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STEVE Antonin [1]

D’où vient le nom de « Barbet » ?

Ce nom fut donné jadis aux Vaudois du Dauphiné, puis aux Camisards des Cévennes, partisans de leurs pasteurs appelés « Barbes ». Il est resté dans nos régions de montagne l’habitude d’appeler l’ « oncle » lou barba : barba luc, barba juan, ce dernier terme ayant donné naissance à une recette de beignets salés et farcis très appréciés.

On trouve ce terme pour la première fois en 1640 pour désigner des malfaiteurs. Rien ne prouve que ce soit là l’origine de nos « Barbets ». En 1690, on trouve les premiers « Barbets » luttant contre l’armée de Louis XIV qui envahissent le Comté. Entre 1744 et 1748, dans les vallées, lors des guerres Gallispanes, ils luttent de nouveau contre l’envahisseur français. En 1792, ce terme est repris. On peut supposer que ces hommes, souvent barbus et hirsutes, faute de pouvoir se raser dans les bois, les cavernes ou les abris de fortune, aient été assimilés par leurs détracteurs aux chiens de nos bergers, à poils longs, qui étaient dits de race « Barbet ». Aujourd’hui encore, beaucoup d’entre eux sont appelés Pelous : Poilus. Le terme connaît une connotation péjorative, allant même jusqu’à devenir insultant. Elle en trouve sa source dans la confusion entretenue par la propagande française, mélangeant allègrement l’image du barbet avec celle du pillard, du terroriste, du « chouan »… dans une simplification abusive.

Archétype du Barbet

Le phénomène barbet touche essentiellement le Moyen et Haut Pays. Les barbets sont en très forte majorité des adultes (35-40 ans) qui vivaient dans des micro-régions surpeuplées et pauvres, à la propriété morcelée, aux exploitations éloignées, aux voies de communications difficiles, aux ressources très limitées, où le numéraire circulait peu, à l’équilibre économique et social précaire. Selon les études les plus récentes [2], une répartition socioprofessionnelle approximative démontre que 77 % étaient de petits cultivateurs, bergers, muletiers illettrés, ce qui explique une certaine homogénéité des bandes ; 19 % des petits commerçants, négociants, boutiquiers ; le restant, 4 %, des déserteurs, quelques bourgeois pro-sardes et émigrés.

Ce modèle peut être personnifié par l’exemple de Charles CRISTINI, berger au Figaret d’Utelle [3], qui n’a pour toute richesse que son troupeau. Nous le retrouverons tout au long de cet article. Son activité de petit agriculteur vivrier ne lui suffit évidemment pas à nourrir l’ensemble de sa famille.

 

Des bandes de barbets

Les barbets se regroupaient par bandes semi-organisées ; ils y désignaient un chef, lou capou ou capouiroun : celui qui se distingue par sa connaissance du terrain, par sa bravoure et sa ruse, par son rayonnement et son sens des relations avec les bandes voisines. On estime généralement le nombre de bandes à 13, qui se regroupaient ponctuellement. Le nombre des barbets y est variable, allant de quelques individus à une trentaine le plus souvent, mais jusqu’à plus de 200 suivant les lieux et les occasions, comme ce fut le cas à Roquebillière. Inversement, on quittait momentanément la bande suivant les saisons, pour les semailles ou les moissons… Les membres abandonnent presque toujours leur nom pour un nom de guerre, un sobriquet typique donné par un aspect physique : lou Pela (le chauve), un défaut corporel Tchop (boiteux), un métier Fabras (le forgeron), un état Lou mage (l’aîné), un trait de caractère Rabious (coléreux), un mot répété Manja-Raba (mange navet)…[4]

A l’abri dans la montagne

Pour se protéger des dénonciations comme des patrouilles ou colonnes mobiles qui les traquent, ils doivent être sans cesse en mouvement, d’une cachette à l’autre. Ils ont alors l’avantage de bien connaître tous les sentiers, tous les raccourcis. Dans nos montagnes, ils ont beaucoup de points de repli, abris de fortune. Quelques traces révèlent leur présence, dans des hameaux retirés comme Béasse, ou des zones d’estive comme dans la vallée des Merveilles où plusieurs gravures l’attestent [5].

