CORNIGLION Aurélie
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Les édifices religieux dans la
vallée de la Vésubie : inventaire
Le travail présenté dans cet article est le
résultat conjoint d’un inventaire mené depuis de nombreuses années dans la
Vésubie par le Centre d’Etudes et d’une compilation des nombreux travaux
de recherches menés autour du thème. De ce repérage premier mené dans un
cadre pédagogique par une jeune chercheuse, il est important, dans un
esprit didactique, d’élargir le regard de l’auteur vers les prémices de ce
que l’on pourrait appeler une anthropologie du culte populaire dans la
Vésubie. Le corps du travail est présenté comme un parcours, qui nécessite
que l’on retrouve sur le terrain les traces ou les indices des édifices
proposés. Il s’adresse en cela aux visiteurs néophytes, mais aussi à un
public plus averti.
Les édifices que nous
pouvons rencontrer dans la vallée de la Vésubie sont des chapelles, des
églises, des pilons ou oratoires, des sanctuaires. Il y eut également un
monastère.
- A la Madone des
Fenestres, il y a un sanctuaire dédié à la Vierge. La tradition veut que
la statue en bois ait été sculptée par saint Luc et ramenée de Jérusalem
par Marie Madeleine et saint Lazare. Une étude récente confirme qu’elle
peut être datée du début du XIVème siècle, peut-être même de la fin du
XIIIème siècle.
A Saint-Martin il y a eu
jusqu’à treize chapelles :
La Sainte-Trinité,
Saint-Jean, Saint-Antoine, la chapelle des pénitents Blancs dédiée à la
Sainte Croix, et celle des Noirs sous la protection de la Vierge de la
Miséricorde et de saint Jean-Baptiste. La chapelle Saint-Roch et
Saint-Sébastien honorés dans un même édifice portant double vocable.
Celles de Saint-Bernard, de Saint-Joseph, Saint-Grat, Saint-Nicolas,
Sainte-Anne et Saint-Lazare. Sainte-Catherine enfin, au Boréon, noyée dans
le lac. Ces six dernières sont détruites aujourd’hui.
- Et une église, celle de
Notre-Dame de l’Assomption, sans doute dédiée anciennement à saint
Martin, double vocable. La fête du saint patron lui correspondait, le 11
novembre, et était également le jour de la foire annuelle.
Sur la route descendant à
Roquebillière se trouve un oratoire récent, édifié en 1948, dédié à la
Vierge, sous les deux appellations de la Madone de Fenestres et de
Boulogne-sur-Mer. Après la guerre, la Vierge de Boulogne a entamé un tour
de France pour récolter des fonds, afin de reconstruire cette ville,
largement détruite par les bombardements. L’oratoire est l’œuvre de M. Morès.
A Venanson nous avons
découvert quatre chapelles :
- Saint-Sébastien ou
Sainte-Claire, Saint-Roch et la chapelle de la Miséricorde actuelle salle
multimédia. Saint-Jean-Baptiste s’élevait sur la place et a été détruite –
une autre chapelle, sans vocable connu , existe au Libaret. Elle est de
construction récente, faite de parpaings .
Il existe enfin un
oratoire dédié à la vierge, sur ce même chemin.
- L’église est dédiée à saint Michel, comme à
Roquebillière ou à Roccasparviera, un trait commun aux villages ayant
possédé un château.
A Roquebillière il y a, à
Berthemont, deux chapelles : celle de la Semeuse et de Notre-Dame de
Berthemont, qui était dit-on un couvent. Il en resterait des traces
architecturales dans la maison voisine. Après les thermes, nous trouvons
encore un pilon ou oratoire, également dédié à Notre-Dame de Berthemont.
- Au vieux Roquebillière
il y a six chapelles : Sainte-Croix des pénitents Blancs, Saint-Joseph
qui était sans doute édifiée à l’emplacement de l’ancien Hôpital du Vieux
Roquebillière selon le témoignage de M. Victor CORNIGLION. Contacté le 15
janvier 2002, il se rappelle qu’il allait au catéchisme là où habitaient
les Sœurs, à la rue Dalloni, en face de la gare des trains, au
rez-de-chaussée de ce bâtiment, en 1926. Les chapelles Saint-Roch,
Saint-Julien
patron du village, Notre-Dame de Gordolon, et Sainte-Anne.
Saint-Sébastien a disparu
également et se situait à la sortie Nord du village.
