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L’animation du « pays »

 

Avec le soutien de


Conseil Général
des Alpes-Maritimes


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Provence-Alpes-Côte d'Azur

 

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L’appel sous les drapeaux
Au service de la république
Le retour à la vie publique
Conclusion
Sources et bibliographie
Annexes

Remonter
Origines des troupes alpines
Fraternisation à la frontière
Surveiller et protéger la frontière
L’animation du « pays »


Le poids économique de la troupe 

L’été, les troupes sillonnent les montagnes de l’arrière-pays et leurs passages se multiplient dans les villages. La durée des cantonnements varie, mais il est fréquent qu’une même unité reste plusieurs semaines dans le même village. Cette présence est une véritable aubaine pour le commerce local [1]. Un bataillon représente prés de 500 personnes, et autant de consommateurs actifs dès le temps du repos arrivé. De ce fait, il n’est pas étonnant que des commerces ambulants suivent les troupes dans leurs déplacements : « partout où peut passer un Alpin avec son mulet, le mercanti arrive avec ses provisions de bouche. Les artilleurs n’auront pas encore débâté leurs animaux (...) et déjà le mercanti aura fait un étalage alléchant : saucisson et fromage, pain blanc, raisins, pêches et melons, tomates, aubergines, haricots verts, piments, concombres, tout ce qui peut rapidement frire, rissoler ou accompagner le mouton de l’intendance » [2]. Les besoins des militaires sont considérables (nourriture, fourrages, bois,...). Les retombées financières sont donc importantes pour l’ensemble des commerçants et des artisans. Les taxes perçues par l’octroi représentent une ressource non négligeable pour les communes. Cette manne économique fait des envieux, les municipalités cherchent toutes à obtenir la création d’un poste militaire permanent. Cette concurrence frénétique est qualifiée en 1888 de « Comédie garnisons » par l’éditorialiste du Mentonnais [3].

 

La troupe est une clientèle recherchée et de nombreuses baraques-cantines ouvrent l’été à proximité des cantonnements. A l’Authion, il existe une dizaine d’établissements saisonniers de ce genre. A cette altitude, les distractions ne sont pas légions et ces commerces connaissent une forte affluence. Le courrier des militaires nous laisse imaginer l’ambiance qui règne en ces lieux. En août 1926, un soldat qui s’est distingué pendant les écoles à feu raconte « Hier soir nous étions toute l’équipe des vainqueurs, une brave cuite et aujourd’hui se sera la suite, nous avons 250 Fr à boire à 7 ! » [4]. Une autre carte datée du 28 juillet 1929 précise « L’autre jour les camarades m’ont presque forcé à aller souper à Peïra Cava en auto. On a passé la soirée. Ils ont dansé, moi-même j’ai un peu dansé, (oh ! pas beaucoup) et le soir à une heure on se couchait à Cabanes Vieilles. Ce soir ils redescendent » [5]. Les soldats étant des consommateurs appréciés, de nombreux villages cherchent à obtenir la construction d’une caserne ou d’un poste militaire. L’Armée joue un rôle économique d’autant plus important qu’elle crée également des emplois. Travaux de fortification, constructions de casernes, de routes et même de téléphériques (Rimplas, Fourches, Authion) mobilisent une main d’œuvre importante. Les chantiers militaires s’étalent sur plusieurs années, offrant aux entrepreneurs locaux des contrats forts rentables. La fortification de la frontière est une aubaine pour l’économie régionale. Le programme Séré de Rivières amène la construction d’une quinzaine de forts entre 1883 et 1899. Le période Maginot (1928-1940) voit la mise en chantier de 14 gros ouvrages et 20 petits ouvrages. A ces forts, il convient d’ajouter l’aménagement de casernes, batteries, poudrières, avant-postes et autres équipements complémentaires. Toutes les vallées sont concernées et la montagne se transforme en un gigantesque chantier. Les enjeux stratégiques transforment de simples alpages en  stations touristiques renommées. La mise en valeur de ces lieux n’est possible que grâce à la main d’œuvre militaire et à des investissements financiers considérables. Ainsi, les travaux engagés par l’Armée sont comparables à un coup de « baguette magique » [6] qui bouleverse le paysage en quelques années.

 