De nombreuses cavernes sont aménagées (barmos, grottes ou falaises en surplomb) avec des réserves de vivres, de munitions, des couches sommaires…. A Duranus, la mémoire orale raconte qu’ils occupaient la grotte de La Courpassiero (La barmo dai Barbets), où l’on accédait en suivant un a pic dangereux ; la barmo dai Pagans (grotte des Païens) à Touët de l’Escarène, abri sous roche qui présente l’avantage d’avoir une réserve d’eau ; à La Brigue, à Tende, ou encore à Berthemont où se trouve le lieu dit « la grotte de l’Avoust », où le célèbre barbet se serait souvent réfugié. 

Le rôle des femmes

Les femmes ont joué un rôle important dans ces affrontements. Leur soutien moral et matériel est incontestable [6]. Elles participent d’abord au ravitaillement. Elles épaulent les barbets, les stimulent, aident à l’organisation des bandes, aux rencontres mais surtout elles espionnent partout et transmettent aussitôt les renseignements [7]. Tout déplacement de troupes ou d’hommes est aussitôt signalé, ce qui permet aux barbets soit de se dérober, se cacher, disparaître ou d’attaquer là où ils veulent. Beaucoup d’entre elles ont subi les représailles des français. SALICETTI, envoyé de mission de l’armée d’Italie ne recommande-t-il pas de « prendre tous leurs parents en otage ». Toutes respectent la loi du silence. La fonction amoureuse des femmes n’est pas négligeable : maris ou compagnons les rejoignent souvent la nuit en des rendez-vous isolés, cachés… Quelques-unes ont aussi suivi « leur homme » et ont participé aux attaques armes à la main, aux vols de mulets, de moutons, de munitions…, à la récupération des cadavres afin de les enterrer chrétiennement [8]. Certaines participent activement aux actions de représailles contre les représentants du parti français et prélèvent une part du butin comme pour compenser les pertes subies lors de la disparition d’un mari ou d’un frère barbet. Beaucoup ont œuvré dans l’ombre. Quelques-unes sont plus connues : Madeleine BONIN, compagne de Contin ; Marie CRISTINI née CORNIGLION, épouse de L’Avoust, sœur du barbet CORNIGLION Barthélemy dit Parella de Roquebillière et métayer de la famille CRESPEL anti-français notoires ; Anne Marie LANTIERI de Gorbio ; Christine BORDIS née CIAIS de Levens ; PASSERON d’Utelle…

Les actions des barbets

En bandes ou petits groupes, les barbets agissent le plus souvent par embuscades. Leurs coups de mains perturbent fortement les communications des troupes françaises. Convois de ravitaillement et messagers sont leurs cibles préférées. Les communes, devant répondre aux injonctions des autorités départementales, refusent souvent de le faire. Ainsi, « concernant la députation d’un membre de chaque administration de ce canton, nous vous informons qu’aucune personne ne veut se risquer de se mettre en voyage, attendu l’arrivée des barbets piémontais qui gardent aux environs », récrimine l’adminstration de Roquebillière le 23 fructidor de l’An IV (9 septembre 1796) [9].

Même les officiers trop esseulés peuvent en être victimes, comme le général CASABIANCA, au col de Tende, qui fut arrêté avec son ordonnance.

Ils agissent généralement en plein jour dans les villages où leurs partisans profitent de leur présence pour reprendre un temps le pouvoir. Les fidèles de la République sont alors leur proie. Les témoignages de certains partisans pro-français sont sur ce point sans équivoque : « Il est hors de doute que ces gens-là reçoivent asile des paysans éparpillés dans les montagnes et même de quelques habitants dans les villages », dit Louis FATIO, de Roquebillière [10], tout en précisant bien vite : « Je demande seulement qu'on ne me découvre pas à personne, car ce serait me mettre dans le cas de ne pouvoir plus être utile ».

