L’exemple étranger :
L’Autriche joue un rôle de précurseur, elle possède depuis le milieu du
XIXème siècle une troupe de chasseurs tyroliens spécialisés dans le
combat en montagne, comme le demandait leur territoire national. Fervent
partisan de l’unité italienne, le niçois Giuseppe Garibaldi, dit Pepin,
lève sa propre troupe. Agissant en franc tireur, il dirige une véritable
armée « parallèle » à celle du roi de Sardaigne. Et pour cause,
républicain convaincu, Pepin eut toujours de l’aversion pour le
régime proposé par le roi. Les nécessités de la guerre contre l’Autriche
emmenèrent Pepin à organiser, en 1859, une troupe entraînée pour
évoluer dans la montagne, les « Chasseurs des Alpes »
.
Ce sont ces trois milles hommes qui offrirent l’ossature des fameux
‘Mille’, héros de l’unité italienne. Parmi les compagnons de Garibaldi on
retrouve un certain nombre de niçois originaires du haut-pays et
notamment Giuseppe TARDEGLIO de Saint-Martin-Vésubie
.
Les succès militaires remportés par les chasseurs tyroliens autrichiens
en 1866 font prendre conscience aux Italiens que les Alpes ne constituent
plus une fortification naturelle suffisante. Cette obligation stratégique
impose au jeune royaume d’Italie la formation d’unités préparées aux
opérations en zone montagneuse : les Alpini. Crées en octobre
1872, les Alpini s’imposent rapidement comme le corps d’élite de
l’armée italienne. La répercussion sur la France est immédiate. La
présence des Alpini sur la frontière oblige l’Armée française à
s’adapter et à former des troupes pour la montagne.
Evolution des troupes
alpines françaises
Le terme de « chasseur »
apparaît en France au cours du XVIIIème siècle, il sert à désigner les
unités chargées de missions de reconnaissance et de coups de mains.
Toutefois, c’est en 1837 qu’une compagnie de chasseurs à pied est formée
pour expérimenter une arme nouvelle, la carabine à canon rayé. Ainsi, dès
l’origine, les chasseurs sont conçus comme une troupe d’élite dont la
qualité première est la mobilité. Les bataillons de chasseurs à pied sont
« testés » sur tous les fronts : Algérie, Crimée, Italie, Chine... Mais
c’est dans les Alpes que les chasseurs scellent définitivement leur
mythe. Le rapprochement entre l’Italie et l’Allemagne inquiète
l’Etat-major français. A la fin des années 1870, les chasseurs
expérimentent des marches de reconnaissances dans les vallées alpines. Le
constat est sans appel : Bien que parfaitement entraînés, les hommes
éprouvent les pires difficultés à se déployer. Il apparaît impératif de
former des unités adaptées aux conditions particulières de la montagne et
disposant d’une plus grande autonomie. Ces exercices permettent la mise
en place des groupes alpins interarmes, associant chasseurs, artilleurs
et sapeurs du Génie. Toutes ces observations aboutissent à la loi du 24
décembre 1888 qui désigne « douze bataillons plus spécialement chargés
d’opérer dans les régions montagneuses »
.
Les nouvelles unités sont stationnées face à la frontière italienne dans
les XIVème (Grenoble) et XVème (Marseille) régions militaires
.
Ce positionnement explique que l’appellation officieuse d’Armée des Alpes
s’impose rapidement dans tous les esprits. Pour servir de point d’appui à
ces unités, une formidable ligne de fortifications est mise en place
conformément aux directives du général Raymond-Adolphe SERE DE RIVIERES
responsable du comité de défense entre 1874 et 1880. En une vingtaine
d’années les Alpes-Maritimes sont transformées en un véritable camp
retranché. L’Authion, le Tournaïret, la Bonnette, le Mont Agel, le Mont
Chauve, la Drette, la Revère,... toutes les hauteurs entourant Nice sont
mises en défense.
Les ouvrages sont confiés aux Régiments d’Infanterie Alpine qui voient le
jour en 1889. Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, l’Italie
restant neutre, les bataillons alpins sont envoyés sur le front de l’Est.
Les chasseurs alpins participent à tous les combats et se distinguent
plus particulièrement dans les Vosges. Les Allemands, impressionnés par
tant de bravoure, leurs attribuent le surnom de « Diables bleus ». Repris
à l'envie par les documents de propagande ou simplement de souvenir, ce
surnom contribua à forger l’immense popularité des chasseurs alpins. Le
prestige des chasseurs est tel que le qualificatif de chasseur alpin est
attribué à toutes les unités qui portent le béret, la taïole et évoluent
en montagne. L’opinion publique est très attachée à ses alpins et en
oublie que la défense des Alpes est répartie entre plusieurs unités
spécifiques complémentaires (BCA, RIA, BCA...).
La présence militaire
dans la région niçoise se renforce après l’arrivée au pouvoir de
Mussolini en Italie en 1922. Les revendications fascistes sur la Savoie,
Nice et la Corse poussent l’Etat-Major français à organiser le Secteur
Fortifié des Alpes-Maritimes en construisant des ouvrages de type
Maginot. De formidables travaux sont entrepris dans le Haut Pays pour
moderniser et compléter les anciens forts Séré de Rivières, prolongeant
ainsi la Ligne Maginot jusqu'à la Méditerranée. Le premier chantier est
ouvert à Rimplas en septembre 1928, avant même que la loi-programme soit
définitivement adoptée par le Parlement
.
Les ouvrages de la Ligne Maginot sont servis, à partir de 1933, par des
unités spécifiques, les Bataillons Alpins de Forteresse. La Seconde
Guerre mondiale renforce la renommée des troupes alpines. En 1940, les
chasseurs alpins participent activement au succès du corps
expéditionnaire de Narvik. De même, la parfaite connaissance du terrain,
la maîtrise du matériel et la complémentarité des unités alpines (B.C.A.,
R.I.A., B.A.F.,...) permettent à l’Armée des Alpes de bloquer l’invasion
italienne et de rester invaincue sur ce front.
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