Patriotisme et intégration

Le Comté de Nice ayant tardivement été rattaché à la France en 1860, l’Armée a un rôle important à remplir pour favoriser l’intégration des populations. Par son dynamisme et ses activités, la troupe doit « habituer les gens du pays à notre costume militaire, dans les contrées annexées, l’œil a besoin de se faire aux uniformes nouveaux pour oublier peu à peu les anciennes couleurs nationales » [7]. Cette mission pédagogique va s’exercer sous de multiples facettes. Les troupes de passage organisent des prises d’armes et dépôts de gerbes afin de rendre hommage aux soldats tombés aux champs d’honneurs pour la défense du pays. Ce travail de mémoire est le résultat d’une volonté politique qui prend corps après le désastre de 1870. Le recours à l’Histoire doit mobiliser les esprits et rendre sa fierté à la Nation. Les hauts faits accomplis, les valeurs de devoir, de sacrifice sont glorifiés afin d’entretenir le « culte des traditions » [8]. Nos montagnes abritent de nombreux monuments funéraires élevés en mémoire de militaires décédés accidentellement au cours d’exercices. Considérée comme la clef de voûte de la défense des Alpes-Maritimes, les hauteurs de l’Authion ont de tous temps été occupées. Parmi les vestiges qui attestent de cette présence militaire, deux monuments centenaires méritent d’être distingués. A l’entrée du circuit de l’Authion se dresse un étonnant ossuaire en forme d’obélisque. Ce monument fût édifié en 1901 après la découverte, lors des travaux de construction de routes militaires, d’un grand nombre d’ossements. Il s’agissait, comme en témoignent les restes d’uniformes et de boutons, des reliques de soldats français tués en 1793 et 1794, lors de la conquête du Comté de Nice par les troupes révolutionnaires. Les chasseurs alpins du 24ème B.C.A., à l’origine de cette découverte, décidèrent alors de construire un monument à la mémoire de leurs « précurseurs ». Plus loin, au sud du massif, près de la Baisse de La Déa, à proximité du sentier menant au Mangiabo, une stèle en pierre rappelle la mémoire du sous-lieutenant Henri MENSIER du 27ème BCA, décédé au cours d’une marche de reconnaissance. Le 14 mars 1900, le sous-lieutenant MENSIER fît une chute mortelle dans un ravin en voulant porter secours à l’un de ses hommes qui venait de glisser sur un névé. Ces monuments jouaient à l’époque, un rôle pédagogique et patriotique fondamental. Les actes qu’ils commémorent ont valeur d’exemples. Les autorités militaires veillent soigneusement à ce que ces lieux de mémoire soient régulièrement entretenus et visités. La démarche semble efficace, elle produit un certain effet sur les soldats. « Sospel, le 4 juillet 1902. Nous sommes ici avec le 27ème bataillon. Nous montons avec lui demain au Mangiabo. Les honneurs seront rendus à ce pauvre Mensier, dont le mausolée perpétue la mémoire »[9]. Un autre témoignage conforte cette idée. Une carte postale datée de 1906, représente deux chasseurs au garde-à-vous devant le monument Mensier. L’expéditeur l’a annoté en précisant que « ce pèlerinage nous a rudement fait mouiller la chemise ! » [10]. Les hommages permettent de sensibiliser les soldats aux actes héroïques de leurs prédécesseurs et de donner un sens à leur mission. 

 

Civils et militaires ne manquent pas de s’associer pour célébrer la Fête nationale, l’Armistice, la fête patronale,... La fête des chasseurs, « la Sidi Brahim », le 25 septembre est une cérémonie suivie avec beaucoup d’attention. Cette fête commémore l’héroïsme des chasseurs du 8ème Bataillon, à Sidi Brahim en 1845, face aux tribus révoltées d’Abd-el-Kader pendant la campagne d’Algérie. La résistance d’une centaine d’hommes contre plusieurs milliers d’assaillants est l’acte fondateur de « l’esprit chasseur », synonyme de courage et de sens du sacrifice. Pendant la période de l’entre-deux guerres, le monument aux morts de la guerre de 1914-1918 devient le lieu privilégié de toutes les cérémonies patriotiques. Dans chaque village existent alors de puissantes associations d’anciens combattants et ces commémorations sont suivies avec une grande émotion, car peu de familles ont été épargnées par le deuil. Le monument aux morts joue un rôle patriotique et éducatif fondamental. Il est souvent édifié sur la place du village, en association étroite avec la mairie et l’école. « Ce monument, nous avons voulu l’ériger à la porte de la maison commune pour que l’âme de ceux qu’il magnifie continue à veiller sur les destinées du village natal (...) Ce monument, nous avons voulu l’élever à la porte de l’école pour que dès le plus jeune âge, nos enfants sachent que leur vie est faite de la mort d’une légion de héros, pour qu’ils apprennent et retiennent l’admirable leçon du devoir et du dévouement » [11]. La place publique étant le principal lieu de rencontre, de divertissement des enfants comme des adultes, le monument aux morts est au cœur de la sociabilité villageoise. En effet, c’est sur cette esplanade que s’organise le festin, que se déroulent les parties de boules, que jouent les enfants, que se commentent les nouvelles... Ainsi, les « morts glorieux » sont associés à la vie du village et chacun est appelé à se souvenir de leur sacrifice. Il ne s'agit là que d'un retour à une permanence ancienne, qui faisait du cimetière du village le lieu d'une certaine convivialité, où se tenaient les grandes réunions politiques, parfois aussi le marché... [12]. Malgré les désagréments qu’elle peut causer, la présence de la troupe est finalement ressentie avec une certaine fierté. Lors des funérailles des trois chasseurs du 6ème bataillon, décédés aux cours de manœuvres en juillet 1890 dans le secteur de l’Authion, le maire de Moulinet déclare : « En vénérant ces martyrs, je tiens à prouver qu’à l’extrême frontière de la France, ces vaillants soldats (...) trouvent au milieu de nos populations des compagnons dévoués (...) qui au moment du danger savent comme ces malheureux chasseurs, braver la mort pour protéger l’intégrité de notre territoire » [13]. Quelques années plus tard, à Moulinet encore, le maire déclare à l’occasion du cantonnement de troupes en juillet 1897, toute sa confiance en l’Armée « cette grande famille qui est l’orgueil de notre chère France. (...) Armée si forte, si vaillante pour parer à tous les événements si jamais il devenait nécessaire de défendre nos trois couleurs qui pendant quelques jours viennent de flotter sur les positions militaires qui nous entourent » [14]. La vallée de la Bévéra est alors jugée être « aux avant-postes de notre chère Patrie ». La notion de frontière est un sujet sensible en ces temps où le séparatisme reste un courant influent : « Derniers venus à la Patrie française, dont nous avons été séparés si longtemps (...) situés à cette limite extrême de la frontière où la France finit et où commence la Terre étrangère »[15]. Dans ce contexte, l’Armée est le trait d’union qui relie l’ancien Comté à la France. Il est probable que la situation frontalière et la dégradation des relations franco-italiennes depuis 1881 exacerbent les sentiments patriotiques. Bien que Français depuis peu, les habitants du Comté de Nice n’hésitent pas à afficher leur attachement à leur nouvelle patrie. Dans l’entre-deux guerres, l’inquiétude des Niçois sera renforcée par les discours annexionnistes de Mussolini.

