMERBION avait envoyé 300 hommes, DUGOMMIER disposait de 500 soldats pour dégager Gilette, qui sans cela était perdu, et l'armée avec elle. Des milliers d'ennemis, l'Estéron à franchir, 400 mètres de dénivellation en descendant du Broc, 500 à remonter vers la Longia. Qu'à cela ne tienne ! DUGOMMIER n'hésite pas, il attaque par une marche de nuit de sept heures, et surprend DE WINS, qui ne peut s'attendre à un coup si hardi. Il participe en personne à l'attaque :

- Sur sa gauche, la Compagnie franche N° 1 dite de CLAIRAC, commandée par le Citoyen CABAZONNE ;

- Au centre les Chasseurs du 11e et du 91e, commandés par le Capitaine GUILLOT ;

- A sa droite, ceux du 28e et du 50e sous le sexagénaire Capitaine PARRA qui sortira général de la bataille.

Vers trois heures du matin, ils franchissent l'Estéron à gué et gravissent en silence, à la faveur de l'obscurité, les pentes de la rive gauche vers Gilette. CABAZONNE par le sentier de Rabinel atteint Sainte-Elisabeth. GUILLOT par le ravin de Saint-Pierre le rejoint vers la chapelle Saint-Roch, où CABAZONNE a déjà engagé la fusillade, après avoir essuyé le feu une première fois sans répondre, conformément aux ordres. CLAIRAC charge, baïonnette en avant ; il met en fuite les Autrichiens de la division CAPRARA. Deux sont tués, quelques-uns blessés, les autres gagnent à toutes jambes la redoute de la Longia. GUILLOT est blessé d'un coup de feu à la jambe droite. « Il n'y avait vraiment pas de quoi jeter l'épouvante dans les rangs Austro-Sardes néanmoins les autrichiens, les uns après les autres presque tous pris de vin, commencent à tourner le dos. En peu de temps tout fut confusion dans la colonne, les rangs furent rompus, et ce fut à qui courrait le plus vite vers les hauts de Revest » [12].

Pendant ce temps, la colonne de PARRA marchant à mi-côte et remontant le vallon de Lunel est entrée en contact avec les deux compagnies des Gardes stationnées à la Cime, HAMBOURG leur fait creuser des retranchements, mais leur retraite en désordre entraîne celle des postes de la Moulière et de Bonson, qui se fusillent mutuellement dans la panique ; ils se rendent, ils ont perdu beaucoup d'hommes, des tentes, des mulets et deux pièces de canon. C'est là que se distingue EBERLE. Ses supérieurs hors de combat, il a pris le commandement de sa compagnie et a revêtu la capote d'Officier autrichien que portait un austro-sarde tué de sa main. Puis, parlant allemand le sergent Gaspard EBERLE a par ruse, sommé la redoute de se rendre : suivi des siens électrisés par son exemple, il a fait prisonnier le Commandant et 300 hommes. Cette action d'éclat lui fit décerner le grade d'adjudant-général Chef de Bataillon, que DUGOMMIER lui conféra lui-même le 3 Novembre devant le front des troupes. La panique gagne les troupes de Tourette et Revest : les fuyards se retrouvèrent à Malaussène et au-delà, jusqu'à Clans ! Les Français poursuivent l'ennemi dans les montagnes, jusqu'à la nuit. « Heureusement que les détachements postés à Valle-Lunga et à la chapelle del Sospiro qui avaient bivouaqué loin des habitations et n'avaient commis aucun excès, tinrent tête à l'ennemi. Ils opérèrent leur retraite en bon ordre et donnèrent ainsi à cette multitude le temps de passer sans encombre le pont de Malaussène et de se réfugier de l'autre côté du Var et de la Tinée. Le reste de l'armée battit également en retraite sous le feu de l'ennemi de l'autre côté du Var. Les gardes et plusieurs compagnies, qui formaient l'arrière garde, passèrent le Var la nuit suivante, après avoir tenu l'ennemi en respect toute la journée du haut des crêtes escarpées qu'ils occupaient. Le chiffre des pertes Austro-Sardes dans cette affaire s'éleva à près de 1 000 hommes tant tués que blessés ou prisonniers. Celles des Français ne dépassa pas 150 hommes mis hors de combat : 70 des leurs avaient été faits prisonniers » [13]. Le Duc d'Aoste réussit à s'enfuir par le sentier de Mau Poïs taillé dans le roc de la montagne du bas de Bonson à la Vésubie et Malaussène : Joseph MALAUSSENA, dit le bélier du Cros, l'a sauvé. Puis Don ANDREIS, le Vicaire de Bonson, l'a conduit jusqu'à Levens.

