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Conquérir un territoire

 

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Conquérir un territoire
Toponymie


GILI Eric [1] - Conquérir un territoire (XIIIème-XIXème siècles). Histoire de la fondation de la commune de Saint-Martin, vallée de Lantusca.

Introduction

Le territoire est la représentation dans l’espace de la réalité sociale et économique de la communauté. Dès que l’homme a vécu en collectivité, celui-ci a cherché à structurer son territoire [2] puis à l’organiser dans le but de le dominer. Par contagions successives, et quelqu’en soit la forme, juridique et politique, il s’est trouvé un temps où tout l’espace disponible fut occupé, ou revendiqué comme appartenant à un territoire définit. Les groupes humains se sont retrouvés voisins immédiats, jusqu’alors séparés par des « immensités » généralement pacifiques. L’opposition entre ces groupes de voisins s’exprima suivant les cas par de l’agressivité ou par le désir d’un rapprochement, quand les nécessités l’imposaient. Les relations entretenues par ces hommes changèrent quand le territoire, de zone de chasse-cueillette, devint l’objet d’une première forme d’agriculture tournée essentiellement vers les nécessités de la subsistance. Les ensembles humains, suffisamment faibles, l’espace encore vaste, le temps de la lutte pour le sol agricole n’était pas encore venu. Par contre, les zones de pâturages pouvaient déjà faire l’objet d'une opposition violente pour leur appropriation, l'élevage étant une fonction essentielle dans une économie dite « traditionnelle ».

De nombreuses questions sont posées dans l’espace montagnard qui nous intéresse. Nous ne savons quand il fut véritablement occupé, par défaut de résultats archéologiques locaux, aussi, nous nous attachons à retrouver quelques traces de temps bien plus récents par la conjonction d’informations de nature différente : archives, toponymie, légendes, ainsi que les premiers résultats archéologiques issus de campagnes de sondages en cours. Quelques problématiques peuvent être posées autour du thème des types d’habitats anciens, de leurs localisations, et des causes de leur rassemblement en village (l’incastellamento). A partir de ces thèmes, c’est l’ensemble du questionnement sur les rapports ayant existé entre la communauté d’habitants et son ou ses espaces, placés en relation avec les différents pouvoirs englobant, qu’il faudra proposer. Répondant à des réalités temporelles variées (en prenant pour période charnière les alentours de l’An Mil), à des interventions multiples et souvent contradictoires (pouvoirs seigneurial, ecclésiastique, communautaire ou seulement familiaux ou « individuels »), ils ont eu pour résultat la constitution du territoire communal actuel de Saint-Martin-Vésubie.

Du plus lointain que nous puissions la considérer, l’époque Antique ne nous apporte que peu de renseignements sur les zones de haute montagne [3]. Le Moyen Age, et plus précisément l’après An Mil, est le temps où nous apparaissent des communautés bien structurées. Leurs territoires sont désormais en contact. Les tensions peuvent être vives, quand il s’agit de l'espace de « l’autre », du voisin. Ces temps furent ceux de l’identification du groupe à son territoire [4], à sa réalité sociale. La perception de l'espace devient un des critères permettant de confirmer la présence d’une structure humaine ayant conscience d’elle-même.

Les marges sont les lieux de ces affrontements, des marches dans l’acceptation médiévale du terme, tenues théoriquement par l’une ou l’autre. Des troupeaux et leurs bergers y circulent, remues organisées par des règlements. Les torrents et la forêt en limitent les mouvements, mais ne les entravent pas. Cette période est agitée par les multiples soubresauts de la genèse et de l’affirmation de l’Etat médiéval puis Moderne. Les communautés y répondent par des tentatives d’acquisition des moyens de subsistance qui leur sont nécessaires, et principalement en ce qui concerne l’appropriation du sol. Chacune cherche à confirmer ou affirmer ses marges, les limites de son territoire, en s’opposant ou en s'appropriant les biens de sa voisine.

Temps de la conquête, période des incertitudes :

La puissance d’une communauté s’exprime par le nombre et la cohésion de ses membres, mais aussi par le territoire qu’elle domine. Le Moyen Age et le début de l’époque Moderne sont des temps où Saint-Martin Lantosque, comme ses voisines, découvre l’espace auquel elle peut prétendre, et tente de se l'approprier. L’essentiel réside dans les possibilités de production qu’il peut offrir à la population. L’importance de celle-ci est liée à ces potentialités, complétée par la « douceur » des temps de paix. L’image d’une conquête de l’espace au grès des besoins de l’ensemble humain est assez juste, quand il s’agit de la survie des habitants. La subsistance reste le maître mot pour l’ensemble de la période. Pourtant, le seul espace de la haute Vésubie ne suffit pas à procurer l’ensemble des approvisionnements de la communauté. Des relations avec l’extérieur sont nécessaires, obligatoires pour procurer les produits inconnus de l’agriculture locale. Le sel en fait partie, mais aussi l’huile, le vin insuffisamment produit en montagne, et d’autres fournitures essentielles, comme les céramiques courantes, parmi lesquelles se retrouvent une faible production locale de qualité médiocre, et surtout d'importantes importations venant de la Ligurie proche [5] (style Albisole essentiellement). Pour cela, peu d'évolutions entre le XVIème et le XIXème siècle. Seul l’espace se dilate, vers le sud, après avoir conquis les sommets jusqu’à la ligne de partage des eaux, au prix d’une multitude de micro-luttes locales.

A. Du Moyen Age à l’époque Moderne, la prise de possession d’un territoire

Notre région apparaît au XIème siècle dans les quelques archives conservées qui nous soient parvenues. Il n’est pas encore question ni du village, ni de la Communauté telle que nous la représentons à l’époque Moderne, véritable personne morale [6]. Pourtant, celle-ci existe, puisque des dîmes sont prélevées. Elle s’identifie alors à la Paroisse. A partir de l’époque de l’incastellamento, Saint-Martin entre dans la grande histoire. Un consulat médiéval le dirige [7], preuve de la vitalité de ses membres. Il est connu dans la première moitié du XIIIème siècle. Les premiers adversaires qu’elle rencontre sont ses voisins, Venanson, Valdeblore, ou Roquebillière. Ce ne sont sûrement pas les plus puissants, les plus imposantes communautés, mais bien plus certainement les plus tenaces. Pour chacun, il s’agit de conserver sa propre réalité territoriale en face des prétentions des voisins [8]. Quand Saint-Martin s’oppose au souverain, les conflits sont plus violents, plus massifs, mais se règlent plus facilement, par le simple fait de l’éloignement du Comte et de sa volonté de ménager ses terres périphériques, promptes à subir d’autres influences voisines.

Les plus grandes difficultés que la communauté rencontre sont celles qui l’oppose, en tant qu’institution, à ses propres membres. La lutte est plus sournoise, interminable. La loi n’offre aucune assurance au législateur local qui renouvelle inlassablement les interdictions et multiplie des contraintes qui restent globalement inappliquées, malgré les moyens de coercition. Les particuliers empiètent largement sur le « bien public » [9]. Leur pression se fait d’autant plus forte que l’autorité communale s’affaiblit devant le gonflement démographique que l'on décèle dès la fin du Moyen Age [10], et mieux encore au début du XVIème siècle. La lutte pour l’espace, une constante dans la vie de la Communauté [11], peut ainsi être considérée à plusieurs échelles : L’individuelle, la locale, la régionale.

L’espace originel

Plusieurs espaces de peuplement anciens peuvent se deviner à partir de l’espace communal actuel, mais une part essentielle des origines de l’implantation humaine à Saint-Martin se situe vraisemblablement au nord du village actuel. L’étude toponymique nous offrent quelques exemples d’ancienneté [12] dans cette région : Anduebis (avec la vocalisation locale « N », issue sans doute de l’adjonction du « In – aller à » : Nanduebis, qui se retrouve également dans la forme de Nantello ou Nautès), que l’on retrouve dès le XIème siècle sous la forme d’Andobio dans une charte de l’ancienne cathédrale de Nice [13]. Ce dernier terme concernait alors tout le versant, sur lequel avait, sans doute, été érigée une première église paroissiale dont le vocable de Saint Nicolas, semble-t-il tardif, avait remplacé celui de Saint Martin, plus ancien [14]. Sur cet espace étaient payées les dîmes de l’évêque de Nice. Sur cet espace, se sont surimposés d’autres toponymes, plus récents, laissant entr’apercevoir une importante structure médiévale. Y apparaît un Villar [15].

L’étude comparative des structures des territoires des autres communes de la Vésubie fait apparaître des éléments de proximité et de ressemblance dans les topo-types [16]. Le terme de Villar impose l’image d’un habitat plus concentré. Il crée, dans la mémoire locale, la légende de l’implantation du « premier » village. Il semble pourtant que cette vision soit postérieure à la création du village, après l’installation réelle du village tel que nous l’entendons aujourd’hui [17], sur le site de Saint-Martin. Le Villar est accompagné du Chastel (le « château », dénomination pour l'instant incompréhensible que l’archéologie seule pourrait expliciter), sur un mamelon dominant le plateau de Saint-Nicolas, alors qu’il se situe à proximité, mais dans une autre direction de la zone prétendue d’habitations.