 

Conflits et droits d'usage

Manœuvres, travaux, festivités... l'Armée fait partie intégrante du paysage. Toutefois, il n'est pas toujours facile de concilier les nécessités de la vie civile avec celles de la vie militaire et des conflits d'intérêt surgissent. Dans les Alpes-Maritimes, l'Etat-Major exerce une grande influence sur les décisions administratives, notamment en matière de voie de communication. Pendant longtemps, les autorités militaires vont s'opposer à la construction de routes inter-vallées qui, en cas d'invasion, faciliteraient la progression d’un éventuel envahisseur. Les responsables de la défense nationale accordent une attention particulière à la maîtrise des transports car la défaite de 1870 est en partie attribuée à la lenteur de la mobilisation et des déplacements des troupes. Certes, l’Armée cherche à améliorer la desserte des zones stratégiques mais elle oppose son droit de veto aux projets offrant à l’Italie de nouveaux axes d’invasion.

 

Ainsi, l’Etat-Major encourage la construction de la ligne ferroviaire Nice-Digne-Grenoble-Chambéry qui est parallèle à la frontière ou bien celle qui longe le littoral entre Draguignan et Menton. Ces voies ferrées permettent d’acheminer rapidement des renforts et de compenser ainsi l’infériorité numérique de l’Armée des Alpes. Inversement les militaires sont hostiles au projet transfrontalier de ligne Nice-Coni car le col de Tende et le bassin de Sospel constituent l’axe historique d’invasion de la Provence. Envisagée depuis le milieu du XIXème siècle, cette voie ferrée connaît de multiples tribulations. Il faut attendre la « détente » des relations franco-italiennes pour qu’un accord soit trouvé en 1904. Les réticences de l’Etat-Major français et les difficultés techniques rencontrées ralentissent considérablement l’exécution des travaux [16]. Finalement, l’inauguration de la ligne a lieu en octobre 1928, mais le regain de tension entre la France et l’Italie porte préjudice à l’exploitation de la ligne.

 

Toutefois, la création des nouvelles voies de communication se réalise sous conditions. L’Etat-Major influence les tracés et opte pour des itinéraires qui nécessitent la construction d’ouvrages d’art (ponts, viaducs, tunnels). En cas de danger, la destruction de ces infrastructures garantit une neutralisation immédiate des communications. Ainsi, des emplacements pour la pose de mines sont prévus le long de chaque itinéraire [17]. Cette préoccupation défensive est parfaitement illustrée par la construction de la chiuse [18] de Saint-Jean-la-Rivière (1887) dans la vallée de la Vésubie. Situé dans des gorges étroites, l’ouvrage est creusé dans les parois de la falaise. Les galeries souterraines mènent à des abris (60 hommes) et à des postes de tir qui prennent la route nationale en enfilade. Le système défensif est complété par deux ponts roulants, manœuvrables de l’intérieur du fort, qui permettent de couper la route. Une chiuse identique a été édifiée à Bauma Negra pour surveiller la route de la Tinée. Les mêmes principes stratégiques ont dicté la construction dans les années 1930 de l’avant-poste du Pont Saint-Louis près de Menton [19].

 

Pour les villages du Haut-Pays, le désenclavement est un enjeu vital. Les élus déploient des trésors de persuasion afin d’obtenir l’aval des militaires pour l’ouverture de nouveaux itinéraires routiers. Dans l’entre-deux guerres, la situation se débloque quelque peu. Les élus de Saint-Martin en sont convaincus, la présence au Comité de défense, puis au Ministère de la Guerre (1934) du maréchal PETAIN, « citoyen d’adoption de notre département [20] » a facilité les choses. « Saint-Martin se souviendra toujours que c’est grâce à ce grand soldat qu’à été levé le veto qui frappait la route Vésubie-Tinée et a ainsi permis la construction du chemin 31 qui en reliant les deux vallées rend un service inestimable à nos populations » [21]. Les répercussions pour la commune sont importantes puisque l’ouverture de la route entre Saint-Martin et Valdeblore a pour conséquence directe la création de la station de ski de La Colmiane en 1931. Dans la vallée da la Bévéra, la route carrossable s'arrête, depuis 1885, à Moulinet. L'Armée refuse au grand dam de la population, que la route de Sospel soit prolongée jusqu'au col de Turini. Le veto militaire maintient le village dans une situation de « cul de sac », gênant son essor économique et touristique. Il faut attendre 1925 pour que la jonction Moulinet-Turini se réalise. Cependant, lorsque des convois militaires empruntent cet itinéraire pour se rendre à l'Authion, la circulation est interdite aux civils. De même, en septembre 1901, une polémique éclate entre la commune de La Bollène et le Génie militaire à propos de la route qui traverse la forêt de la Maïris. Le maire proteste contre le Génie qui désire limiter le poids des véhicules circulant sur cette voie. Le maire est furieux car cette initiative nuit à la vidange des coupes de bois qui constituent une importante source de revenus pour la commune [22].

 

L'hébergement des troupes pose parfois des difficultés. Les propriétaires appelés à loger des militaires se plaignent de la faiblesse de l'indemnité accordée par l'Armée. Les maires réclament une harmonisation des tarifs avec la cherté de la vie afin de « concilier nécessités des obligations militaires et des intérêts de nos concitoyens » [23].

 

Les militaires sont des hommes turbulents. Régulièrement les habitants protestent contre les vols commis par les militaires dans les cultures et les vergers [24]. Il est vrai que les cale (les « descentes ») répétées dans les jardins situés à proximité des cantonnements peuvent avoir de lourdes de conséquences pour les propriétaires. Après le départ d'une unité militaire, la population dispose alors de trois jours pour déposer des réclamations. Ce délai passé, le maire délivre un certificat de « bien vivre » attestant que le cantonnement s'est déroulé dans de bonnes conditions. Dans le cas contraire, les officiers versent des indemnités aux propriétaires lésés.  

