PREDHOMME D.
– Clans entre les deux grandes guerres
Clans, est un petit village de l’arrière-pays niçois
français depuis 1860, date du rattachement du comté de Nice à la France.
Il s’inscrit dans les 239 km² que constitue la basse vallée de la Tinée,
en compagnie de neuf autres villages : Bairols, Ilonse, Marie, Rimplas,
Roubion, Roure, Roussillon, La Tour et Tournefort.
Le territoire de Clans est formé de 3 763 hectares de
terrains montagneux et est limité à l’ouest par la vallée de la Tinée. Il
est cerné directement par quatre communes : au sud la commune de la Tour,
à l’est la commune de Venanson, au nord celle de Marie, et enfin à
l’ouest, au-delà du lit de la Tinée, celle de Bairols. Le village comprend
véritablement trois espaces distincts : le chef-lieu situé à 700 mètres
d’altitude, les quartiers de Pont-de-Clans et du Bancairon, tous deux au
bord de la Nationale n° 205, au fond de la vallée.
Clans, dans la première partie du XXème siècle,
s’inscrit pleinement dans le cadre de l’arrière-pays niçois, connaissant
des mutations qui n’ont cessé de s’amplifier jusqu’à aujourd’hui. Dans les
années vingt il y a véritablement une prise de conscience du retard des
sociétés montagnardes sur le niveau de vie du littoral et c’est cet
élément qui va être le déclencheur d’un exode rural, véritable hémorragie
qui vide les montagnes de ces éléments les plus jeunes au profit des
villes de la côte. La moyenne Tinée au début du siècle perd près de 60 %
de ses habitants et ce sont les petites communes qui en sont les premières
victimes. Ilonse par exemple se vide de moitié en trente ans, le village
de Marie se dépeuple sur la même période de 70 %. Ce n’est donc pas, à
première vue, une période faste et prospère pour ces communes de moyenne
montagne, mais nous verrons à travers cette étude, le caractère
particulier du village de Clans qui conserve et même voit augmenter sa
population entre les années vingt et les années trente. La question est de
savoir quels sont les atouts, les richesses et les décisions municipales
qui lui ont permis de connaître une évolution si différente des communes
voisines.
Tout d’abord, après un aperçu de l’évolution
démographique de la population clansoise de l’entre-deux-guerres, nous
mettrons en exergue les différents équipements qui ont permis aux Clansois
de voir leur vie quotidienne améliorée. Une fois cet aspect social traité
nous nous attacherons à montrer les mutations économiques de la commune à
travers la construction de l’usine hydroélectrique du Bancairon et la mise
en valeur de la vocation touristique du village.
I. L’évolution de la population clansoise
Une population de faible effectif reste difficile à
analyser car, en effet, le moindre fait démographique (naissance, décès)
peut bouleverser la lente évolution de la population. Cependant, il est
possible de dresser un tableau de la population clansoise et de son
évolution sur environ 64 ans.

A. Avant 1914
Jusqu’au premier conflit mondial, la dépopulation reste
modérée et malgré une baisse les effets de la crise ne sont pas encore
perceptibles. L’évolution démographique de la population clansoise doit
être mise en parallèle avec celle des autres communes de la vallée car
même si elle présente certaines originalités, elle garde des caractères
similaires, proches de ceux de la moyenne montagne méditerranéenne. Les
taux de natalité et de mortalité permettent d’établir la balance
démographique de la population. Or celle-ci, se révèle être, avant 1914,
excédentaire au niveau des naissances même si depuis 1870-1880, cet
excédent s’amenuise lentement. Les tranches d’âge les plus importantes en
effectif restent celles des 1-19 ans en 1872 et des 40-59 ans en 1911. Les
taux de natalité se maintiennent à des taux élevés et jusqu’en 1914
restent toujours supérieurs à 20 ‰.... De 1871 à 1882, le taux de natalité
varie de 25 à 30 ‰ et 1903 à 1914, il est encore autour de 22 ‰. Cette
tendance est commune à tous les villages de la vallée. Le taux de
mortalité enregistre dès la fin du XIXème siècle une baisse sensible.
Cette baisse est due à l’élévation du niveau de vie, qui se manifeste par
l’amélioration des régimes alimentaires et de l’hygiène. A Clans, les taux
de mortalité passent de 25 à 20 ‰ entre 1871 et 1914.
B. Dans l’entre-deux-guerres
La saignée démographique
de la Grande Guerre est durement ressentie à Clans car 22 enfants du pays
ont disparu au front. Cela représente une perte de 4 % de la population de
la commune, ces morts étaient presque tous de jeunes agriculteurs. Ainsi,
entre 1911 et 1921 le nombre d’habitants chute de 528 à 505. Les
répercussions du conflit se font tout de même discrètes.
En ce qui concerne les
taux de natalité, ils ont tendance à baisser progressivement de 1921 à
1936 passant de 27 ‰ à 19 ‰. Parallèlement à cet état de faits,
la population vieillit. Les plus de 60 ans représentent 15 à 20 % de la
population totale dans l’entre-deux-guerres. La grande particularité de
l’évolution de la population clansoise c’est que, en plein cœur de l’exode
rural pour toutes les communes environnantes, Clans connaît une rémission
et voit même sa population augmenter entre 1921 et 1926 passant ainsi de
505 à 793 soit près de 57 % d’augmentation.
En 1926, le recensement a été effectué comme ceci : la
population municipale compte 622 habitants soit une augmentation de 23 %
par rapport à 1921 et en plus de cet effectif municipal sont comptés à
part 171 ouvriers étrangers à la commune et occupés aux travaux de
Bancairon. En 1926, nous recensons 793 habitants au total.
A partir de 1926, la
population clansoise va recommencer à voir son effectif décliner passant
en 1931 à 641 habitants et en 1936 à 623 habitants. Il est intéressant de
constater que dans l’entre-deux-guerres Clans est encore un village où la
classe d’âge dominante est constituée par les moins de 20 ans. En effet,
cette classe d’âge constitue 30 % de la population en 1921 et près de 19 %
de la population en 1936. Certes, le taux de fécondité baisse, les femmes
n’ont plus que trois à quatre enfants en moyenne. Ce ralentissement des
naissances est dû à l’évolution des mentalités paysannes sous l’influence
des comportements citadins.
Cependant, tentons d’expliquer la singularité de
l’évolution de la population clansoise dans l’entre-deux-guerres.
Il ne faut pas croire que
Clans est un village d’où personne n’émigre. Dès l’annexion du Comté de
Nice à la France en 1860 et la mise en place d’infrastructures routières
efficaces au début du XXème siècle, la population clansoise, attirée par
la demande de main-d’œuvre du littoral, émigre. L’âge d’or du tourisme de
luxe et le développement de l’économie résidentielle ont multiplié les
emplois de domestiques et les services administratifs ne demandent qu’à
être occupés par des montagnards. De plus, il faut insister sur l’effet
accélérateur de l’émigration elle-même. Y. BRAVARD remarque ceci : « (…)
bien des émigrés reviennent de temps à autres, soit pour voter, soit pour
les vacances. La comparaison entre le sort de ceux qui ont réussi et le
sort de ceux qui sont restés joue alors pleinement et se manifeste avec
force »
.
Il faut ajouter l’effet accélérateur de la guerre de
1914-1918. La perte de jeunes gens du village a privé les familles d’une
partie essentielle de leur force de travail, les incitant à émigrer.
Cependant, grâce aux
chantiers de Bancairon, la population clansoise voit cette émigration,
peut-être pas forcément ralentie mais au moins largement compensée. Un
large développement dans la partie consacrée à la construction de l’usine
de Bancairon expliquera les difficiles tractations du projet. Toujours
est-il qu’en 1925, après avoir obtenu les autorisations nécessaires, les
travaux purent débuter sur le site du Bancairon. Ces chantiers sont une
véritable chance pour les Clansois, car alors que l’activité agricole
commence à péricliter, les travaux constituent un véritable bassin de
main-d’œuvre. De plus, ils favorisent l’immigration d’une main-d’œuvre
surtout étrangère dont on retrouve l’effectif dans le recensement de 1926.
Sur 171 ouvriers comptés à part et travaillant à la construction de
l’usine de Bancairon, 12 sont français,
les 159 autres sont étrangers majoritairement Italiens. Cet afflux de
main-d’œuvre étrangère favorise surtout les hameaux. Cette renaissance de
la commune se prolongea jusqu’à la veille de la seconde guerre mondiale
mais ne résistera pas à la fin des Grands Travaux. En effet, comme
l’explique Y.BRAVARD, le montagnard n’est pas accoutumé à un salaire fixe.
Si un chantier s’ouvre dans un village, ou à proximité, il découvre vite
les avantages d’un emploi régulier qui lui permet de conserver son
exploitation. Mais lorsque le chantier ferme les habitudes sont prises.
Certains grâce aux économies qu’ils ont constituées mettent à exécution
une intention de départ souvent latente.
Ainsi, la singularité de
l’évolution de la population clansoise est que les grands travaux ont pu
pendant un temps freiner l’exode mais une fois terminés, les populations
ainsi retenues émigreront plus rapidement.

Alors qu’en 1936, la
population clansoise compte 623 habitants, dix ans plus tard elle n’en
comptera plus que 471 soit une baisse de 33 %. Nous avons vu auparavant
que sur 64 ans la population clansoise avait perdu 23,4 % de son effectif,
en l’espace de 10 ans elle en perdra 33 %. Il y a donc une véritable
accélération du phénomène migratoire.
Les chantiers du Bancairon ne sont donc qu’une rémission du phénomène de
l’exode rural.

II. La vie quotidienne
dans l’entre-deux-guerres
D’après le plan cadastral
de 1860, Clans se présente comme un véritable conglomérat d’habitations.
En effet, il n’est pas le moindre espace qui n’est pas utilisé.
