1. Configuration du
moulin
Au niveau des voûtes :
l’eau arrivait sous pression et tapait sur les godets d’une roue en fonte.
Par son mouvement, celle-ci entraînait l’axe central, et par là même tout
le mécanisme.
Dans le bâtiment : Au
premier niveau se trouvait un système d’engrenage pour gagner de la
vitesse. Les rouages sont en fonte, et les dents en bois dur (en sorbier).
Il fallait un entretien soigné pour conserver les dents en bon état. Au
deuxième niveau, le moulin proprement dit. Sur un socle de pierre était
fixé la première meule. Posée au dessus, la seconde était mobile, et
tournait, entraînée par l’axe central.
C’est le frottement des
deux pierres qui écrasait les grains. La distance entre les deux meules
était réglée par un pas de vis, pour rectifier l’usure de cette roche
calcaire. De plus, le moulinié devait régulièrement tracer les fines
rainures de la meule inférieure fixe avec un marteau spécial. Pour cela,
un système de treuil était aménagé aux poutres du plafond, de manière à
soulever et faire pivoter de côté la pierre supérieure, pour pouvoir
travailler sur l’autre.
Les trois meules : la
première était la moulin à blé proprement dit, celui dont on se servait
pour obtenir « la fleur », c’est-à-dire la farine la plus fine. La
deuxième meule était le moulin à blé et à seigle. Il avait son système de
poulies et son tamis pour séparer et recueillir les différentes parties du
blé. C’est le plus ancien, et quand le premier moulin fut mis en service,
il servit progressivement à moudre le seigle et le blé pour l’alimentation
des animaux. La troisième meule était le moulin pour le maïs. La meule
possède des pierres plus grossières car le maïs doit rester en grain.
2. La moulure
Après avoir réceptionné
les sacs de céréales, le moulinié commençait son travail. Grâce à un
treuil fixé au plafond, il relevait les sacs de blé et les versait dans un
énorme entonnoir en bois, l’estremeu, suspendu au dessus de la
meule. Les grains s’écoulaient alors régulièrement dans celle-ci.
Le recueil du blé
Tout un système de
poulies intervient de manière à recueillir le blé déjà trié, avec
l’intervention d’un tamis spécial.
La partie métallique : à
la sortie de la meule, le blé moulu est récupéré dans des godets fixés sur
une courroie, qui, par un système de poulies, aboutissait au tamis. Tout
l’ensemble est actionné grâce à un engrenage de dérivation, partant de
l’axe central. Il est relié à un axe mobile accroché au mur du fond (axe
n° 1). A côté de la meule, un meuble très important comprend à sa base
trois grands casiers fermés et à sa partie supérieure un axe mobile en
bois (n° 2) sur lequel est fixé le tamis. Au milieu du plafond, entre deux
poutres transversales, un arbre intermédiaire (n° 3) permet par un jeu de poulies de relier les autres axes (1 et 2), de niveaux différents. En
conséquence, le tamis est animé d’un mouvement rotatif.
Le tamis : il est
accroché à l’axe mobile (n° 2) et au meuble en bois grâce à des courroies.
Il a une forme cylindrique. Sa texture est particulière car confectionnée
de manière inégale sur sa longueur, ce qui a pour but de recueillir : en
premier la flou, grâce à la finesse extrême des mailles au départ
du tamis, puis le semoulou, c’est-à-dire la fleur mélangée, car la
toile devient alors de plus en plus grossière, et enfin, au bout du tamis,
le son est récupéré : lou bren, coume se di. Ces différents parties
du blé se trouvent respectivement dans les trois casiers du meuble. Il ne
reste plus qu’à les récupérer par un tiroir.
3. Le moulin à farine
Le moulin à farine est
présent à SMV comme dans tout village important de l’arrière-pays, où le
blé se cultivait sur le moindre lopin de terre. Il fut construit en 1837 à
l’ouest du village. On le trouve aujourd’hui à côté du cimetière. Il
existait aussi dans SMV un autre moulin à farine, antérieur à celui-ci. Il
appartenait à un particulier.
L’eau : elle provient du
vallon du Boreon. Elle est captée au pont de la scierie et suit à
travers champs un tracé presque parallèle à cette rivière. C’était à
l’origine un canal d’arrosage. Au-dessus du moulin, un bassin tient lieu
de barrage et de lavoir. L’eau est est alors emprisonnée dans trois canaux de
bois, hermétiques et parallèles, qui sortent du mur du bassin pour
pénétrer dans le bâtiment avec une pente de 45°, chacun vers l’une des
trois meules. Au niveau des voûtes, les canalisations en bois se
rétrécissent à leur extrémité, permettant à l’eau de sortir sous pression,
juste en face de godets en fonte fixés sur une grosse roue. Pour arrêter
l’arrivée d’eau, deux solutions : au niveau du bassin, grâce à une roue
crantée qui permet de mouvoir une porte de bois. Celle-ci bloque la sortie
de l’eau quand elle est en position basse. Dans le bâtiment lui-même, à
côté de chaque meule, existe un volant qui, en fermant l’arrivée d’eau au
niveau des voûtes, dévie celle-ci directement hors du bâtiment par une
quatrième arcade.
L’eau emprunte alors le
chemin de la rivière, mais auparavant, son énergie est utilisée de
nouveau en faisant tourner la grosse roue d’une scierie, proche du moulin.