 

Les incidents ne sont pas toujours imputables aux militaires qui sont eux aussi victimes de malveillances. Ainsi, l'Armée se plaint régulièrement auprès des maires de vols et de dégradations dont sont victimes les installations militaires. En effet, certains civils n'hésitent pas à profiter de l'absence des troupes pour récupérer sur les bâtiments tôles, bois et autres matériaux. En juin 1922, le Préfet écrit au maire de Breil pour lui signaler des actes de vandalisme contre la ligne téléphonique militaire de Cabanes Vieilles à Fontan, « le fil de la ligne a été volé et un grand nombre de poteaux ont été coupés à coups de hache à 0,50 cm au-dessus du sol » [25].

 

En quelque saison que ce soit, les manœuvres s'accompagnent invariablement d'exercices de tir d'armes individuelles ou d'artillerie. Au plateau de la Céva, à l'Agaisen, à Peïra Cava, au Mangiabo, dans le vallon de l'Arp à l'Authion... les Ecoles à feu constituent un temps fort de l'instruction militaire. L'existence de champs de tir temporaires ou permanents est une source de nuisances pour les habitants du Haut-Pays. Le périmètre de sécurité couvre généralement plusieurs hectares de terrains. Champs cultivés, prés et sentiers deviennent inaccessibles en période d'exercices. Les maires des communes concernées et les Eaux et forêts sont chargés de prévenir la population des lieux et de la durée des exercices. Affiches, écriteaux et fanions sont installés sur les chemins qui mènent aux zones de tir. Des sonneries de clairon et des tirs de sommation à blanc annoncent le début et la fin des exercices. Malgré les précautions prises, les sentinelles doivent faire preuve de la plus grande vigilance car les riverains acceptent mal d’être consignés chez eux « Les éclaireurs empêchaient les paysans d’aller avec les troupeaux dans le secteur. Des fois, il fallait les faire sortir à toutes pompes. Il fallait pas traîner dans la montagne » [26]. Aussi, pour limiter les contraintes et ménager les intérêts des propriétaires et des estivants, les autorités militaires limitent les tirs à des périodes de quatre jours consécutifs[27]. Exercices de tir et travaux occasionnent de sérieux dommages à la forêt et aux pâturages. De plus, déblais, talus, tranchées, barbelés constituent un danger réel pour les troupeaux. Régulièrement, les autorités militaires adressent à ses unités des consignes pour éviter les nuisances causées aux civils. Malgré les recommandations, un problème réccurent apparaît dans nos régions escarpées, la chute de déblais et de pierres qui viennent endommager les propriétés des riverains [28].

 

Les confrontations les plus sérieuses concernent le contrôle des points d'eau. Les sources de la Bévéra ont été captées en 1898, pour alimenter les casernements de Cabanes Vieilles. Depuis cette date, l'Etat et la commune de Moulinet se partagent l'utilisation des abreuvoirs et des bassins. A plusieurs reprises, l'Armée envisage de détourner les sources de la Bévéra pour alimenter les casernes de Peïra Cava [29]. En 1933, ce projet déclenche une vive émotion. A Moulinet comme à Sospel, on s'inquiète d'un détournement des eaux au profit de la vallée de la Vésubie. Le maire de Moulinet est le plus virulent car le cours d'eau alimente son village en eau potable mais permet aussi le fonctionnement de l'usine électrique et du moulin à farine [30].

 

Dans des secteurs fortifiés comme l'Authion, le Tournairet ou les Fourches les périmètres militaires ne cessent de s'accroître. Dans la grande majorité des cas, les communes répondent favorablement aux sollicitations de l'Etat et les ventes de parcelles se règlent à l'amiable. Les cessions de terrain sont acceptées par devoir patriotique. Toutefois, les négociations sont parfois longues avant qu'un accord définitif soit trouvé. Lorsque les désaccords persistent l'Etat se montre inflexible, n'hésitant pas à recourir à des expropriations et à des décrets d'utilité publique. La sécurité nationale l’emporte sur les doléances des propriétaires et des riverains.

 

En plus des indemnités financières, des avantages en nature sont accordés. Les élus exigent que soit notifiés dans l'acte de vente les droits de passage, jouissances et d'utilisations, accordés à leurs concitoyens. Pour ménager les susceptibilités, l'Armée n'hésite pas à prendre en charge certains travaux. Les militaires construisent un grand nombre de fontaines (Zeigler aux Granges de la Brasque, Wagner à Turini), de lavoirs et d'abreuvoirs dont ils partagent l'usage avec les civils. De même, des rampes sont aménagées aux abords des routes stratégiques nouvellement tracées pour faciliter l'accès des troupeaux aux pâtures. En août 1923, un cultivateur de Lucéram écrit au Génie car, contrairement aux habitudes, il n'a pas pu récupérer la paille des écuries militaires au départ de la troupe. Cet habitant est désappointé car « Avant la guerre, la paille m'était cédée de préférence à moi plutôt qu'à d'autres, du moment que les dégradations sont commises sur mon terrain. Depuis, il n'y a plus de paille pour moi et cela m'indigne » [31]. Tous ces « petits arrangements » font que les habitants acceptent plus facilement d'être dépossédés d'une partie du territoire communal, détourné finalement de ses fonctions au profit de tous.

 

Vie sociale et culturelle

L’arrivée d’un détachement militaire est pour chaque village un événement et la population se réjouit à l’avance des distractions qui vont agrémenter ce séjour. Pendant toute la durée du cantonnement, la vie du village va être bouleversée. Défilés, musiques, cérémonies commémoratives, bals et autres distractions animent le village d’une vitalité qui n’est pas la sienne durant les autres saisons.