L’organisation spatiale de la commune est entièrement régie par l’activité
agricole et par ses impératifs. La majorité des maisons du village servent
à la fois aux hommes et aux animaux. Elles associent les pièces
d’habitation humaine avec une écurie ou un grenier pour ranger les bottes
de foin. On trouve aussi des quartiers essentiellement consacrés à
l’activité agricole comme le quartier du Puy ou 67 % des constructions
sont des bâtiments ruraux : écurie, finière, grange…
A. L’adduction d’eau potable
Dès la fin du XIXème
siècle, Clans s’ouvre au monde extérieur avec l’arrivée d’estivants venus
du littoral. Ceux-ci commencent à être habitués à un certain confort à la
ville et sont donc en attente de l’arrivée de l’eau potable directement
dans leurs demeures à la campagne. C’est une des raisons pour lesquelles
dès le début du XXème siècle les travaux d’adduction d’eau potable vont
commencer, laissant tout de même aux nombreuses fontaines du village leur
incontestable utilité. Il est évident que ce n’est pas l’eau de Clans qui
en fit sa réputation comme cela fut le cas pour Saint-Martin Vésubie que
l’on surnomma la « Petite Suisse niçoise ». Toutefois, l’essor de la
commune dès la fin du XIXème siècle avec l’arrivée d’estivants est une
réalité. Ceux-ci s’accommodent mal du manque d’eau potable.
De plus, un rapport sur
l’état de salubrité et d’hygiène du village et de ses habitants souligne
la persistance de certains miasmes et maladies comme la fièvre typhoïde.
Il était donc urgent de prendre des mesures pour l’installation de l’eau
potable dans la commune. Dans un rapport de l’ingénieur ordinaire pour des
affaires générales et diverses, daté du 9 janvier 1896 on peut lire le
projet d’une canalisation d’eau de source.
« (…) Le village de Clans
a une population agglomérée de 695 habitants, il est alimenté par quatre
fontaines (…). L’eau de ces fontaines est prise dans un canal d’arrosage
qui vient du ravin du Mounar et à 4 500 mètres environ de l’origine de ce
canal. Non seulement les eaux du ravin du Mounar sont plus ou moins
contaminées mais le canal d’arrosage, sur un parcours de 4 500 mètres
reçoit les écoulements des terrains supérieurs et ce sont ces eaux impures
qui arrivent à la conduite qui alimente les fontaines de Clans. Le conseil
municipal a l’intention de capter une source située sur le bord du canal
d’arrosage à 3 495 mètres de l’origine de la canalisation actuelle. La
source dont il s’agit possède un débit de 14 litres à la seconde et elle
est réputée de bonne qualité »
.
Le conseil municipal
adopta ainsi la proposition de captage des sources du Brusquet dans le
quartier de Bassa-Croux. Les travaux débutèrent l’année suivante après
vérification de la qualité de l‘eau par des analyses chimiques et
bactériologiques. Une chambre de captage, deux bassins récepteurs et une
canalisation de 3,7 kilomètres furent les premières réalisations
techniques. Ainsi, l’eau potable put alimenter les fontaines publiques et
quelques canalisations en plomb furent posées pour alimenter certains
immeubles comme l’école ou la mairie. Ce fut un grand succès et l’on peut
lire dans une lettre datée du début du siècle : « (…) la
canalisation d’eau potable posée en 1897-1898 a eu les plus beaux effets
sur la santé publique; et la fièvre typhoïde à l’état endémique a
pratiquement disparu depuis cette date »
.
Après avoir donc équipé le chef-lieu du village, le
conseil municipal, le 13 février 1902, demanda une subvention au Conseil
Général pour les travaux d’adduction d’eau potable au Pont-de-Clans. Les
habitants de ce hameau assouvissaient leurs besoins en eau en s’alimentant
au vallon de la Serre. Le projet consistait à capter les eaux de la source
du Pré Cardon et à les distribuer au moyen d’une fontaine. Cependant ce
projet n’aboutit pas car les subventions ne furent pas données et la
commune ne pouvait pas à elle seule supporter le coût d’un tel projet. Par
manque de documentation précise nous ne pouvons détailler l’aménagement de
ce hameau mais en 1905, un document atteste l’adduction d’eau potable au
Pont-de-Clans.
C’est avec Célestin
FARAUT, maire de Clans au début des années vingt, que la situation évolue.
Dans une délibération du conseil municipal datée du 22 novembre 1925, le
conseil adopte le projet d’amélioration de la conduite existante et de la
construction d’un château d’eau sur un terrain surplombant le village. Le
président du conseil expose les raisons d’une telle décision :
« Le débit actuel de la
source du Brusquet est devenu notoirement insuffisant à cause de certains
défauts de la conduite existante et du grand nombre de robinets du au
développement de la commune comme station estivale. Pour remédier à la
pénurie d’eau qui a été constatée au cours de la saison dernière, le
maire dûment autorisé avait chargé M. PICCON, ingénieur de la commune de
dresser un projet d’amélioration de la conduite existante.
« (…) Le conseil approuve
ce projet et vote le montant de la dépense prévue ainsi que les frais
d’acquisition du terrain sur lequel doivent être édifiés les bassins de
réserve et s’élevant à la somme de 800 F environ »
.
Un rapport géologique sur
ce projet daté du 7 janvier 1927 confirme l’urgence qu’il y a d’améliorer
le réseau d’alimentation en eau potable en construisant ce bassin
d’accumulation réservoir de 300 m3 . Cependant, celui-ci ne
peut être considéré comme une solution réelle mais comme un palliatif
provisoire pour une situation d’urgence. Le rapport assure que les
analyses bactériologiques de la source du Brusquet sont très bonnes.
La réception définitive
des travaux du château d’eau a lieu le 1er mai 1930 et le coût
des travaux s’élève au total à 95 103,32 F.
Une délibération du 30
novembre 1927 complète ces améliorations en vue de l’augmentation du
besoin en eau potable de la commune, due au nombre croissant de villas
construites et du nombre de robinets placés dans chaque appartement. La
municipalité décide de doubler la canalisation existante par une
canalisation d’un diamètre plus fort (au moins 15 cm) et dont le tracé
suivra le tracé antérieur. Des quartiers agricoles de Clans, excentrés par
rapport au village, demandent aussi l’arrivée de l ‘eau potable. Par une
délibération en date du 8 décembre 1927, le conseil municipal de Clans
sollicite de la part du Ministre de l’Agriculture le concours technique et
financier du Génie Rural pour l’établissement d’une fontaine-abreuvoir au
quartier des Lioures. Les travaux doivent être exécutés par l’association
syndicale libre des Lioures. Tous ces travaux se déroulent entre la fin
des années vingt et le début des années trente mais ne paraissent pas
suffisants.
En effet, le 7 mars 1934,
une commission sanitaire de la circonscription de Nice fait remarquer que
le débit de la source du Brusquet, distante de 3720 m de l’agglomération,
varie de 30 à 40 litres/seconde alors que l’on en utilise que 3,2
litres/seconde. Cette situation est due aux incrustations calcaires sur
les parois de la canalisation. De plus, cette commission fait remarquer
que la conduite n’est pas assez enfouie dans le sol, l’eau parvient donc
chaude en été à la sortie des robinets. Il faut donc améliorer le réseau
de distribution d’autant qu’avec ses 792 habitants et ses 500 à 600
estivants les besoins en eau se font croissants. A raison de 200
l /têtes/jour il faudra prévoir à long terme un volume de 360 m3.
A partir de la fin des
années trente au village, grâce au captage total du débit des sources, on
peut faire le constat suivant : 400 000 litres parviennent au village en
10 heures soit 12 litres à la seconde. La pression augmentant, il est
alors possible d’alimenter les étages supérieurs des habitations. Ainsi,
trois canalisations sont placées, dont une desservant mieux l’école, et de
nombreuses canalisations secondaires desservant mieux les autres rues du
village. Ce réseau moderne unique pour l’époque dans la vallée est
toujours en place actuellement mais a fait l’objet d’améliorations.
Toutefois, si la
situation au village est convenable, dans les hameaux de Pont-de-Clans et
du Bancairon l’équipement évolue beaucoup plus lentement. En 1933 au
Pont-de-Clans, la situation est déplorable car on ne peut compter que sur
un vieux lavoir dont l’état de délabrement ne peut satisfaire les besoins
en eau. De plus, avec la proximité de la route et surtout avec les grands
travaux de la Tinée la population des hameaux a très rapidement augmenté.
Une pétition de la
société de l’Energie Electrique du Littoral Méditerranéen, établie à
Bancairon, datée du 15 février 1933, traduit cet état de fait :
« M. le maire je me
permets de vous rappeler la pétition que nous avons présentée cet hiver
avec tous les usagers du Pont-de-Clans où toutes les années tout le monde
souffre de la pénurie d’eau d’arrosage et de voirie.
Jusqu’ici tant bien que
mal, j’avais pu avec les ouvriers de l’E.E.L.M. assurer l’alimentation des
lavoirs et des camps de Pont-de-Clans. Mais cette année je n’aurai plus
personne à ma disposition et il faut que se soit la commune aidée par
l’ensemble des usagers qui assure à ce quartier l’eau indispensable. Il y
a du reste des servitudes par la dérivation du vallon de Clans dont l’eau
nous est due à raison de 72 heures/semaine. J’insiste d’autant plus que,
comme les années précédentes, l’autorité militaire nous a avisé qu’elle
occuperait le camp de mai à octobre. La pénurie d’eau serait non seulement
déplorable mais très dangereuse au cas, toujours possible, d’un incendie
dans un camp en bois où il y a des millions de matériels. ». Suite à cette
pétition qui était une des nombreuses reçues par la mairie depuis les
années vingt, le conseil municipal décide le 17 août 1933 la construction
de deux lavoirs-abreuvoirs avec bornes-fontaines avec une subvention de 4
100 F de l’administration préfectorale. Ces travaux sont achevés en août
1934 pour un montant total de 12 571,73 F.
A ceci s’ajoute la remise
en état du barrage du vallon de Sobrans en 1936, emporté par une crue au
début des années trente.
