La plante
Le chanvre est originaire
d’Asie centrale où il y est cultivé pour ses fibres textiles et pour ses
graines oléagineuses. Outre son utilisation comme fibre textile, le
chanvre est aussi une plante alimentaire (sa graine, le chenevis,
donne une huile comestible) et médecinale (narcotique). Dans notre région,
les graines ne furent pas utilisées comme oléagineux, vu la richesse en
oliviers de notre région. Dans la vallée de la Tinée, le chanvre n’est
cultivé qu’en tant que fibre textile, dès le XVème siècle. L’apogée de
cette culture semble pouvoir être située dans la première moitié du XIXème
siècle. Cette culture correspond à un besoin de la petite paysannerie peu
fortunée, vivant en autarcie. Les villageois n’ont pas les moyens
d’acheter l’étoffe qui leur est nécessaire : il leur faut donc la
produire. La production est restée familiale et l’industrie textile au
stade artisanal.
Sa
culture
Le chanvre est cultivé
sur des terrains facilement arrosables, en général de petites dimensions :
les Chanabiers ou Canabiers dans des quartiers biens
exposés. A Saint-Martin, un quartier porte ce nom, dans le vallon du
Boréon, après le Pont Maissa. Le sol est retourné au magai ou à
l’araire car le chanvre a de longues racines. On l’arrosait environ tous
les 15 jours. Les semailles se faisaient de fin avril à juin, et la
récolte s’échelonnait d’août à novembre. Il y a deux sortes de tiges :
celles qui ne portent pas de graines : le “ chanvre mâle ” ; et celles qui
en portent : “ le chanvre femelle ”. Quelques graines étaient gardées pour
les semailles de l’année suivante et les autres étaient données à manger
en général aux volailles. Quand les tiges jaunissent, on l’arrache. On
confectionne des gerbes (les manaus), que l’on dresse au soleil.
Le
rouissage
Le rouissage est destiné
à dissoudre les substances agglutinantes de la tige, pour que la filasse
soit séparée plus facilement de la chenevotte. Ceci se fait dans l’eau,
calcaire de préférence et stagnante, dans des bassins naturels ou creusés
dans le sols : les naïs. Les gerbes sont déposées au fond du
bassin, et afin qu’elles ne restent pas en surface, on les maintient dans
l’eau avec des pierres. On le laissait tremper de 6 à 40 jours. Ensuite,
on le sortait et on l’étendait dans un pré où il séchait pendant 3 ou 4
jours.
Maillochage et teillage
Alors commençait le
travail des femmes : il fallait briser le chanvre pour séparer la filasse
de la chenevotte. On bat chaque gerbe sur un billot présentant une rainure
en V à l’aide d’un battoir. On cassait ainsi les fibres du chanvre. La
chenevotte avait presque disparu après cette opération. Il fallait
maintenant broyer la tige pour dégager la filasse. Le broyage se fait avec
un appareil constitué de 5 lames, trois immobiles et horizontales et deux
qui battent la fibre. Ces appareils s’appellent les Brejos. Ils
sont en bois dur : noyer, chêne, cytise. Les brins de chenevotte tombent à
terre et la filasse reste dans les mains de la paysanne qui tient les
tiges. A Saint-Martin, il y avait un quartier qu’on appelle “ les
Canabiers ”, près de la gare, à cet endroit il y avait un naï.
Le fait de battre le chanvre s’appelait “ bergonar le chanvre ”, et
cela se faisait sur la place de la Frairie.
Le
peignage
Cela consiste à séparer
la filasse des derniers brins de chenevotte. On peignait la filasse avec
des peignes, sortes de planchettes de bois sur lesquelles sont plantés
des clous, en nombre plus ou moins grand, et plus ou moins serrés. La
filasse va être passée dans les clous. Les dents du peigne le plus
grossier ne vont retenir que la chenevotte restante. Au cours du second
peignage, les dents les plus serrées retiennent la filasse la plus
grossière qui pourra cependant être filée : c’est l’estoupe. Le
troisième peignage retient encore l’estoupe, et ne laisse passer
qu’une filasse très fine : le ristou. Ces peignes étaient fixés sur
une planche ou attachés sur le banc sur lequel s’asseyait la paysanne. Le
chanvre ainsi peigné était attaché en couronnes. Il était prêt à être
filé.
Le
filage
Le filage se fait surtout
en hiver; la paysanne va amener sa quenouille pour pouvoir filer n’importe
quand : en gardant le troupeau, en berçant le bébé, le soir à la veillée.
La couronne est placée autour de la quenouille (en bois avec un cornet en
carton pour que çà la tienne) et après avoir éparpillé les fibres, elle
les étire avec la main pour pouvoir amorcer le filage. Les premiers
centimètres de fils sont enroulés autour du fuseau, et ensuite elle file
avec le crochet pour torsader le fil. La fileuse devait
constamment imprégner ses doigts de salive pur humidifier la filasse, et
ce, d’autant plus qu’elle voulait affiner le fil. Elle gardait une
châtaigne sèche ou un noyau dans la bouche, pour avoir de la salive.
Mise en écheveaux
Quand elles avaient
beaucoup de fuseaux, elles faisaient les écheveaux (4 fuseaux donnaient un
écheveau). Cette opération s’effectue avec un dévidoir, espèce de croix
pattée montée sur un axe et sur laquelle venait s’enrouler le fil. Cet
appareil s’appelle le debainainos ou debarnur dans la Tinée.
Blanchiment
Le chanvre était de
couleur jaunâtre; avant de l’amener chez le tisserand, il fallait le
blanchir (le burgadar). Elles attachaient bien les écheveaux et
lavaient le chanvre dans la tina en bois. Elles mettaient le fil,
de vieux draps et des cendres de bois. Elles versaient de l’eau bouillante
sur les cendres. La tina était percée et l’eau bouillante sortait
par le dessous. Parfois, elles répétaient l’opération pendant 24 heures.
Mise
en pelotes