 

Fanfares et musiques militaires : Les fanfares des bataillons alpins sont de taille modeste (une trentaine de membres). Toutefois, elles jouent un grand rôle et renforcent incontestablement le prestige des unités alpines. Chaque bataillon de chasseurs alpins possède une fanfare qui l’accompagne dans tous ses déplacements. La fanfare scande la marche du bataillon au rythme de cent quarante pas par minute. C’est le fameux « pas des chasseurs ». Ce pas accéléré, proche du pas de gymnastique, illustre la mobilité des chasseurs. De même, les fanfares des chasseurs se produisent en mouvement. Mouvements circulaires, lancés... assurent une mise en scène spectaculaire.  

 

Les fanfares alpines sont caractérisées par le rôle dominant des cuivres. Le cor est l’instrument mythique des chasseurs. Ses sonneries indiquent le lever, le coucher, les ordres de marche et rythment la journée des soldats. Le chasseur Aimé BARELLI garde un souvenir ému des prestations réalisées pendant son passage dans les rangs du 22ème BCA. Malgré le succès international qu’il connut par la suite, A. BARELLI considéra toute sa vie que la libre interprétation de l’extinction des feux qu’il exécuta à Cabanes Vieilles en septembre 1939 fût son plus beau récital [32]

 

Le cor de chasse devient l’insigne des unités de chasseurs. Chaque bataillon personnalise son insigne en associant la silhouette du cor à un motif qui correspond à son histoire  : l’hirondelle du 6ème BCA symbolise la mer et la garnison de Nice, le tigre du 27ème BCA rappelle les félicitations adressées par G. CLEMENCEAU en 1918 à cette unité, le coq du 24ème BCA commémore le chant de la victoire, le chamois du 22ème BCA ou la cigogne surmontant l’edelweiss du 20ème BCA leurs positions alpines. Les mêmes symboliques sont reprises par d’autres unités alpines. Sur les insignes des  Bataillons alpins de forteresse, on retrouve une edelweiss pour le 74ème BAF, un aigle et des montagnes pour le 75ème et le 76ème BAF, associés à leur devise : « On ne passe pas ».

 

Ainsi, revues militaires, défilés et prises d’armes sont des spectacles très prisés par les populations civiles. En marge de ces manifestations officielles, les fanfares participent activement à l’animation du Haut Pays. Pendant les manœuvres estivales, les fanfares sont une source de divertissements dans les villages où elles sont cantonnées. En fin d’après-midi, une fois les exercices militaires terminés, les fanfares donnent des concerts forts appréciés par les villageois et les estivants. A Saint-Martin-Vésubie, le kiosque de l'Allée des Platanes est le lieu favori de ces rencontres musicales [33]. Souvent même, les musiques militaires se chargent d’animer des bals populaires et des soirées dansantes. La fanfare change alors de répertoire et « le jazz du bataillon fait tourner des couples nombreux » [34]. Le village est en fête certes, mais les festivités reproduisent les clivages de la société française. Le témoignage de Mme CARENCO nous rappelle que même en ces temps de manœuvres les rapports sociaux restent soigneusement  codifiés. « Les militaires mettaient de l’animation, surtout les chasseurs alpins. Les autres unités aussi, mais c’était pas  pareil. En 1938, on avait eu des RIA de Marseille, mais les chasseurs c’était autre chose. En fin de journée, ils donnaient des concerts. Et surtout le soir il y avait des réceptions, des soirées privées. Il fallait être invité pour y aller. On ne mélangeait pas les torchons et les serviettes. Il fallait voir ces Messieurs, Dames. Les officiers se mettaient en grande tenue. Le plus souvent cela se passait au Paradisio, aux Tilleuls ou chez ODDO. La musique du Bataillon jouait sur la terrasse. Comme on n’avait pas le droit d’y aller, nous on venait sur le boulevard, on s’installait sur le parapet à côté de la propriété pour écouter la musique. Je me rappelle même avoir dansé sur la route [35] ». Officiers, notables et estivants sont les principaux acteurs de ces soirées mondaines. Villageois et hommes de rang sont tenus à l’écart. Par contre, des bals populaires permettent à l’ensemble de la population d’apprécier les performances des musiciens du bataillon. « De temps en temps, ils donnaient des bals sur la place du village, le nombre dépendait de la durée du séjour. Ils installaient une estrade en bois au bout de la place. Au même endroit où maintenant, on fait le festin. C’était l’événement » [36]. Ces soirées sont ponctuées de concours de danse qui facilitent les échanges entre les villageois et les militaires. Ces amicales confrontations débouchent parfois sur des rendez-vous galants et quelques mariages. Un air de fête souffle sur les villages des vallées niçoises et le départ du détachement qui a partagé la vie des habitants, laisse planer une certaine nostalgie. A Moulinet, les anciens ont encore en mémoire la chanson « Moulinet, the Tango » écrite par deux militaires du 3ème RIA en 1928 [37]. Ce « tube » rythma, tout au long des années Trente, les nombreuses soirées dansantes qui égayent le village.

 

Ainsi pendant quelques jours, le village vit au rythme des Alpins. La venue d’un détachement est un événement qui bouscule les habitudes et ne laisse personne indifférent. Le passage des chasseurs à l’Escarène, laisse à R. LACAN le souvenir d’une parenthèse enchantée. Le départ du détachement ramène les villageois à la routine quotidienne : « Et le lendemain, les yeux pleins de sommeil, nous nous retrouvions dans notre village de vacances où le rêve bleu-jonquille, les couleurs des chasseurs alpins, s’était évanoui. Il nous restait à attendre la venue d’une autre unité [38] ».