En ce qui concerne le
hameau du Bancairon, l’adduction d’eau a été réalisée dans les années
vingt avec la construction de l’usine hydroélectrique. Elle consiste en le
captage de deux sources : l’une située au Lautaret Soltrans et surplombant
l’usine électrique et l’autre dans le vallon de l’Ubac au sud. Le premier
captage se déverse dans un réservoir de 80 m3 d’où partent deux
conduites de distribution : l’une desservant l’usine et l’autre alimentant
la cité ouvrière. Le deuxième captage est doté d’un petit réservoir de 2
m3 construit à proximité de l’ouvrage de prise. Ces deux
captages peuvent desservir l’ensemble des installations de l’usine et
furent suffisants jusqu’aux années quatre-vingt.
Ainsi, la commune établit
son réseau de distribution d’eau potable par étapes successives, ce qui
sera aussi le cas des travaux d’assainissement envisagés par la commune
dès 1926. Un grand effort est porté à la politique d’hygiène, politique
qui commence par l’accès à l’eau potable pour tous.
B. L’école : une priorité de la vie communale
Depuis que l’école a été
rendue obligatoire et gratuite par Jules FERRY en 1882, le maître n’émarge
pratiquement plus au
budget communal. Les mairies libérées de cette très lourde charge doivent
tout de même assurer le logement de l’instituteur ainsi que la
construction et l’entretien des salles de classe.
1. La construction du bâtiment scolaire
Avant la construction du
bâtiment scolaire, les classes étaient réparties dans plusieurs quartiers
du village. On raconte qu’elle a même eu lieu sur la place du Verger, dans
la maison du docteur MAURIN. Ce qui est sûr c’est qu’elle a existé place
du Four, place de l’Estra. Les classes étant non mixtes, la situation en
était d’autant plus complexe car la classe des filles, la classe des
garçons et la classe enfantine étaient réparties dans trois quartiers
différents du village.
A l’orée du XXème siècle,
l’école n’était donc pas un lieu de réunion de tous les enfants du
village. Il y avait plusieurs classes dispersées dans la commune ; les
enfants prenaient donc leur récréation sur la place voisine ou sur les
chemins.
Pour remédier à cette
situation, le 9 mars 1910, le conseil municipal adopte le projet de
construction du groupe scolaire dont le devis estimatif s’élève à 37 457
Francs. Le bâtiment projeté se trouve à l’ouest de la place de l’Estra,
surplombant le chemin du Raous à la Tour. Un questionnaire rempli par
l’inspecteur primaire le 10 septembre 1910, nous apprend qu’à cette date,
190 enfants sont en âge de fréquenter l’école, c’est-à-dire qu’ils ont
entre 5 et 13 ans. La construction du bâtiment répond à cette importante
demande et touche à sa fin en 1913. Cependant, il sera l’objet de toutes
les attentions de la municipalité durant notre période d’étude car les
élus ont compris combien est nécessaire l’instruction dans ces villages
isolés.
Tout d’abord, il faut
équiper de matériels scolaires ces classes et une délibération datée du 14
novembre 1916 nous renseigne sur la variété de ces équipements :
« Le président expose au conseil que les salles de
classe du nouveau groupe scolaire sont presque complètement dépourvues du
matériel indispensable à l’enseignement (cartes géographiques, tableaux de
systèmes métriques, tableaux scientifiques, tableaux de lecture) et que
cet état de choses est très préjudiciable à l’instruction des élèves, il
invite en conséquence le conseil à délibérer. Le conseil ouï l’exposé de
monsieur le président : vu le manque du matériel d’enseignement dans les
salles de classe, décide d’adresser une requête pressante à M. le ministre
de l’instruction publique le priant de vouloir bien attribuer aux écoles
du nouveau groupe scolaire de Clans le matériel d’enseignement nécessaire
ci-après énuméré :
3 cartes de géographie de la France physique.
2 cartes de géographie de la France économique.
3 cartes de géographie de la France politique.
2 cartes de géographie de l’Europe physique et
politique.
2 cartes du monde : planisphères.
1 globe terrestre.
3 tableaux de système métrique.
Quelques tableaux
scientifiques (l’homme, les plantes, les instruments agricoles, les
engrais) en double.
Quelques tableaux de
leçon de choses pour la classe enfantine.
Une collection de
tableaux de lecture (méthode CUISSART de préférence) pour la classe
enfantine.
3 déclarations des droits
de l’homme et du citoyen ».
Cette liste de
fournitures révèle la qualité de l’enseignement dispensé dans ces écoles
communales. Il est complet, pratique et offre une véritable ouverture
d’esprit sur le monde extérieur. Pour le rendre vivant, les instituteurs
rattacheront leur enseignement à la vie agricole, si bien connue des
enfants dont la quasi-totalité est issue. Pour soutenir l’effort des
instituteurs de rendre la classe attrayante et vivante, le conseil
municipal, le 1er mai 1926, vote l’achat d’un cinéma scolaire,
équipement coûteux et très moderne pour l’époque. Ce cinéma sera réalisé
un peu plus tard puisqu’une lettre des instituteurs de Clans datée du 17
juin 1930 demande au conseil municipal une subvention pour l’acquisition
d’un appareil de cinéma semi-professionnel à usage scolaire et
postscolaire. Cette initiative entre dans le projet de l’association « des
Amis de l’Ecole de Clans ». Le devis de la dépense s’élève à 34 000 F pour
l’appareil et à 3 000 F et 4 000 F pour les frais d’aménagement de la
salle (rideaux, compteur…). Le Conseil Général, le ministre de
l’Agriculture et celui de l’Instruction Publique subventionnent le projet
de façon très importante ne laissant que 700 à 800 F à régler par la
municipalité. Le but est de profiter d’un enseignement vivant dont tout le
monde pourrait profiter surtout pendant les longues soirées d’hiver. La
cinémathèque fournirait deux films gratuits par semaine et l’école normale
d’instituteur en procurerait un troisième. Toutes les séances seraient
bien évidemment gratuites pour les écoliers.
La commune de Clans est
l’une de celle qui entretient le mieux son école. Le 15 mars 1932, le
conseil municipal décide d’améliorer la qualité de vie des écoliers en
votant l’installation de calorifères, rendus indispensables à cause des
intempéries. Le 10 novembre 1934, la pose des appareils d’hygiène au
groupe scolaire est terminée.
En 1934, le conseil
municipal décide que le bâtiment scolaire va contenir en ces locaux la
mairie, ce qui est toujours le cas aujourd’hui. En effet, le 29 septembre
le conseil municipal juge que les locaux de la mairie deviennent
insuffisants pour les besoins des services municipaux et présentent un
danger pour la conservation des archives car ils sont situés au-dessus du
four communal.
A la veille de la seconde
guerre mondiale, l’école reçoit les derniers gros équipements, lui donnant
pratiquement son aspect actuel. Ces travaux sont nés d’une demande de M.
POITEVIN, directeur des écoles communales de Clans. Le 7 août 1938, le
conseil municipal examine sa proposition de travaux et l’adopte. Elle
comprend la construction d’un lavoir pour l’usage du personnel enseignant,
la pose de stores roulants en bois pour préserver les salles d’étude des
rayons solaires et des intempéries, le remplacement des grillages
entourant les bâtiments et les cours de façon à préserver les élèves de
tout accident, vu que les cours se trouvent surélevées de plusieurs mètres
par rapport à la route en contrebas. Enfin, elle envisage la pose d’un
grillage en fer à l’entrée de l’école pour éviter l’envahissement des
cours et des bâtiments pendant les périodes de vacances et les jeudis.
Ainsi, l’école occupe une
place primordiale dans la commune. La municipalité a très vite compris
combien le rôle de l’école était important pour le développement du
village. Encore aujourd’hui, une des forces du village de Clans est
d’avoir su préserver son école alors que dans les communes environnantes
les écoles disparaissent les unes après les autres. De plus, la commune de
Clans a complété son infrastructure scolaire par la construction d’école
dans ses hameaux.
Le 16 avril 1934, M.
LACROIX, le directeur de l’usine hydroélectrique de Bancairon demande la
création d’une école dans ce quartier. En effet, cette petite
agglomération, avec cette nouvelle industrie, voit sa population
augmenter. M. LACROIX rapporte que ses agents, établis à demeure,
demandent la création d’une école pour leurs enfants qui sont au nombre de
29. Ceux-ci sont répartis dans les écoles de Clans, Roussillon, Marie, Gap
et Annot ; l’école la plus rapprochée, Roussillon, se trouvant à 7
kilomètres de Bancairon. Le maire estime qu’il y a lieu de donner une
suite favorable à cette demande par la création d’une école à Bancairon.
Celle-ci permettra aux enfants, dont le nombre augmente chaque année, de
fréquenter cette école et d’éviter les dangers d’accidents et
d’intempéries dont ils ont eu à souffrir en parcourant les distances qui
les séparent des autres écoles. Pour réaliser ce projet l’ancienne gare de
tramway de la localité est utilisée et la société E.E.L.M. participe aux
frais d’aménagement.
Avec le succès de l’école
de Bancairon, les habitants du hameau de Pont-de-Clans vont eux aussi
demander que la gare de tramway soit vendue pour la construction d’une
école. Dans un premier temps, le conseil municipal refuse de donner suite
à cette pétition mais celle-ci aboutira finalement quelques années plus
tard. Clans dans les années cinquante compte donc trois écoles mais les
deux écoles des hameaux fermeront leurs portes au début des années
quatre-vingt.
2. L’accès et la promotion à la
scolarité.
L’enseignement dispensé
aux enfants de l’école communale est de très bonne qualité. Nous avons vu
qu’il est complet et d’un très bon niveau. Le certificat d’étude qui vient
sanctionner leur scolarité est un diplôme de valeur. A Clans il y a donc
trois classes : la classe des garçons, la classe des filles et la classe
enfantine. Le 10 août 1922, cette dernière est supprimée par l’inspecteur
d’académie. Le maire accepte cette décision mais propose que les élèves
des deux sexes soient autorisés à fréquenter l’école jusqu’à l’âge de
quatorze ans au lieu de treize. Selon lui, les enfants de cet âge ont une
conception plus claire des leçons qui leur sont données. La municipalité a
donc compris combien l’enseignement est important. Toutefois, il ne faut
pas croire que l’école soit le souci primordial des familles. En effet,
les classes sont surchargées en hiver mais sont désertées avec les
premiers beaux jours car la plupart des enfants doivent accompagner leurs
parents aux champs. Les durs travaux ne peuvent tolérer l’absence de leurs
bras. Fort de ces constatations, le conseil municipal décide le 12
novembre 1922 que, suite à la circulaire du Préfet au sujet des vacances
scolaires, « Les six derniers jours à fixer par M. l’inspecteur primaire
soient pris dans les derniers six jours de l’année à cause qu’à cette
époque de l’année un très petit nombre d’élèves fréquentent l’école par
suite des travaux agricoles ».
