à Pélasque
Notes
ethnographiques
ISNART Cyril
Le festin de Pélasque
compte parmi les autres activités traditionnelles de festin la
grand-messe, l’offerte et la procession. Basé sur le culte de la Vierge,
nommée ici Notre-Dame-des-Anges, c’est l’ancienne église paroissiale du
hameau qui constitue le centre des activités rituelles.
En 1999, c’est le dimanche 18 Juillet qu’à eu lieu
cette fête, le festin ayant débuté le vendredi précédent. La grand-messe
est annoncée pour 11 h, suivie de la procession.
A priori, ces rites
n’ont jamais fait l’objet d’observations ethnologiques et c’est donc à
une étude complète d’un moment du festin que ce travail est voué. Au
niveau méthodologique, j’ai choisi une observation stricte, avec peu de
contacts véritables avec les agents. L’enquêteur étant pratiquement
inconnu de ceux-ci, et n’ayant pas préparer le terrain auparavant, il
semble très approprié de ne pas participer aux rites. Ces notes de
terrain sont complétées par un reportage photographique (au format
diapositive) qui prendra en compte chacun des deux rites observés :
offerte et procession. Le problème de la prise de photographies réside
dans la visibilité qui résulte de la prise de vue. Tout de suite,
l’observateur est remarqué par les agents et identifié comme
non-participant. Pour tempérer cette impression, plusieurs facteurs ont
joué, dont certains n’étaient pas conscients. D’abord, la fait de dire
bonjour aux jeunes gens et jeunes filles du comité des fêtes dont
certains membres me connaissaient de vue. Ensuite le fait d’être
introduit auprès du président du comité par le maire de la commune. Enfin
d’engager une conversation avec le sonneur de cloche et la dame qui
s’occupe de l’église.
Convention de départ : à l’intérieur de l’église, la
droite et la gauche sont celles de l’officiant regardant les fidèles.
Observation
Le bâtiment est une église à une seule nef et un chœur quadrangulaire,
avec deux autels latéraux à la sortie du chœur. Une mezzanine surplombe
la nef au-dessus de la porte d’entrée. Une première pièce d’extension se
situe à gauche du chœur, qui constitue une sacristie, dans laquelle je
n’ai pu entrer. Le long du mur de la nef se colle une seconde pièce qui
sert au catéchisme et aux leçons de piano gratuites de Mme Doux. Elle m’a
confirmé le fait qu’il s’agissait d’une fosse commune, et qu’il reste un
tibia sous la dalle.
La porte d’entrée est datée de 1826, une date se
trouve dans la deuxième pièce qui est 1763, gravée dans une partie de
retable en bois polychrome rouge et or. Le mobilier ne semble pas
remonté, pour la plupart des pièces, avant le XVIIème siècle. Signalons
les statues de Saint Georges, Saint Antoine de Padoue, Saint Pons et la
Vierge, toutes en bois sculpté et polychrome. Les tableaux qui
surmontent les autels latéraux sont datables du XIXème siècle, un autre
sur le mur de la nef semble plus ancien.
Dans la partie droite du chœur est posée une chaise
de procession en bois sculpté dans laquelle se trouve une statue de
Vierge à l’enfant, parée d’un manteau jaune et blanc aux motifs
décoratifs inspirés de végétaux et d’une écharpe violette sur laquelle
sont cousues des bagues, boucles d’oreilles, des sacré-cœurs et d’autres
bijoux précieux.
11 h 15. Rien n’est à dire
de spécial sur le sermon et le déroulement de la messe. L’accompagnement
musical est exécuté par une accordéoniste, assis à la droite du chœur.
C’est seulement après le Credo que l’offerte débute, conduite par le
comité des fêtes.
Description du comité
des fêtes : le cortège de l’offerte est constitué de sept jeunes gens
de 17 à 25 ans environ et de 6 filles de 13 à 18 ans. Le président du
comité ne fait pas parti du cortège, mais stationne derrière le banc des
autorités. Les hommes sont habillés de manière stéréotypée : un jean bleu
ou noir, et un tee-shirt glissé dans les pantalons, de couleur grise,
portant l’inscription suivante : Comité des fêtes - Pélasque - 1999. Ils
portent chacun une cocarde en forme de fleur, jaune et orange au bouton
doré. Deux d’entre eux (le plus jeune et le plus âgé) portent une
hallebarde dont la base de la partie métallique représente deux coqs nez
à nez. Sont accrochés aussi un bouquet de fleurs artificielles oranges et
jaunes, ainsi que des rubans verts, blancs, jaunes et oranges. Aucun des
garçons ne porte de chapeau. Les jeunes filles n’ont pas de vêtements
uniformes : pantalons, jupes et robes. En revanche, aucun d’elle ne porte
de hallebarde ou de signe distinctif, mais leur cocarde est plus
complexe. A la fleur que porte les garçons s’ajoutent deux phylactères
sur lesquels sont écrits « Notre-Dame-des-Anges - Pélasque 1999 » et
au-dessus de la fleur un petit bouquet des boutons artificiels.