Ils investissent parfois les villages pendant plusieurs jours, voir plusieurs semaines, la réaction française se faisant attendre à la suite des difficultés de communication mais également par crainte de l’action en zone devenue ennemie. Ce n’est que par un déploiement de force qu’ils reprennent alors le contrôle du village. Parallèlement, certains barbets servent de guides éclaireurs aux troupes régulières Sardes, voir d’informateurs, d’agents de renseignements de terrain. Leur connaissance du terrain en fait des auxiliaires précieux.

Conclusion

L’attitude des barbets est a bien des égards celle que nous retrouvons de tout temps dans les populations civiles lors des invasions. Les grandeurs et les bassesses humaines s’y expriment pleinement. Il est une certaine similitude de situation entre cet épisode et celui d’une autre période d’occupation, lors de la Seconde Guerre mondiale. C’est ainsi qu’ont pu être considérés les Résistants : « noun soun que de « Maquisars », de « Resistents », rè de brigans » [11]. La mémoire orale en conserve la trace, faisant parfois référence explicite à son histoire : « Un coü de mai deven nous oupousar as envahissours coumo an deügu oü faire mai que d’un coü li nouostres antenats » [12]. Et comment ne pas rester circonspect quand, lors d’une interrogation au Collège de la Vésubie, les élèves expliquent que le « Saut des Français, c’est pendant la dernière guerre [mondiale], les Maquisards qui ont jeté des Allemands du haut de la falaise… » [13].


 

[1] - Antonin STEVE, dit Toni Balloni, est Chargé de la Conservation au Musée des Traditions Vésubiennes. Il est l’auteur de nombreux articles dans la revue bilingue Lou Sourgentin, ainsi que de deux ouvrages contant l’histoire de familles du Haut Pays. Pour l’exposition « Sur les Traces des Barbets », il a imaginé une série originale de veillées consacrées aux Barbets. Un CD de mémoire a été enregistré en collaboration avec le groupe vocal En Prals. (Article : « Un maquis barbet ? », Pays Vésubien, 3-2002, pp. 47-50)

[2] - RIPPART L. et IAFELICE M. cités en bibliographie générale.

[3] - MUSSO A. Roquebillière, notes d’Histoire, Serre, 1981

[4] - Voir annexe les surnoms des barbets

[5] - Deux gravures mentionnent le nom d’Honoré BENSA célèbre barbet de Tende arrêté en 1800. Son identification paraît pourtant poser problème, l’une des gravures étant accompagnée d’une datation tardive. Remercions Mme Nathalie MAGNARDI, du Musée des Merveilles de Tende, d’avoir eu la gentillesse de nous les transmettre, le Pr De LUMLEY et Mme Annie ECHASSOUX de nous avoir autorisé à les reproduire.

[6] - A.D.A.-M., Série L 37 : où l’on parle d’un « attroupement de femmes »

[7] - A.D.A.-M., Série L 1266 : Marie CAMOS, de Bendéjun, complice des Barbets. Les exemples pourraient être multipliés.

[8] - A.D.A.-M., Série L 163 : à Peille, où elles jouent de subterfuge en se mettant un chapeau et en tenant des battons pour faire croire aux Français, guettant de loin, que le nombre de Barbets présents au village interdit toute intervention de leur part.

[9] - MUSSO A. Op. Cit.

[10] - A.D.A.-M., Série L 163, s.d. (voir Annexe 3)

[11] - STEVE A., extrait des « veillées », exposition « Sur les Traces des Barbets », Musée des Traditions Vésubiennes, 2001-2002 : « nous ne sommes que des maquisards, des résistants, pas des brigands ».

[12] - Ibidem : « Une fois de plus devons nous nous opposer aux envahisseurs comme avaient déjà dû le faire une fois nos ancêtres ».

[13] - Témoignage communiqué par E. GILI, professeur d’Histoire-Géographie au Collège de la Vésubie, 1999.

 


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