 

La présence des chasseurs est un gage de réussite, elle donne un éclat particulier aux festivités locales. Partout les Alpins prennent part aux manifestations : ils animent les « festins », participent aux cérémonies commémoratives, aux batailles de fleurs, présentent des chars au carnaval de Nice... L’implication des alpins dans toutes les manifestations de notre région leur vaudra le surnom de « bataillons des fleurs »....

 

La vie religieuse : La vie religieuse est révélatrice des liens étroits qui unissent civils et militaires. Aux sanctuaires de Laghet ou de la Madone de Fenestres, de nombreux ex-voto attestent la reconnaissance des soldats envers la Vierge qui les a protégés des dangers. Dans le même esprit, les militaires sont à l’origine de la construction de plusieurs édifices religieux notamment à Peïra Cava et au Tournairet. Peïra Cava est un emplacement stratégique, situé à proximité de l’Authion et de la frontière. La position est renforcée en 1887 par la construction des casernes Crenant qui permettent l’occupation du site en toutes saisons. Cette présence militaire intense assure le succès de Peïra Cava. Simple hameau de Lucéram, Peïra Cava devient, en quelques années, une station touristique renommée. Le développement de la station est rapide, de nombreux chalets, hôtels et pensions s’ouvrent, une ligne autobus assure la liaison avec Nice plusieurs fois par jour. Toutefois il n’existe à Peïra Cava aucun lieu de culte et la messe est célébrée chaque dimanche sous un hangar militaire. Pour remédier à cette situation, militaires et estivants financent en 1903 la construction d’une chapelle. Conformément au souhait d’un des principaux donateurs, le colonel Robert de COURSON de la VILLENEUVE, l’édifice est consacré à Notre-Dame-de-la-Paix. En effet, pendant la guerre de 1870, Robert de COURSON, tenait un poste d’observation dans l’église de Lorry-les-Metz. Un jour, un obus éclata à ses pieds sans le blesser. Il se promit alors d’élever à la vierge de Lorry un autel. A la fin des hostilités, Robert de COURSON fît venir de la Lorraine annexée la statue de la Vierge de Lorry et lui éleva un autel à Moncontour en Bretagne. Sa carrière militaire terminée, Robert de Courson se retira à Nice. Apprenant la construction prochaine d’une église à Peïra Cava, il finança une grande partie du projet à la condition que la chapelle fût dédiée à la vierge de Lorry [39]. La façade du bâtiment rappelle ce don, puisqu'un bas-relief, situé au-dessus de la porte, représente au centre la Vierge Marie portant l’enfant Jésus, à sa droite, en uniforme, Robert de COURSON et une femme du pays, à la gauche de la Vierge un chasseur alpin et un skieur. Un autre exemple se rencontre aux Granges de la Brasque. Les hauteurs du Tournaïret sont occupées depuis 1889 pour surveiller la haute Vésubie. L’afflux de troupes en période estivale amène l’abbé ROCHAND, curé de Lantosque, à lancer une souscription pour construire un lieu de culte : « c’est pour que nos soldats aient les offices religieux que je viens vous demander la charité » [40]. La chapelle de Notre-Dame-des-Victoires est inaugurée en 1932, elle a coûté deux millions de francs. Le destin de cette chapelle est intimement lié à la présence des troupes. Lorsque le Tournaïret perd sa fonction militaire, elle tombe en désuétude. Aujourd’hui le bâtiment est en ruine.

 

La troupe, ambassadeur de l’hygiène et de la modernité : Les gouvernements de la IIIème République accordent une grande attention à ses soldats-citoyens. Pour améliorer la vie quotidienne des militaires, l’Armée entreprend d’importants travaux. Les communes concernées par ces réalisations négocient avec les autorités militaires droits de passage et d’usages afin que les civils profitent des progrès apportés par les différents aménagements (routes, abreuvoirs, adduction d’eau...). Au fil du temps, les bâtiments se spécialisent : cuisines, infirmeries, logements pour la troupe, écuries pour les animaux, réfectoires, mess... A partir de 1875, les casernes sont toutes édifiées sur le même modèle. Cette standardisation permet de baisser les coûts de construction, tout en renforçant le prestige de l’Armée de la République. La caserne Crenant à Peïra Cava, inaugurée en 1887, présente un ensemble architectural incomparable. Au centre, une vaste cour d’honneur utilisée pour les prises d’armes, les appels, les exercices. Disposés autour de ce « cœur », les chambrées, le foyer, le réfectoire et divers locaux nécessaires à l’intendance. Un peu plus loin, à l’écart, les logements et le mess des officiers, les écuries, la poudrière. Là où il n’y avait que la forêt et quelques granges, un hameau voit le jour. Réfection de la route, adduction d’eau, construction de bâtiments en pierre de taille… la main d’œuvre militaire accomplit là, bien avant l’heure, une véritable opération d’aménagement du territoire. Le succès de Peïra Cava est foudroyant, été comme hiver, la station ne désemplit pas.