- Le village a la
caractéristique de posséder deux églises, même si l’édifice historique a
été déclassé : Saint-Michel de Gast au quartier de la Bourgade et l’église
du Cœur Immaculé de Marie, qui se trouve au Nouveau Village.
- A Belvédère, il y a
environ neuf chapelles :
Saint-Antoine,
Saint-Roch, Saint-Blaise, la chapelle du Planet, celle de Saint-Grat, la
Sainte-Croix des pénitents Blancs, la Miséricorde des pénitents Noirs, la
chapelle du Saint-Mêen et Saint-Jean. Ces quatre dernières sont détruites.
- L’église paroissiale
est dédiée aux Apôtres saints Pierre et Paul.
A la Bollène il y a
quatre chapelles :
- La Sainte-Croix des
pénitents Blancs, transformée en musée des papillons entomologique,
Saint-Honorat, Sainte–Elisabeth et Saint-Sauveur.
- Et l’église
Saint-Laurent, protecteur du village.
A Lantosque, il y a
environ quinze chapelles sur l’ensemble de la commune :
- Saint-Roch, la
Sainte-Croix, la Miséricorde, Sainte-Claire, Saint-Georges, Saint-André,
Sainte-Thérèse, Saint-Jean.
- Les églises :
Saint-Arnoux à Loda et l’église de Saint-Colomban, l’église de la Madone
des Anges à Pélasque. Il existe aussi dans ce quartier une chapelle de la
Sainte-Croix, à la Condamine de Pélasque, ainsi qu’un pilon ou oratoire
dont le vocable nous est inconnu. Nous pouvons y rajouter le sanctuaire de
la Madone de la Balma et un oratoire sur la route de Loda. Enfin, un
Monastère des Franciscains Réformés de l’Observance, Saint-Pancrace,
San Brancaï en patois, datant du XVIIème siècle, détruit aujourd’hui.
- L’église de Lantosque
est dédiée à Saint-Pons.
- A Utelle, il y a trois
chapelles connues, et sans doute bien plus. Saint-Sébastien,
Saint-Antoine, Saint-Pierre, celle de La Villette, Sainte-Anne et
Sainte-Thérèse toutes deux à Figaret, cette dernière aujourd’hui disparue.
Et également, comme dans les principaux villages, les chapelles des
pénitents Blancs et des pénitents Noirs.
- L’église est placée
sous la protection de saint Véran. A Figaret l’église est dédiée à saint
Honorat. A Saint-Jean-la-Rivière, l’église Saint-Jean, puis celle du Cros
d’Utelle et celle du Chaudan.
Les chapelles étaient
disposées aux alentours du village pour le protéger contre les maladies
épidémiques comme la lèpre, la peste ou le choléra …
Les représentations de
saints ou de saintes dans les chapelles ou églises devaient servir de
protection contre les « malheurs du temps » que l’on ne pouvait
qu’expliquer que par l’intervention surnaturelle diabolique ou divine.
Chaque saint avait, dit-on, le pouvoir de guérir des maladies
particulières. En voici quelques exemples :
Saint Blaise protégeait
des maux de gorges, dicton : « à la fête de saint Blaise, souvent l’hiver
s’apaise ; mais si vigueur il reprend, pour longtemps on s’en ressent »,
fête le 3 février.
Dicton : « entre saint
Pierre et saint Paul, plante le poireau et le caul, les choux »,
fête le 29 juin.
Saint Roch, saint
Sébastien et saint Antoine protégeaient de la peste.
Dictons : « Saint Antoine
sec et beau remplit caves et tonneaux. », « Après Saint Roch, aiguise ton
soc », la lame de charrue ou d’araire, fête le 16 août. « A la Saint
Sébastien, les jours rallongent d’un pas de chien », fête le 20 janvier.
Saint Grat protégeait les
cultures et le bétail.
Sainte Anne et Sainte
Elisabeth protégeaient de la stérilité. Sainte Anne est la mère de Marie,
dicton : « S’il pleut à la sainte Anne, il pleut un mois une semaine »,
fête le 26 juillet.
Saint Bernard protégeait
les alpinistes, et surtout les pèlerins et voyageurs en Montagne,
traversant les cols où se nichait souvent le Malin. Dicton : « Saint
Bernard fait mûrir les grains en retard », fête le 20 août. Culte alpin,
il s’agit du temps des dernières moissons d’altitude, le plus souvent
faites de seigle, semé en automne, qui résiste mieux au
gel.
Saint Laurent protégeait
les pauvres. Dicton : « A la saint Laurent, on le sait, on voit les
étoiles filer », les étoiles filantes, fête le 10 août.