Avant son départ de Gilette, le 19 octobre, le général DUGOMMIER écrivait au général DUMERBION, à Nice : « J'ai bien du plaisir à vous écrire de Gilette : tout a réussi au-delà de nos espérances. Je vous écris à neuf heures et un quart. Nous avons attaqué tous les postes à quatre heures. Nous recevons à tout moment des prisonniers et les coups de fusil qui partent des sommités des montagnes où travaillent nos Chasseurs nous donnent l'espoir de la déconfiture certaine de nos ennemis. Gilette est dégagé, malgré les trois mille hommes qui le cernaient, et, avec 700 Républicains, nous avons eu la gloire de leur faire mettre le pouce. Vive la République ! » [14]. Les forces françaises étaient si réduites que DUGOMMIER crut devoir évacuer toute la contrée comprise entre le Var et L'Estéron sauf Gilette, dont il perfectionna les défenses. Dans un premier temps, le col de Vial, Malaussène et autres positions moins importantes demeurèrent ainsi au pouvoir des Austro-Sardes. DE WINS ne désespère pas de prendre une revanche.

La bataille d'Utelle - 24 Nov. 1793

Le Duc d'Aoste ordonna de déplacer le magasin de Malaussène, qui était si bien pourvu qu'il aurait pu nourrir la colonne environ quatre mois... il  porta son quartier-général sur Villars, occupant toujours le col de Vial. Villars, abritait avec Massoins un millier d'hommes. Villars eut alors la visite du futur Roi Victor-Emmanuel Ier, fils de Charles Amédée ce qui n'empêchait nullement ses troupes de razzier la contrée. Mais précédant l'offensive de SERRURIER, qui avait repris Puget Théniers le 17, l'arrière-garde austro-sarde, 1 000 hommes environ, se retira sur Clans, abandonnant Villars et Massoins. Le 20 octobre, un détachement était chargé de couper le pont de Malaussène, « quand ils virent qu'un bataillon de volontaires français commençait à paraître sur le Col de Vial, et descendait pour empêcher que le pont ne fût coupé. Le Commandant de ce bataillon composé en tout de 300 hommes avec deux petits canons, détacha une avant-garde de 60 hommes laquelle arriva à Malaussène à 1 h après-midi. Elle se porta sur un poste favorable, entama le combat qui fut continué par tout le bataillon ; ainsi ils arrivèrent à conserver le pont » [15].

Comme les Piémontais avaient l'ordre de continuer leur retraite, dans la nuit après avoir abandonné Villars et Massoins, ils se replièrent à Clans, et ensuite de là dans la Vésubie. Le lendemain, les Français allèrent occuper Massoins et Tournefort, et placèrent leurs deux canons au pont. Au pont de Malaussène, les Austro-Sardes eurent une dizaine d'hommes tués et une cinquantaine blessés ; les Français n'eurent, semble-t-il pas de mort et seulement 10 blessés. Le souci premier de l'armée française était alors le siège de Toulon où une partie importante des effectifs présents dans le Comté de Nice fut dirigée. MASSENA alors dans la Roya fut chargé de prendre le commandement des troupes sur le front de la Vésubie.

Les Austro-Sardes dans un premier temps évacuent la Tour et se replient vers le point haut de la vallée qu'est le brec d'Utelle. MASSENA décide de les y poursuivre. La gravure conservée au musée MASSENA le montre en train de hisser sur son dos avec l'aide de ses soldats une pièce de canon vers le sommet du brec d'Utelle. Ils se seraient arrêtés au sommet Descandolier (1 427 m) et de là, dès le matin, du 25 novembre 1793 auraient attaqué les campements et les redoutes des Austro-Sardes les chassant de 5 postes, tuant une centaine d'hommes, faisant autant de prisonniers et leur enlevant 30 mulets chargés de pain, 250 tentes et 20 000 cartouches (les problèmes d'intendance étaient fondamentaux !). Le lendemain de ce fait d'armes, le futur Prince d'ESSLING pouvait écrire au général en chef DUMERBION : « Je ne puis te donner un détail bien exact des avantages que j'ai eus sur l'ennemi. Je les ai battus partout où j'ai pu les rencontrer. Je leur ai pris quatre camps et les ai forcés d'évacuer le cinquième. Si nos soldats n'avaient pas voulu faire des pantalons, nous aurions au moins 250 tentes, mais c'est impossible de les empêcher... »