 

La caserne est un bâtiment neuf, symbole de modernité. La caserne type est construite en pierre de taille, elle dispose d’un système de ventilation, d’un poêle pour le chauffage, de l’eau courante, de latrines désinfectées à la chaux, de douches. Le règlement militaire évolue vers un renforcement de l’hygiène et d’une amélioration des conditions d’accueil des citoyens-soldats. Les draps et le linge de corps doivent régulièrement être changés, tandis que le décret de 1892 rend obligatoire le café du matin (le « jus ») et deux repas quotidiens. Ainsi, bons nombres d’appelés bénéficient pendant leur service militaire de conditions sanitaires meilleures que dans leur village d’origine. Comme en témoigne un contemporain « La présence des troupes a métamorphosé la notion du confortable dans maints hameaux »[41]. La santé publique devient un argument pour renforcer la renommée du village. Les communes engagent d’importantes dépenses pour se doter d’équipements sanitaires modernes et défendre leur réputation : « le bon renom de la ville comme station estivale, exige que tout ce qui peut porter atteinte à la salubrité publique soit évité (...), il convient d’entretenir en bon état et de multiplier même le nombre de cuisines et de latrines militaires » [42].  L’Armée contribue à faire évoluer les mentalités. En 1920, le conseil municipal de Moulinet lance un vaste programme d’assainissement du village qui prévoit la construction de douches et de water-closets pour satisfaire les estivants et « retenir certains jeunes gens qui ont pris au régiment l’excellente habitude d’user des bains douches » [43]. Pour répondre à ses besoins, l’Armée réalise de nombreux travaux d’adduction d’eau. Partout où les troupes s’installent, les citernes, les abreuvoirs, les lavoirs et les fontaines se multiplient. Ainsi, la présence militaire contribue à modifier la conception de l’hygiène dans le haut pays. Le souci des autorités de maintenir les hommes en bonne santé aboutit à des situations cocasses. En 1889, le commandant de la subdivision de Toulon et d’Antibes s’adresse au Préfet pour lui faire part de ses soupçons sur la présence d’une maison de tolérance clandestine à proximité du cantonnement de ses troupes à Peïra Cava [44]. Tous ces jeunes hommes isolés en pleine montagne constituent une clientèle de choix et là où les troupes s’installent durablement, les établissements de plaisirs  prospèrent, les fameux B.M.C. (« Bordels militaires de campagne »). Le commandant est inquiet car certains pensionnaires de ce lieu sont porteuses de maladies contagieuses. Les responsables militaires interviennent avec succès auprès du Préfet pour que cette situation cesse et ...que soit créé « une maison de tolérance autorisée » [45]. Cette reconnaissance officielle permet de mettre en place le suivi médical des jeunes femmes qui fréquentent l’établissement.

 

En quelques années des liens étroits se sont tissés avec la population. Il faut se souvenir que le 27ème bataillon de chasseurs est rapatrié d’Afrique du nord en 1887 pour porter secours aux habitants du Mentonnais durement éprouvés par un tremblement de terre. Intérêts stratégiques et humanitaires sont  intimement liés, et le bataillon ne quittera plus notre région. A maintes occasions les soldats prêtent assistance aux  civils. Distribution de soupe aux indigents, lutte contre les feux de forêt, déneigement des routes, aide aux sinistrés lors du glissement de terrain de Roquebillière en 1926 ou de l’incendie de Saint-Etienne-de-Tinée (31 juillet 1929). Cette œuvre sociale renforce incontestablement la popularité des alpins. Cette renommée est telle que les chasseurs sont utilisés comme argument publicitaire. Images et cartes postales à leur effigie sont offertes en cadeaux lors de l’achat de chocolat, de biscuits et autres produits. Les oeuvres des peintres militaires assoient la renommée des alpins. Des artistes anonymes ou réputés comme Pierre COMBA (1859-1934) et Emmanuel COSTA (1833-1921) immortalisent les faits et gestes des chasseurs en manœuvres dans les montagnes niçoises. Le parcours de Pierre COMBA est exemplaire. Neveu de Joseph FRICERO, portraitiste à la cour de Russie et fils de Pierre-Paul, peintre militaire, Pierre COMBA poursuit cette lignée familiale en devenant peintre-aquarelliste au Ministère de la Guerre. Initié à la peinture par son père, P. COMBA entre à l’Ecole des Beaux-Arts à Paris et devient l’élève de L. GEROME. Appelé sous les drapeaux, il part en Afrique et participe à la campagne de Tunisie. Cette expérience est décisive, elle détermine sa vocation de peintre de militaire. De retour en France, P. COMBA est affecté comme peintre-aquarelliste au Service Géographique du Ministère de la Guerre. Revenu dans sa ville natale pour des raisons de santé P. COMBA reste fidèle au thème militaire. Il accompagne les chasseurs alpins sur les sentiers et s’attache à décrire leur quotidien. Le réalisme et la précision des scènes lui valent d’être surnommé « le peintre des Chasseurs ». P. COMBA fait preuve d’un  talent incomparable pour évoquer la lumière et les couleurs si particulières des montagnes niçoises : « Ses innombrables aquarelles (…) nous retraçent les mille aspects attirants des Alpes : sapins d’altitude, eau claire des vallées, cimes recouvertes d’un manteau de neige, ciel orageux avec, toujours en bonne place, saisissant de vérité et d’allure, au repos ou le bâton à la main et le fusil à l’épaule, le vaillant chasseur alpin »[46]. La célébrité de P COMBA s’affirme, ses aquarelles sont éditées en cartes postales et l’artiste collabore à différents ouvrages à la gloire les Diables-Bleus. Toutefois, P. COMBA doit sa renommée aux vues panoramiques de Nice avec une jeune femme en costume local au premier-plan, qu’il réalise avant la Grande Guerre. Diffusés sous forme d’affiches ou de cartes postales ces vues de Nice lui permettrent de passer à la postérité. Grâce à ces images, nombre de niçois mobilisés emportèrent ainsi dans les tranchées un peu de leur pays. « Mon grand-père était parti au front avec la carte de Nissa la Bella. Il la tenait toujours avec lui, même dans les tranchées de Verdun » [47].