Ce terme du Chastel est à mettre en relation avec ces deux espaces (Saint-Nicolas et le Villar), à une époque plus tardive. Contiguë, mais dans la partie méridionale du vallon du Boréon, se retrouve une Condamine [18], dont l’appellation s’est perdue aujourd’hui [19] (principalement quartier du Vernet), et ce, toujours dans la proximité de la chapelle Saint-Nicolas. Le malheur veut que l’on ne puisse dater l’apparition de ces noms de quartiers, faute de documentation. La seule certitude que nous puissions avoir s’appuie sur le document du XIème siècle, qui ne les détaille pas. Cela ne prouve pourtant pas qu’ils n’existaient pas alors. Le terme d’Andobio semble plutôt désigner un groupe humain ainsi que son espace d’exploitation agricole, source de revenus seigneuriaux. Il n’est fait à ce sujet qu’une simple mention dans les archives. L’appropriation individuelle de la propriété foncière, même existante, n’apparaît pas au profit de l’appellation dominante de la « seigneurie ». Il semble que la parcellisation du pouvoir, aux alentours de l’An Mil, ait fini par atteindre les terres et les hommes « de l’Eglise ». Le danger immédiat obligea l’évêque à intervenir pour préserver ses revenus sur cet espace qui se trouve en périphérie de son diocèse [20].

La concentration de termes médiévaux évocateurs nous offre quelques indices d’une présence humaine dans ces lieux au Moyen Age. Il en est d’autres, plus directement rattachés à l’exploitation du territoire, qui enlèvent toute ambiguïté quant à l’action de l’homme dans cette région.

Tout au sud du terroir actuel de Saint-Martin, le quartier de Nantelle, anciennement dénommé Antella par les textes. Cette région offre des résonances antiques [21] que la topographie permet d’imaginer. Si cette thèse est fiable, toute la région en amont de ce quartier jusqu’à la confluence des deux vallons majeurs du Boreon et de Fenestres devait être boisée. Elle ne devait certainement pas faire l’objet d’une exploitation agricole organisée, sinon par des « clairières » anciennement [22] utilisées. Nantelle Supérieur est contiguë à un quartier du nom de Villaron, « le petit Villar ». Laissons pour l’instant l’interprétation de telles conjonctions, les recherches sur le terrain pouvant seules apporter de nouveaux éléments.

Autre exemple, remontant le vallon de la Madone de Fenestres, se découvre le quartier de Gaudissart, « la forêt défrichée », terme éminemment médiéval, à consonance « germanique », offrant l’image de l’expansion des cultures, de la conquête de l’espace céréalicole nécessaire à la communauté, en un temps où les meilleures terres avaient déjà été mises en valeur. Il s’agit d’un toponyme également commun à plusieurs villages de la vallée, comme à Lantosque par exemple. Tout proche, le quartier de la Pomairas, qui forme l’extension de l’espace de Saint-Antoine.

Cet ensemble de preuves toponymiques peut paraître suffisant pour avancer l’hypothèse que le territoire de Saint-Martin fut long à se constituer, par adjonctions et contacts d’espaces humanisés isolés, et le fut à une époque relativement récente, a priori après l’An Mil. Imaginons le scénario suivant : le développement du groupe humain d’Andobio oblige à une lente conquête, une mise en valeur progressive de l’espace disponible, par transgression successive à partir des pentes de Ballaour [23] jusqu’au fond des vallées. Le même phénomène touche les « clairières d’exploitation ». Les défrichements successifs conduirent à unifier toutes ces terres en un vaste espace agricole. Cela, avant même que le village ne se constitue. Contrairement à ce que pensent certains anciens historiens, ce procédé n’a pas résulté de la seule volonté « unificatrice » d’un seigneur si puissant soit-il, mais bien des nécessités économiques et démographiques de l’époque. Je développerai cette théorie plus bas. Ce processus d’unification des terres agricoles était réalisable tant que la communauté de Saint-Martin n’était pas confrontée à ses voisins immédiats [24]. Par ailleurs, nous venons de prouver la présence d’exploitations agricoles pendant les Ier et IIème siècles de notre ère, et sans doute auparavant. Cette découverte conduit à nous interroger sur l’origine de ces « clairières » médiévales. Furent-elles les héritières des exploitations connues à l’époque antique ? A quelles populations correspondaient-elles, et à quels pouvoirs étaient-elles soumises ? L’absence d’indices et de traces entre l’occupation « romaine » et le haut Moyen Age sur notre espace nous interdit, à ce jour, toute réponse.

B. Une communauté dynamique

Cette conquête de l’espace fut l’œuvre d’une communauté d’habitants unis entre eux par des liens de réciprocité, d’entraide, organisés hiérarchiquement et sociologiquement selon des termes qu’il reste à définir à la suite des travaux de A. VENTURINI et de J.-P. BOYER [25] sur les consulats alpins. La bonification des terres de ces vallées demandait de concentrer les efforts de mise en valeur sur plusieurs décennies, sinon plusieurs générations. La pression démographique contraint la population à quitter des fonds de vallées pour aménager les pentes et les plateaux. Ce besoin de conquérir de nouvelles terres obligeait à un effort collectif et sans doute la mise en place d’une politique consciente pour accomplir cette œuvre. Nous ne connaissons pas l’unité politique qui permit d’y parvenir, qu’il s’agisse de la « famille » ou de l’ensemble de la communauté. Ces deux entités peuvent, en partie, se confondre aux alentours de l'An Mil.

Espaces premiers, zones d'affirmation de l'identité

Si l’on admet l’hypothèse de la préexistence de clairières de défrichement isolées [26], tout en accordant au phénomène d’incastellamento la création du village, dans la suite du mouvement connu pour l’ensemble nord méditerranéen occidental, l’habitat regroupé a donné naissance à d’autres besoins spatiaux de mise en valeur de l’espace agricole. Il reste à comprendre quelles forces ont pu agir au point de transformer les anciennes structures d’habitats isolés en un village. Ainsi, cette création a pu être liée à une contrainte seigneuriale comme on l’admettait [27] précédemment. Ou, au contraire, elle a pu répondre au besoin des habitants et des exploitants de se prémunir des prétentions jugées excessives des seigneurs locaux. Il paraît inconcevable, en effet, que le même seigneur capable d’imposer l’abandon des anciens habitats désormais périphériques au profit de l’établissement d’une nouvelle agglomération, ait pu contraindre les exploitants à ré imaginer l’espace. Cette nouvelle organisation leur imposait en effet de nombreux déplacements afin de rejoindre leurs terres. C’est pourquoi cette migration du village ne peut s’expliquer que par un consensus entre les habitants et le seigneur. Celui-ci obtenait encore une part importante de leurs productions au titre de son pouvoir banal. Et malgré cela, nous constatons qu’il a perdu en l’espace d’une génération, dans la première moitié du XIIIème siècle, l’essentiel de ses pouvoirs sur eux. C’est ce que démontre le corpus des parchemins conservés [28]. L’explication du regroupement de l’habitat est donc à chercher ailleurs, en dehors du seul pouvoir du seigneur local.

Les anciennes terres ne perdent pas pour autant leur importance productive, et cela vraisemblablement jusqu’à l’aube des Temps Modernes. Elles sont seulement différemment hiérarchisées selon leur éloignement du centre de l’habitat et leurs capacités productives. C’est à la création d’un centre unique que revient la logique de cette redistribution. L’espace productif répond dès ce moment aux nécessités dictées par une organisation plus rationnelle, dont la genèse, une fois de plus, est à rapprocher d'une nouvelle conscience du développement démographique atteint et constaté à différentes époques. Les temps de fortes eaux sont à relever, l'un au XIIIème siècle, un autre entre la fin du XVème siècle et au XVIème siècle, et un dernier vers la fin du XVIIIème siècle.

Des crises apparaissent quand les communautés voisines entrent en contact, lors des dernières phases de conquête des espaces libres. A l’issue de cette dernière phase, ce sont de véritables guerres locales qui se déroulèrent entre les villages voisins, unis au sein d’une personnalité juridique unique. Une seconde source d’affrontements est liée à la volonté d’hégémonie et d’appropriation de chaque communauté pour l'attribution des terres restées jusqu’alors communes à plusieurs d’entres-elles, reliquat d’un temps où elles dépendaient d’un groupe humain unique.

Saint-Martin s’impose à ses voisins aux marges de leurs territoires. A l’ouest, la sagesse populaire rappelle encore, avec ironie, l’achat de la terre de Salèses à la communauté du Valdeblore, « pour une chèvre, une miche de pain et une pinte de vin ». La symbolique de l’échange est forte, laissant percer, au travers de l’anecdote, un partage « fraternel » plus qu’une transaction financière, à l’origine de l’implantation humaine sur le territoire de Saint-Martin. La limite méridionale de Salèses est formée par le Caire Nicolau, qui semble avoir été la « frontière » septentrionale effective de l'espace d'Andobio. La similitude des vocables, nous ramenant au XIIIème siècle, nous permet d'avancer l'hypothèse [29] de voir dans ce toponyme une limite de territoire. Ces deux communautés, au temps de l’affirmation des consulats alpins, s’opposèrent pour une terre appelée Mitenc, mitoyenne, sur laquelle chacune bénéficiait d’usages [30]. Déjà au XIIIème siècle, un arbitrage [31] fut nécessaire pour définir la part de chacune d’entres-elles et délimiter les territoires contestés [32]. L'action se déroule en 1287, sur la terre de Saint-Martin, devant « l'église » de Saint-Nicolas [33], sous l'égide d’arbitres nommés par les deux communautés, et en présence de témoins ecclésiastiques (dont un frater Hospitalier, et le praesbiter de la Très Sainte Vierge de Fenestres) [34]. Dans l’espace ainsi identifié, les habitants des deux lieux « auront faculté de faire du bois, conduire leur bétail en pâture, défricher ». Une ligne officielle de démarcation entre les deux communautés est décrite. La ligne de séparation des eaux en forme l’essentiel. Mais régulièrement les conflits entre les deux villages resurgirent. En 1325, c'est au représentant du comte, le Juge du Val, de prononcer une sentence attribuant, à la communauté de Saint-Martin, les pâturages, bois et terres qui seraient mises en culture à Las Archas, soit dans la proximité immédiate de ce que nous appelons aujourd'hui la Terra Mitenc [35], et qui pouvait alors être  bien plus étendue qu’aujourd’hui. Dans cette affaire, ce sont alors les hommes du castrum de Saint-Martin qui portent l’affaire devant le Juge, après que ceux du castrum voisin de Saint-Dalmas aient « usurpé [36] » les terrains Debalasor (aujourd’hui les Balaour) et ceux de Dalbassinas (identifiés généralement comme le vallon jusqu’au Col de Salèses, soit essentiellement l’Archas). Ces terrains, périphériques pour les deux communautés, n’en sont pas moins âprement disputés pour leur possession. Le bon droit de Saint-Martin finit par l’emporter, après que le Juge ait diligenté une enquête pour constater les dégradations causées par les hommes de Saint-Dalmas au préjudice de ceux de Saint-Martin. L’affrontement a vraisemblablement été d’une extrême violence [37], faisant suite à ceux du XIIIème siècle [38], ce qui explique l’intervention finale du Juge. A la fin du XVème siècle, ces mêmes territoires sont encore disputés entre les communautés de Saint-Martin et de Valdeblore (Saint-Dalmas et La Bolline), donnant lieu à un long procès que gagne le premier village [39]. L’affrontement, porté sur le terrain judiciaire, à l’issue d’une longue période de tensions, n’en a pas moins été violent.