Cette omniprésence de la vie agricole transparaît même à travers la
vie des écoliers. A Clans, un grand pas va être franchi en 1923. Le maire
donne lecture d’une lettre de M. THAON et de Mlle CORPORANDY, instituteur
et institutrice à Clans.
« Les programmes et
horaires de l’enseignement primaire nécessitent la création de quatre
groupes d’élèves dans leur classe, il résulte de ce fait que les maîtres
doivent consacrer à chaque division un laps de temps très restreint et se
dépenser sans arrêt.
Pour parer à ces
inconvénients et pour le plus grand bien des maîtres et des élèves, il y a
une solution, la gémination. Celle-ci consiste à grouper les élèves de
sexes différents. En l’espèce, M. THAON se chargerait des élèves (garçons
et filles) de 10 à 14 ans et Mlle CORPORANDY de ceux de 7 à 10 ans ».
Alors qu’il était
impensable de trouver des écoles mixtes à la ville, dans les écoles de
village la mixité se répand très vite. Le conseil municipal, observant que
cette mixité n’engendre aucune charge de la moralité, qu’elle facilite
l‘enseignement et qu’elle augmente sa qualité, approuve tout à fait la
proposition des maîtres de l’école communale. Celle-ci devient donc mixte.
En 1927, l’école de Clans
perd un poste d’instituteur. La commune insiste pour que le poste soit
recréé d’autant plus que cette décision a pour conséquence le refus de la
scolarisation des enfants au-dessous de six ans. Au total une vingtaine
d’enfants sont livrés à la rue puisque les parents sont occupés par les
travaux des champs. Emu par cet état de choses, le conseil municipal
demande le 29 septembre 1934 la création d’une garderie d’enfants. Cette
demande est rejetée par l’inspecteur d’académie mais celui-ci fixe
désormais à quatre ans l’âge minimum pour la fréquentation scolaire. On
voit donc bien à travers ces décisions le souci qu’a la commune d’occuper
les enfants et de leur procurer un enseignement de qualité.
Mais malgré tous ces
efforts, les jeunes ne fréquentent pas assidûment l’école. Peu motivés par
les parents, ils restent souvent inattentifs et turbulents. Les enfants
issus de familles peu aisées ne peuvent accéder que très difficilement à
un niveau social supérieur. Lire, écrire, compter, suffit alors pour
reprendre l’atelier ou le champ des parents. De plus, ils doivent souvent
s’absenter pour aider la famille, en particulier pour la garde du
troupeau, la moisson et la récolte des olives.
Le 8 juin 1924 la caisse
des écoles est créée. Elle va encourager la fréquentation scolaire par des
récompenses sous forme de livres utiles, de cahiers, de livrets de caisse
d’épargne remis aux élèves les plus appliqués. Elle va également procurer
des secours aux élèves indigents ou peu aisés soit en donnant des livres
et des cahiers soit en en distribuant des vêtements et des chaussures et
même, pendant l’hiver, des aliments chauds.
Le 31 octobre 1930, cette
démarche est complétée par la création de la Société des Amis de l’Ecole
Laïque de Clans. Cette société bénéficie d’une subvention annuelle de
l’Etat et ne fait pas double emploi avec la caisse des écoles. Elle a pour
but de rendre attrayant le travail scolaire, de donner un prestige à
l’école et de procurer à certain bien-être aux écoliers. Une société
analogue se tenait à Saint-Martin Vésubie. Le cinéma scolaire est l’un de
ses projets.
Enfin, peu de villageois
passent dans l’enseignement secondaire. Afin d’aider financièrement les
familles des enfants qui viennent à partir à la ville pour étudier, la
commune de Clans utilise l’argent du legs REGIS. Une somme dont le montant
varie chaque année a été léguée par Scipion Régis à sa mort afin de
permettre aux jeunes gens de la localité, suivant des cours de médecine,
d’en bénéficier. Cette somme est portée au budget communal.
En 1914,
exceptionnellement, la somme du legs s’élevant à 3 604F n’ayant pas été
dépensée, servit à pallier aux misères. En effet, cette année là, Clans du
faire face à l‘arrivée de trente réfugiés du nord de la France. Cette
situation représentait une lourde charge financière pour la commune.
En 1918, ce legs REGIS
est utilisé au profit de Paul FILIPPI, étudiant en médecine à l’école
annexe de Toulon. Cette action bienfaitrice permit à de nombreux jeunes
gens de la localité d’exercer le métier de médecin. Ce legs sera utilisé
plus tard pour des études autres que celles se rapportant à la médecine.
Toutefois les hautes
études restent encore peu nombreuses dans le village. Les exemples sont
ponctuels car même si l’école est de plus en plus perçue comme un moyen de
promotion sociale, il n’empêche que l’éducation véritable, celle qui
touche davantage l’enfant, se déroule dans la vie quotidienne. Le contact
des parents permet l’apprentissage des techniques agricoles ou
artisanales. L’écoute des adultes au repas, aux veillées est fondamentale.
Cette transmission des savoirs est un véritable patrimoine. Les filles
commencent très tôt l’apprentissage de la vie en secondant leurs mères
dans leurs tâches ménagères.
En définitive,
l’école devient une priorité de la vie communale mais le poids des
mentalités est encore un handicap important pour favoriser les études
longues qui permettent une véritable promotion sociale. Cependant, cette
situation va progressivement se modérer puisque à la fin de notre période
d’étude beaucoup plus de jeunes gens descendront à la ville pour y étudier
même si ce n’est pas encore une large majorité.
L’école communale de
Clans constitue encore aujourd’hui un véritable atout pour le village et
c’est l’élément essentiel à la survie et au développement de la localité.
Ainsi, tous ces
équipements ont permis l’évolution de la commune, ils seront complétés par
l’électrification, la mise en place du téléphone. Ce sont les
municipalités successives qui ont été assez énergiques pour arriver à un
tel résultat.
C. Les élections municipales
Les élections municipales
sont celles qui occupent le plus la vie politique du village. L’essentiel
qu’il faut retenir en ce qui concerne ces élections, c’est que les
Clansois ne votent pas pour un parti ou pour un programme précis, ils
votent pour une personnalité du village pour qui ils ont du respect, de
l’admiration et à laquelle ils font confiance. Les élus sont souvent des
notables ou des propriétaires. Ils votent d’abord pour l’homme, pour son
charisme et ensuite pour ses idées. En ce qui concerne les élections
municipales, les hommes de Clans élisent douze membres du conseil
municipal. L’élection du maire et de l’adjoint se fait ensuite par les
membres de ce nouveau conseil municipal. De plus, si au cours d’une
élection on arrive à six voix contre six, la voix du doyen compte double
afin de départager les candidats. Les Clansois n’élisent donc pas
directement leur maire, comme partout ailleurs, ils élisent le conseil
municipal composé de douze membres.
La municipalité Pierre
MAURIN
Le 30 novembre 1919, les
Clansois élisent douze membres au conseil municipal : le docteur Pierre
MAURIN, médecin cantonal, SALLA Eugène, cultivateur, RICHIER Louis,
cultivateur, REGIS Albert, commerçant, RIPERT Casimir, cultivateur, ROUX
Adrien, cultivateur ISOARDI Joseph, cordonnier, STEVE Jean-Baptiste,
cultivateur et Célestin FARAUT, instituteur. Cette municipalité ainsi
constituée élit le 9 décembre 1919 le maire et l’adjoint. Le docteur
Pierre MAURIN est réélu avec la majorité des voix et RICHIER Louis est
proclamé adjoint.
Nous pouvons recenser
dans cette municipalité cinq cultivateurs, deux commerçants, un
instituteur et un médecin.
L’élection est très
suivie puisque sur 186 inscrits sur les listes électorales 147 viennent
aux urnes soit une participation de 79 %.
Le docteur MAURIN est le
véritable notable du village. C’est le médecin des pauvres comme des
anciens du village nous le décrivent encore aujourd’hui. Médecin cantonal,
il est à la fin de la guerre un des rares à Clans à posséder une
automobile pour faire ses tournées dans le canton. Il se fait payer en
œufs, en jambon si les villageois n’ont pas les moyens de payer les
consultations. C’est un très bon maire qui réussit à relancer Clans après
la guerre, il stimule l’activité touristique du village.
Il est très aimé par les Clansois. Homme intègre, il
démissionne le 8 mai 1921. Les raisons qu’il avance sont les suivantes :
« Le conseil considère
que les actives démarches faites auprès des administrations supérieures
dans le but d’obtenir :
L’éclairage public et privé ;
Le
service des transports des dépêches comme il existait avant la guerre ;
n’ont abouti à aucun
résultat et que le public rend la municipalité responsable de cette
situation. N’ayant plus l’autorité nécessaire pour administrer les
affaires commerciales décide de prier Monsieur le Préfet de bien vouloir
accepter sa démission »
.
Le 5 février 1922 on
procède à l’élection d‘un nouveau maire et d’un nouvel adjoint. Louis
RICHIER devient maire et Casimir RIPERT prend sa place au poste d’adjoint.
Ils assurent ainsi la fin du mandat commencé par Pierre MAURIN.
A la mort de celui-ci, la
municipalité de Célestin FARAUT lui rendra un brillant hommage, le 23
janvier 1927 :
« Monsieur le président
rend hommage à la mémoire du regretté Pierre MAURIN, conseiller municipal,
conseiller municipal, ancien maire. Il s’est fait l’interprète de la
population en rappelant combien son attachement à son pays natal et à ses
concitoyens avait attiré au regretté disparu la sympathie de la
population. Le conseil municipal s’associe à l’hommage rendu à cet homme
de bien ».