Description de
l’offerte : 11 h 40, la messe débute selon le schéma canonique, et le
comité des fêtes n’entre qu’après le Credo, sur le signe de l’officiant.
L’accordéoniste entame la musique traditionnelle de l'offerte. Entre
alors l’abat le plus âgé qui a attaché un lapin blanc vivant par les
pattes arrières au niveau de la fin de la partie métallique de la
hallebarde. Il tient la hallebarde de la main droite et de la main
gauche les oreilles de l’animal, afin que le lapin soit présenté de
manière horizontale. Suivent alors et alternativement une fille et un
garçon, le dernier garçon étant l’abat le plus jeune. Arrivant devant
l’autel et l’officiant qui se tient devant sur les marches du chœur,
l’abat lui présente le lapin et se place devant l’autel de gauche, la
première fille se place devant l’autel de droite et le premier garçon à
gauche, à côté de l’abat.
La musique s’arrête,
l’officiant demande à ce que l’abat mette le lapin dans la sacristie, et
entame un discours dans lequel il demande à Notre-Dame-des-Anges de
veiller sur les fidèles réunis, les malades, les maisons et les champs.
Les reliques : après ce
discours, l’officiant procède à l’adoration des reliques. Les membres du
comité baisent chacun leur tour un reliquaire de cuivre d’environ 0,20 m
de haut contenant une relique de Saint André (qui possède une chapelle
dans le hameau de Pélasque). Vient le tour des fidèles de baiser le
reliquaire. Tout comme l’offerte, ce rite est accompagné de musique, qui
n’est pas la même que celle de l’offerte. Il est notable de voir que
toute l’assemblée (à 90 % environ) se plie au rite des reliques, sous
l’impulsion de l’officiant. Une fois que le comité a terminé, il demande
aux fidèles de venir. Les fidèles se dirigent dans l’allée centrale vers
le prêtre qui tend à la bouche la partie vitrée du reliquaire, prononce
« la paix du christ » et essuie avec un chiffon blanc la vitre
avant de tendre le reliquaire au fidèle suivant. C’est la même
disposition que pour une communion. Sur la droite du fidèle se trouve une
jeune fille avec un plat en cuivre qui récolte des dons en espèces (un
seul billet de 50 francs et de nombreuses pièces de 10 francs) de la part
des fidèles.
La communion et le reste
de la messe s’effectuent normalement selon les rites catholiques
(seulement une dizaine de personnes participent à la communion). A la
fin, le comité demande à tous les participants de sortir de l’église afin
de procéder à la procession.
Il est 12 h 10. L’église
vide, deux hommes ouvrent la porte entièrement.
Quatre jeunes hommes du comité passent deux poutrelles en bois dans le
cadre inférieur de la chaise de procession, dont les extrémités dépassent
du cadre. Elles seront destinées à être appuyées sur les épaules des
porteurs lors de la procession. Le terme employé est bien celui de
porteur, et on demande : « tu veux porter? ».
Le levage de la
chaise est une opération délicate, car en plus des quatre porteurs, trois
autres hommes les conseillent, les soutiennent et les aident
physiquement. Deux porteurs passent derrière la chaise, les deux autres
devant en pliant les genoux pour passer sous les extrémités des
poutrelles et les faire reposer sur leurs épaules. En dépliant leurs
genoux, la chaise se soulève. Mais l’équilibre n’est jamais parfait dans
cette phase et les aides soutiennent et maintiennent la chaise afin
qu’elle ne se renverse pas.
A partir du moment où la
chaise sort de l’église, le sonneur installé au clocher entame un
carillon.
Des tirs de mortiers résonnent et la procession se forme : une jeune
fille du comité portant un petit crucifix de procession en argent, la
chaise et les quatre porteurs, le curé accompagné d’une femme qui tient
le goupillon et le seau, le reste du comité des fêtes, le conseil
municipal et notamment l’adjoint spécial à Pélasque,
et les fidèles.
La procession se dirige
vers un calvaire, et dès que l’on dépasse les murs de l’église
l’accordéon joue l’Ave Maria de Gounod, en même temps que les
cloches, qui s’arrêtent presque aussitôt. Pas de chant durant la
procession, mais des conversations soutenues parmi les fidèles. Arrivée
au calvaire, les cloches reprennent, les mortiers aussi. Le prêtre lit
dans le Recueil des bénédictions les lignes consacrées aux
campagnes, à la vigne et aux maisons et bénit les fidèles et la campagne
en contre-bas. Il termine par un Notre Père et un Je Vous Salue
Marie. Le temps de prise de parole est d’environ neuf minutes. La
musique reprend ainsi que le carillon, et la procession revient sur ses
pas dans le même ordre. A l’arrivée devant l’église, dispersion de la
procession, tir de mortiers, fin de la musique d’accordéon.
Après la dispersion, le comité des fêtes et la
population se rendent dans la cour de l’école, dont le chemin d’accès est
marqué par une décoration de végétaux (pins de 3 m de haut et buis
accrochés sur les poteaux). Sous le préau, un bar est dressé et
l’apéritif se prend au comptoir.
Il est environ 12 h 45.