La période Moderne laisse encore transparaître le problème de la Terra Mitenc, lui donnant une valeur permanente. C’est avec le Premier Empire français qu’il atteint une acuité rappelant les luttes anciennes d’appropriation. Les nécessités de l’administration impériale, tatillonne, lui redonnent une actualité, qui nous permet d’en mesurer l’importance. Valdeblore profite de l’occasion qui lui est offerte pour réclamer un véritable partage de cet espace commun, sur lequel Saint-Martin tient toujours des droits d’usages importants. Cet « archaïsme » est encore fortement marqué dans la mémoire et la pratique des Saint-Martinois, qui refusent alors de se départir de leurs prérogatives.

Le procès verbal de délimitation de la Commune de Saint-Martin, est produit en 1807 par l’administration impériale dans le but d’y établir le découpage des sections cadastrales du premier plan [40], la Terra Metenque s’y voit attribuer la lettre E. Ce document est exhumé et sert encore de preuve en 1869 [41], quand le litige entre les deux communautés renaît à la suite des même nécessités d’un partage cadastral non résolu. Rappelé par les premières décisions de l’administration française, cet échec perpétuel met en évidence une particularité de l’histoire de ce « non partage » : l’indivision des terres.

C’est après de nombreuses tractations, et le déplacement sur les lieux des représentants des deux communautés, sous l’autorité des agents de l’administration, qu’est finalement obtenue une conciliation assez particulière [42], conservant la ligne de séparation des deux territoires à flanc de montagne. C’est un chemin « largement utilisé » qui en matérialise l’emplacement. Cette limite anthropique et « permanente » permet l’accès au site, mais conserve le questionnement de son origine. Comment ne pas y voir là une décision arbitraire, en totalité ou en partie, de la « paix » de 1287, remise en cause au XIVème siècle.

En dernier lieu, une dernière péripétie eut lieu lors de l’établissement du premier cadastre français de Saint-Martin, en 1876. La procédure imposa un partage « officiel » de la Terre Mitenca à partir du chemin de desserte du quartier [43]. L’année précédente, c’est la Commune de Valdeblore qui réclamait à l’autorité préfectorale un partage de cet espace. Les administrateurs fiscaux n’avaient pas pu résoudre le problème lors de la constitution du cadastre, et ce, malgré leur volonté et leur rigueur. La demande est violemment dénoncée par les habitants de Saint-Martin. La Municipalité s’en fait l’écho dans ses délibérations [44], précisant que « les deux communautés profitent dans une proportion égale des produits » de cette terre, le partage « léserait des intérêts réciproques », et qu’elle entend conserver ses « servitudes » sur le lieu, en acceptant celles du Valdeblore. Cette dernière n’en attend pas moins pour assigner Saint-Martin devant le Tribunal de Première Instance de Nice…

Retrouvons quelques instant le grand personnage que fut Lazare RAIBERTI, considéré à juste titre comme l’historien du village. Un ouvrage qu’il publia en 1891 [45] fait référence explicitement à ce litige, et tente d’y apporter une solution, en proposant un « partage raisonnable ». Pour cela, notre érudit fait appel à l’antériorité d’un jugement prononcé en 117 av. J.-C. par des arbitres romains [46], pour le compte de communautés proches de la Ligurie. Cet exempla est l’occasion de retrouver les terres « de promiscuité », que nous appellerions mitoyennes que sont la Terre de Cour (à Belvédère, avec droits d’usages de Saint-Martin, Roquebillière et Lantosque), dont nous reparlerons, et la Terre Mitenc. Sa définition est intéressante par l’état d’esprit qu’elle véhicule. Lazare débute sa présentation par l’évocation du litige : « … pour la partie supérieure du versant de Font-Saint-Martin, mais comme les limites des biens propres de Saint-Martin et le droit de nue propriété du sol sur lequel s’exerce le pâturage en commun, ont été fixés au profit de Saint-Martin par un acte d’arbitrage de 1287… il sera facile de venir à un arrangement amiable… ». Et de continuer : « … [par] la consuétude [coutume] mit des règles à cet usage … quoique tracées par des peuplades primitives, feraient honneur à un législateur », arguant de l’intérêt de ce règlement et de la finesse de son établissement, au profit de la conservation du lieu et des revenus pouvant en être tirés. L’affaire n’est pourtant pas réglée.

Une nouvelle délibération du Conseil Municipal de Saint-Martin, trente ans plus tard (12 novembre 1904) nous apprend que l’affaire n’a pas abouti au bénéfice du Valdeblore. La Terra Mitenq est toujours indivise entre les deux communautés. Valdeblore continue néanmoins à en réclamer le partage, prenant prétexte d’une coupe dans ses bois mitoyens et propres, et dénonçant ce qu’elle affirme être un abandon de propriété causant ainsi de forts préjudices aux terrains de montagne. C’est l’époque où se développe la politique de conservation de ces mêmes terrains, par la pratique du reboisement intensif. Saint-Martin, attentif et non dupe, relève les incohérences de la demande en faisant remarquer que l’exploitation de ces forêts paraît plutôt illusoire, étant donné la qualité des bois considérés et les ravines présentes dans le lieu. Elle rappelle les échecs procéduriers précédents en précisant « qu’il n’est nullement utile… de réveiller les anciennes querelles ».

Repérage des espaces de conquête (d'après le Plan cadastral de 1876)

A ce jour, il existe toujours une terre indivis dans la région de Nanduébis (Section E feuille 5 parcelle n° 369), repoussée vers les sommets à la suite des appropriations et nominations historiques successives, sur les limites des deux communes. Remarquons que la ligne de démarcation orientale entre Saint-Martin et Valdeblore passe toujours à flanc de montagne, sur des pentes en adret, traversant le lieu-dit Salette, où deux bâtiments (en amont) se trouvent sur la commune de cette dernière, et deux autres (en aval) sur la première. Cette limitation, tout artificielle, nous aide à identifier une partie du territoire de ce que fut Nanduébis, de part et d’autre du chemin, sans pour autant nous en donner la dimension territoriale réelle. La ligne de partage des eaux en amont, le torrent du Boréon en aval, sont vraisemblablement d’anciennes limites. Il semble que ce nouvel espace se superpose à d’autres réalités plus anciennes (antérieures à l’An Mil), qui correspondent à un territoire vécu, approprié et identifié. Un espace tellement vivace qu’il agitait encore les réflexes mémoriels au début du XXème siècle, soit au moins 800 ans après la disparition d’une occupation oubliée, et que les autorités elles-mêmes, tant locales que nationales, ne purent résoudre ce problème territorial.

Tous les sites d’habitat de cette époque ont disparu, hormis les deux espaces privilégiés de Saint-Nicolas et sans doute du village actuel. Il subsiste sur chacun d’eux un édifice religieux de première importance, les églises Saint-Nicolas et Saint-Martin. Elles sont attestées conjointement du XIIIème au milieu du XIVème siècle. La mémoire en a été conservée, sous forme partielle et aujourd’hui incompréhensible pour la plupart. Dans un deuxième temps, des affrontements colossaux ont opposé les communautés naissantes pour la possession ou seulement la simple conservation de ces lieux, pourvus à l’évidence d’une forte charge émotionnelle et symbolique. Les usages de ces lieux ont été maintenus. Ils ont été transcrits dès le XIIIème siècle dans les statuts du Val de Lantosque, vivaces jusqu’à nos jours, sous une forme qui a évolué à la suite des nécessités du droit moderne et des nouvelles définitions de la propriété.

Depuis les temps les plus anciens perceptibles, nous en sommes arrivés à celui du village constitué. Désormais, la vision se fait plus précise, même si les problèmes posés par les rapports pouvoir-communauté-espace s’en trouvent plus intenses. Ce sont donc des structures constituées, puissantes, jouant à la fois de l’extension territoriale et de la conservation de sa cohésion interne, qui s’affrontent en un combat où de l’élément spatial dépend la continuité même du dynamisme reconnu. Ce sont de véritables « combats de géants » qui les opposent, des siècles durant.