Le 1er avril 1922, le nouveau conseil municipal réélit Louis
RICHIER et Casimir RIPERT au poste respectif de maire et d’adjoint. Ils
continuent la tentative précédente de faire ériger la commune de Clans au
rang de station estivale. Cette municipalité est synonyme de stabilité et
de longévité. Elle engendre des actions pour la vie scolaire assez
importantes comme la création de la Caisse des Ecoles, l’autorisation de
la gémination des classes et l’allongement d’un an de l’âge de la
scolarisation, passant ainsi de 13 à 14 ans.
La municipalité de Célestin FARAUT
Les élections municipales
du 3 mai 1925 mobilisent 173 Clansois sur 203 électeurs inscrits soit 85,2
% des inscrits.
L’élection des douze membres du conseil municipal donne
les résultats suivants : le docteur Pierre MAURIN, l’industriel Auguste
GHIRALDI, DANIEL Frédéric, cultivateur, SALLA Eugène, cultivateur, FARAUT
Célestin, instituteur, MASSIERA Louis, cultivateur, REGIS Marin,
cultivateur, MARIA Louis, entrepreneur de maçonnerie, SALLA Baptiste,
cultivateur et ASTRI Raymond retraité. A la suite de cette élection on
assiste à l’annulation de l’élection de REGIS Marin. En effet, le 20 mai
1925, le préfet des Alpes-Maritimes prend cette décision car le docteur
MAURIN et REGIS Marin sont beaux-frères et qu’il y a donc un lien de
parenté incompatible avec leur mandat. Le 17 mai 1925 après avoir élu un
nouveau conseiller municipal à la place de REGIS Marin, qui avait
rassemblé le moins de voix, on procède à l’élection du maire et l’adjoint.
FARAUT Célestin avec 9 voix est proclamé maire alors que DANIEL Frédéric
avec douze voix est élu adjoint.
Le neveu de Célestin
FARAUT nous raconte que c’est surtout à celui-ci que l’on doit
l’aboutissement des démarches pour que la commune soit érigée au rang de
station estivale. Il était l’un des premiers présidents du Syndicat
d’Initiative du département, il avait beaucoup de relations, il était
conseiller d’arrondissement. Il a fait venir les grandes familles de Nice,
il connaissait des médecins auxquels il vantait les bienfaits de la
commune.
Ainsi, cette municipalité
est synonyme de prospérité, la fréquentation touristique est à son sommet
à Clans. Les Grands Travaux de Bancairon sont en cours.
La municipalité Etienne INGIGLIARDI
Le 5 mai 1929, les
Clansois élisent un nouveau conseil municipal. Le choix est le suivant :
Gaston MAURIN, médecin cantonal, FARAUT Célestin, maire sortant, RIPERT
Casimir, cultivateur, DEGIOANNIS Louis, rentier, SALLA Eugène,
cultivateur, MAURIN Richard, commerçant, REGIS Albert, commerçant, DONADIO
Paul, cultivateur, ROUX Albert, cultivateur, INGIGLIARDI Etienne,
cultivateur, ASTRI Raymond, retraité et SALLA Baptiste, cultivateur.
Suite à cette opération
électorale, Célestin FARAUT demande l’annulation de l’élection pour le
renouvellement total du conseil municipal. Selon lui des sommes avaient
été distribuées par M. ABOMIGLIANO et le docteur MAURIN au nom d’une
tierce personne à la veille des élections et des faits de pression et
d’humiliation auraient été exercés sur les électeurs. Le conseil de
Préfecture Interdépartemental des Alpes-Maritimes rejette la protestation
de Célestin FARAUT car tout d’abord la somme de 40 F a été distribuée par
Gaspard GOJON, habitant Clans sans y être électeur, à l’occasion du
mariage de sa nièce, donc sans aucune préoccupation électorale. De plus,
il est exact que M. ABOMIGLIANO a versé des secours à quelques vieillards
inscrits au Bureau de Bienfaisance, celui-ci ne l’a fait que dans la
demande expresse de Gaspard GOJON à l’occasion du mariage de sa nièce.
Ainsi, la suspicion
émanant de Célestin FARAUT contre ses adversaires n’aboutit pas à
l’annulation de l’élection. FARAUT est un véritable politicien. Il compte
bien faire carrière en politique.
Les élections du maire et
de l’adjoint du 19 mai 1929 sont très hautes en couleur puisque le maire
ne sera finalement élu qu’au troisième tour.
En effet, au premier tour
du scrutin INGIGLIARDI et FARAUT obtiennent six voix chacun. Il apparaît
clairement deux tendances distinctes au sein du conseil municipal. Au
deuxième tour la situation reste identique et c’est finalement INGIGLIARDI,
qui ayant le privilège de l’âge, est proclamé maire.
L’élection de l’adjoint
se fera en deux tours. FARAUT au deuxième tour obtient six voix alors que
Casimir RIPERT n’en obtient que cinq. Célestin FARAUT est proclamé
adjoint.
Cette composition du
bureau électoral laisse présager de vives tensions au sein du conseil
municipal et cela sera très vite vérifié. Certaines familles soutenant
FARAUT ne parlent plus aux familles soutenant INGIGLIARDI. Les opinions
divergentes peuvent faire éclater des familles.
Un des exemples
représentatifs de ces frictions peut se retrouver en mai 1930. L’adjoint
FARAUT écrit une lettre à Monsieur le Préfet le 14 mai 1930 et expose bien
l’animosité de la situation.
« Convoqué pour le dimanche 2 courant à 20h30 à la
session de mai, je me suis rendu à l’heure fixée accompagné de cinq de mes
collègues du conseil municipal. La mairie était fermée et après avoir
vainement attendu une heure et demie nous avons fait demander à monsieur
le maire INGIGLIARDI par l’intermédiaire du garde champêtre GIOANNI de
vouloir bien nous faire dire si la réunion aurait lieu et dans le cas
contraire nous faire connaître le motif du renvoi de la séance.
« (…) Il y a là une façon
de procéder qui ne peut-être tolérée. Elle est humiliante pour mes
collègues et pour moi-même qui fait 60 kilomètres pour assister à la
séance de l’importante session de mai. J’ose espérer monsieur le préfet
que vous voudrez bien prendre les mesures qui s’imposent pour mettre un
terme à une pareille illégalité et sauvegarder les droits des élus d’une
population ».
A cette accusation, le
maire dès le 22 mai s’explique au préfet et avance que ce soir là il a dû
subitement s’aliter car il était très souffrant. Selon lui :
« Onze membres du conseil
municipal et non cinq comme dit monsieur FARAUT se sont rendus à la mairie
qui a été ouverte par le secrétaire de mairie à 20 h 35 soit cinq minutes
plus tard que l’heure de la convocation.
Quelques personnes habitant près de la mairie ayant dit
de ce dernier que les conseillers municipaux venaient de sortir, se
trouvant seul il a refermé la porte et est parti à son tour.
A 20 h 45, le docteur
étant venu voir pourquoi je n’étais pas venu à l’heure à la mairie, m’a
trouvé alité et a constaté que j’avais une crise cardiaque, il m’a
conseillé de rester couché »
.
Voilà donc le genre de climat qui règne pendant le
mandat d’INGIGLIARDI. Ce n’est véritablement pas agréable. Un ancien du
village, neveu de Célestin FARAUT, décrit en ces termes le physique d’INGIGLIARDI :
« INGIGLIARDI, il était petit, bossu. Quand il y avait des obsèques, le
maire devait dire quelques mots et il y avait ce petit homme qu’on ne
voyait pas dans la foule. Et on lui avait mis l’escabeau devant la tombe
pour qu’il fasse son discours. Il était tout tordu avec des lunettes,
j’étais petit mais c’est une image qui m’est restée de lui ».
INGIGLIARDI est resté peu
présent dans la mémoire des Clansois. Il n’a pas été un mauvais maire.
FARAUT a une personnalité
beaucoup plus charismatique, qui s’est lancé véritablement dans la
carrière politique aussi bien au sein du village que du canton. Toutefois,
dans un article de l’Eclaireur de Nice daté du 10 décembre 1932, on
apprend que Célestin FARAUT a du être interné. En effet,
après avoir tenté de se jeter par la fenêtre de son appartement niçois, il
est transporté dans la journée à l’asile Sainte-Marie. On apprend par le
journal que depuis 1931 il s’est démis de ses fonctions mais son caractère
déjà inquiet s’est davantage assombri. Cela faisait six mois qu’il se
croyait victime d’esprits qui le persécutaient.
En 1932, INGIGLIARDI
démissionne. Il n’avance aucune raison précise à cette décision et d’après
les Clansois il démissionne pour des raisons personnelles.
Tout d’abord, après la mort du conseiller municipal
Jean-Baptiste SALLA on procède à l’élection de son remplaçant le 6 mars
1932. Gaspard GOJON est élu. Le 13 mars 1932 on procède à l’élection du
maire en remplacement du maire démissionnaire. Gaspard GOJON ayant obtenu
la majorité absolue est élu.
Le maire Gaspard GOJON
est un industriel niçois qui vend des machines-outils dans son magasin de
la rue Delille.
Les anciens de Clans nous disent que c’était un très bon
maire pour le village, proche de Léon BARETY auquel il fait des
remerciements appuyés pour son action menée en faveur des communes de
l’arrière-pays.
La réélection de Gaspard GOJON.
Le 19 mai 1935, se
déroulent les dernières élections municipales avant la guerre. La
composition du conseil municipal est la suivante : Gaspard GOJON,
industriel, PAUL Antoine, cultivateur, MAURIN Gaston, médecin cantonal,
ROUX Emile, sans profession, SERIE Eugène, hôtelier, GUBERNATIS Noël ,
cultivateur, DEGIOANNIS Louis, rentier, LAUGERI Paul, STEVE Roger,
menuisier, ABOMIGLIANO Robert, employé et SALLA Eugène, cultivateur. Dans
ce dernier conseil municipal d’avant guerre il y a moins de cultivateurs
que dans les précédents. Les hôteliers sont beaucoup plus représentés.