 

La troupe se fond dans le paysage et fait corps avec la population dont elle partage l’existence. C’est un véritable laboratoire social qui fonctionne lors de ces temps de manœuvres. Les contacts avec une population militaire issue de milieux et d’origines différentes ouvrent les villages sur la réalité nationale. Pour une population rattachée à la France en 1860, l’Armée est la meilleure représentation de la nouvelle Patrie. Les incidents qui ont émaillé l’installation des troupes au lendemain du rattachement semblent loin. « On comprend qu’on ne trouve guère de traces de mécontentement. L’Armée est trop étroitement unie au pays (...) Qui songerait à se plaindre d’une armée qui travaille, paye, indemnise ses dégâts, et en prime régale les populations de ses airs de fanfare » [48]. Ainsi, par sa présence et par son rôle civique, l’institution militaire contribue à l’intégration des populations du Comté de Nice.

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[1]  - DIANA P. Moulinet dans l'entre-deux-guerres, Mémoire de Maîtrise,  U.N.S.A., 1992

[2] - ARDOIN-DUMAZET, Voyage en France,  La Provence maritime, Berger-Levrault, 1909. 

[3]  - BOTTIN, Op. Cit.

[4] - Collection Pascal DIANA

[5] - Ibidem

[6] - VALENTIN, Op. Cit.

[7] - Rapport du commissaire spécial des chemins de fer au préfet du 20 juillet 1875, A.D.A.-M., 24179 cité par BOTTIN

[8] - Circulaire du ministre de la Guerre, le général Ernest de CISSEY, 3 juin 1872 in ROYNETTE O., Bon pour le service, Belin 2000.

[9] -  GARACIO J.-P. « Le monument Mensier au Mangiabo », in Le Haut Pays, n° 15, octobre 1988, pp. 14-15

[10] - Collection Pascal DIANA. A notre connaissance trois vues du monument Mensier ont été éditées en cartes postales à cette époque. Le monument de Tueis est quant à lui le sujet principal de 14 cartes postales. 

[11] - Ernest BAILON, maire de Moulinet, discours d’inauguration du monument aux morts, 4 septembre 1927, A.M. de Moulinet.

[12]  - ARIES Ph. L'Homme devant la Mort, Seuil, 1977

[13]  - L’Eclaireur, 22 juillet 1890

[14]  - Registre des arrêtés du maire, juillet 1897, A.M.M.

[15] - Le Petit Niçois, 19 avril 1914.

[16] - Les travaux côté français ne commencent qu’en 1910. L’Armée obtient que la ligne passe par l’Escarène et emprunte les tunnels du Braus et du Grazian.

[17] - La déclaration de guerre de l’Italie en 1940 entraîne l’application stricte et immédiate du plan de destructions préventives. Dans la nuit du 10 au 11 juin, tous les accès entre la France et l’Italie sont coupés.

[18] - De l’italien « fermer », fort en position de barrage interdisant la traversée de gorges.

[19] - La barrière métallique amovible commandée depuis le fortin empêchera toute progression italienne vers Menton par la route littorale.

[20] - Affecté au 24ème bataillon de chasseurs, le sous-lieutenant PETAIN reste en garnison à Villefranche-sur-Mer de 1881 à 1883. Au cours de ce séjour P. PETAIN participe aux marches en montagne dans l’arrière-pays et découvre les plaisirs de la vie mondaine. C’est à cette époque qu’il se lie à la famille HARDON dont il épousera plus tard la fille Eugénie. Toutes ces raisons font qu’au lendemain de la Grande guerre le Maréchal PETAIN achète « l’Hermitage », une propriété située à Villeneuve-Loubet où il réside fréquemment.

[21] - Délibération du Conseil municipal de Saint-Martin-Vésubie, séance du 5 juin 1940.

[22]  - A.D.A.-M. Série 2R 42, La Bollène.

[23]  - A.M.M., Registre des délibérations, 20 février 1920.

[24]  - A.D.A.-M., série H, affaires militaires ED69, Breil, 2 H10, 19 septembre 1927

[25]  - Breil, ED69, 2 H 9

[26] - Témoignage M. LABADIE, op. cit.

[27] - A.D.A.-M., Série 2R, dossier 24 204, servitudes des champs de tir.

[28] - A.D.A.-M. Série H Génie militaire, Breil 2 H 9

[29] - DIANA P.  Moulinet dans l'entre-deux-guerres, op. Cit.

[30] - A.D.A.-M., Moulinet, 24213

[31]  - GARACIO J.P. « Chemins et sentiers militaires en Haute Bévéra », in Le Haut-Pays, n°  25, décembre 1992.

[32] - PAGNUZZI A. « Aimé BARELLI, premier clairon au 22ème  », in Lou Sourgentin, Les Diables bleus, n° 96, 1991

[33] - Fond C.E.V., collection. Henri GIUGE.

[34] - Le Petit Niçois, 3 août 1937

[35] - Témoignage de Mme M. A. CARENCO, fond Pascal DIANA, septembre 2000.

[36] - Op. cit.

[37] - Cf. Annexe n° 7

[38] - LACAN R., « Chasseur à l’Escarène »,in  Lou Sourgentin, n° 96, Op. Cit

[39] - Panneau d’interprétation, historique de la chapelle.

[40] - Collection Jacques CANTARITI.

[41] - DUHAMEL H. Au pays des alpins, Grenoble, 1899.

[42] - Délibérations  municipales de Saint-Martin Vésubie, séance du 19 novembre 1909.

[43] - A.M.M. Registre de délibérations Conseil municipal, 27 décembre 1920.

[44] - ROCCA R. « Proche de la caserne », in Lou Sourgentin, Vie galante en Pays niçois, n° 126, avril 1997.

[45] - Ibidem

[46] - J. GIORDAN, « Lou caireu nissart », 1934 in Lou Sourgentin, Les Diables bleus, n°96, 1991

[47] - Témoignage de Gaston FRANCO, fond C.E.V., juillet 2000.

[48] - BOTTIN op. Cit.

 


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