Des voisins victimes : Venanson et Roquebillière

Autre affrontement, autre conquête, cette fois sur Venanson, au détriment de laquelle Saint-Martin obtint la terre de Deloutra (littéralement « de l’autre », sous-entendu « côté »). Elle est accessible depuis le village en enjambant le vallon du Borreon sur le pont de la Faciaria (de la « fâcherie » [47]). Venanson se doit de participer à toutes manutentions, à tous travaux de restauration à hauteur de 1/7ème du coût du dit pont, le restant étant couvert par Saint-Martin. Cette répartition des charges fut source de multiples conflits et procès. Dès la fin du Moyen Age, les deux communes s'affrontaient pour la possession de terres limitrophes [48]. Saint-Martin traînait même en justice la communauté voisine, afin d'obtenir la restitution d'un bien semble-t-il anodin, un passage à proximité d'un pré au même quartier de la Fachiario [49]. Cette vente était jugée illégale. L'affaire se concluait par un arbitrage, prononcé par le Précepteur de la Madone, personnage hautement prestigieux du pouvoir local. C'est encore au milieu du XVème siècle que les terres de la Condamine [50] sont mitoyennes aux deux territoires de Saint-Martin et de Venanson. De nombreux cens y sont payés, et notamment, ceux versé par l’un des membres de la familia DOBIS pour un champ qu'il tient sur ce lieu [51]. Les communautés ont, depuis longtemps, récupéré les biens anciennement seigneuriaux ou publics, tels ceux des Condamines. Ils les tiennent en toute propriété, et les louent au mieux de leurs intérêts. Elles ont pu également faire l’objet d’appropriation de la part de certains particuliers aux pouvoirs politiques et économiques plus importants. C’est sans doute le cas pour ce quartier, qui appartient en grande partie à la famille des RAIBERTI.

Le lien entre les deux villages se démontre une nouvelle fois en 1513. Un habitant de Venanson, Jean PLACENTI, cède une aumône sur les revenus d'un champ qu'il possède toujours dans ce même quartier, que revendique Venanson. Il cède ce champ pour entretenir l’ellemosine [l’aumône] du Luminaire de Saint-Martin [52]. Sans doute s'agit-il d'une partie plus méridionale du quartier, que Venanson semble posséder en propre, alors que le nord appartient définitivement à Saint-Martin. C'est bien au cours du XVIème siècle que l'affrontement se fait le plus aigu. Une série de procès, attentés entre 1531 et 1637, le démontre [53]. Ces multiples conflits se règlent définitivement vers le milieu du XVIIème siècle, et Saint-Martin étend son territoire jusqu'au vallon des Champons, isolant définitivement les bonnes terres de la Condamine de l'ancien castrum de Venanson.

Le dynamisme de la communauté saint-martinoise en fait un prédateur redoutable pour ses voisines. Qualité imputée partiellement à sa prospérité économique et au « choix » du site de son installation. Ainsi Saint-Martin joue-t-elle le rôle de centre commercial et d'entrepôt général des biens du commerce transalpin en transit, ainsi que celui de médiateur dans les liens sociaux que peuvent entretenir ses élites avec les principales cités du Comté. Une dernière mention de cette opposition ancienne entre nos deux villages est faite, du 14 au 26 décembre 1875 [54], lors de l’établissement du nouveau cadastre. La Commune de Venanson vient de délibérer contre celle de Saint-Martin, « se plaignant… [qu’elle] se serait arrogée la possession exclusive de la Terre Commune du Conquet », et désire faire corriger cette erreur « à l’amiable ». Saint-Martin y répond vivement par une autre délibération, trouvant la prétention de Venanson « erronée, attendu que la terre du Conquet a toujours été, ab-immemorial, propriété exclusive de cette commune [de Saint-Martin], et que pour le prouver, sans remonter à des actes séculaires, il n’y a besoin que de prendre connaissance du procès-verbal de délimitation du 3 août 1807, qui fut fait par le géomètre en chef du cadastre, avec l’intervention et assistance des représentants des deux communes, et qui l’ont signé, et que la dite délimitation ne fut basée que sur celles faites dans les siècles précédents, ainsi que celle renouvelée sous la date du 2 octobre 1866 par M. GRANIER père, géomètre en chef du cadastre avec aussi l’existence et intervention des représentants délégués des deux même communes, qui ont aussi signé le procès-verbal. ». Citer le texte in extenso permet de comprendre que Saint-Martin oppose à Venanson une fin de non-recevoir à toutes prétentions territoriales. Cela nous permet encore de percevoir la fragilité de la notion de limites communales, prêtes à voler en éclat à chaque vérification de l’autorité centrale, alors que, sur le terrain, la seule puissance dominante conserve ses bornes. Dans ce cas précis, Saint-Martin. Le point de tension entre communes s’effectue toujours sur ces terres particulières que sont les espaces communaux. Avec le temps, l’ancienneté des affrontements et les différents jugements prononcés n’effacent pas le souvenir de ces conflits. Seule la connaissance du terrain et de ses marqueurs peut y remédier. C’est encore un argument relevé « pour ce qui concerne la séparation de la terre du Conquet de celle de la commune de Venanson au quartier Ciampons sur une grosse pierre qui se trouve au pied d’un mur en pierres sèches au-dessus du chemin vicinal entre Saint-Martin et Venanson, on trouve gravées les lettres initiales des deux communes, un guidon, et le n° 12 au côté même d’une ancienne croix qui ab-immemorial a toujours servi de délimitation ». Suit le descriptif de la limite, coupant « droit » vers le sommet. Cette caractéristique renforce l’analyse qui démontre que cette séparation est encore plus « artificielle » que les autres, car elle ne suit aucune fracture naturelle du terrain. La résurgence tardive de ces anciennes querelles n’en est que plus significative, et fait ressortir le ressentiment toujours présent dans les mémoires. Ce sont des souvenirs d’un temps où les communautés connaissaient d’autres réalités spatiales et devaient répondre aux besoins de survie des habitants. Une simple mention rappellera qu’en cette fin de XIXème siècle, les populations de nos villages n’ont jamais été aussi nombreuses. Ce qui peut expliquer la réapparition du problème territorial.

Un espace resté peu exploité est celui du vallon de Fenestres. L’étroitesse de la basse vallée, immédiatement en amont du village, et les hautes altitudes rapidement gagnées à partir de versants abrupts, expliquent en partie cette désaffection marquée. Seuls quelques toponymes, déjà cités, y sont représentatifs. Le Gaudissart, que l’on identifie comme une nouvelle « clairière » de défrichement, et le Pomairas, possèdent la caractéristique de transgresser le lit du torrent, sur chacun des versants. Le sens de cette progression semble débuter sur la rive droite pour gagner la rive gauche. La présence de la chapelle Saint-Antoine, à laquelle se rattachent quelques récits merveilleux [55], peut être l’explication de cette extension spatiale. Mais les détails nous échappent encore [56]. Ces territoires, peu ensoleillés car orientés à l’ouest (l’hiver, les sommets empêchent une partie de l’éclairement), ne sont pas propices à une exploitation continue, et ne semblent être que des terrains d’appoint. Le vallon est réduit à des utilisations ponctuelles et périphériques, soulignées par le nom évocateur du quartier de la Peghiero [57]. Plus haut encore, s’étendent les forêts et les alpages de l’une des bandites du village : le Dévens (ou Défens), avec une organisation spécifique qui répond aux nécessités de l’élevage bovin. L’explication du nom laisse encore une fois penser à un mode d’exploitation lié à la céréaliculture, où les champs étaient interdits aux bestiaux pendant une période de l’année. C’est effectivement sur l’une de ses limites méridionales que nous estimons l’espace défendable au XVIème siècle. Plus haut encore, nous arrivons, à près de 2 000 mètres d’altitude, au Sanctuaire de la Madone de Fenestres, véritable « fin des terres » de notre région.

Enfin, Saint-Martin part progressivement à la conquête du sud de son territoire : le quartier de Nantello, qui appartient encore, à la fin du XVème siècle, aux terres mises en commende de la Madone de Fenestres [58]. Elles sont l’objet d'une appropriation individuelle massive de la part des grandes familles locales. Les vastes terres, sur des versants très doux et de vastes surfaces alluviales les attirent, sans doute depuis fort longtemps. L'importance de l'appropriation de la Madone n'est plus à démontrer. L'intervention incessante des Commendeurs du Sanctuaire dans les litiges de territoire montre qu’ils avaient un rôle naturel de conciliateurs, d'arbitres, dont l’autorité était reconnue par tous. Attribué à un chanoine de la cathédrale de Nice au XIVème siècle, le Sanctuaire possédait d'important biens, pâturages d'alpage et terres labourables dans sa partie méridionale, rive gauche du vallon de Fenestres et de la Vésubie.