L’élection du maire a lieu ensuite et Gaspard GOJON obtient 11 voix. Son
adjoint est DEGIOANNIS Louis.
GOJON est le seul maire
sur notre période d’étude non originaire du village mais de la ville. Il
est très apprécié par les Clansois. On dit de lui qu’il a fait de belles
réalisations pour le village. Cependant, il donnera sa démission avec la
guerre car il était franc-maçon.
III. Les mutations de l’économie du village
A Clans, comme dans tous les villages de la vallée, les
villageois ont profité des différentes richesses de leur terroir. La
partie basse du village est le domaine de l’agriculture de la trilogie
méditerranéenne : vignes, oliviers, céréales. L’élevage occupe une place
primordiale puisqu’il permet un complément alimentaire incontestable. La
coopérative laitière de Clans connaît un succès durant
l’entre-deux-guerres. Elle est crée en 1930. Les volailles, les ovins, les
bovins et les caprins sont les principaux animaux de la commune.
N’oublions pas, dans l’économie rurale clansoise, le poids important que
constitue l’exploitation de la forêt domaniale et des forêts communales.
Cependant, dans l’entre-deux-guerres, Clans va bénéficier d’une autre
richesse de son territoire : les chutes de la Tinée au Bancairon.
A. L’usine hydroélectrique du Bancairon
A la fin du XIXème et au début du XXème siècles, les
Alpes du sud vont connaître une véritable expansion grâce à l’exploitation
des richesses hydrauliques. Les débits importants des principales
rivières, les dénivellations d’envergures, les récentes découvertes dans
le domaine de la production électrique, offrent aux Alpes-Maritimes des
grandes possibilités d’exploitation, d’autant plus que l’électricité étant
facilement transportable, le rapide développement du tourisme sur le
littoral ouvre bien des espoirs.
1. La difficile mise
en place du projet
a. Des exemples
antérieurs
Paradoxalement,
l’exploitation de cette richesse, appelée à l’époque la « houille blanche
», sera tardive. Le Var, ne sera pas équipé avant 1920. L’arrivée de
l‘électricité dans notre département se fit à la suite de l’expérience
tentée en avril 1882 par la municipalité de Grenoble. En effet, lors de
l’exposition universelle de Paris en 1881, Thomas EDISON présenta sa lampe
à incandescence et réussit à conclure un contrat d’éclairage avec la ville
de Grenoble. L’expérience de Grenoble eut beaucoup de retentissement et de
nombreuses villes l’imitèrent, se lançant ainsi dans la fabuleuse
modernité de l’éclairage électrique.
En Vésubie, une minuscule
centrale fournit l’énergie nécessaire au village de Saint-Martin Vésubie
depuis 1893, grâce à la sagacité d’un édile local (en effet, Saint-Martin
Vésubie fut le premier village des Alpes-Maritimes à recevoir
l’électricité). Plus au sud, la petite usine de Roquebillière (150 kW) et
la chute d’eau de Saint-Jean la Rivière complètent cette installation
embryonnaire.
Le phénomène est
identique pour la vallée de la Tinée. Hormis la petite usine de
Saint-Sauveur, construite en 1898, et la centrale de Baume-Nègre,
installée dans la Mescla pour fournir l’électricité de la ligne de
tramway, toutes les centrales existantes aujourd’hui ne sont encore que
des projets. Ce n’est qu’en 1925, que s’entament les travaux de
construction de l’usine hydroélectrique du Bancairon. La société E.E.L.M.
(Energie Electrique du Littoral Méditerranéen) naquit véritablement à la
suite de l’association en juin 1900 de la compagnie française
Thomas-Houston et de la compagnie des Grands Travaux de Marseille. C’est
cette dernière qui aura en charge la construction de la plupart des
équipements hydroélectriques de la vallée. Dés 1866, cette société qui ne
portait pas encore ce nom là, expérimenta la première centrale de la
région sur le Loup près du Pont du Loup.
b. Les rapports de la commune avec l’E.E..LM.
Tout d’abord, la perspective de construire une usine
électrique pouvant alimenter en électricité la commune de Clans fut lancée
dès la fin du XIXème siècle. En effet, dans un rapport du sous-ingénieur
des Ponts et chausséess daté du 25 mars 1899, on apprend que le conseil
municipal de Clans vota en emprunt de 12 000F, dont les annuités seraient
prélevées sur la vente des coupes de bois et qui aurait pour but de
réaliser les ressources nécessaires pour créer une usine électrique pour
l’éclairage du village. A l’époque le prix que la commune comptait
consacrer à la construction de cette usine ainsi que le moyen de paiement
choisi étaient soumis à la critique dans ce rapport. La dynamo prévue
absorberait 9 chevaux et serait mue à l’aide d’une courroie par une
turbine actionnée par une chute. Ainsi, voici le point de départ du projet
de l’aménagement des chutes du Bancairon.
Les tractations entre la
commune, la société E.E.L.M. et le Conseil Général furent longues et
compliquées. Les négociations s’entament à partir du 27 janvier 1907 au
moment où le conseil municipal de Clans autorise le maire à passer un
traité avec la Société Electrique du Littoral Méditerranéen pour la
construction à travers les terrains communaux d’un canal dérivé de la
Tinée. Ces terrains doivent être cédés à titre définitif à la société.
Mais le 13 juillet 1908, prenant exemple sur les autres communes de la
vallée, le conseil municipal de Clans apporte des modifications à ce
traité, puisque la cession des droits de riveraineté et des terrains
nécessaires à l’établissement d’un canal de dérivation de la Tinée et à
l’installation de l’usine hydroélectrique est temporaire, d’une durée de
75 ans et expire en 1972. Il faut bien voir que la commune depuis le début
des tractations n’hésite pas à modifier les traités, voire à les refondre
totalement. La municipalité a commencé par s’assurer qu’aucune parcelle
n’était soumise au régime forestier. De là, elle a voulu établir une
entente réciproque avec l’E.E.L.M. car elle entendait bien tirer le
maximum de profits des implantations futures.
La guerre ralentit les
négociations. Quelques jours après une visite sur les lieux, le 21
septembre 1916, le Conseil Général donne une réponse favorable à la
demande des concessions formulée par l’E.E.L.M. pour l’utilisation des
forces hydrauliques de la haute et de la moyenne Tinée. Il faut bien voir
qu’à cette époque toutes les autorités politiques locales et nationales
considéraient comme une perspective d’avenir incontournable l’exploitation
des richesses hydrauliques du département.
Les conditions formulées
par le Conseil Général à la session d’avril 1917 sont les suivantes :
réserves de forces du département, tarif protecteur, délai de 10 ans pour
l’exécution des travaux et électrification des lignes du Sud-France. A
partir de cette date, il faudra attendre le 31 mai 1918 pour que l’E.E.L.M.
brise le silence et rentame les négociations. Après une discussion fort
longue, la délégation de l’E.E.L.M. est sur le point d’accepter les
conditions suivantes :
« 1. La société E.E.L.M.
s’obligeait à utiliser ou à faire utiliser, par des tiers, pour des
industries à créer dans le département, une quantité d’énergie annuelle de
60 millions de kilowattheures, répartie sur la production de l’ensemble
des usines de la Tinée.
2. Pour faciliter l’essor
industriel du département et encourager la création et le développement
de l’industrie utilisant le maximum de main-d’œuvre, l’énergie s’engageait
à tenir à la disposition de cette industrie une quantité annuelle
d’énergie de 5 millions de kilowattheures à répartir par puissance de 25 à
300 kW. Cette énergie devait être prélevée sur les 60 millions de kW
ci-dessus mentionnés et livrés sur le parcours des lignes de distribution
régionale de la Société dans la vallée de la Tinée et dans celle du Var,
entre la Mescla et le Pont du Var. Lorsque cette quantité annuelle
d’énergie de 5 millions de kW aurait été absorbée par l’industrie
susvisée, la Société consentait de nouvelles fournitures aux même
conditions, jusqu’à concurrence d’une nouvelle quantité annuelle d’énergie
de 5 millions de kWh »
.
Un autre problème
important se greffe alors au niveau des négociations. Il était convenu
entre la Commission et le représentant de l’E.E.L.M. que le prix de
l’énergie serait un prix de faveur aussi bas que possible,
inférieur au prix de revient. Mais le prix de faveur fait à la petite
industrie est fixé par la Société à 9 centimes alors que la commission
s’attendait à 3 ou 4 centimes. Cette discordance fait à nouveau reculer la
date de l’accord qui semblait alors imminent. On peut dire qu’à cette date
un véritable malaise était né. Il faudra attendre 1919 pour que la Société
accepte de ramener à 5 centimes le tarif demandé par l’Assemblée
départementale pour la petite industrie.
En ce qui concerne les
négociations particulières entre la commune et l’E.E.L.M., les conventions
n° 1 et n° 2 sont signées par les deux parties le 10 mars 1918. Dans la
convention n°1 sont rappelés les droits de riveraineté accordés à l’E.E.L.M.,
les droits d’occupation des terrains communaux auxquels sont rajoutées des
clauses spécifiques. La convention n° 2 aborde plus particulièrement la
question de la concession d’une distribution publique d’énergie
électrique. La commune de Clans donne à l’E.E.L.M. cette concession. En
ce qui concerne l’éclairage municipal, composé de 40 lampes incandescentes
de 25 bougies à Clans et au Pont-de-Clans, celui-ci, par dérogation de
l’article 1er du cahier des charges, est fourni gratuitement
par l’E.E.L.M. du coucher au lever du soleil. En revanche, si la commune
souhaite rajouter des lampes aux 40 déjà citées, alors les nouvelles
seraient alimentées par un courant payant aux conditions fixées au cahier
des charges.