Le passage des troupes de MASSENA dans la région fut très dur pour la population. L'abbé Pierre GAL (Figaret 1827 - Figaret 1914), ancien curé de Figaret-d'Utelle, racontait, en 1904, le fait suivant : son père, ayant rencontré à Nice, quelques années après les événements susdits, le général MASSENA, celui-ci lui demanda de quel pays il était. - « Je suis GAL de Figaret. » - « Ah ! vous êtes de Figaret ! Est-ce que les oliviers ont repoussé à Figaret ? ». - « En effet, continuait l'abbé GAL, mon père racontait que MASSENA avait fait raser tous les oliviers, et ceux qui existent actuellement n'en sont que les rejetons » [16]. Les troupes de MASSENA ont profité de leur passage dans les lieux pour piller le sanctuaire d'Utelle et l'incendier. Il fut reconstruit dans la forme que nous lui connaissons, à partir de 1816.

Les Austro-Sardes se replient sur Belvédère et Roquebillière où les milices et les barbets les assistent efficacement. L'hiver qui arrive figera les troupes dans ces positions : Français comme Austro-Sardes seront des troupes d'occupation avant la reprise des combats en avril 1794.

Le 14 Décembre, MASSENA fut muté à Toulon où il put exercer son art. Il revint sur le Comté de Nice dès le 15 Janvier 1794 où il jouera un rôle décisif dans la prise de Saorge et du col de Tende [17].

Les sources chiffrées sont imprécises et très variables ; la tentative de bilan est donc très discutable et n'a pour objet que de donner une idée sur ces péripéties sanglantes de 1793 de la Vésubie à Gilette. Il y eut peu de Niçois que ce soit dans les rangs des armées Austro-Sardes comme dans les rangs des armées françaises ; notons que légalement depuis le 31 janvier 1793, les Niçois devaient répondre à la conscription française.

Il y eut peu de victimes dans les rangs des militaires à la suite de ces combats (de l'ordre de 1 000 morts dans les deux camps). Leur nombre n'a rien à voir avec l'hécatombe de Solferino par exemple en 1859 entre les mêmes adversaires, les Piémontais étant alors avec les Français. (40 000 morts dans les deux camps). Les véritables victimes furent les habitants des lieux ; elles perdirent pour les unes leur vie, pour les autres leur subsistance, leur liberté et leur mode de vie. Un habitant sur sept d'Utelle perdit la vie pour fait de guerre durant cette période.

Le comportement des Autrichiens par son côté peu positif fut sans doute plus déterminant que le comportement des Révolutionnaires français avec tous leurs défauts et toute leur fougue.

Gilette avait cédé sous la pression des Français... L'importance de ce lieu où s'infléchit le destin, le roi de Sardaigne l’a pressentit, qui dès le 1er Janvier 1794 exprimait ses « craintes d'invasion française en Italie ».

L'échec du général DE WINS devant Gilette permit en effet en Avril 1794 la prise de Saorge par MASSENA suivant les plans de Bonaparte, prélude à la campagne d'Italie de 1796 qui pérennisa pour vingt ans la francisation du Comté de Nice.

La bataille de Gilette n'est pas mentionnée comme on l'a souvent pensé dans la pierre de l'arc de triomphe de l'Etoile à Paris à l'inverse de la bataille du Var [18]. MASSENA et RUSCA « les renégats niçois » sont célébrés dans cette pierre par les héritiers de la Révolution. Notons que MASSENA ne s'est lui-même jamais enorgueilli de « ses faits d'armes » dans le Comté de Nice [19].