L'implantation de la chapelle Saint-Bernard est un acte symbolique de l'appropriation familiale de cet espace à titre privatif. Elle est réclamée par une grande partie des hommes de Saint-Martin, par l'intermédiaire et en la personne de la Communauté, devenue le véritable interlocuteur des autorités traditionnelles. L'érection est acceptée par l'évêque de Nice, Barthélemy CHUET [59] (+ 12 juillet 1501), connu entre autres, pour ses grandes réalisations dans la cathédrale de Nice (la fondation de la chapelle latérale dédiée à saint Barthélemy, qu'il offrit plus tard au duc), et par les dédicaces qu'il formula pour les églises conventuelles des Franciscains et Dominicains de Nice [60]. Ce prélat, grand bâtisseur, acceptait et légitimait implicitement un état de fait : l'intrusion de la propriété privée dans un espace jusqu'alors tenu de moins en moins fermement en seigneurie par la commende de Fenestres. L'acte précise d'ailleurs que la chapelle « sera érigée … à Antella o Quessa di Fenestres » sur la limite des biens du Sanctuaire. Le quartier lui échappait définitivement au profit des propriétaires du village. Le vocable de Saint-Bernard se surimposait très partiellement au quartier Nantello, pour lequel nous pensons qu’il y a pu avoir une occupation agricole antique. Dans cette partie du territoire, d’autres toponymes, entrelacés, nous renvoient l’image d’un site dynamique, mouvant. Il est encore difficile aux habitants du lieu d’identifier les pourtours de ces quartiers lors du descriptif du cadastre de la fin du XIXème siècle. Nous y voyons une ré appropriation par les habitants du lieu des terres cédées au pouvoir ecclésiastique à la suite du mouvement réformateur du deuxième tiers du XIème siècle. C’est donc avec beaucoup de retard (deux siècles) que ce transfert, connu aussi sur les autres terroirs de la commune, s’effectua dans cette région. Il résulte de la pression démographique et de l’adaptation des habitants aux nouvelles normes juridiques. Il semble même qu’il s’agisse ici d’une phase d’appropriation ultime de l’un des espaces fondateurs de ce qui devint Saint-Martin. Ce que nous appellerons « la Madone », à l’époque Moderne, n’appartenait vraisemblablement pas au sanctuaire considéré comme une personne morale. Cependant, il s’agit vraisemblablement d’un autre espace non-identifiable (que nous appelons par commodité Fenestres), dont le dernier avatar se retrouve au-delà de l’espace de la Pierre du Villar (Peïra de Villar). Ce n’est donc pas un acte gratuit, une opération de foi, ni une simple péripétie que d’élever une chapelle dans ce quartier. Une érection d’ailleurs validée par l’autorité épiscopale elle-même. Elle met en évidence la dichotomie spatiale de ce quartier d’avec le sanctuaire, qui est alors placé sous l’autorité du curé de Saint-Martin. L’acte est en lui-même une explication et une justification de l’érection d’une chapelle aussi loin du village. Rien, pas même la structure d’habitat du quartier, ne peut le justifier, puisque aucun hameau n’y est décelable. Ce n’est qu’après l’installation de la chapelle, que quelques édifices y sont construits à proximité. Cette élévation est un acte éminemment politique, et permet de déceler le moment de la disparition définitive des territoires anciens antérieurs au temps des castrum. La construction de la chapelle peut alors être considérée comme un « point final » à l’appropriation de cet espace, que l’autorité ecclésiastique elle-même, suprême signe, reconnaît définitivement.

Plus au sud, c'est contre la communauté voisine de Roquebillière que Saint-Martin tentait de s'étendre. Le quartier de la Pinea est l'objet de convoitises, car il offre d'importantes surfaces de pâturages et de forêts. Un problème d’identification se pose pour ce quartier, qui peut aussi bien être celui de la Pinio actuelle ou de la Pineta. Topographiquement, ces deux lieux-dits sont fort différents. Le nom du premier, en fond de vallée bordant la Vésubie découle de sa situation (la « grande gravière » [61]). Le second est situé sur le versant de la rive gauche de la Vésubie, à une altitude plus conséquente, aux alentours des 1 500 m (contre 800 m). Il semblerait que seul le premier quartier soit concerné par cette appropriation. La Pinio n'étant alors pas identifiée de l'espace d'Antello. Ici, le phénomène d’appropriation est connu et décrit par J.-P. BOYER [62]. Il revêt une autre symbolique, et éclaire sans doute nombre d’autres actes « d’acquisition » qui nous échappent par le silence des sources. Ils soulignent la violence des relations de proximité. Nous pouvons le résumer comme suit : à la Pinea paissaient les troupeaux bovins de Roquebillière, ce qui en fait un espace de pâturages communaux. Survinrent, en troupe armée, les hommes de Saint-Martin, qui tuèrent les vachers. L’échauffourée ne semble pas avoir été très longue, mais les résultats terribles. Certains purent sans doute s’échapper, et il est nécessaire qu’ils le firent, pour rendre compte de l’événement. Puis ce fut au tour des animaux d’être victimes de l’agression. Quelques-uns furent tués. Assurons qu’ils furent peu nombreux, afin de conserver l’essentiel du butin. Il y a dans ces actes une mise à mort véritable mais bien plus encore symbolique, un véritable « sacrifice », avec appropriation du bien d’autrui. Les animaux sacrifiés sont d’ailleurs consommés sur place, ancrant définitivement la prise de possession dans l’espace. Ce cannibalisme détourné et symbolique nous replonge dans des temps où l’acte ne pouvait être gratuit. L’appropriation est pleine et entière, si l’on imagine que seul peut être détruit ce que l’on possède. C’est le cas d’une partie du troupeau. H. BRESC reprend l’épisode et le développe en soulignant le caractère symbolique de ce repas communautaire. Car il ne s’agit pas là d’un acte de brigandage, mais bel et bien d’une action politique, visant à marquer la prise de possession brutale et à l’imprimer dans les mémoires [63]. L’affaire trouve son dénouement officiel dans l’acte de transaction conclu entre Saint-Martin et Roquebillière en janvier 1486 [64], après de longues années de procédures. Cet antagonisme latent,  encore présent aujourd’hui entre les villages dans la mémoire locale, y trouve une de ses origines dans cet événement. Il est à parier que l’acte judiciaire vienne en conclusion de longues années de luttes, sans doute « militaires » puis politiques entre les deux communautés, quand celles-ci échappent aux seuls habitants du lieu pour devenir l’enjeu d’une régulation du pouvoir régalien.

Nous pouvons relever un parallèle avec la fondation de la chapelle Saint-Bernard, sur le versant surplombant la Pinio. Fait qui laisse également entendre que la légitimité de Roquebillière sur ce territoire ne devait pas être fortement ancrée, et en tous cas sujet à controverses. En conclusion, la limite communale de Saint-Martin s’en trouvait fixée pour ses marges méridionales… temporairement. En effet, une dernière « conquête » devait avoir lieu à la fin du XIXème siècle, quand fut attribué à Saint-Martin l’espace de La Musella, un territoire enclavé de Belvédère. Cette opération cadastrale se fit une nouvelle fois au détriment de Roquebillière.

En dehors de cet épisode fameux, aucune autre information ne nous est parvenue. Le territoire en question est encore entre les mains des gens de Saint-Martin, ce qui fait penser que, s’il y eut tentatives de récupération, celles-ci sont restées vaines. Même l’autorité judiciaire n’a pu infléchir l’état de fait obtenu à la suite de l’événement, force étant restée au terrain.

Cet espace de La Musello,  encore très peu anthropisé, à pu rester longtemps un espace « mouvant ». Son appartenance est restée longtemps incertaine, après la disparition d’une occupation antérieure. C’est au travers de ce prisme qu’il faut enfin considérer le territoire de La Musello, jouxtant dans sa partie méridionale le quartier des Châtaigniers. Espace le plus méridional de la Commune de Saint-Martin-Vésubie, ce quartier est aussi le dernier acquis. Le caractère récent de cette confirmation explique qu’il s’agit d’un mode totalement original d’attribution : le règlement administratif.

C’est à la suite des enquêtes qui précédent la constitution du cadastre « Napoléonien » qu’apparaît le litige [65]. Le 18 février 1867, le rapport du Délimiteur du Cadastre fait état, aux vues de la « délimitation des communes de Saint-Martin-Lantosque et de Roquebillière, dressée en septembre 1866, que la position topographique de l'enclave dont la contenance approximative est de 16 ha., généralement en nature de châtaigniers, ne comprend aucune agglomération de propriétés bâties ». De fait, il n’existe dans ce quartier que quelques granges éparses, nécessaires, étant donné l’éloignement sur des terres très peu utilisées pour la céréaliculture. Car La Musello appartient « officiellement » à Belvédère, qui la revendique, bien que son territoire communal soit séparé de cette enclave par la continuité de la commune de Roquebillière, et tout particulièrement par le quartier de Berthemont [66]. Le Délimiteur du cadastre précise que « le règlement général du Cadastre du 10 octobre 1821, art. 8 » ne permet pas à un « terrain enclavé […] d’être administré par la commune d'origine, et qu'il devra être réuni à l'une des communes limitrophes ». Cette prescription fait l’intérêt du document.

Se déroule alors une enquête sur l’opportunité de céder ce terrain à l’une ou l’autre des communes le bordant : Roquebillière ou Saint-Martin. Le Géomètre en chef du Cadastre considère « que les propriétés particulières situées dans cette enclave appartiennent à divers habitants de la Commune de Saint-Martin Lantosque ». Ce que confirment les archives communales de Belvédère, en apportant la précision d’une ancienneté de l’occupation [67]. Saint-Martin s’empresse alors de reconnaître cette « réunion sans pourtant accepter aucune condition onéreuse que la commune de Belvédère pourrait faire ».