En ce qui concerne
l’éclairage privé, la fourniture du courant serait soumise aux clauses et
aux conditions du cahier des charges à forfait ou à compteur. Dans
l’article 6 de la convention n° 2, il est précisé que la société devra
établir et mettre en complet état d’achèvement, avant le 1er
janvier 1923, l’éclairage public et privé sur le territoire de Clans. Mais
déjà ces clauses sur l’éclairage sont revues le 20 octobre 1918. En effet,
la fourniture gratuite du courant pour l’éclairage public est supprimée et
remplacée par une redevance proportionnelle à la production annuelle
d’énergie réalisée aux usines de Bancairon et de la Courbaisse sur la
Tinée. Cette redevance proportionnelle est basée sur le même principe dans
toutes les communes des cantons de Saint-Sauveur et de Villars. Ainsi, le
courant nécessaire au fonctionnement des lampes de l’éclairage public sera
fourni au prix de 0,50 F par bougie et par année, entretien et
remplacement compris. Voilà comment se présentent les choses fin 1918.
Maintenant il ne reste plus que ces conventions soient approuvées par le
préfet. Le 27 juin 1920, le conseil municipal de Clans menace de
démissionner car le préfet n’a toujours pas donné suite à cette
convention, ce qui empêche la commune de recevoir l’éclairage public et
privé. Le 14 août 1921 la situation est inchangée et est extrêmement
préjudiciable aux Clansois car l’E.E.L.M. refuse de donner l’éclairage
public et privé à la commune en protestant que les traités passés ne sont
toujours pas approuvés. Il faut bien voir que cela fait maintenant quinze
ans environ que la commune de Clans attend cet éclairage et que d’autres
communes comme la Tour, Saint-Sauveur, Saint-Etienne, sont déjà pourvues
en électricité depuis bien longtemps. La situation semble progressivement
se débloquer puisque le 24 novembre 1921 le directeur de la Société
E.E.L.M. se déclare prêt à fournir l’électricité de Clans sur simple
autorisation provisoire de circulation du courant mais à condition que la
durée fixée sur le cahier des charges soit réduite à 40 ans. La commune
est prête à modifier les traités mais la société E.E.L.M. n’est pas très
enclin à le faire. Il faudra attendre le 22 mai 1922 pour que
l’autorisation provisoire de circulation de courant sur les réseaux de
Clans et de Pont-de-Clans soit accordée à l’E.E.L.M. Le 17 octobre 1924
est publié le décret autorisant la concession au profit de l’E.E.L.M. des
droits de riveraineté moyennant des redevances annuelles et l’éclairage
des localités près desquelles seraient implantées les centrales
électriques.
La construction de
l’usine commence en 1925 et elle est mise en service dès 1929. Par la
suite les relations entre la commune et l’E.E.L.M. en ce qui concerne la
fourniture d’électricité se déroulent bien, même si la commune fait
quelques remarques. Le 24 novembre 1931, le conseil municipal se plaint de
l’insuffisance de l’éclairage dans la commune ainsi que du mauvais état du
transformateur, des abat-jour et des lampes. De même, le 26 mars 1939, se
faisant l’interprète d’un vœu transmis par le Comité d’Intérêt Local de
Clans, le conseil municipal demande qu’il soit trouvé une solution à
l’insuffisance de l’éclairage dans la commune. Tout d’abord cet état de
choses est, selon la municipalité, dû à la vétusté et à l’insuffisance du
transformateur qui en est même au point de constituer un danger. De plus,
on apprend que le réseau électrique clansois n’est pas rattaché à l’usine
de Bancairon ce qui est une des causes de la multiplicité des pannes qui
se produisent régulièrement en cas d’orages. A la suite de ces
constatations, le conseil municipal demande la construction d’un nouveau
transformateur en rapport avec l’extension du réseau de Clans et qui
mettrait la T.S.F. à l’abri des parasites. En outre, afin de remédier aux
trop fréquentes coupures d’électricité, la municipalité propose que le
secteur de Clans soit rattaché à l’usine du Bancairon. Ainsi, comme nous
le voyons, la qualité de l’éclairage à Clans n’est pas encore parfaite
mais toutefois la commune peut être fière d’avoir sur le territoire
communal un si bel ouvrage industriel qui représente à l’époque la plus
importante usine hydroélectrique du département.
2. Les conséquences
sur le village
L’usine hydroélectrique
du Bancairon est la principale source d’explication de l’évolution
singulière de la commune de Clans du point de vue démographique. Nous
avons déjà constaté ceci dans la partie consacrée à l’étude démographique
de la population. Toutefois, il est vrai que l’usine hydroélectrique du
Bancairon est une véritable richesse pour le village. Certes, les accords
sont difficiles à établir mais les Grands Travaux de Marseille font appel
à une main-d’œuvre considérable et ceci pendant une période d’environ cinq
ans. Ce chantier public représente une véritable aubaine du point de vue
économique pour les habitants de Clans. En effet, au moment où
l’agriculture commence à s’essouffler, les villageois trouvent un emploi
dans la construction ou l’exploitation de l’usine. De plus, cela favorise
l’arrivée massive d’une main-d’œuvre étrangère surtout italienne dont on
retrouve les effectifs dans les recensements de 1926 et de 1931. Dans
celui de 1926, on décide de recenser à part 171 ouvriers travaillant sur
le chantier de Bancairon. Sur ces 171, 159 sont des étrangers et la
majorité d’entre eux sont des italiens. Pour loger tous ces ouvriers est
mise en place une véritable cité ouvrière au Pont-de-Clans. Il faut bien
voir les bouleversements que cela constitue pour ce quartier. En effet, on
recense en 1921, 40 individus au Pont-de-Clans dont 9 étrangers. En 1926,
les 171 ouvriers comptés à part sont répartis entre le village de Clans,
au quartier de Vallon, et le Pont-de-Clans ce qui fait qu’en l’espace de
cinq ans la population de Pont-de-Clans est multipliée environ par
trois.
Il faut pouvoir subvenir
aux besoins d’une telle population : besoins alimentaires, besoins en eau,
besoins en équipements sanitaires. En 1931, la situation est encore
identique au Pont-de-Clans mais on commence à assister au véritable
développement de Bancairon qui connaît son apogée démographique à cette
période puisqu’on y recense 43 individus en 1931 et 86 individus en 1936.
En 1936, on recense à Bancairon un suisse, 15 italiens, un espagnol. La
même année au Pont-de-Clans on recense 48 personnes dont 18 italiens et 4
polonais.
Ainsi, alors que d’autres
communes de la vallée de la Tinée se dépeuplent à partir des années vingt,
Clans connaît une évolution remarquable et singulière liée au contexte
économique. Le village voit sa population passer de 505 habitants en 1921
à 793 habitants en 1926 (avec les 171 ouvriers comptés à part). Cependant
cette période des Grands Travaux n’empêchera pas l’exode rural de
s’abattre sur le village. En effet, une fois les travaux terminés, la
main-d’œuvre étrangère, arrivée à Clans attirée par l’embauche, en partira
aussi rapidement à la recherche d’un nouveau chantier. C’est une
main-d’œuvre itinérante qui se fixe là où il y a du travail. En ce qui
concerne les Clansois d’origine, la période des Grands Travaux va aussi
avoir des conséquences sur leur comportement professionnel et va même
favoriser leur émigration. En effet, comme l’explique BRAVARD, le
montagnard n’a pas l’habitude d’un salaire fixe. Si un chantier s’ouvre au
village ou à proximité, il découvre rapidement les avantages que lui
procure un emploi régulier. Mais lorsque le chantier ferme les habitudes
sont prises. C’est ainsi que beaucoup de jeunes du pays s’en vont
travailler sur d’autres chantiers ou bien sur le littoral.
Ainsi, les Grands Travaux
ont d’abord permis de freiner l’exode rural qui avait lieu dans les
villages voisins, mais une fois terminés, la population émigrera beaucoup
plus rapidement. C’est ainsi qu’en 1946 on ne comptera plus que 471
habitants à Clans alors que dix ans plus tôt on en recensait encore plus
de 600.
En définitive, il est
incontestable que du point de vue économique, l’usine hydroélectrique de
Bancairon constitue une véritable richesse pour le village. Il est
d’ailleurs assez difficile de concevoir que l’agriculture, l’élevage qui
sont des activités qui utilisent des méthodes traditionnelles et
archaïques coexistent avec cette activité du secteur secondaire à la
pointe des équipements technologiques de l’époque. Le village de Clans,
qui avait déjà une grande richesse économique avec sa forêt, se
distinguera encore de plus de l’évolution des autres villages par cet
apport économique extraordinaire. Cette partie constitue l’illustration la
plus significative des changements fonctionnels intervenus dans le village
durant l’entre-deux-guerres.
B. Le tourisme : une solution à la crise de
déruralisation
L’ensemble du littoral
niçois, connaît une intense activité touristique depuis le milieu du
XIXème siècle et celle-ci ne tardera pas à rejaillir sur le haut-pays.
Cette mutation touristique se fera d’abord bien timidement car le littoral
reste un centre de villégiature hivernal et la montagne a plutôt une
vocation d’accueil estival. Mais, c’est l’ouverture des routes à la fin du
XIXème siècle qui a suscité un engouement nouveau pour les charmes des
vallées. Le relief aux contrastes surprenants, la végétation tantôt
luxuriante, tantôt quasi-inexistante, la fraîcheur du climat estival, font
de ce pays déshérité sur le plan économique, un petit paradis pour les
riches populations de la côte.
Dans le Moyen-Pays,
l’engouement touristique est limité sauf pour deux villages : Levens, qui
profite de sa proximité d’avec Nice, et Clans qui devient une station
estivale fort réputée. Cette réputation de la commune a pu être possible
par le développement de moyens de communication efficaces. La voiture
commence à se développer mais elle reste un véritable luxe ; l’autobus
journalier part de la Place MASSENA et dessert le Pont-de-Clans. Un
service automobile de Pont-de-Clans à Clans termine le voyage. Cependant,
l’entre-deux guerres est marquée par la formidable aventure que fut le
tramway, symbole de modernité et de commodité. La ligne de la Tinée fut
inaugurée en 1912 et relie la gare de train de la Tinée à Saint-Sauveur.
