Malgré les relations
conflictuelles entre les deux Etats, la frontière « artificielle » de
1860 ne joue pas son rôle. Bien moins qu’une barrière, elle est au
contraire, un véritable lieu de rencontre pour les voisins , Français et
Italiens. Il existe un certain décalage entre les discours ministériels
belliqueux et la réalité locale. Les troupes qui séjournent sur les
monts, circulent, s’entraînent, sont aussi aptes à fraterniser
lorsqu’elles se rencontrent. Ainsi voit-on, avec les douaniers des deux
Etats qui se côtoient régulièrement, se réunir les troupes alpines,
gendarmes et carabiniers, qui posent souvent pour des photographies
souvenirs. L’idée d’affrontement reste longtemps absente de ces lieux, où
se croisent les cousins d’hier, peuples des vallées occitanes françaises
et italiennes, Nissarts et Piémontais. C’est le cas dans la Gordolasque,
le Valdeblore et plus encore au Boréon et au sanctuaire de la Madone de
Fenestres. Cette complicité relative permet au lieutenant VAGLIO qui
dirige une reconnaissance de la SES du 75ème BAF à la Cime du
Diable, de discuter avec son homologue italien alors que la guerre est
déclarée depuis trois jours. Les deux hommes prennent toutefois la
précaution de rester dos à dos pour que les Chemises noires qui occupent
les positions alentours ne se rendent compte de rien
[1].
Cependant, la familiarité a des limites et le lendemain des coups de feux
sont échangés sur les mêmes pentes où tant de fois Français et Italiens
ont fraternisé [2].
Malgré les tensions accumulées depuis la fin du XIXème siècle, bon nombre
de Niçois ne peuvent se résoudre à envisager l’irréparable. Aussi la
déclaration de guerre italienne est-elle perçue comme une véritable
trahison, un « coup de poignard dans le dos ».
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[1]
- PANICACCI J.L Les Alpes-Maritimes de 1939 à 1945, Serre
1989.
[2]
- Le 14 juin 1940, l’Alpin J. RIGOT est abattu, il est le premier
français tué du front des Alpes.