A la fin du mois de septembre de la même année, c’est au tour de Roquebillière d’élever une protestation, faisant appel à des sources propres. Le texte mérite d’être retenu : « Pour plusieurs raisons ce terrain doit être annexé à ... Roccabillère ... La tradition locale nous dit que dans les temps immémorial les quartiers de Bertemont, Cougu et Beolè appartenaient à Belvédère, ainsi que celui de la Musela ... lequel se trouve précisément au nord des précédents, un échange de terrain a eu lieu entre ladite commune de Belvédère et celle de Roccabillère, et en vertu de cet échange la commune de Roccabillère est devenue propriétaire desdits quartiers Bertemont, Cougu, Beolè et Musela, mais pour quelques ambiguïtés d'expression dans ledit échange ... Belvédère a refusé à Roccabillère la possession dudit terrain Musela, et ce est la raison pourquoi ce terrain est resté enclavé entre Roccabillère et Saint-Martin. Ne serait-il pas juste qu'il retournât à Roccabillère ... Sa position est beaucoup plus proche de Roccabillère que de Saint-Martin Lantosque ... Saint-Martin possède des vastes possessions de terrains cultivés, de vastes forêts et de vastes pâturages, quand ... Roccabillère malgré sa position topographique et le nombre de sa population est la plus restreinte de la vallée et manque de forêt et de pâture. Raison, justice et équité demandent à ce que ce terrain Musela vienne annexé à la Commune de Roccabillère... »

On comprend, par ces récriminations, qu’il s’agissait d’une question « vitale », dans cet espace exiguë. Cette lutte, pour un terrain de 16 ha., était d’autant plus âpre qu’elle avait lieu à une époque de forte croissance démographique. Pourtant, l’essentiel des « échanges » de terrain dans cette région nous échappera toujours. Il semble bien pourtant que La Musello, dernière réserve foncière de nos villages, pouvait être considérée comme un espace mouvant.

En mars 1868, les propriétaires de terrains dans cette fameuse enclave sont convoqués à la Mairie de Saint-Martin Lantosque « à effet de prendre leur avis au sujet de la réunion de la dite enclave en cette commune plutôt qu'à celle de Roquebillière ... à faire connaître sa quotte part de propriété. ». Cette dernière indication nous fait entendre que la décision est déjà connue. Comment pourrait-il en être autrement, quand tous sont « citoyens » de Saint-Martin ? Sur les 31 propriétaires, 24 se prononcent pour les propositions du géomètre. De plus, le Directeur des Contributions Directes affirme « qu’aucun droit d’usage au profit des communes environnantes ne paraît grever cette enclave ». Il s’agit là d’un argument décisif et définitif. L’appropriation totale du quartier par les gens de Saint-Martin (il n’y a pas de terre communale) ne permet même pas à Belvédère d’obtenir un quelconque dédommagement. Même l’argument de la distance séparant la Musello des deux villages concurrents, avancé par Roquebillière, est battu en brèche par une mesure commune. C’est finalement le 10 décembre 1868, par décret impérial, que « Napoléon III distrait de la commune de Belvédère, canton de Saint-Martin Lantosque, le territoire enclavé dit de la Moselle, et le réunit à la commune de Saint-Martin Lantosque, dispositions qui auront lieu sans préjudice des droits d'usage ou autres respectivement acquis ».

C’est donc avec une mémoire forte et certaine de cette dynamique territoriale que réagirent les habitants de Saint-Martin. L’événement révèle la Communauté, personne morale du village (nous pourrions encore effectivement utiliser le terme médiéval d’Universitas), qui dicte encore des réactions en corps, formes archaïques du pouvoir. Et cela, malgré des pratiques déjà évoluées de la chose publique, qui démontrent une importante évolution des structures de contrôle, sous l’impulsion de l’Etat Moderne.

Un troisième niveau de lecture : l’appropriation familiale et individuelle

Par cet exemple se trouve exprimée l’imbrication forte des notions de territoire et de pouvoir. Ainsi s’achève la lente conquête d’un territoire alpin, qui marque la permanence d’un développement spatial et d’une emprise particulière des habitants sur les terrains qui leurs sont économiquement nécessaires. Il convient sans doute de relier ces événements à la forte augmentation du nombre des hommes, dans un espace qui n’est pas extensible à volonté. Cette démonstration a permis de constater une permanence, une volonté commune, qui, suivant les âges, s’exprime directement par la Communauté, entité morale, ou par les atomes la composant : les ménages. Car au travers du mouvement souligné, il s’agit d’une affirmation « politique », dictée par les besoins de la survie du groupe, et ce, à différentes échelles. Après la phase initiale, vint celle de l’affrontement entre les superstructures : les villages nouvellement créés. Suit une période plus longue et plus insidieuse. Ce furent alors les particuliers qui s’approprièrent les terrains périphériques. Ceux-ci formaient une seconde couronne spatiale autour du « centre » constitué par le village et les terres d’exploitation courante. Cette représentation mythique de l’espace dont les habitants se croient détenteurs, se concrétise par le déploiement et de l’extension des exploitations agricoles au-delà même des zones généralement réservées à l’agriculture. Les territoires communaux sont mités par ces éléments disparates tels que les prés, les champs et les pâturages souvent complantés d’arbres fruitiers. L’Administration du Second Empire puis de la IIIème République, ne fit qu’entériner des états de faits préexistants. L’appropriation, qu’elle soit commune ou particulière, offre de nouveaux espaces qui entrent rapidement dans la réalité vécue des unités de production. Elles sont par la suite transmises selon les modes habituels qui les valident. Il n’est qu’à considérer les strates toponymiques qui s’y succèdent, comme nous l’avons fait pour certains quartiers.

A certains moments de crises, il subsiste encore quelques traces de ces tentatives d’appropriation. Des petits plateaux isolés se retrouvent encore sur le vieux plan cadastral de 1876, utilisés comme terre à seigle, autour d’un arberc ou d’un simple courtil… Le grignotage de l’espace s’effectue également, à partir des terres privées, vers le Communal mitoyen. En périphérie immédiate de l’espace privatif, cette appropriation n’apparaît pas avec autant d’évidence. Alors qu’isolée, elle est facilement repérable, telle une verrue implantée à l’intérieur de grandes parcelles communales. Ces évolutions spatiales, au détriment des terres communes, constituent une dernière trace des « respirations » d’un territoire vécu.

Ces appropriations que nous venons de présenter sous leur forme collective ont toutes pour nature l’affrontement de communautés constituées. Elles n’ont pourtant pas été les seules, et le début de l’époque Moderne nous donne encore quelques exemples de ces « respirations territoriales ». Il ne s’agit plus cette fois d’opposer les villages et leurs populations entre elles, mais plutôt d’une confrontation mettant aux prises les habitants de Saint-Martin avec des structures différentes. Il s’agit d’une véritable vitalité interne, qui résulte à la fois d’un projet de détail, celui de l’agrandissement de la propriété, et d’une « privatisation » de l’espace par les membres les plus dynamiques de la Communauté. Bien qu’entachés par leur nature fiscale, les cadastres de l’époque Moderne en transmettent encore les reflets. Ce qui rend confuse et dissociée la réalité de la propriété et de l’exploitation rurale.

Pour user de la dernière échelle proposée par notre problématique, celle du particulier, familial ou individuel, un exemple clôturera cet exposé et permettra de souligner le lien qui existe entre les modes d’appropriation, collective ou privée. Il s’agit de deux zones différentes, qui rappellent encore des moments de conquête de l’espace, de mise en culture, puis de privatisation, au profit d’une même « élite [68]» sociale. Toutes deux se trouvent dans la périphérie immédiate du village, mais résultent de deux types de logiques différentes : celle de l’appropriation d’un territoire possédant déjà d’importants symboles du pouvoir ; et celle d’un espace vierge, encore accessible, dans la direction du vallon de Fenestres, jusqu’alors peu cultivé.

Aux portes mêmes du village, au sud de la confluence du Boréon et du torrent de Fenestres, s’étend un territoire appelé par le nom évocateur du Pras de la Majon. Il s’agit de vastes terres, sur une large terrasse alluviale, qui, par sa proximité avec l’agglomération prend une importance certaine. Bien irrigué, protégé des débordements éventuels des cours d’eau, cet espace répond, sur l’autre rive, à celui de Delotra, l’ancienne Condamine du village. Cette dernière a pu être partagée, en un temps, entre la communauté de Saint-Martin naissante et sa devancière de Venanson, comme nous l’avons déjà souligné, avant d’être accaparée définitivement par la première. Les Pras, sur la rive gauche de la Vésubie, sont visiblement restés propriété du pouvoir qui s’installe sur le site de Saint-Martin au XIIIème siècle.

Il est probable que le terme même de Majon, documenté dès le XIVème siècle, aux orthographes variables selon les époques, rappelle la maison seigneuriale à l’origine de la création du village : le castrum. Les « prés » auraient alors été directement liés à sa présence. Il devient alors logique de les retrouver, quand on étudie l’origine de ses propriétés. Il est alors logique de les retrouver plus tard entre les mains des grandes familles de Saint-Martin. Il s’agit d’une permanence d’utilisation de ce marqueur social qu’est la terre. Il existe une véritable continuité de la propriété dans ce quartier.

Localisation des quartiers notables

Deux exemples suffiront à prouver l’attachement de cette notabilité à conserver ces territoires, plus encore qu’en d’autres quartiers. Le cadastre de 1702 [69] souligne la propriété des familles FABRI pour 14 starate, RAIBERTI pour 12 motturaux et surtout CAGNOLI pour 18 starate, soit en tout plus de 5 ha ½. Ces trois grandes familles sont alors connues pour tenir les principales charges édilitaires et s’y succéder régulièrement, rassemblant entre leurs mains les titres symboliques du pouvoir [70]. A l’autre extrémité de notre période, le cadastre « Napoléonien » [71] nous offre une situation comparable, si ce n’est que désormais, seuls les CAGNOLI y sont propriétaires. C’est Hilarion CAGNOLI, maire de Saint-Martin (1870-1874), qui est alors propriétaire de la quasi-totalité du territoire de ce quartier (seule une parcelle lui échappe), pour près de 10 ha : 6,6 ha de prés et 2,4 de champs, auxquels s’ajoutent châtaigneraies et pâtures. Cette unification des  trois propriétés s’est faite au profit d’une seule et même famille, qui a mis la main sur la totalité des terres du quartier. Il en est de même pour les RAIBERTI, qui sont propriétaires sur l’autre rive, au quartier Dellotra, pour la presque totalité de cet espace. Le partage s’est effectué au profit des grandes familles survivantes. Les FABRI ont alors disparu de la population Saint-Martinoise, mais sont affiliés dès la fin du XVIIème siècle aux RAIBERTI. Ces successions permettent une mise en perspective du pouvoir individuel dans la société et dans le temps.