Mais à la fin des années vingt le tramway est passé de mode. En 1931, la
ligne de la Tinée terminera ses activités après avoir fourni de fiers
services aux populations montagnardes et aux estivants.
1. La création de la station estivale
La vie agricole en perte
de vitesse et la fuite des Clansois vers le littoral imposent rapidement
la nécessité d’une reconversion des activités. Depuis la fin du XIXème
siècle, la magnifique forêt du Tournairet, l’altitude idéale qui fait que
la température estivale est de 20°C, les activités proposées telles que le
festin ou le pèlerinage à la chapelle Sainte-Anne, font de Clans un
village de villégiature renommé, apprécié par de nombreuses familles
bourgeoises du littoral. Elles y séjournent une grande partie de l’été
afin de fuir la chaleur étouffante qui règne sur la côte. Il faut noter
que la notion de tourisme à cette époque est différente de celle
d’aujourd’hui. Les vacances, loin d’être démocratisées, ne profitent qu’à
la classe la plus privilégiée de la population. De plus, très peu
exigeants au niveau des activités proposées, les touristes ne recherchent
que le bon air des montagnes et profitent des longues promenades à l’ombre
des sous-bois des forêts. Certes, Clans n’a pas la prétention de se
comparer à Saint-Martin-Vésubie, « la petite Suisse niçoise », mais les
cartes postales anciennes la désignent comme une agréable station
estivale.
Le fabuleux développement
touristique de la commune la démarque à nouveau des autres villages de la
vallée. La municipalité, voyant la source de richesses que pouvait
engendrer le tourisme, a entretenu la bonne image de la station. Les
réalisations dans le village depuis l’installation du réseau d’eau potable
en 1898 ont un but commun : favoriser l’expansion de la commune comme
station estivale. Les améliorations du réseau d’adduction d’eau potable,
le pavage des rues, les premières recherches d’un réseau d’assainissement,
la mise en place de moyens de transport efficaces… ont été entrepris pour
donner aux touristes la meilleure image possible du village. Un syndicat
d’initiative local existe dans la commune avant la première guerre
mondiale et a dû être crée aux environs de 1910. Il joue un rôle très
important et est en étroite relation avec le Syndicat d’Initiative de la
Côte d’Azur. Il est très actif et la devise inscrite en tête de ses
statuts est « Bien faire et laisser dire ». Présidé par plusieurs maires
et animé par quelques grandes familles, il contribue à attirer une
clientèle fort lointaine. Clans est même connu jusqu’en Bretagne grâce à
la campagne de publicité menée par la pension «Les Châtaigniers». La
commune connaît une fréquentation touristique importante. En 1920, une
délibération de conseil municipal nous apprend que la commune accueille
400 à 500 estivants par an; en 1934, leur nombre s’élève de 500 à 600. La
saison estivale commence au mois de mai et se termine à la fin du mois
d’octobre, c’est-à-dire qu’elle s’étire sur six mois de l’année. Il est
évident que la commune doit faire des efforts pour améliorer ses
infrastructures afin de répondre aux attentes de cette population
saisonnière.
Tout ceci, incite la
municipalité à demander le classement de la commune au rang de station
estivale, dans une délibération datée du 13 mars 1921. La loi du 24
septembre 1919 et le décret réglementaire du 4 mai 1920, favorisent la
création de station de tourisme et autorisent les communes à percevoir une
taxe de séjour. Après avoir dressé le tableau des curiosités artistiques
et naturelles, des moyens de communication, des moyens de logement, des
ressources en eau potable et énuméré les différentes infrastructures
hôtelières, le conseil municipal doit établir une liste de représentants à
la Chambre d’Industrie Touristique chargée de coordonner les moyens de
développement et de mise en valeur du patrimoine touristique de l’arrière
pays. Ces représentants se composent de : deux hôteliers, deux directeurs
d’agence de tourisme, un entrepreneur de transport de voyageurs, un
commerçant, cinq membres d’associations constituées en vue du
développement de la station et un médecin.
La loi de 1920, permet
aux communes de percevoir une taxe de séjour. Cette taxe est fixée dans
une délibération du 13 mars 1921 et est complétée de celle du 3 décembre
1922. Elle doit être prélevée du 1er mai au 1er
novembre de chaque année. Sachant que Clans ne présente des logements que
de troisième et quatrième catégories, le tarif perçu par jour et par
estivant est d’environ 40 centimes, ce qui rapporte à la commune 2 000 F
par an au total. L’argent ainsi récolté sert à financer de nouveaux
travaux d’assainissement et d’embellissement de la commune, des
constructions d’égout ou de repavage des rues.
Ainsi, la station de
Clans apparaît fort dynamique au début du XXème siècle.
2. Les structures d’accueil
Les estivants sont de
plus en plus nombreux à choisir le village de Clans dès le début du
printemps. Sociologiquement, cette population est composée de riches
bourgeois qui amènent leurs familles et leurs domestiques pendant les mois
chauds de l’été. Avant la conquête du Front Populaire et les premiers
congés payés, c’est surtout cette classe sociale qui peut se permettre ce
genre de vacances en famille.
Afin de répondre aux
exigences de ces estivants, qui sont assez raffinées en ce qui concerne le
confort, Clans doit fournir des logements agréables, bien entretenus et
bien équipés. Les touristes logent donc dans des pensions de famille, des
hôtels, des villas ou des appartements meublés. Au début des années
trente, Clans compte : trois hôtels, deux pensions de famille, quinze
villas meublées et une trentaine d’appartements meublés pouvant être loués
pendant l’été.
Les hôtels sont
: « l’Hôtel Ciampossin » avec son boulodrome, tenu par J. Baptiste
CIAMPOSSIN, « l’Hôtel de Paris » de J. SERIE, bien situé au centre du
village, offrant même aux clients un court de tennis, «l’Hôtel de
Pont-de-Clans » tenu par F. RAMI, fréquenté surtout par une clientèle de
passage car il est situé le long de la Nationale n° 205. Ces hôtels
fournissent une vingtaine de chambre et ont tous l’eau courante.
Les estivants ont aussi
le choix entre deux pensions de famille : « Les Châtaigniers » de Paul
LAUGERI, établissement situé sur le chemin de Saint-Jean et la pension «
Les Tilleuls », sur la place du village, équipée d’un boulodrome. Ces
pensions ont chacune quatre à cinq chambres et offrent une ambiance
chaleureuse et conviviale. Les repas sont copieux, faits avec les produits
du pays et d’une qualité remarquable; ils deviennent un élément essentiel
dans les vacances des touristes. Certains de ces établissements sont
équipés d‘un piano mécanique qui rajoute de l’ambiance aussi bien pour les
villageois que pour les estivants. Enfin, le Buffet de la gare, tenu par
Auguste BLANC, s’apparente plus à une sorte de buvette pour les voyageurs
de la vallée, puisqu’il se situe lui aussi au Pont-de-Clans, à la gare du
tramway.
En plus de ces infrastructures hôtelières, le touriste
peut choisir de loger dans des villas ou des appartements meublés qui
offrent de plus en plus l’eau courante. Les villas sont construites aux
alentours du village et leur location concerne surtout les familles
bourgeoises qui y séjournent un long moment accompagnées de leurs
domestiques.
Ainsi, nous pouvons dire que Clans présente des
opportunités de logement assez nombreuses et d’assez bonne qualité même
si, bien entendu, elles n’ont rien à voir avec les palaces de la Côte
d’Azur. Mais c’est cela aussi que viennent chercher les riches estivants,
dans cet arrière pays à l’économie modeste dont l‘aspect pittoresque
rajoute à son charme.
En définitive, dans
l’entre-deux-guerres, le village de Clans se présente à bien des égards
différent des autres villages de la vallée. Tout d’abord, alors que
ceux–ci présentent des courbes démographiques en déclin constant, Clans
voit augmenter de façon significative l’effectif de sa population. De
plus, Clans est au contact de deux mondes : l’un dans lequel prévaut la
culture montagnarde, l’autre synonyme d’innovation et de modernité.
Dès le début du XXème siècle, le village, reçoit des
aménagements importants l’adduction d’eau potable, l’électrification, le
téléphone… L’agriculture, l’élevage et l’exploitation forestière
commencent à connaître une sérieuse perte de vitesse : les rendements
baissent, la relève de la jeunesse n’est plus assurée. La production
agricole ne suffit plus qu’à la consommation familiale, on ne peut espérer
tirer un quelconque revenu financier de l’exploitation familiale. Seul
l’élevage et la production laitière apportent un peu d’argent au paysan.
Parallèlement à cette économie traditionnelle, le
village reçoit en son sein, l’industrie à la pointe des innovations
techniques de l’époque : l’usine hydroélectrique du Bancairon. Celle-ci
constitue une véritable richesse financière pour la commune qui y gagne
l’arrivée d’une main-d’œuvre importante, permettant de donner un nouvel
essor économique au village. De plus, la prise de conscience du départ de
certains agriculteurs vers le littoral a poussé les municipalités
successives à exploiter une autre richesse du village : l’accueil des
estivants.
Il y a donc ambiguïté dans la situation du village de
Clans : celle-ci présente l‘amorce d’une déruralisation et d’un décollage
économique et démographique. Cependant, malheureusement, à plus long
terme, l’évolution de la commune se calquera bien sur celle des villages
voisins. La crise démographique aura bien lieu mais sera différée dans le
temps. Une fois les grands travaux terminés les ouvriers étrangers ainsi
que des villageois partent gagner leur vie en se rendant sur un autre
chantier. L’éclatement de la vieille société villageoise se produira dès
1940. Cette société qui dans les années vingt paraissait encore solide, va
perdre l’unique pilier sur lequel elle reposait : l’agriculture. Tout
l’édifice que cette dernière supportait a été emporté, et en un peu moins
de trente ans la société villageoise a été totalement déstructurée,
victime de son manque de diversité et de son incapacité à s’adapter au
monde contemporain et à ses exigences.
Cet article est un résumé de Clans dans
l’entre-deux- guerres, Mémoire de maîtrise d’Histoire présenté par
Delphine PREDHOMME sous la direction de M. R. SHOR, septembre 1999, 193
pages.
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