4. La vie au moulin
Le moulinié : le moulin
était mis en adjudication par la commune. La personne intéressée signait
un bail de neuf années avec la mairie pour exercer cette fonction. Dès
lors, le moulinié logeait avec sa famille au-dessus du moulin. Il ne
touchait aucun salaire, mais se payait en blé, c’est-à-dire qu’il
prélevait un pourcentage précis sur les céréales moulues. Il prenait un
litre de blé pour deux doubles décalitres. Il avait aussi pour tâche
d’entretenir les meules, de reconstituer les fines rainures de la pierre,
vérifier tous les rouages en bois. Les réparations étaient aux frais de la
municipalité et se décidaient lors des séances du conseil municipal.
La vie quotidienne : Le
moulin fonctionnait tous les jours. Les habitants de SMV avaient la
priorité, excepté un jour par semaine, réservé au village de Venanson. Le moulinié faisait appeler les gens à tour de rôle pour peser leurs sacs de
blé. Au cours de la journée, il moulait les céréales. Dans la soirée, les
habitants revenaient chercher l’équivalent en farine : ils prenaient la
fine fleur, la flou, dont ils gardaient une partie pour la
pâtisserie, l’autre partie étant remélangée au blé moins fin, le
semoulou, pour faire le pain. Quant au son le plus grossier, il était
employé dans l’alimentation des animaux. En ce temps là, bien que les
boulangeries existaient déjà, chacun venait moudre son blé et se faisait
cuire le pain aux deux fours communaux du village. Les gens du pays
avaient coutume de planter toujours un peu de maïs pour cuisiner avec sa
farine, la polenta, plat régional.
Thèse :H. AMOURIC
Moulins et meunerie en Basse Provence Occidentale, du Moyen Age à l’ère
industrielle
I°) L’évolution du
matériel :
Le Moyen Age est tout
d’abord marqué par la présence de moulin à sang. La révolution fut celle
de l’introduction de la force hydraulique, générateur de nouveaux liens de
dépendance.
Méthodes anciennes :
percussion (pilon et mortier)
frottement (auges à moudre)
Les deux méthodes
pouvaient agir en combinaison.
Le moulin à roue
verticale ne semble pas s’être répandu, et encore modestement, avant la
fin du Bas-Empire. Le moulin manuel et rotatif est jusqu’alors
l’instrument privilégié d’un travail domestique, exigeant une
main-d’oeuvre propre, généralement féminine.
II°) La révolution
hydraulique :
L’équipement semble
complet fin XIIème siècle. Un siècle plus tard, il ne semble plus que le
moulin domestique fasse partie des inventaires.
La hauteur de chute : la
tombée.
Le resclau, partie
aménagée ou élargie du beal, qui précède immédiatement le moulin et
l’alimente directement.
La prise la plus courante
est en bois et pierre. Nous la connaissons au XVème siècle.
Le beal, ou canal
d’amené des eaux du moulin, qui s’ouvre au niveau de la prise par une
martelière (vanne) pour contrôler le volume de l’eau, et se déverse juste
en amont du bâtiment du moulin dans la resclause. Le terme de
vallat le remplace parfois, mais peut désigner tout autre type de
canal.
Le resclause,
l’écluse, est aussi le bassin, ou réservoir de recueil précédent les
chutes d’eau. Le surplus étant évacué par un coup perdu qui le renvoie à
la fuite du moulin.
L’ouverture des vannes
oblige à vider la resclause, et fait baisser la pression jusqu’à
obliger à interrompre la mouture, le temps de remplissage. Ce qui explique
que le moulin tourne parfois de nuit, pour compenser ce déficit, et que
les chutes soient fortes. Les périodes d’étiage (de faibles eaux) sont les
plus critiques.
Thèse : J.-P. POLY La
Provence et la société féodale, 879 - 1166. Contribution à l’étude des
structures dites féodales dans le Midi, Bordas, 1976
Au XIIème siècle, l’un
des moyens de s’enrichir pour les Prud’hommes (bourgeois), est de
devenir meunier d’un moulin, ou garde d’un battoir. Le partage de la
farine laissée comme mouture par ceux qui apportent le blé au moulin. On
prélève d’abord chaque semaine la provende de ceux qui travaillent : 10
poignées pour les adultes, 4 poignées pour les petits qui gardent le
moulin ; puis le sixième molneria pour le meunier, en échange
duquel celui-ci doit assurer la marche du moulin. Ensuite, on divise ce
qui reste entre les seigneurs du moulin. L’office est confié à un paysan
voisin. La meunerie devait rapporter, puisque le prévôt d’un chapitre
avait gardé pour lui celles de deux moulins.
Meuniers au XXème siècle
1902 - M. & Mme. VIAL
(derniers à occuper le logement à l’étage). 1918 mort de leur fille, la vue
du cimetière leur devenant alors insupportable.
1918 - BARBERIS Alexandre
et LAUGERI Louis
1925 - BERNART Valentin
1946 - RAIBAUT Michel
1951 à 1959 - GIOVINE
Louis
Venanson venait deux fois
par semaine moudre son blé à ce moulin, alors que Saint-Martin avait la
priorité tous les autres jours. Le moulin fonctionnait de 5h à 22h.
Bibliographie :
H. AMOURIC Moulins et
meunerie en Basse-Provence occidentale, du Moyen Age à l’ère industrielle,
Thèse, Aix-en-Provence