Dicton : « Sainte
Elisabeth nous montre quel bonhomme l’hiver sera », fête le 19 novembre.
Saint Joseph patron des
charpentiers et des agriculteurs, dicton : « Qui veut bonne melonnière, à
saint Joseph doit la faire », fête le 19 mars.
Saint Michel patron des
chevaliers. Dicton : « A la saint Michel, regarde le ciel, si l’ange se
baigne l’aile, il pleut jusqu’à Noël », fête le 29 septembre.
Saint Jean-Baptiste
protecteur de plusieurs villes : Turin, Gêne et Florence, est surtout le
patron des pénitents Noirs, représenté lors de sa décollation, on lui
coupe la tête, car il était aussi le patron des condamnés à mort. Dicton :
« Avant la saint Jean, pluie bénite, après la saint Jean pluie maudite »,
fête le 24 juin, puisqu’il s’agit de l’époque où mûrissent les blés.
Dicton : « A la sainte
Claire, s’il éclair et tonne, c’est l’annonce d’un bel automne », fête le
12 août.
Saint Jean patron des
libraires, dicton : « A la saint Jean, se renouvelle l’an », fête le 27
décembre.
Saint Luc patron des
peintres mais aussi des médecins, dicton : « A la saint Luc, la pluie du
vallon fait de la neige sur le mont ».
Saint Julien protecteur
des nécessiteux. Dicton : « Saint Julien brise la glace. S’il ne la brise,
c’est qu’il l’ embrasse », fête le 9 janvier.
Saint Martin patron des
chevaliers, des drapiers, des fourreurs et des tailleurs. Dicton : « Bel
été de saint Martin présage un hiver certain », fête le 11 novembre.
Saint Nicolas patron des
enfants. Dicton : « Saint Nicolas fait les bons mariages, guérit de la
fièvre et de la rage », fête le 6 décembre.
Saint Georges patron des
chevaliers. Dicton : « S’il pleut le jour de la saint Georges, pas de
fruits à noyaux, ni guignes, ni bigarreaux », fête le 23 avril.
Dicton : « Saint André
attend la neige ; Si elle ne vient pas, c’est pour Noël ; Si elle ne vient
pas à Noël, ne l’attend plus », fête le 30 novembre.
La Sainte Trinité est la
représentation de trois personnes : le Père le Fils et le Saint-Esprit,
tous formant une seule entité divine.
Saint Lazare ressuscité
par Jésus, protégeant de la lèpre et des épidémies, dicton : « Souvent à
la saint Lazare, le froid gagne ou file vers la montagne », fête le 17
décembre.
Sainte Thérèse est
patronne de l’Espagne. Dicton : « Souvent au 15 octobre le temps s’apaise,
car c’est l’été de la sainte Thérèse ».
Un dicton rappelle que la
Vierge du 15 août arrange ou défait tout.
Conclusion
L’inventaire des édifices religieux de la Vésubie est un
travail long et fastidieux, mais passionnant. Il faut à la fois parcourir
le territoire, s’informer auprès de témoins qui font appel à leur mémoire,
mais souvent compléter les informations ainsi recueillies par un travail
de dépouillement d’archives. Cette dernière étape est la plus longue et
nécessite de faire appel à des spécialistes. Il reste à approfondir ces
recherches historiques dans les fonds d’archives communales. A ce jour,
seuls ceux de Saint-Martin-Vésubie ont été suffisamment dépouillés pour
que l’on imagine en avoir obtenu l’essentiel. La recherche reste à faire
pour les autres communes. Elle permettra vraisemblablement de découvrir
encore quelques édifices oubliés, et plus sûrement encore de préciser
l’histoire propre à chaque monument.
Au travers de ce repérage, nous tentons de retrouver et
de comprendre les sentiments de nos ancêtres, qui n’ont pas hésité à
consacrer une part très importante de leurs richesses à l’édification de
leurs bâtiments de culte, pour abriter leur pratique. C’est une part de
leurs émotions que nous avons voulu exprimer aujourd’hui.
BIBLIOGRAPHIE et Sources
Album de la Vésubie,
n° spécial Nice Historique, 1995.
GILI E. & ISNART C.
« Les édifices religieux à Saint-Martin-Lantosque. Espace historique et
sacré d’un terroir », in Pays Vésubien, n° 1, 2000, pp. 2-48
THEVENON L. La
peinture religieuse dans les Alpes,
Inventaire « Edifices
Religieux », Centre d’Etudes Vésubiennes.