L’église de
Saint-Martin nous introduit dans l’époque Baroque, qui a fortement
marqué l’ensemble des édifices de la Vésubie et plus largement ceux
du Comté de Nice. Ce bâtiment offre un exemple rare d’homogénéité
architecturale consécutive de sa reconstruction à l’extrême fin du
XVIIème siècle. Dans la continuité de cet art, Saint-Pons de
Lantosque donne à voir un modèle d’un volume exceptionnel et d’une
très grande clarté, due à sa situation séparée de l’habitat,
reprenant le tracé de l’ancien castrum. Saint-Laurent de La Bollène,
tout en reprenant le plan d’un édifice sans doute plus ancien, donne
un exemple d’un bâtiment du XVIIIème siècle, dans une configuration
voulue majestueuse. Saint-Michel de Venanson, enfin, édifice aux
dimensions plus modestes mais au site unique, nous offre un bâtiment
aux multiples reprises, d’une grande richesse imaginative.
Les églises paroissiales de la Vésubie
permettent à l’amateur de
retrouver le long d’un parcours raisonné de visites, l’ensemble des
périodes de constructions, du XIVème au XVIIIème siècle, du Roman –
Gothique au Baroque (et même au XXème siècle avec l’église
paroissiale de Roquebillière Nouveau Village, dans le style unique
de l’entre deux guerre).
Complétant le réseau des églises paroissiales, quelques
sanctuaires
renforcent la présence du sacré dans la Vésubie, en lui donnant un
caractère à la fois plus large, regroupant autour d'eux un ensemble
de communautés, et plus intime, offrant l'image d'une réelle
pratique.
Les deux sites majeurs, Madones des Miracles
à Utelle et de Fenestres à Saint-Martin-Vésubie, font partie de la
trilogie mariale sacrée de l'Ancien Comté de Nice, avec le
sanctuaire royal de Laghet. Installés sur des sites d'exception, ils
accueillent chaque année de multiples processions, capables de
réunir les habitants de plusieurs vallées (Tinée, Valdeblore, Stura...),
rappelant la présence d’anciens territoires aujourd’hui oubliés.
Plus nombreuses (une cinquantaine), les
chapelles sont omniprésentes dans le paysage des villages de la
Vésubie. Elles complètent le visage d’un territoire fortement marqué
par la pratique du sacré, mais également par l’empreinte sociale des
grandes familles
Celles-ci sont
le plus souvent à l’origine de leur création, directement quand il
s’agit d’une chapelle familiale, indirectement quand c’est à la
communauté qu’il faut attribuer la fondation. Le plus souvent
rurales, elles expriment une permanence des cultes agraires et
prophylactiques, protecteurs des dangers compris alors comme
essentiellement spirituels. Saints ruraux et alpins se partagent la
dévotion populaire.
Dans la basse
vallée, d'anciennes églises paroissiales ont été ramenées au rang de
simples chapelles. Elles rappellent néanmoins l'importance de ces
sites d'habitat, qui, avant le XIIIème siècle, ont vraisemblablement
été au cœur de territoires autonomes des communes actuelles. Comme
telles, elles présentent les reliques d'espaces oubliés, qui peuvent
offrir à nos visiteurs un parcours totalement original, à la
recherche des communautés médiévales disparues (castra dirupta).
Rappelant que
le Comté de Nice fut une véritable « frontière du baroquisme » (Vovelle),
chaque village possède sa ou ses chapelles de pénitents, blancs le
plus souvent, quelquefois noirs. Ces édifices, datant tous de
l'époque moderne (généralement du XVIIème siècle), rappellent le
rôle social de ces confréries, chargées d'enterrer les défunts,
d'organiser la solidarité entre les villageois... mais également la
présence de structures sociales claniques dominantes.
Plus discrets
encore, le long des chemins vicinaux, à l'abord des hameaux, existe
un véritable réseau d'oratoires, ou pilons. Ces modestes sanctuaires
sont le plus souvent l'expression d'une dévotion toute particulière, micro-localisée. La Vierge y domine dans ses représentations. Elle
n'a d'ailleurs le plus souvent pour seul attribut que le toponyme
auquel elle se rattache. Ces oratoires offrent aux visiteurs les
plus curieux un accès direct au quotidien, au plus proche des
préoccupations sociales et économiques des anciens habitants des
lieux. Nous ne sommes plus dans la représentation, mais plutôt dans
la socialisation d'un petit espace, dans le thème de
l'identification par le site.
Les calvaires
que l'on découvre aux entrées des villages, le long des principales
routes et accès, offrent une dernière expression d'une certaine
spiritualité, tardive. Ils commémorent plus certainement les visites
pastorales du XIXème siècle, témoins, par leur dénuement, d'une
intériorisation progressive du sentiment religieux. Ils rappellent
l'effort commun réalisé à la fois par les autorités spirituelles
épiscopales pour entretenir la foi dans ces régions éloignées du
Chapitre cathédral, mais également de la volonté des communautés
d'accueillir et de marquer la mémoire de leurs sentiments de
dévotion.