Conclusion

La conquête d’un territoire est une œuvre longue et risquée pour celui qui cherche à la mener. Le risque, en cas d’échec, est la disparition et l’oubli de ce territoire. Cela peut être le cas pour un groupe humain, un village, ou même une famille. Des groupements de paysans, de notables et d’agents seigneuriaux qui devaient exister avant l’An Mil, nous ne connaissons rien, et sans doute n’aurons nous jamais que quelques informations fortuites, issues de la science archéologique. Ce fut effectivement le cas pour Saint-Martin avant l’installation du village actuel. Il en est allé de même pour ces castra que les textes médiévaux nous font connaître : Pedastas dans le Valdeblore, connu par la même charte de 1067 que nous avons aussi utilisée pour cet article ; et plus tard, Mancel, Gordolon, Ongran ou encore Manoinas qui disparurent entre le XIIème et le XIVème siècle et dont nous ne connaissons même pas précisément la localisation. Certains ont été des castra, structures importantes qui n’ont pourtant laissé aucune trace avérée. La communauté, une fois constituée, s’est naturellement affrontée à ses voisines, soumises elles-mêmes à de fortes tensions internes. Leur extension territoriale étant une question de survie, pour répondre aux besoins des habitants dans le cadre d’une économie essentiellement agricole. Certaines terres ont pu être mises en culture, d’autres porter l’usage, essentiellement droits de bois et de pâturage. Ce sont ces raisons économiques qui peuvent expliquer les énormes moyens, à l’échelle du village, qui ont été mis en œuvre pour satisfaire ces exigences.

Il en va de même pour les familles, comprises comme entités sociales, politiques, mais également comme des unités productives dont le but est la survie du groupe humain. Cette histoire est celle d’une réussite ; il est pourtant certain que nombreux furent les échecs. La disparition de ces communautés nous empêche d’en retracer l’histoire. Aujourd’hui encore, la commune conserve de nombreux indices de ces réalités anciennes, qui n’ont pas été totalement effacées par les nouvelles réalités économiques et humaines du village. Elles sont ténues, mais nous permettent de replonger dans des temps historiques que peu ont conscience de côtoyer aussi familièrement.


 

[1] - (Article : « Conquérir un territoire (XIIIème-XIXème siècles). Histoire de la fondation de la commune de Saint-Martin, vallée de Lantusca », Pays Vésubien, 3-2002, pp.165-189)

[2] - voir Levi-Strauss ou Leroy Gourian

[3] - voir les premiers résultats de la fouille archéologique de la chapelle Saint-Nicolas d'Andobio, inaugurées par E. GILI, sous la direction de Mme C. POTEUR puis de M. Bernard SIMONEL, depuis juillet 1998

[4] - reprenant la terminologie proposée dans son introduction par B. DEROUET in « Territoire et parenté. Pour une mise en perspective de la communauté rurale et des formes de reproduction familiales », Annales H.S.S., mai-juin 1995, n° 3, pp. 645-686. L’affrontement est décrit comme la forme exacerbée de cette prise de conscience, quand il s’agit de défendre le territoire.

[5] - Sondage archéologique de la chapelle Saint-Nicolas. La céramologie moderne a été précisée par J.-F. PETRUCCI ; Docteur en Histoire, Chercheur associé au C.N.R.S. (C.E.P.A.M. - C.R.A. de Sophia-Antipolis).

[6]  - Cette conception est à nuancer. Elle est issue de l’impression donnée par les documents officiels issus de l’administration Savoisienne, imprégnés de la pensée des légistes créant la conception moderne de l’Etat. Celui-ci se cherche des interlocuteurs « institutionnels ». Il ne faut pas voir non plus une simple constante dans cet état de fait. La notion de Communauté a fortement évolué durant cette période. Nous en rendrons compte tantôt.

[7] - BOYER J.-P. & VENTURINI A. « Les consulats ruraux dans le ressort de l'évêché de Nice (circa 1150-1326) », pp. 17-46., in Actes des Journées d'Histoire régionale de Mouans-Sartoux, 1984, Le Cannet, 1985. Après la reprise en main des communautés provençales orientales par le comte, seuls deux consulats alpins semblent conservés par l’autorité : Peille et Saint-Martin

[8]  - De nombreux exemples de disparition de « villages » médiévaux peuvent être avancés entre le XIème et le XIVème siècle. Rien ne laisse entendre que ce mouvement soit terminé avec l’époque Moderne. Seul le recul historique peut nous permettre de l’affirmer. Les contemporains ne pouvaient en avoir conscience. Voir E. GILI « La Vésubie avant le XIème siècle - Perspectives de recherches », à paraître

[9]  - B. DEROUET Op. Cit. pose la question de la conception réelle de la Terre Commune. Nous y répondrons progressivement dans cette étude.

[10]  - J.-P. BOYER Hommes et Communautés au Moyen Age. La Vésubie, XVIIIème-XVème siècles, C.E.M., Nice, 1990, parle d’une période de prospérité dès la seconde moitié du XVème siècle.

[11]  - Nous pouvons même aller plus loin en affirmant qu’au temps où cette lutte s’amenuise puis disparaît, il paraît certain, et l’époque contemporaine ne nous contredira pas, que la Communauté se transforme et perd ce qui fit sa particularité pendant toute les époques Médiévale et Moderne.

[12] - voir Essai de toponymie provençale...

[13] - E. CAIS de PIERLAS Cartulaire de l’ancienne cathédrale de Nice, Turin, 1888, p. 11, pièce n° 9

Il s’agirait d’un toponyme « Néolithique », de racine AN-D-, désignant un « ruisseau coulant de la montagne », explication qui se satisfait parfaitement du site concerné

[14] - POTEUR J.-C. « Saint-Nicolas ou Saint-Martin ? », op. cit.

[15] - Ch. ROSTAING Toponymie de la Provence, Paris, 1950. Le terme de Villar, commun à nombre de communes, est à rapprocher de la présence d'une exploitation de forme domaniale, peut être d'époque Antique : la villa. Cf les travaux de toponymie de A. COMPAN "Toponymie de Saint-Martin-Vésubie et de Venanson", in Nice Historique, 1966, pp. 96-114 et du Docteur PASCHETTA in Nice Historique, 1973, pp. 173-219, mais aussi intra GIUGE H. - Par extension, le nom est resté et désigne globalement ce que nous appellerions un hameau. A Saint-Martin, la tradition conserve la mémoire d'un premier village, qui se serait trouvé à cet endroit. Il est intéressant de constater que ce toponyme se retrouve dans l'essentiel des villages de la vallée, correspondant à une même typologie de site. Le villar est généralement exposé au sud-est, et protégé des vents dominant par une crête de proximité. De plus, on leur attribue également l'histoire du "premier village".

[16]  - E. GILI « La Vésubie avant le XIème siècle… », Op. Cit.

[17]  - L’habitat dispersé antérieur est une constante, autour d’espaces essentiellement agricoles. Les relevés et sondages archéologiques de juillet 2000 nous apportent plus de précisions sur cette problématique des premiers habitats de la Haute Vésubie.

[18] - La Condamine représente généralement les meilleures terres, que se sont appropriées les seigneurs. Le terme lui-même vient de con-dominium, la « double seigneurie ». A Saint-Martin, nous pouvons dater le nom du quartier à partir de la plus ancienne charte connue, dont nous avons déjà parlé (Cartulaire de l'Ancienne Cathédrale de Nice, 1095), par laquelle le seigneur « féodal » local, ROSTAING, restitue (lisons plutôt « donne »), à l'évêque de Nice, ses possessions sur le versant d'Andobio, avant que celui-ci n’en restitue une moitié (sous forme de fief), créant ainsi la double seigneurie évoquée. Cet épisode se situe dans la continuité de la reprise en main ecclésiastique de la « Paix de Dieu ». Voir LAURANSON-ROSAZ Ch. « Des mauvaises coutumes aux bonnes coutumes », in 20èmes journées d’Histoire de Flaran « La coutume au village dans l’Europe médiévale et moderne », PUM, 2001 , pp. 19-51

[19] - Les dernières mentions de la Condamine se retrouvent dans le cadastre de 1702, où elles entrent en concurrence avec la nouvelle appellation du Vernet.

[20] - FOSSIER R. « Les coutumes vues de dos », in 20èmes journées d’Histoire de Flaran « La coutume au village dans l’Europe médiévale et moderne », PUM, 2001, pp. 53-59 et

[21] - Autre racine « Néolithique » AN-T ou « celtique » NANT-TEIL, la « clairière arrosée » d’un cour d’eau.

[22]  - Mais quelle profondeur historique donner à cet « anciennement ».

[23] - Plateaux « où dansent les fées » d’après la mémoire collective. Faut-il y voir un espace périphérique par rapport au village ? C’est ce qu’est à l’évidence le Ballaour. Et plus loin une « diabolisation » de ce lieu à la suite d’un déplacement de la population que nous venons de démontrer lors de la christianisation de la Haute Vésubie. L’espace conserve sa magie et son mystère.