 

BIBLIOGRAPHIE

CLAUSEWITZ C. Von La campagne de 1796 en Italie, traduction française, Paris, 1901

DI TULLIO S. Napoléon, le défi italien, Serre, 2001

GARINO P.-R. La vallée de la Vésubie, Serre, 1998

MASSIN J. Almanach du premier empire, du 9 thermidor à Waterloo (1794-1815), CFL, 1965

MORRIS H. & KREBS L. Campagnes dans les Alpes pendant la Révolution, Paris, 1895

BARELLI H. « Les Niçois dans les armées pendant la Révolution (1792-1794) », in Nice Historique, n° 3-4, 1992

CLEYET MICHAUD R. « Entre France et Piémont, le Comté de Nice, un pays en guerre (1792-1794) », in Nice Historique, n° 3-4, 1992


 

[1] - Alain TORRIN est ingénieur des Ponts & Chaussées à la retraite, habitant Villars-sur-Var, et originaire de Lantosque, il s’est depuis de nombreuses années passionné pour l’histoire des guerres « Révolutionnaires » dans l’ancien Comté de Nice. (Article : « 1793, Gilette, porte de la Vésubie », Pays Vésubien, 3-2002, pp. 23-37)

[2] - Ce tableau de 3 mètres de haut par quelques 2,50 mètres de large n'est plus exposé car il est abîmé, si ce n'est troué, et comme c'est un tableau rétrospectif, il ne sera pas restauré. Il finit sa vie dans les caves du château de Versailles. Une gravure fidèle faite d'après le tableau figure dans Nice-Historique n° 3-4 de 1992 : elle n'est ni signée ni datée. Le chroniqueur niçois Dominique DURANDY dans son livre Mon pays, a qualifié l'auteur de ce tableau de peintre médiocre (Edition originale - 1919. Edition du centenaire - 1960).

[3] - Gaspard EBERLE est né en 1764 à Selestat (Alsace). Sergent, nommé commandant après la bataille de Gilette, il devint Général sous l'empire. Grièvement blessé à Mincio en 1800, il est amputé d'un bras ; il fut alors nommé Gouverneur de la place de Nice. Il sut s'attirer la sympathie des Niçois qui le surnommèrent "Lou General sensa bra". A la chute de l'empire qui l'avait fait baron, il démissionna et finit ses jours à Nice où il mourut en 1837 ; il repose au cimetière du château. La ville de Nice l'a honoré en donnant son nom à une rue en vieille ville !

[4] - MADELIN L. La jeunesse de Bonaparte (1769 - 1796), Hachette 1937.

[5] -BOURRIER M.  Gilette, les oliviers de la république, Serre 1986.

[6] - L'acceptation de l'héritage révolutionnaire sous bénéfice d'inventaire, Paul Gonnet - Nice Historique n° 3-4 - 1992.

[7] - CANDELA G. L'armée d'Italie - Nice 1792-1796, Serre, 2000.

[8] - « La correspondance de l'intendant du Comté, MATTONE DI BENEVELLO - 1792-1793 », in Nice Historique 1931-1932.

[9] - BOURRIER M. Gilette, Les oliviers de la république, Op. Cit.

[10] - Ibidem et Archives Municipales de Nice.

[11] - Ibidem

[12] - Ibidem

[13] - Ibidem

[14] - P. Pouhaer, L'affaire de Gilette, Var historique et géographique, n° 82, avril-juin 1940.

[15] - BOURRIER M. Chroniques de Villars / Var, Editions Alain Lefeuvre, 1979.

[16] - MARTEL J.-B. Histoire de Châteauneuf – Villevielle en 1928,  Serre, 1988.

[17] - Il n'exerça son art que très partiellement d'une part, parce que la durée de son séjour fut brève ; d'autre part, parce qu'il fut mal accepté par l'état major étant issu de la base.

[18] - La campagne du Var se situe en mai 1800 ; les généraux français SUCHET et GARNIER chassèrent une fois encore les Austro-Sardes du général MELAS qui avait occupé à nouveau le Comté de Nice et Nice le 12 mai 1800 pendant que la flotte anglaise bombardait les troupes françaises repliées à Saint-Laurent du Var. Le 18 mai 1800, les Austro-Sardes abandonnent le Comté. Notons que dans cette même période MASSENA et ses troupes étaient assiégés dans Gênes.

[19] - Mémoires d'André MASSENA - par le général KOCH, 1848, Jean de Bonnot éditeur, 1966.

 


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