[24] - Nous pouvons également avancer l'hypothèse selon laquelle les communautés actuelles de Saint-Dalmas Valdeblore et de « Saint-Martin Vésubie » n'en formaient qu'une vers le Haut Moyen Age, établies de part et d'autre de la Colla Mejane, la Colmiane, puis se sont affirmées l'une par rapport à l'autre vers les XIIème-XIIIème siècles. Ces réflexions sont tirées de la confrontation d’idées sur les origines du site lors des campagnes de sondages archéologiques de la chapelle Saint-Nicolas, avec J.-C. et C. POTEUR.

[25] - BOYER J.-P. et VENTURINI A. « Les consulats ruraux dans le ressort de l’évêché de Nice (circa 1150-1326) », in Actes des Journées d’Histoire Régionale de Mouans-Sartoux, 1984, Le Cannet, 1985, pp. 17-46

[26] - Ou mieux encore, de la présence d'un système de petites exploitations agricoles « antiques », occupant un territoire moins vaste que les villae, hypothèse qui reste à confirmer par des campagnes de fouilles archéologiques

[27] - RAIBERTI L. Saint-Martin et la Madone de Fenestres, Serre, 1983

[28] - A.D.A.-M., Série E dépôt 3, AA 1

[29] - Pourtant, le côté « fraternel » souligné n’est peut être qu’un ironie suprême, que contredit formellement la paix conclue en 1287 devant l’église Saint-Nicolas. La séparation ne se serait alors pas produite dans les meilleurs termes entre les deux communautés naissantes. En admettant qu’elles aient pu avoir environ un siècle d’existence. La suite des événements semble aller dans ce sens.

[30] - Terme à analyser selon les questionnements de B. DEROUET Op. Cit.

[31]  - L. RAIBERTI Aperçu historique sur le sanctuaire de Notre-Dame des Fenestres et sur Saint-Martin Vésubie, Nice, 1898

[32]  - Voir le descriptif des limites dans E. GILI « Un site du Haut Moyen Age dans la Vésubie. La chapelle de Saint-Nicolas d’Andobio (XIème - XXème siècles). Terroir de Saint-Martin Vésubie », in Bulletin du Groupe de Recherches Historiques en Provence, n° 10, octobre 1996

[33] - La mémoire locale conserve un fait étrange. Certains Saint-Martinois affirment encore aujourd'hui que "la chapelle Saint-Nicolas appartenait aux gens de Saint-Dalmas". L'assimilation entre la propriété du lieu et la station traditionnelle qu'effectuent les Valdeblorencs au pied de la chapelle, sur le chemin de pèlerinage menant à la Madone de Fenestres est évident. Il renvoie sûrement à une époque plus ancienne, au temps où chacune dépendait de l'abbaye de Pédona (Borgo San Dalmazzo, Piémont), et il est possible que notre document soit l'une des sources de référence de cette histoire. La présence archéologiquement avérée de l'église paroissiale de « Saint-Martin » sur ce lieu semble confirmer cette hypothèse.

[34] - E. GILI « Projet pour la réhabilitation du site antique de la chapelle de Saint-Nicolas. Terroir de Saint-Martin-Vésubie », Mairie de Saint-Martin-Vésubie et Groupe de Recherches Historiques en Provence, Section Vésubie, décembre 1997. Il s’agit de la première mention connue du sanctuaire de la Madone de Fenestres.

[35] - A.D.A.-M., Série E dépôt 3, AA 1.5

[36]  - Le mot est faible : “ terras apropriando errum propria autoritate ”

[37]  - Ce que semble indiquer “ cum tante temeritatis audacia presumpteres formidabili pena militandi fore noscantur ”

[38] - voir document précédent, 1287

[39] - A.D.A.-M., Série E dépôt 3, FF 2

[40]  - Egalement appelé « Plan cadastral Napoléonien ». Rappelons que le document ne fut jamais établi pour notre région, et qu’il fallut attendre 1874 pour que soit constitué ce premier repère visuel.

[41]  - Archives Municipales de Saint-Martin-Vésubie

[42]  - « En conséquence de ce nous avons procédé à la reconnaissance de la ligne de circonscription de la dite Terre Métenque, et avons reconnu sur l’indication de Messieurs les Maires et Indicateurs des communes de Val de Blora et de Saint-Martin qu’à partir de la borne n° 13 cette ligne se dirige directement vers la borne n° 14 et de là jusqu’à la quinzième borne en suivant toujours le chemin d’Anduébis, et ensuite jusqu’à la seizième borne sus désignée, après quoi il a été reconnu que la dite Terre Métenque est séparée du territoire de Val de Blora (proprement dit) par la crête du Serre d’Odoarde jusqu’au sommet du Col des Bellets.

Parvenus à ce dernier point, il a été reconnu que la dite Terre Métenque séparée du territoire de Saint-Martin (proprement dit) par la crête qui forme l’extrémité supérieure de La Vallette, laquelle crête est appelée Baisse ou Gorge de La Vallette, et ensuite en allant vers le levant, par la cime et la crête de Las Archas puis en descendant jusqu’au milieu de l’endroit appelé le Balaour Supérieur. » Extrait du procès verbal de délimitation de 1807, recopié en 1869

[43] - A.D.A.-M., 3P 12388 Dossier préparatoire d'expertise cadastrale

[44]  - Registres de délibérations municipales des Archives Municipales de Saint-Martin-Vésubie

[45] - Le Chevalier Lazare RAIBERTI  Guide Saint-Martin-Vésubie de ses environs et de ses montagnes. Excursions d’un touriste. Nice, Librairie Papeterie L. Martin, imprimerie et Lithographie A. Gilletta, 1891 – Ce document a été mis à notre disposition pour consultation par la famille RAIBERTI, par l’intermédiaire de M. J.-L. DESRAYAUD. Qu’ils en soient remerciés.

[46] - « Jugement des Minucii sur la controverse entre les Veturii Langenses et les  Genuati, par les Légats Mocone Ometicano fils d’Ometicone, et Planco Peliono fils de Pelione ».

[47] - La tradition locale parle d’un conflit (la fâcherie) qui opposait régulièrement les deux communes, ce qui est démontré par les archives. Pourtant, le caractère « seigneurial » du lieu de Deloutra s’affirmant, ces terres appartenant à l’espace des condamines déjà cité, il vaut mieux voir dans le terme d’Affachario la forme locale occitanisante du bail à fâcherie, vaste métayage connu par ailleurs en Provence. L’explication du nom est certes moins imagée et poétique, elle paraît plus cohérente et concrète. Elle se rattache avant tout à une explication économique et juridique du lieu.

[48] - A.D.A.-M., Série E dépôt 3, AA 1.18, le 13 mars 1447

[49] - A.D.A.-M., Série E dépôt 3, AA 1.19 , le 1er décembre 1455

[50] - cet espace s’identifie avec assurance autour des terres de Deloutra et du Vernet inférieur, séparé de Saint-Nicolas par le vallon qui mène à la Colmiane aujourd'hui

[51] - A.D.A.-M., Série E dépôt 3, AA 1.24, le 26 janvier 1463

[52] - A.D.A.-M., Série E dépôt 3, AA 1.29

[53] - A.D.A.-M., Série E dépôt 3, FF 4

[54] - A.M.S.M.V., délibérations municipales

[55]  - Nous y reviendrons dans une autre étude.

[56]  - Nous ne possédons aucune certitude qu’il n’y ait pas eu, sur le site même du village une installation d’un habitat ou d’exploitations agricoles importantes, que le relief permettrait. Il ne s’agit que d’une hypothèse destinée à ne pas oublier ce site.

[57] - La Peghe, ou poix, y était extraite des résineux présents sur les pentes du dit quartier. Les ravinements successifs de ce quartier n’ont pas encore permis de découvrir les restes de fours qui auraient pu y être installés. Voir les recherches de Stéphane ESCLAMENTI

[58] - A.D.A.-M., Série E dépôt 3, GG1, cens de la Commende de Notre Dame de Fenestres (1476-1478)

[59] - A.D.A.-M., Série E dépôt 3, AA 1.28, le 6 décembre 1497

[60] - E. GILI Fondateurs et propriétaires de chapelles à Nice. Etude sociale. Une stratégie de pouvoir à Nice, 1361-1792, Mémoire de Maîtrise, Nice, juin 1991

[61] - Selon A. VIANI, Escola de Tochi, octobre 1997 - février 1998

[62] - J.-P. BOYER Hommes et CommunautésOp. Cit.

[63] - En un temps et un lieu où le troupeau est une richesse considérable, l’acte n’est donc pas à mettre au compte d’une barbarie fantasmée, mais plutôt à inscrire dans la tradition du marquage politique.

[64] - A.D.A.-M., Série E dépôt 2, FF

[65] - A.D.A.-M., Série 1M 392

[66] - L’histoire, ou serait-ce la légende de Roquebillière, nous apprend que Berthemont aurait été échangé contre le quartier du Véséou, sur la rive droite de la Gordolasque, avec le village de Belvédère.

[67] - A.C.B., Cadastre XVIIIème siècle (archives récemment classées)

[68]  - Entendons le groupe le plus dynamique du village, capable économiquement comme politiquement d’imposer des travaux de mise en valeur à grande échelle, sur des zones jusqu’alors délaissées

[69]  - A.D.A.-M., Série E dépôt 3, CC 2

[70] - E. GILI Familles et patrimoine à Saint-Martin-Lantosque (XVIème-XIXème siècles), Thèse de doctorat de 3ème Cycle, U.N.S.A., devant être soutenue prochainement

[71]  - A.D.A.-M., Série 3P 30498 – Matrice cadastrale, 1874

 


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